B. FAIRE APPARAÎTRE LES CONSEQUENCES DE L'ACTE PLUS QUE L'INTENTION DE L'AUTEUR

1. La volonté d'une prise de conscience collective

L'article 1er de la proposition de loi insère un nouveau chapitre dans le titre II du livre II du code pénal et qualifie d'« homicide routier » et de « blessures routières » les homicides et atteintes involontaires résultant d'un manquement délibéré à une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. Ces infractions reprennent pour partie celles figurant aux articles 221-6-1, 222-19-1 et 222-20 du code pénal.

Le but des auteurs est symbolique. Il s'agit de mieux prendre en compte le caractère délibéré des comportements constituant les circonstances aggravantes, sans revenir sur le caractère involontaire de l'homicide, dont la dénomination change.

Lors de l'examen en commission, plusieurs circonstances nouvelles ont été ajoutées à la liste des cas de manquement délibéré figurant déjà au sein des articles 221-6-1, 222-19-1 et 222-20 : le délit de fuite avec non-assistance à personne en danger, la consommation volontaire, de façon détournée ou manifestement excessive, de substances psychoactives figurant sur une liste déterminée par décret en Conseil d'État, l'utilisation par le conducteur d'écouteurs ou du téléphone à la main, le refus d'obtempérer et les « rodéos » urbains.

L'Assemblée nationale a également renforcé la répression de l'excès de vitesse en abaissant le dépassement susceptible d'être constitutif d'un homicide routier ou de blessures routières, de 50 à 30 kilomètres-heure.

2. Inscrire cette évolution dans le cadre de celle de la responsabilité pénale

La commission a souscrit à l'évolution proposée, qui correspond à une attente des victimes et des familles. Elle a cependant souhaité que ce changement de dénomination soit l'occasion de prendre acte de l'évolution de la responsabilité pénale depuis trente ans, marquée par la prise en compte des faits fautifs ayant causé l'infraction indépendamment de l'intention de l'auteur. Dans plusieurs cas en effet, la distinction entre faute intentionnelle et faute non intentionnelle (parmi lesquelles figurent les accidents de la route) a pu paraître ne pas permettre une sanction adéquate des auteurs.

La mise en danger de la personne d'autrui, même indépendamment de tout dommage, a ainsi été prise en compte au sein de l'article 121-3 du nouveau code pénal entré en vigueur au 1er mars 1994. C'est ensuite le manquement à une obligation particulière de prudence ou de sécurité qui a été considéré comme constitutif d'une infraction. Enfin, le manquement délibéré à une obligation de prudence ou de sécurité a de même été considéré comme susceptible de constituer un crime ou un délit. Le caractère volontaire de l'acte fautif dont la conséquence a été une atteinte à la vie ou à l'intégrité physique des personnes est ainsi sanctionné avec une sévérité croissante. En matière d'infractions commises par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, les peines ont été portées au maximum de ce qui est possible pour un délit : dix ans de prison en cas de combinaison de circonstances constituant des manquements délibérés.

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-4 tendant à inscrire dans le code pénal deux notions marquant l'aboutissement de la prise en compte des manquements de l'auteur d'une infraction non intentionnelle : les atteintes à la vie par mise en danger et les atteintes à l'intégrité physique ou psychique des personnes par mise en danger. La nouvelle écriture de l'article 1er inscrit dans le code pénal ces infractions générales, qui font apparaître le manquement délibéré à une obligation de prudence ou de sécurité comme une catégorie particulière d'homicide ou d'atteinte à la personne. Elles demeurent cependant non intentionnelles et délictuelles, de sorte que le quantum des peines demeure inchangé.

Ces nouvelles catégories permettent de mieux fonder l'homicide routier et les blessures routières, dont la définition est élargie. Dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, la proposition de loi laisserait en effet demeurer une distinction entre homicide routier et homicide involontaire du fait du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur. Il en serait de même pour les blessures routières qui existeraient conjointement avec les blessures involontaires. Or cette distinction paraît difficilement acceptable pour les familles. La rédaction adoptée par la commission regroupe donc sous la notion d'homicide routier et de blessures routières toutes les atteintes aux personnes commises par un conducteur. Ces infractions sont inscrites dans les différentes parties du code pénal auxquelles elles appartiennent, et non pas dans une section thématique comme le fait le texte issu de l'Assemblée nationale, ce qui est contraire à la logique du code.

La commission des lois a également limité l'énumération des circonstances de manquement délibéré constituant un homicide routier par mise en danger pour ne viser que les facteurs de risque les plus importants. La réinscription des infractions dans les parties appropriées du code a pour sa part permis de ne viser que les circonstances aggravantes en lien direct avec les infractions.

À l'initiative du rapporteur, la commission a également estimé que la prise de conscience qui peut résulter de l'adoption des termes homicide routier et blessures routières ne peut suffire à faire évoluer les comportements dangereux sur la route. Elle a donc adopté l'amendement COM-5 tendant à fixer une peine plancher pour les homicides routiers par mise en danger. Au regard du quantum de peine de seize mois de prison prononcé en moyenne par les juridictions, la peine minimale, à laquelle les magistrats pourront déroger par motivation spéciale, est fixée à deux ans de prison.

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