N° 442

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 mars 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière,

Par M. Francis SZPINER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) :

1751, 2104 et T.A. 234

Sénat :

308 et 443 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Texte présenté de manière transpartisane à l'Assemblée nationale, la proposition de loi créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière, adoptée le 31 janvier 2024, entend répondre aux recommandations de portée législative formulées par le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) réuni en juillet 2023 et principalement à la 10ème : « Créer une qualification d'homicide routier » destinée à « renforcer la valeur symbolique de l'infraction d'homicide dit involontaire commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur et permettre une meilleure acceptation sociale d'une telle qualification ».

Composé de deux articles lors de son dépôt, la proposition de loi en comporte désormais onze. Au-delà de la création de l'homicide routier, ces nouveaux articles tendent à renforcer la sanction des comportements les plus dangereux.

Si la commission a souscrit à l'objectif du texte, elle a souhaité aller au bout de la logique de la proposition de loi, en consacrant dans le code une nouvelle forme d'homicide et d'atteinte à l'intégrité physique aux personnes susceptible de fonder les notions d'homicide routier et de blessures routières en les insérant dans la structure actuelle du code pénal. Suivant cette démarche constructive, la commission a adopté la proposition de loi, modifiée par 6 amendements de son rapporteur.

I. MIEUX PRENDRE EN COMPTE LES VICTIMES ET LEURS FAMILLES CONFRONTEES AUX CONSEQUENCES DES VIOLENCES ROUTIERES

A. LA SECURITE ROUTIERE DEMEURE UN ENJEU MAJEUR DES POLITIQUES PUBLIQUES 

L'impact des accidents de la circulation sur la société peut se mesurer à l'aune de la législation spécifique dont ils font l'objet. La sécurité routière dispose d'un code spécifique créé il y a plus de cent ans1(*) et le régime d'engagement de la responsabilité civile de l'auteur des dommages est particulièrement développé. Depuis 1951, un fonds2(*) a été mis en place pour l'indemnisation des victimes en cas d'absence d'assurance de l'auteur des faits ou si celui-ci est inconnu ; la loi du 5 juillet 19853(*) a conçu un régime destiné à faciliter l'engagement de la responsabilité civile par un mécanisme d'assurance et d'indemnisation permettant la compensation rapide et complète des victimes. Parallèlement, le code pénal comporte des infractions spécifiques lorsque l'auteur est le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur.

L'État est historiquement attaché à la question de la sécurité de la circulation. La création d'une délégation interministérielle en charge de la sécurité routière date de 1982 et tant la prévention que la prise en charge des accidents de la route sont des missions essentielles du quotidien des forces de police et de gendarmerie. L'analyse des accidents de la route et de leur cause est confiée à des organismes dédiés, comme l'observatoire de la sécurité routière qui publie des statistiques annuelles abondamment reprises et commentées. La baisse de la mortalité sur les routes est un objectif constant des politiques publiques, objet de mesures de prévention réglementaires - comme l'obligation d'obtenir un permis de conduire - et technologiques - comme l'obligation d'équipement des véhicules en ceintures de sécurité. De nombreuses campagnes de sécurité routière visent chaque année les périodes de grands départs et les déplacements du quotidien.

Malgré cette implication ancienne de l'État, le nombre de morts sur la route demeure élevé ; 3 267 vies ont été perdues en 2022. De l'après-guerre à nos jours, l'observatoire national interministériel de la sécurité routière estime qu'environ 700 000 personnes ont été tuées sur les routes de France. La sensibilité de l'opinion publique aux drames de la route est d'ailleurs particulièrement forte. Chaque mort est évitable et la faute de l'auteur de l'accident ayant entrainé la mort paraît d'autant plus inacceptable.

C'est suite à un drame récent ayant entrainé la mort de plusieurs membres d'une famille et la perte d'un foetus que le Gouvernement a souhaité faire droit à une revendication portée par les associations de victimes : la disparition de la mention du caractère involontaire de l'homicide causé par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur et son remplacement par la notion d'homicide routier. Cette préconisation figure donc parmi celles du Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) réuni en juillet 2023.

C'est de cette préconisation qu'est issue la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale.

B. FAIRE APPARAÎTRE LES CONSEQUENCES DE L'ACTE PLUS QUE L'INTENTION DE L'AUTEUR

1. La volonté d'une prise de conscience collective

L'article 1er de la proposition de loi insère un nouveau chapitre dans le titre II du livre II du code pénal et qualifie d'« homicide routier » et de « blessures routières » les homicides et atteintes involontaires résultant d'un manquement délibéré à une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. Ces infractions reprennent pour partie celles figurant aux articles 221-6-1, 222-19-1 et 222-20 du code pénal.

Le but des auteurs est symbolique. Il s'agit de mieux prendre en compte le caractère délibéré des comportements constituant les circonstances aggravantes, sans revenir sur le caractère involontaire de l'homicide, dont la dénomination change.

Lors de l'examen en commission, plusieurs circonstances nouvelles ont été ajoutées à la liste des cas de manquement délibéré figurant déjà au sein des articles 221-6-1, 222-19-1 et 222-20 : le délit de fuite avec non-assistance à personne en danger, la consommation volontaire, de façon détournée ou manifestement excessive, de substances psychoactives figurant sur une liste déterminée par décret en Conseil d'État, l'utilisation par le conducteur d'écouteurs ou du téléphone à la main, le refus d'obtempérer et les « rodéos » urbains.

L'Assemblée nationale a également renforcé la répression de l'excès de vitesse en abaissant le dépassement susceptible d'être constitutif d'un homicide routier ou de blessures routières, de 50 à 30 kilomètres-heure.

2. Inscrire cette évolution dans le cadre de celle de la responsabilité pénale

La commission a souscrit à l'évolution proposée, qui correspond à une attente des victimes et des familles. Elle a cependant souhaité que ce changement de dénomination soit l'occasion de prendre acte de l'évolution de la responsabilité pénale depuis trente ans, marquée par la prise en compte des faits fautifs ayant causé l'infraction indépendamment de l'intention de l'auteur. Dans plusieurs cas en effet, la distinction entre faute intentionnelle et faute non intentionnelle (parmi lesquelles figurent les accidents de la route) a pu paraître ne pas permettre une sanction adéquate des auteurs.

La mise en danger de la personne d'autrui, même indépendamment de tout dommage, a ainsi été prise en compte au sein de l'article 121-3 du nouveau code pénal entré en vigueur au 1er mars 1994. C'est ensuite le manquement à une obligation particulière de prudence ou de sécurité qui a été considéré comme constitutif d'une infraction. Enfin, le manquement délibéré à une obligation de prudence ou de sécurité a de même été considéré comme susceptible de constituer un crime ou un délit. Le caractère volontaire de l'acte fautif dont la conséquence a été une atteinte à la vie ou à l'intégrité physique des personnes est ainsi sanctionné avec une sévérité croissante. En matière d'infractions commises par le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, les peines ont été portées au maximum de ce qui est possible pour un délit : dix ans de prison en cas de combinaison de circonstances constituant des manquements délibérés.

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-4 tendant à inscrire dans le code pénal deux notions marquant l'aboutissement de la prise en compte des manquements de l'auteur d'une infraction non intentionnelle : les atteintes à la vie par mise en danger et les atteintes à l'intégrité physique ou psychique des personnes par mise en danger. La nouvelle écriture de l'article 1er inscrit dans le code pénal ces infractions générales, qui font apparaître le manquement délibéré à une obligation de prudence ou de sécurité comme une catégorie particulière d'homicide ou d'atteinte à la personne. Elles demeurent cependant non intentionnelles et délictuelles, de sorte que le quantum des peines demeure inchangé.

Ces nouvelles catégories permettent de mieux fonder l'homicide routier et les blessures routières, dont la définition est élargie. Dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, la proposition de loi laisserait en effet demeurer une distinction entre homicide routier et homicide involontaire du fait du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur. Il en serait de même pour les blessures routières qui existeraient conjointement avec les blessures involontaires. Or cette distinction paraît difficilement acceptable pour les familles. La rédaction adoptée par la commission regroupe donc sous la notion d'homicide routier et de blessures routières toutes les atteintes aux personnes commises par un conducteur. Ces infractions sont inscrites dans les différentes parties du code pénal auxquelles elles appartiennent, et non pas dans une section thématique comme le fait le texte issu de l'Assemblée nationale, ce qui est contraire à la logique du code.

La commission des lois a également limité l'énumération des circonstances de manquement délibéré constituant un homicide routier par mise en danger pour ne viser que les facteurs de risque les plus importants. La réinscription des infractions dans les parties appropriées du code a pour sa part permis de ne viser que les circonstances aggravantes en lien direct avec les infractions.

À l'initiative du rapporteur, la commission a également estimé que la prise de conscience qui peut résulter de l'adoption des termes homicide routier et blessures routières ne peut suffire à faire évoluer les comportements dangereux sur la route. Elle a donc adopté l'amendement COM-5 tendant à fixer une peine plancher pour les homicides routiers par mise en danger. Au regard du quantum de peine de seize mois de prison prononcé en moyenne par les juridictions, la peine minimale, à laquelle les magistrats pourront déroger par motivation spéciale, est fixée à deux ans de prison.

II. UNE AGGRAVATION PROGRESSIVE DES SANCTIONS, UN ÉLARGISSEMENT DES CIRCONSTANCES

Plusieurs articles additionnels ont été adoptés à l'occasion de l'examen en commission à l'Assemblée nationale afin de renforcer les sanctions prévues pour certains comportements dangereux.

L'article 1er bis tend à élargir la liste des délits pouvant être considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction, afin de réprimer plus sévèrement la conduite sans permis et le refus de se soumettre à un dépistage d'un état alcoolique ou de l'usage de stupéfiants.

L'article 1er ter tend à prévoir qu'en cas d'atteintes volontaires, la durée de la suspension et de l'annulation pouvant être prononcées par le juge à titre de peine complémentaire est de dix ans au plus. La commission a adopté l'article COM-6 du rapporteur tendant à ce que la suspension du permis ne puisse être prononcée que pour une durée maximale de cinq ans, considérant qu'au-delà de cette durée l'annulation de permis avec obligation d'un nouvel examen est plus adaptée.

L'article 1er quater tend à créer un module spécifique de lutte contre la récidive en matière de violence routière. La commission a adopté l'amendement COM-7 du rapporteur pour supprimer cet article qui relève du pouvoir règlementaire.

L'article 1er quinquies tend à transformer en délit la contravention de cinquième classe sanctionnant le fait, pour tout conducteur d'un véhicule à moteur, de dépasser de 50 km/h ou plus la vitesse maximale.

L'article 1er sexies tend à prévoir l'obligation pour le préfet de suspendre le permis de conduire de l'auteur d'une infraction routière particulièrement dangereuse.

L'article 1er septies tend à accroître les peines encourues en cas de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, de conduite après usage de stupéfiants et de conduite sous l'empire d'un état alcoolique et après usage de stupéfiants.

L'article 1er octies tend à systématiser l'immobilisation et la mise en fourrière, à titre provisoire, du véhicule ayant servi à commettre l'infraction en cas de conduite après usage de stupéfiants aggravée par un état alcoolique.

L'article 3 prévoit l'obligation d'un examen médical pour tout conducteur impliqué dans un accident de la route ayant causé un homicide routier ou des blessures routières avec une ITT supérieure à trois mois. La commission a adopté l'amendement COM-9 du rapporteur pour supprimer cet article qui relève du pouvoir règlementaire.

L'article 2 procède à des coordinations (modifiées par l'amendement COM-8) et l'article 4 concerne l'application de la proposition de loi dans les outre-mer.

III. MIEUX ACCOMPAGNER LES FAMILLES ET LES VICTIMES

La commission relève que le droit de la responsabilité en matière d'accident de la route est essentiellement tourné vers l'engagement de la responsabilité civile. L'engagement de la responsabilité pénale demeure en pratique particulièrement complexe au point d'inciter certains avocats à décourager les familles de suivre cette voie. Les délais de jugement, comme pour l'ensemble des affaires pénales, découragent également les parties civiles.

Les associations de familles de victimes dénoncent régulièrement l'insuffisance de l'accompagnement dont elles peuvent bénéficier. Relevant ce fait, le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) de juillet 2023 propose de « mettre en place un dispositif d'accompagnement des victimes dans les départements » (Mesure 8) fondé sur les comités locaux d'aide aux victimes.

Si ces mesures peuvent être utiles, la commission a souscrit au constat du rapporteur selon lequel elles sont sans doute insuffisantes. Elle a donc souscrit au souhait du rapporteur de demander une prise en charge plus adaptée des familles dans le cadre du procès pénal.

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Création des infractions d'homicide et blessures routiers

L'article 1er crée au sein au sein du titre II du code pénal relatif aux atteintes à la personne humaine un nouveau chapitre regroupant les atteintes du fait du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, désormais dénommées homicide routier et blessures routières.

Il reprend sous ces nouvelles dénominations l'homicide involontaire aggravé et les atteintes involontaires aggravées à l'intégrité des personnes causés par un conducteur. Il préserve tant leur caractérisation que les peines encourues.

Il énumère également les éléments spécifiques susceptibles de constituer ces infractions, complétés par rapport au droit existant.

La commission a adopté cet article en :

- spécifiant que l'homicide et les blessures du fait d'une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement constituent respectivement un homicide par mise en danger et des blessures par mise en danger ;

- élargissant les notions d'homicide routier et de blessures routières pour inclure tous les cas où une vie a été perdue ou des blessures causées par le fait d'un conducteur ;

- modifiant l'insertion des dispositions proposées dans le code pénal afin de respecter les distinctions existantes entre les atteintes à la vie et les atteintes à l'intégrité physique ;

- adaptant les éléments constitutifs de l'infraction à l'état des technologies en matière de contrôle et de prudence.

1. Mieux prendre en compte la perception des drames de la route par les victimes et leurs familles

L'article 1er du projet de loi répond à l'orientation donnée par Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) réuni en juillet 2023, destinée, à la suite de plusieurs drames ayant choqué l'opinion publique, à apporter des réponses aux demandes des associations de victimes d'accidents de la route.

La 10ème recommandation de ce comité réuni par l'ancienne Première ministre Élisabeth Borne est rédigée en ces termes : « Créer une qualification d'homicide routier » avec pour objectif de « renforcer la valeur symbolique de l'infraction d'homicide dit involontaire commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur et permettre une meilleure acceptation sociale d'une telle qualification ». Tel est l'objet de l'article 1er.

a) Faire apparaître, sans atténuation, l'impact des infractions commises

Plusieurs évolutions récentes du droit pénal résultent de la difficulté, semble-t-il accrue, pour l'opinion publique à admettre ce qui peut être perçu comme une atténuation de la responsabilité de l'auteur d'une infraction. La loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a ainsi créé une infraction réprimant les atteintes à la vie du fait d'une intoxication volontaire4(*), car la reconnaissance par la justice de l'irresponsabilité pénale de l'auteur de tels actes semble aujourd'hui insupportable. Le législateur a cherché à répondre à la demande de sanction sans porter atteinte aux principes du droit pénal en matière de responsabilité : la nouvelle infraction tend donc à permettre une réponse pénale dans le cas où l'état mental de l'auteur d'un homicide résulte de sa propre volonté. Elle permet de saisir les faits condamnables sans porter atteinte au principe de l'irresponsabilité pénale au moment des faits.

De manière analogue, les rapporteurs de l'Assemblée nationale notent que « la terminologie d'homicide involontaire est insupportable pour les familles des victimes. Pour reprendre les termes de M. Yannick Alléno, président de l'association Antoine Alléno, cette terminologie est même « insupportable, injuste et injustifiée ». » Le texte adopté par l'Assemblée nationale entend donc apporter une réponse aux familles sans modifier les fondements de la responsabilité en droit pénal ni l'échelle des peines.

1.1. Effacer le caractère involontaire des infractions commises

Les terminologies d'homicide routier et de blessures routières inscrites dans le code pénal par l'article 1er visent les cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. C'est-à-dire les circonstances dans lesquelles, même s'il n'y a pas eu de volonté de tuer ou de blesser, l'auteur des faits s'est délibérément placé dans une situation dont il savait qu'elle pouvait conduire à ces drames.

Alors que le code pénal distingue traditionnellement entre les infractions volontaires et les infractions involontaires, le caractère volontaire de l'état dans lequel s'est mis le conducteur du véhicule rend inaudible pour les victimes et les familles l'application abstraite des catégories du droit.

L'article 1er tend donc à identifier les cas qui, relevant des catégories d'homicide ou de blessures involontaires, impliquent un niveau de responsabilité individuelle tel que l'absence de volonté de l'auteur de commettre l'infraction disparaît derrière les conséquences de ces actes.

À cette fin il supprime dans les articles 221-6-1, 222-19-1 et 222-20-1 du code pénal, visant respectivement les homicides et les blessures ayant entrainé une incapacité totale de travail (ITT) supérieure ou inférieure à trois mois causés par un conducteur, les alinéas relatifs à l'aggravation de peines encourue en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

Ces alinéas sont repris dans quatre nouveaux articles du code.

L'article 222-18 nouveau vise l'homicide routier, défini comme le fait d'avoir causé la mort d'autrui sans intention de la donner mais en ayant violé de manière manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement. La notion d'intention ainsi que le renvoi à l'article 121-3 du code pénal qui fonde l'infraction sur la volonté marquent que l'homicide routier demeure, du point de vue des catégories du droit, comme une infraction involontaire. Mais, contrairement au premier alinéa de l'article 221-6-1, cette notion n'apparaît plus.

L'article 222-18 énumère également une série de circonstances dont chacune est susceptible d'entrainer la qualification d'homicide routier. Cette énumération est elle aussi issue de l'article 221-6-1 du code pénal actuel. Elle a cependant été complétée.

Enfin, ainsi que le prévoit l'article 221-6-1, le cumul de deux circonstances entraine une aggravation des peines encourues à dix ans de prison et 150 000 euros d'amende.

L'article 222-19 reprend la même structure pour qualifier et réprimer les blessures routières ayant entrainé une incapacité totale de travail supérieure à trois mois.

L'article 222-20 procède de même pour qualifier et réprimer les blessures routières ayant entrainé une incapacité totale de travail inférieure à trois mois.

L'article 222-21 vise pour sa part les circonstances aggravantes applicables aux infractions d'homicide et de blessure routiers.

1.2. Créer un chapitre dédié aux violences routières dans le code pénal

Ces nouveaux articles prennent place au sein d'un chapitre consacré aux « homicides et blessures routiers ». Cette insertion modifierait l'esprit de la structure du code pénal, qui catégorise les infractions selon le type d'atteinte qu'elles portent aux personnes ou aux biens, et non selon les circonstances.

Les infractions en matière routière sont aussi actuellement réparties dans le code pénal au sein de différents chapitres, selon qu'elles constituent une atteinte à la vie ou une atteinte à l'intégrité physique des personnes. Cette répartition est commune à l'ensemble des politiques publiques ayant une dimension pénale. Il en est ainsi pour les atteintes à la vie et pour les atteintes à l'intégrité physique des personnes commises par un chien, qui ont été conçues sur le modèle de la responsabilité du fait de la conduite d'un véhicule, ou pour les violences intra-familiales.

Cette restructuration du code est animée par le double souhait de visibilité des mesures liées à la sécurité routière, qui rejoint la dimension symbolique et de ce texte, et de lisibilité. Elle permet de fait de lier les peines complémentaires susceptibles d'être imposées à l'ensemble des infractions en matière routière et de renforcer, dans les textes, la cohérence entre peines complémentaires et peines principales, qui incombe en pratique au juge.

b) Conserver l'échelle des peines actuelles

L'homicide routier, de même que les blessures routières, demeure un délit. Le quantum de peine de prison encouru ne peut donc être supérieur à dix ans. Le maintien de cette distinction avec l'homicide volontaire fait partie de l'équilibre du texte tel que présenté par ses auteurs. L'Assemblée nationale a cependant souhaité compléter les circonstances de ces infractions.

1.1. Le maintien des peines délictuelles actuellement prévues

Le quantum des peines prévues demeure celui actuellement fixé pour les infractions que l'article 1er renomme homicide routier et blessures routières.

L'homicide routier est puni, comme l'est actuellement le manquement délibéré à une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement par un conducteur à l'article 221-6-1, de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende.

Quand deux circonstances aggravantes ou plus sont réunies, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.

Les blessures routières ayant entrainé une ITT de plus de trois mois sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, et lorsque deux ou plusieurs des circonstances prévues par l'article 221-19 sont présentes, la peine est portée à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende. Ces peines sont celles prévues dans les mêmes conditions par l'article 222-19-1 actuel.

Enfin l'article 222-20 reprend les peines prévues par l'article 222-20-1 actuel s'agissant des atteintes aux personnes ayant entrainé une ITT de moins de trois mois.

1.2 Compléter les circonstances aggravantes

Si les peines ont été maintenues, les circonstances susceptibles de constituer un homicide routier ont été complétées par rapport au droit existant.

Ces circonstances sont les suivantes :

- le délit de fuite avec non-assistance à personne en danger ;

- la consommation volontaire, de façon détournée ou manifestement excessive, de substances psychoactives figurant sur une liste déterminée par décret en Conseil d'État ;

- l'utilisation par le conducteur d'écouteurs ou du téléphone à la main ;

- le refus d'obtempérer ;

- les « rodéos » urbains.

On peut noter que certaines de ces circonstances sont préalables à l'homicide ou aux blessures, ainsi en est-il du rodéo, du refus d'obtempérer, de l'utilisation du téléphone ou des écouteurs ou de la consommation de substances psychoactives. Le lien de causalité entre la circonstance prévue et l'atteinte aux personnes devra être établi, ce qui pourra être difficile si la causalité est distante dans le temps. À l'inverse, le délit de fuite avec non-assistance à personne en danger est postérieur à l'homicide ou aux blessures.

L'Assemblée nationale a également rendu plus stricte la circonstance de dépassement de la vitesse maximale autorisée, en abaissant le seuil de dépassement de 50 kilomètres à l'heure à 30 kilomètres à l'heure.

Ces nouvelles circonstances sont également prévues pour les violences routières, à l'exception du refus d'obtempérer, supprimé en séance pour les blessures ayant entrainé une ITT de moins de trois mois.

2. La position de la commission : consacrer la nouvelle forme de responsabilité résultant des évolutions du code pénal, mieux inscrire l'homicide et les blessures routières dans la structure actuelle

La commission des lois approuve la volonté de créer l'homicide routier et les blessures routières, car ce choix paraît cohérent au regard des évolutions de la société et des attentes des familles, mais aussi à l'évolution du droit pénal.

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-4 tendant à réécrire de l'article 1er afin de compléter le dispositif proposé mais aussi de préserver son insertion dans la logique du code pénal.

a) Reconnaître dans le code pénal une nouvelle forme d'atteinte aux personnes par mise en danger

Il apparait important à la commission tout d'abord d'aller au bout de la logique qui a marqué l'évolution du droit de la responsabilité pénale depuis trente ans. Le principe posé à l'article 121-3 du code pénal selon lequel il n'y a pas point de crime ou de délit sans intention de le commettre a été complété pour prendre en compte des situations dans lesquelles si l'acte lui-même n'était pas voulu, les conditions qui l'ont rendu possible résultent des actions délibérées de l'auteur.

La mise en danger de la personne d'autrui, même indépendamment de tout dommage, a ainsi été prise en compte au sein de l'article 121-3 du nouveau code pénal entré en vigueur au 1er mars 1994. C'est ensuite le manquement à une obligation particulière de prudence ou de sécurité5(*) qui a pu constituer une infraction. Enfin, le manquement délibéré à une obligation de prudence ou de sécurité a pu constituer un crime ou un délit6(*).

La meilleure prise en compte des victimes et de leurs familles n'émerge pas seulement de l'émotion liée à un drame, mais s'inscrit dans l'approfondissement du droit pénal depuis trente ans.

La commission consacre donc, au-delà de l'homicide et des blessures routières une nouvelle forme d'atteinte à la personne humaine, par mise en danger. À cette fin, la rédaction adoptée insère dans le chapitre du code pénal relatif aux atteintes à la vie des personnes une nouvelle section relative à l'homicide par mise en danger, et dans le chapitre relatif aux atteintes à l'intégrité physique ou psychique des personnes une section relative aux atteintes à l'intégrité de la personne par mise en danger.

Dans les deux cas, la définition de ces infractions reprend celle de la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ayant conduit respectivement à un homicide et à des blessures, ainsi que le quantum de peines afférent.

Ces nouvelles catégories permettent de fonder l'homicide routier par mise en danger et les blessures routières par mise en danger, qui correspondent aux catégories initialement proposées par le projet de loi.

b) Inclure dans le champ de l'homicide et des blessures routières toutes les atteintes aux personnes du fait d'un conducteur

La rédaction adoptée par la commission élargit les notions d'homicide routier et de blessures routières pour y inclure tous les cas où des morts ou blessures sont survenues par le fait d'une personne. Il fait donc entrer dans le champ de la proposition de loi les homicides et blessures involontaires, qui seraient demeurés en l'état en application du texte proposé par l'Assemblée nationale, qui maintient pour partie les articles 221-6-1, 222-19-1 et 222-20-1 du code pénal relatifs aux homicides et blessures involontaires causés par un conducteur.

La rédaction transmise au Sénat, qui aboutirait à établir une distinction entre homicide routier et homicide involontaire du fait d'un accident de la route, paraît en effet difficile à justifier, notamment pour les familles des victimes.

Par ailleurs, la rédaction de la commission revient sur plusieurs des circonstances ajoutées par l'Assemblée nationale et écarte celle liée à l'usage du téléphone ou à la consommation de substance psychoactive qui, en l'état, ne semblent pas pouvoir être établies avec certitude. Elle précise également que le refus d'obtempérer devra avoir été délibéré et ne pourra résulter d'une simple erreur.

Enfin la rédaction proposée ne conserve que les peines complémentaires spécifiques aux homicides et blessures routiers et renvoie au juge la responsabilité de déterminer au cas par cas si celles qui sont susceptibles en l'état du droit de s'appliquer à toutes les atteintes aux personnes doivent également s'appliquer.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 1er bis
Assimilation, au regard de la récidive, de plusieurs infractions relatives notamment aux restrictions du droit de conduire et au refus de se soumettre aux opérations de dépistage d'un état alcoolique ou de l'usage de stupéfiants

L'article 1er bis est issu d'un amendement des rapporteurs adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Il tend à élargir la liste des délits pouvant être considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction afin de réprimer plus sévèrement la conduite sans permis et le refus de se soumettre à un dépistage d'un état alcoolique ou de l'usage de stupéfiants.

La commission a adopté cet article sans modification

1. Faciliter la répression des comportements les plus dangereux en assimilant plusieurs infractions routières au regard de la récidive

L'article 1er bis tend à modifier le deuxième alinéa de l'article 132-16-2 du code pénal qui assimile plusieurs infractions au code de la route au regard de la récidive.

Il ajoute à la liste préexistante cinq délits sanctionnés par le code de la route :

- le fait de refuser de se soumettre à l'injonction de remettre son permis de conduire au préfet de son département de résidence en cas de retrait de la totalité des points (article L. 223-5) ;

- le fait pour toute personne, malgré la notification qui lui aura été faite d'une décision prononçant à son encontre la suspension, la rétention, l'annulation ou l'interdiction d'obtenir la délivrance du permis de conduire, de conduire un véhicule à moteur pour la conduite duquel une telle pièce est nécessaire (article L. 224-16) ;

- le fait, pour toute personne ayant reçu la notification d'une décision prononçant à son encontre la suspension ou l'annulation du permis de conduire, de refuser de restituer le permis suspendu ou annulé à l'agent de l'autorité chargé de l'exécution de cette décision (article L. 224-17) ;

- le fait pour toute personne, pendant la période pour laquelle une décision de rétention du permis de conduire a été prise par les officiers et agents de police judiciaire, de refuser de restituer le permis de conduire (article L. 224-17) ;

- le fait de refuser de se soumettre aux opérations de dépistage d'un état alcoolique (article L. 234-8) ;

- le fait de contrevenir à l'interdiction de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé par un professionnel agréé ou par la construction d'un dispositif homologué d'antidémarrage par éthylotest électronique (article L. 234-16) ;

- le fait de refuser de se soumettre aux opérations de dépistage de l'usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants (article L. 235-3).

Il ajoute aussi trois infractions prévues par l'article 434-41 du code pénal :

- la violation des obligations ou interdictions résultant des peines complémentaires prononcées par le juge, comme la suspension, l'annulation du permis de conduire ou l'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur ;

- le fait de détruire, détourner ou tenter de détruire ou de détourner un véhicule immobilisé ou un véhicule, une arme, tout autre bien, corporel ou incorporel, ou un animal confisqué ;

- le fait, par une personne recevant la notification d'une décision prononçant à son égard, en application des articles précités, la suspension ou l'annulation du permis de conduire, le retrait du permis de chasser ou la confiscation d'un véhicule, d'une arme, de tout autre bien corporel ou incorporel ou d'un animal, de refuser de remettre le permis suspendu, annulé ou retiré, le bien ou l'animal confisqué à l'agent de l'autorité chargé de l'exécution de cette décision.

2. La position de la commission : une disposition utile dans la lutte contre les comportements les plus dangereux

La commission s'interroge sur l'inclusion dans la liste des infractions assimilables au titre de la récidive de l'article 434-41 du code pénal dans son intégralité, et non seulement pour ce qui concerne les infractions relatives au permis de conduire et à la conduite d'un véhicule. Celle-ci pourrait en effet conduire à assimiler des infractions sans lien avec la lutte contre les violences routières.

Elle estime néanmoins utile de compléter la liste des infractions assimilables afin de mieux lutter contre les comportements dangereux.

La commission a adopté l'article 1er bis sans modification.

Article 1er ter A (nouveau)
Peine plancher de deux ans de prison pour les homicides routiers par mise en danger

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement créant un article additionnel afin de prévoir une peine minimale obligatoire de deux ans de prison dans les cas d'homicide routier par mise en danger.

La commission a adopté cet article ainsi rédigé.

L'article 1er bis A est issu de l'amendement COM-5 du rapporteur adopté par la commission. Il tend à prévoir le prononcé d'une peine minimale de deux ans de prison pour les homicides routiers par mise en danger.

Il marque la volonté d'agir sur le prononcé des peines et de conduire le juge à se poser systématiquement la question de l'incarcération. À cette fin, il rétablit l'article 132-19-1 du code pénal, qui visait les peines planchers en matière délictuelle.

Toutefois, conformément au principe constitutionnel de l'individualisation de la peine, l'article 1er bis A permet au juge de prendre en compte les circonstances de l'affaire et de déroger au seuil fixé. Il doit alors se prononcer par une décision spécialement motivée.

Ainsi que le prévoyait le régime initial des peines planchers, la dérogation ne sera pas possible en cas de récidive légale.

La commission a adopté l'article 1er ter A ainsi rédigé.

Article 1er ter
Allongement de la durée maximale de l'annulation ou de la suspension du permis de conduire encourues en tant que peines complémentaires pour les atteintes volontaires

L'article issu d'un amendement des rapporteurs adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale tend à prévoir qu'en cas d'atteintes volontaires, la durée de la suspension et de l'annulation du permis de conduire pouvant être prononcée par le juge au titre de peine complémentaire est de dix ans au plus.

La commission a adopté cet article en prévoyant qu'au-delà de cinq ans, seule l'annulation du permis de conduire pourra être prononcée.

1. Unifier et augmenter les peines complémentaires d'annulation ou de suspension du permis de conduire

Parmi les différentes peines complémentaires prévues par l'article 222-44 du code pénal en cas d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique des personnes, le juge peut prononcer la suspension ou l'annulation du permis de conduire.

Le 3° de l'article prévoit que cette suspension ou annulation peut être prononcée pour une durée de cinq ans au plus. En revanche, en cas d'homicide involontaire ou d'atteinte involontaire ayant entraîné une ITT, commis par un conducteur avec une ou plusieurs circonstances aggravantes telles que prévues par les articles 222-19-1 et 222-20-1, la suspension peut être prononcée pour une durée de dix ans au plus.

Hors circonstances aggravantes, un auteur d'atteintes volontaires ou involontaires à l'intégrité de la personne encourt donc la même durée de suspension ou d'annulation du permis de conduire. Mais ainsi que le notent les rapporteurs de l'Assemblée nationale : « En cas de circonstances aggravantes, un conducteur auteur d'une atteinte involontaire ayant entraîné une ITT encourt même une durée de suspension ou d'annulation de permis plus longue qu'un conducteur auteur d'une atteinte volontaire ».

La nouvelle rédaction des 3° et 4° de l'article 222-44 tend à aligner la durée des peines complémentaires de retrait ou d'annulation du permis de conduire dans les cas d'homicide volontaire et d'homicide ou de blessures involontaires aggravés. Il fixe cette durée à dix ans.

Les durées de suspension ou d'annulation du permis de conduire encourues du fait de l'article 1er ter seraient les suivantes :

- 5 ans au plus pour un homicide ou une atteinte involontaire (quelle que soit la durée de l'ITT engendrée) ;

- 10 ans au plus pour une atteinte volontaire (quelles que soient les ITT) ;

- 10 ans au plus pour un homicide involontaire ou des blessures involontaires aggravés.

2. La position de la commission : mettre fin à une incohérence dans l'échelle des peines complémentaires

La commission des lois a approuvé l'objectif de rétablir la cohérence entre la gravité de l'infraction et le quantum de peines encourues. Elle a cependant adopté l'amendement COM-6 du rapporteur afin de prévoir que pour les atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes, seule l'annulation du permis de conduire sera possible. Il paraît en effet difficile de suspendre le permis de conduire d'un conducteur pendant plus de cinq ans sans l'obliger à passer à nouveau les épreuves de conduites.

La commission a adopté l'article 1er ter ainsi modifié.

Article 1er quater (supprimé)
Prévention de la récidive des violences routières et des conduites addictives dans le cadre du parcours de réinsertion des personnes détenues condamnées en raison d'un homicide ou de blessures routiers

L'article 1er quater issu d'un amendement des rapporteurs adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale tend à créer un module spécifique de lutte contre la récidive en matière de violence routière.

La commission a supprimé cet article qui relève du domaine règlementaire.

1. Renforcer l'action des services pénitentiaires d'insertion et de probation dans la lutte contre la récidive en matière routière

Issu d'un amendement des rapporteurs, l'article 1er quater inséré par l'Assemblée nationale entend prévoir à la suite des missions du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) définies à l'article L. 421-1 du code pénitentiaire un article L. 421-2 précisant que, lorsqu'une personne détenue a été condamnée pour un homicide routier ou des blessures routières, le SPIP met en place un module visant à prévenir le risque spécifique de récidive des violences routières et, le cas échéant, un module sur l'addiction aux substances psychotropes.

2. La position de la commission : une disposition n'entrant pas dans le domaine de la loi

Bien qu'elle comprenne la volonté exprimée par cet article, la commission a estimé que l'organisation des modules par les SPIP relève du domaine règlementaire.

Elle a en conséquence adopté l'amendement COM-7 de suppression de cet article présenté par le rapporteur.

La commission a supprimé l'article 1er quater.

Article 1er quinquies
Délictualisation de l'infraction de dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 km/h

L'article 1er quinquies issu d'un amendement des rapporteurs adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale tend à transformer en délit la contravention de cinquième classe sanctionnant le fait, pour tout conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, de dépasser de 50 km/h ou plus la vitesse maximale.

La commission a adopté cet article sans modification

1. Réprimer plus sévèrement les excès de vitesse

L'article L. 413-1 du code de la route dispose que « tout conducteur d'un véhicule à moteur qui, déjà condamné définitivement pour un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 km/h, commet la même infraction en état de récidive » encourt une peine de trois mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Il s'agit d'une application particulière du principe général posé par l'article 132-11 du code, selon lequel la récidive d'une contravention de cinquième classe est plus sévèrement réprimée et peut constituer un délit.

En effet, l'excès de vitesse de 50 km/h ou plus au-delà du maximum autorisé est puni d'une contravention de cinquième classe en application de l'article R. 413-14-1 du code de la route.

L'article 1er de la proposition de loi renforce la pénalisation de l'excès de vitesse, qui devient constitutif d'un homicide routier dès qu'il atteint 30 km/h au-dessus de la vitesse maximale autorisée. Au regard de ce renforcement, l'article 1er quater entend faire de la première infraction d'excès de vitesse, et non seulement de sa récidive, un délit.

Pour cela, il modifie le I de l'article L. 413-1 du code de la route et adapte en outre la peine complémentaire de confiscation du véhicule, afin de prévoir que la confiscation n'est obligatoire qu'en cas de récidive. Il complète en outre les peines complémentaires encourues, pour permettre au juge de prononcer l'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus.

L'article rend également cette infraction éligible à la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD), le montant prévu était de 300 euros. Le montant de l'amende forfaitaire minorée est de 250 euros et le montant de l'amende forfaitaire majorée est de 600 euros.

L'article procède également à une coordination à l'article L. 121-6 du code de la route. Par ailleurs, le II prévoit une entrée en vigueur différée de ces dispositions, pour permettre l'adaptation technique de la chaîne de traitement de ces infractions. Cette entrée en vigueur interviendra au plus tard le 31 décembre 2025.

2. La position de la commission

La commission des lois a approuvé cet article qui participe de la logique de renforcement de la répression des comportements les plus dangereux sur la route.

La commission a adopté l'article 1er quinquies sans modification.

Article 1er sexies
Systématisation de la suspension par le préfet du permis de conduire en cas de conduite sous l'emprise de l'alcool ou après usage de stupéfiants et allongement de la durée de suspension encourue pour les professionnels chargés du transport de personnes

L'article 1er sexies, issu de deux amendements des rapporteurs adoptés par la commission des lois de l'Assemblée nationale, tend à prévoir l'obligation pour le préfet de suspendre le permis de conduire de l'auteur d'une infraction routière particulièrement dangereuse.

La commission a adopté cet article sans modification

1. Renforcer la lutte contre les comportements les plus dangereux en matière routière

L'article L. 224-2 du code de la route prévoit la possibilité pour le préfet de suspendre le permis de conduire dans un certain nombre de cas.

Le présent article rend obligatoire la décision de suspension par le préfet lorsque le conducteur conduisait sous l'emprise d'un état alcoolique ou après usage de stupéfiants, ou lorsque le conducteur a refusé de se soumettre au dépistage de ce type de consommation.

Par ailleurs, l'article prévoit le doublement des durées de la suspension du permis de conduire prononcée par le préfet en application de l'article L. 224-2 lorsque le conducteur est un professionnel chargé du transport de personnes.

2. La position de la commission 

La commission estime que cette obligation imposée au préfet participe de la volonté de prévention des comportements les plus dangereux.

La commission a adopté l'article 1er sexies sans modification.

Article 1er septies
Renforcement de la sanction des infractions de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, de conduite après usage de stupéfiants et de conduite sous l'empire d'un état alcoolique et après usage de stupéfiants

L'article 1er septies, issu de deux amendements des rapporteurs adoptés par la commission des lois de l'Assemblée nationale, tend à accroître les peines encourues en cas de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, de conduite après usage de stupéfiants et de conduite sous l'empire d'un état alcoolique et après usage de stupéfiants.

La commission a adopté cet article sans modification

1. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article sanctionne plus sévèrement la conduite sous l'emprise de l'alcool et la conduite après usage de stupéfiants. Il modifie à cette fin le code de la route.

Infraction

Peine actuellement prévue

Peine prévue par l'article 1er septies

Conduite sous l'emprise de l'alcool, délit prévu par l'article L. 234-1 du code de la route

Deux ans d'emprisonnement et 4 500 euros d'amende

Trois ans d'emprisonnement et 9 000 euros d'amende

Conduite après usage de stupéfiants, délit prévu par l'article L. 235-1 du code de la route

Deux ans d'emprisonnement et 4 500 euros d'amende

Trois ans d'emprisonnement et 9 000 euros d'amende

Peines complémentaires pouvant être prononcées par le juge en cas de conduite après usage de stupéfiants ou sous l'emprise de l'alcool

Trois ans de suspension du permis de conduire

Trois ans avant de pouvoir solliciter la délivrance d'un nouveau permis en cas d'annulation du permis de conduire

Cinq ans de suspension du permis de conduire

Cinq ans avant de pouvoir solliciter la délivrance d'un nouveau permis en cas d'annulation du permis de conduire

Conduite après usage de stupéfiants cumulée avec l'emprise d'un état alcoolique, délit prévu par l'article L. 235-1 du code de la route

Trois ans d'emprisonnement et 9  000 euros d'amende

Cinq ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende

Peines complémentaires pouvant être prononcées par le juge en cas de conduite après usage de stupéfiants et sous l'emprise de l'alcool

Trois ans de suspension du permis de conduire

Trois ans avant de pouvoir solliciter la délivrance d'un nouveau permis en cas d'annulation du permis de conduire

Possibilité de confiscation du véhicule

Cinq ans de suspension du permis de conduire

Cinq ans avant de pouvoir solliciter la délivrance d'un nouveau permis en cas d'annulation du permis de conduire

Obligation de confiscation du véhicule

Perte de points de plein droit résultant d'une condamnation pour le délit de conduite après usage de stupéfiants cumulé avec l'emprise d'un état alcoolique

6 points

9 points

2. La position de la commission 

La commission a approuvé cette aggravation des sanctions qui est cohérente avec l'objectif de lutte contre les comportements les plus dangereux sur la route.

La commission a adopté l'article 1er septies sans modification.

Article 1er octies
Systématisation de l'immobilisation et de la mise en fourrière, à titre provisoire, du véhicule ayant servi à commettre l'infraction en cas de conduite après usage de stupéfiants aggravée par un état alcoolique

L'article 1er octies issu d'un amendement des rapporteurs adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale tend à systématiser l'immobilisation et la mise en fourrière, à titre provisoire, du véhicule ayant servi à commettre l'infraction en cas de conduite après usage de stupéfiants aggravée par un état alcoolique.

La commission a adopté cet article sans modification

1. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article propose de compléter l'article L. 325-1-2 du code de la route, qui prévoit les cas dans lesquels sont possibles l'immobilisation et la mise en fourrière d'un véhicule ayant servi à commettre une infraction, en en faisant une mesure de plein droit en cas de conduite après usage de stupéfiants aggravée par un état alcoolique.

2. La position de la commission 

La commission a approuvé cet article, considérant que l'immobilisation du véhicule est une mesure particulièrement utile et adaptée en matière de lutte contre la violence routière.

La commission a adopté l'article 1er octies sans modification.

Article 2
Coordinations découlant des dispositions de l'article 1er

L'article 2 procède à des coordinations.

La commission a adopté cet article en procédant à de nouvelles coordinations.

1. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Tirant les conséquences des dispositions de l'article premier, le présent article procède à plusieurs coordinations législatives.

2. La position de la commission 

La commission a adopté l'amendement COM-8 du rapporteur tendant à tirer les conséquences des modifications qu'elle a apportées à la proposition de loi.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 (supprimé)
Examen médical obligatoire pour tout conducteur impliqué dans un accident de la route ayant causé un homicide routier ou des blessures routières avec une ITT supérieure à trois mois

L'article issu d'un amendement d'Élodie Jacquier-Laforge adopté en commission à l'Assemblée nationale tend à prévoir un examen médical obligatoire en cas d'accident de la route ayant causé un homicide routier ou des blessures routières avec une ITT supérieure à trois mois

La commission a supprimé cet article considérant que l'obligation de visite médicale relève du pouvoir règlementaire.

1. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article instaure un examen médical obligatoire en cas d'accident de la route ayant causé un homicide routier ou des blessures routières avec une ITT supérieure à trois mois.

Lorsqu'il est impliqué dans un tel accident, le conducteur doit se soumettre à « un examen ou une analyse médicale, clinique, biologique et psychotechnique ». Celui-ci est effectué à ses frais ; il a pour objectif d'évaluer son aptitude à la conduite et doit se tenir dans un délai de 72 heures après la survenance de l'accident.

À la suite de cet examen, l'avis médical est transmis au préfet et celui-ci décide de l'éventuelle suspension des droits à conduire de la personne concernée.

Si le conducteur refuse de se soumettre à cet examen médical, le présent article prévoit en outre qu'il encourt une peine de deux ans d'emprisonnement et de 4 500 euros d'amende, ainsi que les peines complémentaires prévues au IV de l'article L. 223-5 du code de la route.

2. La position de la commission 

La commission s'interroge sur le caractère législatif de la mesure proposée par cet article. En effet l'article R. 412-6 du code de la route prévoit le principe selon lequel « tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manoeuvres qui lui incombent ».

Sur ce fondement, deux arrêtés du 21 décembre 2005 puis du 18 décembre 2015 fixent la liste des affections médicales incompatibles avec l'obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée.

Le conducteur atteint par l'une de ces pathologies doit se soumettre à un contrôle médical d'aptitude à la conduite auprès d'un médecin agréé. Il semble donc que l'obligation de se soumettre à un examen médical en cas d'accident routier ou de blessures routières pourrait être prévue par voie réglementaire.

La commission a considéré que même si elle est ici complétée par des sanctions pénales il ne paraît pas nécessaire d'élever l'obligation d'examen médicale au niveau législatif. Elle a en conséquence adopté l'amendement COM-9 de suppression présenté par le rapporteur.

La commission a supprimé l'article 3.

Article 4
Application de l'article dans les outre-mer

L'article 4 est issu d'un amendement adopté en séance publique à l'Assemblée nationale tend à prévoir l'application outre-mer du texte

La commission a adopté cet article sans modification

L'article 4 tend à rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis et Futuna les dispositions de la présente proposition de loi qui modifient le code pénal ou le code de procédure pénale.

La commission a adopté l'article 4 sans modification

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 20 MARS 2024

M. Francis Szpiner, rapporteur. - L'accident causé par Pierre Palmade, a suscité une grande émotion et les associations de victimes, ont rappelé leurs demandes. Dans le même temps, le comité interministériel de la sécurité routière (CISR) a demandé un changement de la loi, dans le cadre d'une démarche avant tout symbolique.

Pour un certain nombre de familles de victimes, l'idée que l'accident causé par un conducteur ayant délibérément pris le volant sous l'emprise de l'alcool ou de stupéfiants soit involontaire était insupportable, d'où l'idée de la création de l'homicide routier. C'est dans ces conditions que l'Assemblée nationale a, de manière transpartisane, créé ce nouveau délit, qui consiste en réalité à remplacer l'ancien homicide involontaire par le terme d'« homicide routier », mais sans rien changer aux pénalités.

Nous devions donc déterminer s'il fallait reprendre la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale. Notre droit pénal connaît l'homicide volontaire et l'homicide involontaire, mais ne contient pas de notion intermédiaire. Or il nous est apparu que la notion de mise en danger délibérée de la vie d'autrui pouvait revêtir ce caractère intermédiaire. Il restait à déterminer si l'infraction demeurait dans le domaine du délit, ou s'il fallait adopter une qualification criminelle.

Les conséquences sont en réalité simples : dans le premier cas, la peine actuellement prévue pour l'homicide involontaire aggravé est de dix ans, c'est-à-dire le maximum applicable en matière de délits. Durcir les peines aurait amené à retenir une qualification criminelle, ce qui posait à mes yeux deux problèmes : d'une part, associer une absence de volonté de tuer à un crime me semblait intellectuellement peu satisfaisant ; d'autre part, une qualification criminelle aurait entraîné, au détriment des familles de victimes, une procédure d'instruction et des délais de jugement encore plus longs, avec le risque d'un encombrement judiciaire.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale fait une différence entre, d'une part, l'homicide involontaire - qui reste considéré comme tel lorsque les circonstances aggravantes ne sont pas retenues - et, d'autre part, l'homicide routier, qui ne concerne que l'ancien homicide involontaire aggravé. Il m'a semblé plus logique d'avoir pour seule qualification l'homicide routier afin d'éviter de débattre du caractère involontaire d'un homicide, suivant ce qu'a fait le conducteur : il faut mieux unifier, selon moi, toutes les atteintes aux personnes commises par un conducteur.

Vient ensuite la question de la répression afin de pas adopter un texte dont la portée serait purement symbolique, quand bien même il répondrait à la légitime colère des familles. Dès lors que la qualification criminelle est exclue, la peine ne saurait donc excéder dix ans. La direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) évaluant à environ seize mois la moyenne des peines prononcées dans ce type d'affaires, il me semble illusoire de penser que la simple évocation d'un homicide routier conduirait les juges à modifier leurs pratiques.

Le seul levier consiste donc, selon moi, à instaurer une peine plancher en matière d'homicide routier, peine plancher qui ne sera pas synonyme d'une obligation imposée au juge, puisqu'il pourra l'écarter au regard des circonstances. Néanmoins, le juge devra obligatoirement se poser la question de la détention.

Je rappelle que les accidents de la route comptent parmi les causes de mortalité les plus importantes. En décidant de parler d'homicide routier, avec une répression accrue, nous montrerons que la loi prend au sérieux la délinquance routière. Je signale que l'Afrique du Sud a installé des panneaux alertant les chauffeurs roulant sous l'emprise d'alcool qu'ils sont de potentiels assassins : nous devons, de la même manière, faire prendre conscience aux gens que certains comportements sont totalement inadmissibles.

J'ajoute qu'un volet dédié à un meilleur accompagnement des victimes pourra être demandé au garde des sceaux, soit par un amendement d'appel, soit dans le cadre de la discussion générale. Ledit volet pourra notamment porter sur des cellules d'accompagnement et sur l'accès à la justice, nombre de victimes privilégiant la voie civile alors que l'aide juridictionnelle est de droit devant la cour d'assises, sans considération liée aux revenus. Nous avons besoin de cohérence dans la lutte contre la délinquance routière.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous sommes face à un objet législatif dont l'utilité juridique interroge, son utilité symbolique apparaissant plus clairement. J'ai noté la grande créativité du rapporteur, dont l'un des amendements s'étale sur sept pages, rendant le propos peu intelligible.

Les Français sont régulièrement - et à juste titre - émus par des accidents qu'ils considèrent comme inacceptables en raison du comportement du conducteur, qu'il s'agisse de Pierre Palmade ou d'autres. Pour autant, je ne suis pas persuadée qu'il faille légiférer sur le sujet.

En résumé, le texte prévoit d'ériger en infraction spéciale une infraction déjà punie par les textes, sans changement du quantum de peine. L'infraction existante est d'ores et déjà punie de manière sévère, avec une peine allant de sept ans et 100 000 euros d'amende à dix ans et 150 000 euros d'amende si deux circonstances aggravantes sont retenues.

Nous pourrions simplement préciser qu'un homicide commis avec deux circonstances aggravantes - d'ores et déjà précisées dans le code pénal - constitue un « homicide routier ».

Par ailleurs, une question se pose. L'infraction conserve-t-elle un caractère non intentionnel car la loi de 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation n'indemnise que cette catégorie d'infractions : nous devrons identifier un moyen de prévenir une éventuelle difficulté.

Vous l'aurez compris, je ne suis pas nécessairement favorable à ce texte, qui répond à un enjeu de communication politique, ce qui n'est pas forcement illégitime. Nous pourrions, plus simplement, retenir ma suggestion de nommer « homicide routier » un homicide involontaire accompagné de deux circonstances aggravantes, formule qui ne semble plus apparaître dans le texte proposé par le rapporteur.

M. Francis Szpiner, rapporteur. - Vous avez sans doute mal lu le texte, dont l'une des sections est intitulée « De l'homicide routier ». Plus globalement, je ne disconviens pas du fait que cette proposition de loi revêt une portée symbolique : pour autant, le symbole peut être utile. Ainsi, en précisant qu'il existe une responsabilité spécifique - quand bien même elle ne va pas jusqu'à l'intention homicide -, nous affirmons des principes qui auront ensuite des conséquences sur les politiques de sécurité routière.

À l'inverse, se cantonner à la notion de circonstance aggravante reviendrait, selon moi, à vider la loi de sa substance : je souhaite que toutes les familles des victimes considèrent que la responsabilité des chauffeurs est engagée et que ces derniers ne pourront plus se prévaloir de leur imprudence. C'est pourquoi j'ai souhaité unifier toutes les infractions dans la catégorie d'homicide routier, contrairement à ce qu'avait prévu l'Assemblée nationale.

La violation délibérée de l'obligation de sécurité est une notion utile, les actes s'échelonnant en fonction de leur gravité : un conducteur qui s'endort au volant et qui cause un accident mortel commet un homicide routier simple ; un chauffeur ivre et en excès de vitesse à l'origine d'un accident met délibérément en danger la vie d'autrui. Ces distinctions sont maintenues, mais au sein d'une catégorie unique, afin d'éviter des débats sans fin sur le caractère involontaire ou non de l'homicide. J'estime que la politique de prévention routière doit être cohérente.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Sans me prononcer sur le principe des peines planchers, je suis gêné par le fait qu'elles ne soient prévues que pour une seule catégorie d'infractions : que devient la liberté d'appréciation du juge dans ce cas, notamment par rapport à d'éventuelles circonstances aggravantes ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je rappelle que la qualification d'homicide involontaire n'exclut pas la responsabilité, le triptyque de la faute, du lien de causalité et du dommage existant dans ce cas de figure. Par ailleurs, la mise en place des peines planchers a été sans effet sur la délinquance, comme l'a démontré une étude récente. Je me demande d'ailleurs si la volonté d'inclure la peine plancher ne tombe pas sous le coup de l'article 45 de la Constitution.

M. Hussein Bourgi. - Je salue l'initiative des auteurs de cette proposition de loi et remercie le rapporteur pour ses propos, auxquels je souscris largement. Ce texte me touche personnellement, l'un de mes amis - un jeune père de famille - ayant trouvé la mort dans un accident causé par un trafiquant de stupéfiants qui roulait à une vitesse excessive. Le procès a ensuite permis de condamner l'auteur de cet homicide involontaire à six ans de prison.

La famille de la victime peut-elle accepter de voir s'étaler dans la presse ce qualificatif d'homicide involontaire ? S'il peut s'entendre sur le plan juridique, il charrie en effet une violence symbolique insupportable.

Pour cette raison, même si le texte revêt une portée juridique mineure, il est attendu par les parents, veufs, veuves, enfants et orphelins. S'il permet de mobiliser davantage le garde des sceaux et les associations conventionnées via France Victimes en faveur de l'accompagnement des familles, un pas aura été accompli en mémoire des personnes qui meurent trop souvent dans ce genre de circonstances. Sans faire d'un cas d'espèce une généralité, le fait d'avoir été personnellement touché par une telle situation permet de se mettre à la place des dizaines de milliers de Françaises et de Français confrontés chaque année à ces tragédies.

Mme Agnès Canayer. - Ce sujet suscite beaucoup d'émotion et repose sur un certain nombre de situations vécues, qui engendrent à la fois de la douleur pour les familles et de larges résonances médiatiques.

J'entends la volonté d'apporter une réponse - certes symbolique - à ces situations et félicite le rapporteur pour le travail accompli sur ce sujet aussi sensible que complexe, l'harmonisation des infractions qu'il suggère donnant du sens. Je m'interroge, néanmoins, quant à l'adéquation entre ladite harmonisation et la mise en place de peines planchers, qui tendrait vers une peine unique et pourrait encadrer trop strictement la place et le rôle du juge. Il me semble que nous aurions besoin, au contraire, d'une modularité des peines.

M. Francis Szpiner, rapporteur. - Si la responsabilité juridique existe sur le plan civil, j'estime qu'il existe une catégorie intermédiaire dans le droit pénal permettant de distinguer le cas dans lequel l'intention de tuer n'est pas présente et la situation dans laquelle l'auteur, même s'il ne voulait pas tuer, s'est mis en position de causer l'accident mortel. D'où une responsabilité distincte visant à renvoyer la personne en cause à une situation plus aggravante, d'ailleurs davantage sur le plan moral que sur le plan juridique dans la mesure où nous écartons la qualification criminelle.

En outre, les peines planchers sont modulées et s'appliquent non pas à l'ensemble des cas d'homicides routiers, mais à un auteur qui se rend coupable d'un homicide après s'être délibérément mis dans une position de causer un accident mortel. Comment ce raisonnement m'est-il venu ? À l'occasion de l'affaire Sarah Halimi - dans laquelle j'étais l'avocat de la famille -, l'auteur des faits avait été déclaré irresponsable, car il était sous emprise d'une bouffée délirante, alors que celle-ci résultait d'une prise volontaire de drogues, d'où la modification de la loi.

Je considère que la participation active d'une personne aux risques du dommage doit être prise en compte de manière spécifique : sans faire du conducteur ayant causé un accident mortel un criminel relevant de la compétence de la cour d'assises, il me semble important de rehausser la gravité de l'infraction, sans quoi nous ne ferions que ripoliner l'ancien texte.

Je précise que la peine plancher ne s'applique qu'à l'homicide routier aggravé, afin d'obliger le juge à se poser la question de la détention, qu'il peut cependant écarter. Il s'agit non pas d'une démarche idéologique, mais d'un changement pragmatique intervenant non pas dans l'échelle des peines, mais dans le régime d'application des peines.

Concernant l'étude évoquée par Marie-Pierre de La Gontrie, je note que son auteur reconnaît que les peines planchers ont eu un effet sur la récidive, ce qui constitue déjà un progrès, surtout en matière de délinquance routière.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Pourquoi ne pas utiliser l'infraction de coups et blessures involontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. - Il s'agit d'un crime, la peine encourue étant de quinze ans. Nous risquerions d'asphyxier le système judiciaire et d'aggraver la situation des familles en retenant la qualification criminelle pour les homicides routiers.

M. François-Noël Buffet, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi.

Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les infractions pénales susceptibles de s'appliquer au conducteur d'un véhicule terrestre à moteur.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Francis Szpiner, rapporteur. - L'amendement COM-4 prévoit une réécriture de l'article 1er du texte, qui crée la dénomination nouvelle d'homicide routier.

L'amendement COM-4 est adopté.

M. Francis Szpiner, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement COM-3, qui vise à restreindre les possibilités d'aménagement de la détention provisoire.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

L'article 1er ainsi rédigé.

Après l'article 1er

M. Francis Szpiner, rapporteur. - L'amendement COM-5 vise à instaurer une peine minimale en cas d'homicide routier par mise en danger.

L'amendement COM-5 est adopté et devient article additionnel.

M. Francis Szpiner, rapporteur. - L'amendement COM-1 rectifié bis tend à créer une nouvelle infraction pour la perte d'un foetus causée par un accident de la route, ce débat a déjà été porté plusieurs fois devant notre assemblée. Il me paraît difficilement conciliable avec la récente inscription du droit de recourir à l'IVG dans la Constitution. Avis défavorable.

L'amendement COM-1 rectifié bis n'est pas adopté.

M. Francis Szpiner, rapporteur. - L'amendement COM-2 rectifié prévoit de supprimer l'excuse de minorité pour les conducteurs âgés de 17 ans. Ladite excuse peut toujours être refusée par le juge ; de surcroît, il n'est pas possible de la limiter à une seule infraction. Avis défavorable.

L'amendement COM-2 rectifié n'est pas adopté.

Article 1er bis (nouveau)

L'article 1er bis est adopté sans modification.

Article 1er ter (nouveau)

M. Francis Szpiner, rapporteur. - L'amendement COM-6 prévoit une annulation du permis de conduire au-delà de cinq ans de suspension, alors qu'une suspension de dix ans était prévue dans le texte initial.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Est-il possible de repasser le permis de conduire en cas d'annulation ?

M. Francis Szpiner, rapporteur. - Il est impossible de le repasser tant que court la période d'annulation ou de suspension.

L'amendement COM-6 est adopté.

L'article 1er ter est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1er quater (nouveau)

M. Francis Szpiner, rapporteur. - L'amendement de suppression COM-7 est justifié par le fait que le dispositif proposé par l'article relève du domaine réglementaire.

L'amendement COM-7 est adopté.

L'article 1er quater est supprimé.

Article 1er quinquies (nouveau)

L'article 1er quinquies est adopté sans modification.

Article 1er sexies (nouveau)

L'article 1er sexies est adopté sans modification.

Article 1er septies (nouveau)

L'article 1er septies est adopté sans modification.

Article 1er octies (nouveau)

L'article 1er octies est adopté sans modification.

Article 2

L'amendement de coordination COM-8 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3 (nouveau)

M. Francis Szpiner, rapporteur. - L'amendement de suppression COM-9 est également justifié par le fait que l'obligation de visite médicale est prévue au niveau réglementaire.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous devrons un jour nous pencher sur la délicate question de la mise en place d'une visite médicale pour toutes les personnes en situation de conduire.

M. François-Noël Buffet, président. - Vous avez raison de poser cette question, mais les modalités de la visite médicale peuvent continuer à être fixées par la voie réglementaire.

L'amendement COM-9 est adopté.

L'article 3 est supprimé.

Article 4 (nouveau)

L'article 4 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

M. SZPINER,

rapporteur

4

Réécriture de l'article 1er

Adopté

M. TABAROT

3

Interdiction d'aménagement de la détention préalable

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'article 1er

M. SZPINER,

rapporteur

5

Peine minimale de deux ans de prison pour les homicides routiers par mise en danger

Adopté

Mme LERMYTTE

1 rect. bis

Sanction de la perte de foetus du fait d'un accident de la route

Rejeté

M. WATTEBLED

2 rect

Absence d'excuse de minorité pour le conducteur de 17 ans

Rejeté

Article 1er ter

M. SZPINER,

rapporteur

6

Annulation du permis au-delà de cinq ans de suspension

Adopté

Article 1er quater

M. SZPINER,

rapporteur

7

Suppression de l'article

Adopté

Article 2

M. SZPINER,

rapporteur

8

Coordination

Adopté

Article 3

M. SZPINER,

rapporteur

9

Suppression de l'article

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 7(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie8(*).
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte9(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial10(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 20 mars 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 308 (2023-2024), créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives aux infractions pénales susceptibles de s'appliquer au conducteur d'un véhicule terrestre à moteur.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

TABLE RONDE D'ASSOCIATIONS :

ASSOCIATION ANTOINE ALLÉNO 

M. Yannick Alléno, président

Mme Stéphanie Prunier, Partner agence Havas Paris

ASSOCIATION VICTIMES & AVENIR

Mme Maud Escriva, déléguée générale de l'association

M. Jean-Christophe Coubris, avocat

LIGUE NATIONALE CONTRE LES VIOLENCES ROUTIÈRES

M. Jean-Yves Lamant, président

DÉLÉGATION INTERMINISTÉRIELLE À LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE 

Mme Florence Guillaume, déléguée interministérielle

COUR DE CASSATION 

M. Rémy Heitz, procureur général

M. Frédéric Desportes, premier avocat général à la chambre criminelle

Mme Pauline Caby, avocate générale à la chambre criminelle, chargée de mission du procureur général

DIRECTION DES AFFAIRES CRIMINELLES ET DES GRÂCES 

Mme Pauline Biais, magistrate, adjointe à la cheffe du bureau de la législation pénale générale

Mme Myriam Souanef, membre du bureau de la législation pénale générale

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-308.html


* 1 Décret du 27 mai 1921.

* 2 Ce fonds est désormais le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), dont les compétences sont fixées par les articles L. 421-1 et suivants du code des assurances.

* 3 Loi dite « Badinter » n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.

* 4 Loi n°2022-52 créant l'article 221-5-6 du code pénal

* 5 Loi n° 96-393 du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits d'imprudence ou de négligence.

* 6 Loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels.

* 7 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 8 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 9 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 10 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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