N° 33

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 octobre 1995.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi relatif à la partie législative du code général des collectivités territoriales.

Par M. Michel RUFIN.

Sénateur

(1) Cette commission est composée de MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, vice-présidents ; Robert Pages, Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Boht, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Claude Cornac, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Charles Jolibois, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Jean-Pierre Tizon, Alex Turk, Maurice Ulrich.

Voir le numéro :

Senat : 226 (1994-1995).

Code général des collectivités territoriales.

CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

La commission des Lois du Sénat a procédé, les mercredis 11 et 18 octobre, à l'examen du projet de loi relatif à la partie législative du code général des collectivités territoriales.

Ce nouveau code est composé de 1731 articles pour sa seule partie législative. Il rassemble 158 textes, dont les plus anciens datent de 1791, qui sont par ailleurs abrogés. Le code des communes, la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux, la loi du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions, les lois de décentralisation -notamment la loi du 2 mars 1982- sont ainsi regroupés dans le nouveau code. L'utilisation de l'informatique a facilité ce regroupement.

M. Michel Rufin, rapporteur, a souligné le rôle éminent de la Commission supérieure de codification qui est chargée d'élaborer les projets de code et à laquelle des représentants du Parlement -dont lui-même- sont associés.

Le rapporteur a également rappelé les grands principes de la Procédure de codification sous sa forme actuelle : elle est effectuée à droit constant, ce qui n'interdit pas les corrections rendues nécessaires pour des besoins de forme, de cohérence ou de mise à jour. Certaines dispositions qui figurent dans un code peuvent être reproduites dans un autre code également concerné par elles (théorie dite du code « pilote » et du code « suiveur »). Le droit communautaire n'a pas été intégré dans le code -sauf pour ses dispositions qui ont fait l'objet d'une transposition en droit interne- mais figure en annexe. L'inventaire du droit applicable aux territoires d'outremer est effectué par une commission adjointe à la commission supérieure de codification. Ces textes feront l'objet d'un livre spécifique publié séparément.

M. Michel Rufin, rapporteur, a indiqué que le code général était un code d'organisation et non de compétences. Il n'a donc pas pour objet de rassembler les milliers de dispositions relatives aux compétences sectorielles des collectivités territoriales telles que l'urbanisme, la santé ou l'éducation, La fonction publique territoriale a également été écartée du projet de code en raison du volume des textes applicables, la plupart de nature réglementaire.

Sur la proposition du rapporteur, la commission des Lois a adopté, au cours d'une première réunion tenue le mercredi 11 octobre, soixante amendements tendant à insérer dans le projet de code les dispositions de lois récentes postérieures au projet de loi. Il s'agit notamment de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement et la loi du 8 février 1995 relative aux marchés publics et délégations de service public.

Au cours d'une seconde réunion, le mercredi 18 octobre, la commission des Lois a adopté 229 amendements présentés par le rapporteur et destinés soit à corriger certaines erreurs, soit à clarifier ou préciser le texte proposé.

Le Sénat discutera de ce texte dans ses séances du mardi 24 et mercredi 25 octobre.

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi, en première lecture, du projet de loi relatif à la Partie législative du code général des collectivités territoriales.

Ce projet de loi constitue un aboutissement après les nombreuses tentatives qui, depuis plus de cinquante ans, ont eu pour objet de rassembler dans un code les textes applicables aux collectivités territoriales.

Il s'inscrit, par ailleurs, dans le cadre de la procédure de codification qui a conduit le Parlement à adopter, au cours des dernières années, plusieurs codes élaborés par la Commission supérieure de codification instituée en 1989 et placée sous la présidence du Premier ministre. Les textes applicables à la Propriété intellectuelle, à la consommation, au droit rural ou encore aux juridictions financières ont ainsi été concernés.

Les travaux d'élaboration du projet de code général des collectivités territoriales par la commission supérieure de codification, auxquels votre rapporteur a porté une attention particulière, se sont poursuivis entre le milieu de l'année 1990, date de présentation du plan d'ensemble, et le début de l'année 1994. Le présent projet de loi a été déposé sur le bureau du Sénat le 22 février 1995.

Dans un contexte où la demande de modernisation et de simplification du droit est très forte, la recherche d'une meilleure lisibilité des règles applicables aux collectivités territoriales apparaît particulièrement nécessaire.

Ce travail important permettra, pour la première fois, de réunir dans un même code des dispositions applicables aux différentes collectivités territoriales, en particulier le code des communes, la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux ou encore la loi du 5 juillet 1972 portant création et organisation des régions.

Après avoir situé le projet de code général des collectivités territoriales dans le cadre de la procédure de codification des textes et expose l'architecture retenue pour ce nouveau code, votre commission des Lois vous proposera, sous réserve de certains amendements destinés notamment a intégrer dans ce projet les dispositions nouvelles récemment adoptées par le Parlement et concernant les collectivités territoriales, d'adopter ce projet de loi qui, conformément au principe du droit constant, n'ajoute pas au droit positif.

I. LA CODIFICATION DES TEXTES APPLICABLES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : UNE NOUVELLE ÉTAPE DANS LA PROCÉDURE DE CODIFICATION

A. LA PROCÉDURE DE CODIFICATION

1. Rappel historique

a) Une préoccupation ancienne

L'exercice de codification répond à une tradition ancienne dont notre ancien collègue M. Jacques Thyraud avait parfaitement rappelé les étapes successives dans le cadre de son rapport sur la partie législative du code de la propriété intellectuelle (n° 335, 1991-1992).

Les cinq codes élaborés sous le Consulat et l'Empire, dont le code civil imité dans le monde entier, ont en particulier constitué une étape majeure dans l'histoire de la codification.

Il a pourtant fallu attendre la IVe République pour que l'objectif de rassemblement des textes soit de nouveau mis au rang des priorités, avec la création d'une commission supérieure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires (décret n° 48-800 du 10 mai 1948).

Cependant, à la différence des codes napoléoniens qui, au-delà de la clarification et de la mise en ordre des textes, procédaient à leur refonte, cette nouvelle phase de la codification a poursuivi un objectif plus limité de meilleure accessibilité des textes sans remise en cause du droit applicable.

b) Une procédure administrative

L'oeuvre de codification s'est réalisée sous la IVe République dans le cadre d'une procédure de nature administrative, les codes étant publiés Par décret en Conseil d'État.

Sous la Vème République, la codification a tout d'abord suivi une Procédure similaire, des décrets approuvant les parties législative et réglementaire des codes.

Cette méthode présentait des inconvénients en raison principalement de l'incertitude pesant sur la portée juridique des codes. En effet, la codification se superposait aux textes d'origine qui n'étaient pas abrogés Parallèlement. En conséquence, lorsque des articles des codes étaient modifiés ultérieurement par le Parlement - et donc implicitement validés - des règles à l'origine identiques figurant à la fois dans un code et dans une loi connaissaient des évolutions divergentes.

Depuis 1989, la réforme des méthodes de codification - qui s'est en Particulier caractérisée par la création par deux décrets du 12 septembre 1989 d'une commission supérieure de codification et d'une commission supérieure adjointe chargée de recenser la législation applicable dans les territoires d'outre-mer- a, au contraire, conduit à l'adoption par le Parlement de la partie législative.

2. La nouvelle méthode de codification

a) Le rôle de la commission supérieure de codification

La commission supérieure de codification est placée sous la présidence du Premier ministre et la vice-présidence d'un président de section au Conseil d'État, actuellement M. Guy Braibant, Conseiller d'État. Elle compte seize membres parmi lesquels un député et un sénateur, en tant que membres permanents désignés par les commissions des Lois des deux assemblées - en l'espèce, votre rapporteur pour la commission des Lois du Sénat - et, en fonction du projet de code examiné, un député et un sénateur membres des commissions concernées.

Outre des représentants du Parlement, la commission supérieure associe des membres de la Cour de cassation, du Conseil d'État, de la Cour des Comptes et cinq directeurs d'administration centrale (le directeur des Affaires civiles et du Sceau, le directeur des Affaires criminelles et des grâces, le directeur au Secrétariat général du Gouvernement et le directeur des Journaux officiels). Selon les projets en discussion, les directeurs des administrations centrales concernées sont également présents ou représentés.

Il appartient à la commission supérieure de codification de veiller à la finalité de celle-ci - qui tend d'abord à faciliter l'accès des usagers au droit -et de coordonner les activités des équipes mises en place dans les ministères pour élaborer les projets de code.

La priorité reconnue à l'exercice de codification lors du récent séminaire gouvernemental du 14 septembre sur la réforme de l'État s'est traduite par la décision de doubler les moyens accordés à la Commission supérieure.

b) Les grands principes de la codification

Au fil de l'examen des codes, la commission supérieure a été amenée à dégager certains grands principes de codification.

1.- La codification à droit constant

La codification à droit constant est le principe essentiel de la codification sous sa forme actuelle.

La commission supérieure conduit, en conséquence, la procédure de codification en n'allant pas au-delà des corrections rendues nécessaires par des besoins de forme, de cohérence ou de mises à jour.

2.- La distinction du code dit « pilote » et du code dit « suiveur »

Certaines dispositions peuvent concerner plusieurs codes. Il importe néanmoins de répartir entre eux de telles dispositions. Pour éviter que le code qui ne contient pas les dispositions concernées souffre en lisibilité, la commission supérieure a élaboré la technique dite du code « pilote » et du code « suiveur ».

Comme le rappelle son cinquième rapport annuel de 1994, cette technique est la suivante : « lorsqu'une disposition est indiscutablement de nature à intéresser deux codes, elle fait l'objet d'une codification à titre principal dans l'un des deux codes, l'autre se bornant à signaler l'existence de ce texte et à le reproduire ».

Cette technique a été utilisée pour le code général des collectivités territoriales qui deviendra code « pilote » pour les dispositions relatives au contrôle budgétaire et financier, actuellement insérées dans le code des juridictions financières, lequel deviendra code « suiveur » pour ces dispositions.

3.- La non-codification du droit communautaire

Pour des raisons juridiques évidentes, s'agissant d'un droit qui n'est Pas produit par les États membres, la commission supérieure a choisi de ne Pas intégrer le droit communautaire dans les codes. Mais il a été décidé que lors de leur publication au Journal officiel, une partie communautaire non codifiée serait annexée.

En outre, les directives communautaires qui ont fait l'objet d'une transposition en droit interne sont, pour leur part, codifiées à travers les textes qui les ont intégrées dans le droit national.

4.- Le droit applicable dans les territoires d'outre-mer

Une commission adjointe à la commission supérieure est chargée de dresser l'inventaire des textes applicables dans les territoires d'outre-mer.

Il a néanmoins été prévu, en raison de l'ampleur de la tâche et afin de ne pas retarder la codification, que les dispositions applicables aux territoires d'outre-mer seraient regroupées dans un livre spécifique publié séparément lorsqu'il aura été élaboré.

En effet, l'application des textes dans ces territoires - ou celle des modifications ultérieures - n'a pas été toujours prévue par le législateur, les assemblées territoriales n'ayant pas été consultées dans les conditions prévues par l'article 74 de la Constitution.

Afin de combler les lacunes existantes, à tout le moins les plus criantes, le législateur a procédé à certaines mises à jour des dispositions applicables à ces territoires (notamment par la loi n° 93-1 du 4 janvier 1993).

La commission supérieure adjointe, pour sa part, propose lors des travaux de codification l'extension aux territoires d'outre-mer d'un certain nombre de textes indispensables à la cohérence de la matière concernée.

c) Le Parlement et la codification

Associé en amont de la procédure par l'intermédiaire de ses représentants au sein de la commission supérieure de codification, le Parlement est appelé par la suite à approuver la partie législative des projets de code. Son intervention permet ainsi de lever les incertitudes relatives à la valeur juridique des dispositions contenues dans les codes.

Depuis l'installation de la commission supérieure de codification, ont ainsi été adoptés définitivement par le Parlement :

- le code de la propriété intellectuelle,

- le code de la consommation,

- les livres premiers, II, III, IV, V et VIII du code rural (les livres II, IV et VI ont néanmoins été validés selon l'ancienne procédure),

- les livres premiers, II et III du code des juridictions financières.

L'examen des différents projets de loi de codification par le Parlement, en particulier par le Sénat, a donné lieu à l'adoption de nombreux amendements destinés à mieux répondre à l'objectif essentiel de la codification qui est de rendre le droit plus accessible. Ces amendements ont tendu non seulement à corriger des erreurs matérielles ou à réparer des oublis mais aussi à mieux affirmer certains principes, à clarifier l'ordre de présentation des articles, à insérer des dispositions dont la codification n'était pas prévue dans le projet de loi ou encore à harmoniser la législation existante.

Le Sénat a également fait preuve de vigilance quant aux méthodes de codification, notamment pour ce qui est de l'application de la technique du code « pilote » et du « code suiveur » et de la procédure de déclassement de textes de nature réglementaire sur laquelle votre commission des Lois avait plus particulièrement appelé l'attention de la Haute Assemblée (cf. rapport précité de M. Jacques Thyraud).

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