B. LA CODIFICATION DES DISPOSITIONS APPLICABLES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Une préoccupation ancienne

Les bases du régime juridique moderne des communes et des départements, jusqu'aux lois de décentralisation, ont été fixées par les lois du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale et du 10 août 1871 relative aux conseils généraux.

Ces lois ont été modifiées à plusieurs reprises dans le sens d'un accroissement des responsabilités des collectivités locales. Ainsi, s'agissant du département, le décret-loi du 5 novembre 1926 puis l'ordonnance du 5 janvier 1959 ont tendu à simplifier les tutelles et à accroître les compétences du département.

La présentation, en 1979, par notre collègue M. Christian Bonnet, alors Ministre de l'Intérieur, d'un projet de loi sur le développement des responsabilités locales -adopté par le Sénat- a, par la suite, constitué une étape importante dans le sens de l'affirmation du rôle des collectivités locales avant que les lois de décentralisation des années 80 ne consacrent cette évolution.

Le souci de codifier les dispositions applicables aux collectivités locales s'était pour sa part exprimé bien avant que les nouvelles responsabilités confiées aux collectivités locales n'en soulignent davantage encore la nécessité. D'abord pris en compte par le décret-loi du 24 mai 1938, il a trouvé une traduction - pour ce qui est des communes - dans le code de l'administration communale puis dans le code des communes.

a) le code de l'administration communale

L'ensemble des textes législatifs ou réglementaires applicables à administration communale - dont la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale - a fait l'objet d'une première codification unitaire sous la forme d'un code de l'administration communale, annexé au décret n° 57-657 du 22 mai 1957.

Ce décret a été pris en application de l'article premier de l'ordonnance n° 45-2660 du 2 novembre 1945 sur la codification des textes législatifs et réglementaires concernant l'administration départementale et communale.

Selon l'exposé des motifs de cette ordonnance, il s'agissait par ce travail de codification de «  faciliter la tâche déjà si ardue des administrations départementales et municipales dans un but de clarté et de précision, d'incorporer méthodiquement dans les deux grands textes de base les nombreuses dispositions législatives, parfois assez disparates, qui sont venues s'y superposer au fur et à mesure que le besoin s'en faisait sentir ». Le projet de code de l'administration départementale n'a néanmoins pas abouti.

Le code de l'administration communale a, quant à lui, résulté de décrets en Conseil d'État sur le rapport du ministre de l'Intérieur et contresignés par les ministres intéressés, après consultation du conseil national des services publics départementaux et communaux.

Cette première codification a néanmoins soulevé des difficultés contentieuses relatives aux dispositions législatives intégrées dans le code de l'administration communale.

Le Conseil d'État a, en effet, jugé que l'ordonnance du 2 novembre 1945 précitée « n'autorisait pas le Gouvernement à modifier le sens et la portée des textes codifiés » et que le code n'avait pu « abroger, ni modifier au fond aucune des dispositions législatives en vigueur au moment de son intervention » (Conseil d'État, 3 janvier 1962 - ville d'Aix-en-Provence, 1er octobre 1971 - Vitrac). Le code de l'administration communale n'avait, en effet, pas fait l'objet d'une loi de validation.

b) Le code des communes

Les difficultés rencontrées, après 1958, pour faire clairement apparaître le caractère législatif ou réglementaire des dispositions codifiées, le souci de moderniser la présentation du code ainsi que d'y intégrer les textes particuliers intervenus depuis 1957 ont motivé une nouvelle codification dénommée code des communes.

La partie législative du code des communes a été annexée aux décrets n° 77-90 du 27 janvier 1977, n° 77-240 du 7 mars 1977 et n° 77-372 du 28 mars 1977 portant révision du code de l'administration communale et codification des textes législatifs applicables aux communes.

Il reprend :

- les dispositions des textes législatifs codifiés au code de l'administration communale ;

- l'article 15 de la loi n° 70-1297 du 31 décembre 1970 concernant la loi municipale locale des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle (loi municipale locale du 6 juin 1895) ;

- l'article 15 de la loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes, ainsi que des lois ayant réformé l'organisation communale intervenues depuis la publication du code de l'administration communale.

Ces décrets ont été pris après avis de la commission supérieure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires et celui du conseil national des services publics départementaux et communaux.

On relèvera que la qualification législative ou réglementaire des dispositions du code des communes a tenu compte de quatre décisions du Conseil constitutionnel en date des 12 mai 1964, 12 novembre 1975, 2 juin et 6 octobre 1976 portant sur la nature juridique d'un certain nombre de dispositions.

Le code des communes est composé - pour sa partie législative - de cinq livres :

- le livre premier relatif à l'organisation communale ;

- le livre II relatif aux finances communales ;

- le livre III relatif à l'administration et aux services communaux ;

- le livre IV sur le personnel communal ;

- le livre V qui traite des dispositions finales.

Environ les deux tiers des quelque 1000 articles législatifs que comprend ce code ont été modifiés, complétés ou abrogés, partiellement ou en totalité, par des lois postérieures à la publication des décrets de 1977 auxquels te code est annexé.

La partie réglementaire - instituée par les décrets n° 77-91 du 27 janvier 1977, n° 77-241 du 7 mars 1977 et n° 77-373 du 28 mars 1977 -comprend quatre livres qui correspondent aux livres I à IV de la partie législative.

Les solutions jurisprudentielles dégagées au sujet du code de l'administration communale sont demeurées applicables : les textes de nature législative, en vigueur avant la codification, n'ont pu être modifiés valablement par le nouveau code. Le Conseil d'État a, en effet, considéré que te décret du 27 janvier 1977 instituant le code des communes, qui n'a pas été validé, n'a pu abroger ni modifier au fond aucune des dispositions de valeur législative en vigueur avant sa parution (3 janvier 1983, Vincent).

c) L'article 99 de la loi du 2 mars 1982

La volonté de rassembler des textes applicables aux collectivités territoriales dans un code a, par la suite, été exprimée par le législateur dans le cadre des lois de décentralisation.

L'article 99 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982, modifiée, relative aux droits et libertés des communes des départements et des régions dispose, en effet, que :

« I. Des décrets en Conseil d'État procéderont, après avis de la commission supérieure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires, à la codification :

- des dispositions de la présente loi concernant la commune, dans le code des communes ;

- des dispositions de la présente loi intéressant le département, dans un code des départements ;

- des dispositions de la présente loi intéressant la région, dans un code des régions.

Ces décrets ne devront apporter aux textes codifiés que les adaptations de forme strictement et évidemment nécessaires, à l'exclusion de toute modification de fond.

II. Il sera établi ultérieurement un code général des collectivités locales regroupant l'ensemble des dispositions intéressant la commune, le département et la région. »

2. La nouvelle codification

a) Le choix de la voie législative

Comme le souligne l'exposé des motifs du présent projet de loi, la codification réalisée par le code de l'administration communale puis par le code des communes demeurait « doublement insatisfaisante au regard de son champ et de sa validité : d'une part, elle était restreinte au seul domaine des communes et ainsi les dispositions législatives applicables aux différentes catégories de collectivités n 'ont été codifiées qu'à l'égard d'une seule d'entre elles ; d'autre part, ces codes, non soumis au Parlement, n'avaient qu'une valeur réglementaire, sauf dans leurs dispositions ultérieurement modifiées par la loi ».

L'article 99 précité de la loi du 2 mars 1982 permettait de répondre à la première lacune en prescrivant l'établissement d'un code général. En revanche, la seconde faiblesse restait entière puisque la codification devait s'opérer par la voie de décrets en Conseil d'État.

La nouvelle procédure adoptée depuis 1989 - consistant à soumettre la partie législative des codes à l'approbation du Parlement - permet de lever les difficultés qui avaient surgi dans le passé dans l'application des précédents codes.

Elle entraîne, en effet, l'abrogation des dispositions législatives codifiées ou subsistant en l'absence d'une abrogation explicite, et donne au nouveau code sa pleine valeur. La procédure du décret en Conseil d'État sera, pour sa part, réservée à la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales.

b) L'expérience de codification par ordinateur

Le recours à l'informatique pour élaborer le projet du code général des collectivités territoriales constitue une innovation qui mérite d'être soulignée.

L'idée d'utiliser l'informatique est née de l'ampleur même de la Matière juridique à compiler (au total, environ 10 000 articles législatifs et réglementaires) pour mener à bien une telle tâche. A partir de mai 1993, le ministère de l'Intérieur a bénéficié d'une aide financière du comité interministériel pour l'informatique et la bureautique dans l'administration (CUBA) qui lui a permis d'acquérir les outils informatiques nécessaires et de Passer une convention avec le laboratoire de droit informatique et linguistique (IDIL) du centre national de la recherche scientifique (CNRS).

C'est ainsi que sur le fondement d'une analyse des méthodes utilisées Pour la codification, ont été élaborés les logiciels servant à l'élaboration de l'avant-projet de code des collectivités territoriales.

L'apport de l'informatique a pris deux formes :

- d'une part, une fois effectué l'inventaire des textes à rassembler, une base documentaire a été constituée à partir des textes fournis par la base LEGI des Journaux officiels. Un logiciel de gestion documentaire spécifique a permis d'effectuer la conversion nécessaire (reclassement de données, élimination des informations inutiles ou redondantes...). Il a fallu, en outre, prendre en compte les textes ne figurant pas sur la base LEGI, laquelle couvre les codes, lois et règlements (ainsi que les traités) dans tous les domaines depuis 1987 et la totalité des textes fiscaux parus au Journal officiel depuis 1974.

Des vérifications ont également été effectuées sur les informations tirées de cette base de données afin de prendre en compte les éventuels retards de mises à jour et erreurs de saisie ;

- d'autre part, l'informatique a permis non seulement d'affiner la recherche des textes en interrogeant la base sur des mots ou des dates et en rapprochant les différents textes mais aussi de mieux définir les abrogations rendues nécessaires du fait de la codification ;

- enfin, des informations complémentaires ont pu être prises en compte : jurisprudence, avis du Conseil d'État, références documentaires.

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