Rapport n° 43 (1995-1996) de M. Adrien GOUTEYRON , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 25 octobre 1995

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N° 43

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès verbal de la séance du 25 octobre 1995.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur la proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par M. Adrien GOUTEYRON sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d' activités de radiodiffusion télévisuelle (n° E 419).

Par M. Adrien GOUTEYRON.

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, Président ; Pierre Laftitte, Albert Vecten, Jean Delaneau, Jean-Louis Carrère, vice-Présidents ; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Ivan Renar, secrétaires ; François Autain, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, James Bordas, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carie, Robert Castaing, Marcel Charmant, Philippe Darniche, Marcel Daunay, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Alain Gérard, Jean-Paul Hugot, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Pierre Lacour, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM Pierre Martin, François Mathieu, Philippe Nachbar, Sosefo Makape Papilio, Michel Pelchat, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Mme Danièle Pourtaud, MM Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Serusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir le numéro

Sénat 349 (1994-1995)

Union européenne

Mesdames, Messieurs,

La France a toujours reconnu un caractère prioritaire à la promotion des industries européennes des programmes audiovisuels. Elle l'a montré lors de la longue négociation qui a conduit à l'adoption de la directive 89-552 « télévision sans frontière », elle l'a confirmé au cours de la négociation commerciale multilatérale d'Uruguay, elle s'y tient à l'occasion de la révision de la directive 89-552.

C'est que les enjeux culturels et économiques du développement du secteur audiovisuel croissent en importance à l'heure où, portées par le bouleversement des techniques de la communication, la puissance et la Présence des cartels américains de l'image s'accentuent.

Il reste que la lucidité ne semble pas en la matière la chose en Europe la mieux partagée et que la négociation en cours au Conseil des ministres de l'Union européenne ne suit pas nécessairement le cours que nous aurions souhaité lui imprimer.

Au moment où le dénouement se profile, il est important que le Parlement français contribue à définir entre fermeté et réalisme aboutissement le plus souhaitable de la négociation.

I. LA DIRECTIVE 89-552 « TÉLÉVISION SANS FRONTIÈRE » : UN INSTRUMENT INCOMPLET MAIS UTILE

A. LES OBJECTIFS

1. La libre circulation des services audiovisuels

Depuis 1974 au moins 1 ( * ) , la diffusion télévisuelle est considérée comme une prestation de services au sens du traité de Rome, relève ainsi du droit communautaire de la libre prestation des services et appelle, en application des articles 57§2 et 66 du traité une coordination des dispositions législatives, administratives et réglementaires nationales la régissent.

Ce n'est cependant que le 10 avril 1986 que la Commission des Communautés a présenté au Conseil des ministres une proposition de directive à cette fin. A l'origine, en effet, la Cour de justice avait reconnu la spécificité du secteur de la diffusion et admis l'existence de monopoles nationaux en la matière. Mais dans les années 1980, les monopoles ont été démantelés pour laisser apparaître un « paysage audiovisuel » éclaté, très concurrentiel, très marqué par la logique commerciale et dont le poids économique et technologique tendait à prendre de l'ampleur.

Après quelque trois ans et demi de négociations ardues, le Conseil a adopté la directive 89-552 dite « télévision sans frontière » qui coordonne dans un certain nombre de domaines sensibles le droit des États membres afin d'établir et de faire fonctionner dans de bonnes conditions la liberté des prestations de services dans le secteur de la diffusion télévisuelle.

Les mécanismes juridiques de la directive sont ceux que le droit communautaire met ordinairement en oeuvre pour la construction du marché intérieur européen. Les entreprises des États membres peuvent diffuser librement leurs émissions sur toute l'étendue du territoire de la communauté (désormais Union européenne). Le droit applicable à chaque entreprise est celui de l'État membre dont elle relève selon les critères habituels du droit communautaire, amendés compte tenu des spécificités techniques de la diffusion télévisuelle. Les États membres s'engagent à faire respecter leur droit national, mis en accord avec les prescriptions de la directive, par leurs ressortissants. Les États membres ne se font pas eux-mêmes justice des infractions ou manquements qu'ils auraient à reprocher à des diffuseurs relevant d'autres États membres ou à ces États mêmes : les procédures à mettre en ouvre impliquent la Commission européenne, gardienne des traités et la Cour de justice de l'Union.

Il existe, comme souvent en droit communautaire, des atténuations à la rigidité des principes : les États membres peuvent, dans certaines conditions, suspendre la retransmission d'émissions étrangères pour des raisons tenant à la protection de la jeunesse, et de façon plus générale, quand sont en cause des normes non coordonnées par la directive. De même, la faculté reconnue généralement aux États membres d'appliquer à leurs ressortissants des règles plus strictes que celles imposées par le droit communautaire, sous réserve de ne pas créer des distorsions de concurrence au profit des acteurs économiques nationaux, est formulée à l'article 3 de la directive.

Ainsi, la directive 89-552 se situe-t-elle dans le droit fil du processus d'achèvement du marché intérieur européen lancé en 1987 par l'Acte unique européen. Elle n'en comporte pas moins des objectifs spécifiques que révèle l'examen des domaines coordonnés. La libre circulation des services est en effet subordonnée à l'introduction dans les droits nationaux d'un certain nombre de règles communes dont l'observation par les organismes diffuseurs garantit que l'ouverture du marché européen aura lieu de façon ordonnée.

2. Les objectifs spécifiques

Ils apparaissent dans le choix des domaines coordonnés par la directive. Il est intéressant de relever par ailleurs quelques domaines non traités par la directive et dans lesquels la compétence nationale reste par conséquent exclusive.


• Protection de la personne

L'article 22 de la directive interdit la diffusion de programmes risquant de « nuire gravement » aux mineurs et restreint la diffusion de ceux qui simplement « risquent » de leur nuire.

Le même article impose aux États membres de veiller à ce que les émissions ne contiennent aucune incitation à la haine raciale, religieuse, de sexe ou de nationalité. Des dispositions équivalentes sont applicables à la publicité télévisée (articles 12 et 16).

Par ailleurs, l'article 23 prévoit l'octroi d'un droit de réponse, ou de toute possibilité équivalente, aux personnes lésées par une allégation incorrecte.


• Protection des consommateurs

Dans ce domaine, les dispositions de la directive intéressant essentiellement la publicité et le parrainage. Elles portent sur l'identification des messages publicitaires par le téléspectateur (article 10). Le mode d'insertion des messages dans les différents programmes (articles 11 et 18) et certaines restrictions justifiées par des soucis de santé publique (tabac, médicaments, alcool : articles 13. 14. 15).


• Promotion de l'industrie des programmes

La directive prévoit, dans des termes sur lesquelles on reviendra ci-dessous, qu'une proportion majoritaire du temps de diffusion est consacrée à des oeuvres européennes (article 4) et que 10 % du temps de diffusion est consacrée à des oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants (article 5). A la place de cette dernière obligation, les États membres peuvent décider d'instaurer une obligation de consacrer 10% du budget de programmation à des oeuvres européennes émanant de producteurs indépendants.

La directive aborde aussi le délai de diffusion des oeuvres cinématographiques.

Celles-ci ne peuvent être diffusées à la télévision que 2 ans (1 an en cas de coproduction avec un diffuseur) après leur sortie en salle sauf accord contraire entre le diffuseur et les détenteurs des droits (article 7).


• Quelques domaines non coordonnés.

Il est intéressant de relever que le texte de 1989 n'aborde pas la question, pourtant essentielle, du pluralisme dans la radiodiffusion télévisuelle. Le problème se pose en ce qui concerne le contenu des émissions et le régime juridique des concentrations d'entreprises ; celui-ci revêt une importance particulière au moment où le renouvellement des techniques de la communication et l'apparition de nouveaux marchés suscite des regroupements susceptibles d'aboutir à la constitution de groupes européens multimédias bénéficiant de positions dominantes.

B. LES RÉSULTATS

1. La transposition de la directive

La transposition de la directive dans le droit interne des États-membres n'a été complète qu'en 1994, l'échéance ayant été fixée au 3 octobre 1991. Par ailleurs, la commission a saisi la cour de justice de Luxembourg de deux cas de non-conformité entre la loi nationale et la directive.

2. L'exécution des obligations de diffusion et de production.

Dans son rapport du 31 mai 1995 sur l'application de la directive, la commission fait état d'un « bilan globalement positif  », de l'exécution de ces obligations. Ainsi. 66 % des diffuseurs ont respecté l'obligation de diffusion d'oeuvres européennes en 1991 et 1992. Sont en retrait l'Italie, l'Espagne, la Belgique, la Grèce, l'Allemagne, le Luxembourg, le Royaume-Uni pour certaines chaînes satellitaires, comme on le verra ci-dessous, et la France pour une chaîne câblée.

Par ailleurs. 68.4 % des diffuseurs ont respecté l'obligation de financer ou de diffuser des oeuvres émanant de producteurs indépendants.

Cependant, la commission relève aussi les difficultés d'analyse qui résultent des différences de présentation entre les rapports nationaux, de la diversité des critères de référence retenus par ceux-ci de l'absence de statistiques sur les nouvelles chaînes et dans certains domaines (obligations intéressant les productions indépendantes et la proportion d'oeuvres récentes au sein de celles-ci). Les principales difficultés résultent cependant de la rédaction ambiguë de certaines dispositions de la directive.

3. Les effets d'une rédaction ambiguë ou laxiste

Le texte adopté en 1989 était manifestement insuffisamment précis ou excessivement laxiste sur trois points au moins :


• Le critère d'identification de l'État membre ayant compétence sur un organisme de diffusion télévisuelle.

Ce point est essentiel compte tenu du fait que le rattachement d'un diffuseur à l'ordre juridique d'un État membre lui permet de se prévaloir de la liberté d'émettre sur tout le territoire de l'Union européenne. Toute imprécision ou toute insuffisance ouvre aux diffuseurs la possibilité de jouer des différences entre les législations nationales pour se placer sous le régime juridique commercialement le plus favorable sans que leurs liens avec l'État membre de rattachement aient nécessairement une réalité économique tangible de graves distorsions de concurrence peuvent en résulter.

Or la directive 89-552 énonce un critère de rattachement singulièrement lâche : le diffuseur relevant de la compétence d'un État membre est soumis au droit de ce dernier. Il existe un critère subsidiaire : le diffuseur qui ne relevant de la compétence d'aucun État membre, utilise une fréquence, une capacité satellitaire ou une liaison montante située dans un État membre, est soumis au droit de ce dernier.

Ainsi, le critère principal de rattachement est fourni par les droits nationaux, non coordonnés en la matière, ce qui suscite des cas de vide de compétence ou de cumul de compétence. Le premier cas est illustré par la situation de la chaîne de télévision Red Hot Télévision, diffusée à partir des Pays-Bas et du Danemark, établie au Royaume-Uni, mais ne relevant de la compétence d*aucun de ces États selon leur droit interne. Le second cas est illustré par RTL TV que la Belgique et le Luxembourg considèrent simultanément comme relevant de leur autorité.


• Le caractère insuffisamment normatif des quotas de diffusion ainsi que des obligations de financement ou de diffusion d'oeuvres émanant de producteurs indépendants.

Les obligations relatives à la promotion des oeuvres européennes figurant aux articles 4 et 5 de la directive doivent être exécutées «  chaque fois que cela est réalisable  », «  progressivement  », et « par les moyens appropriés », ce qui offre une marge de manoeuvre certaine aux États-membres peu convaincus de l'opportunité d'imposer aux diffuseurs des contraintes réglementaires pesant sur leur stratégie commerciale.

De fait, le Royaume-Uni a institué un régime juridique particulièrement laxiste à l'intention des chaînes satellitaires non-européennes dont l'objectif est d'occuper, et dont la réussite serait de saturer, le créneau commercial des chaînes thématiques en diffusant à moindre prix des programmes acquis à moindre coût sur le marché américain. C'est le cas de TNT Cartoon, titulaire d'une licence au titre du régime britannique des services de satellite non national, dont la Cour de Justice de l'Union européenne a été saisie par un tribunal belge.


• La définition de l'oeuvre

L'article 4 de la directive exclut du calcul de la diffusion majoritaire d'oeuvres européennes, les informations, les manifestations sportives, les jeux, la publicité, les services de télétexte, ce qui revient a contrario à assimiler aux « oeuvres » les émissions de plateau, variétés, « talk shows »
• Ceci permet aux diffuseurs de se libérer à bon compte de leurs obligations en matière de quotas de diffusion. La promotion de l'industrie européenne des programmes, objectif de la directive, et la production d'un volume suffisant d'oeuvres de création susceptible d'irriguer l'espace audiovisuel européen aussi bien sur le premier que sur le second marché de la diffusion, en sont affectées d'autant. La logique économique de la directive voudrait que seuls-les films de cinéma, les fictions télévisuelles, les documentaires et les films d'animation, véritables oeuvres de création, soient considérées comme des oeuvres.


• L'insuffisance des mécanismes de sanction

L'article 3 §2 de la directive dispose que « les États membres veillent, par les moyens appropriés, dans le cadre de leur législation, au respect par les organismes de radiodiffusion télévisuelle relevant de leur compétence, des dispositions de la présente directive ». Traduisant ce Principe, l'article 4 §3 dispose que les États membres communiquent tous les deux ans à la commission un rapport sur l'application des dispositions relatives à la promotion de l'industrie européenne des programmes (articles 4 et 5). Les rapports doivent mentionner les mesures adoptées ou envisagées Pour atteindre les obligations de diffusion et d'investissement fixées par la directive.

Or la commission observe que la majorité des rapports transmis ne Présente aucune mesure prise ou envisagée à l'encontre des diffuseurs en infraction. Le fait que la directive ne prescrive pas expressément l'institution de mécanismes de sanction n'est sans doute pas étranger à ce défaut.

4. Les résultats économiques de la directive

Ici encore, un examen sommaire des effets de la directive, pour autant que l'on puisse les identifier parmi les multiples facteurs de l'évolution de la production audiovisuelle, conduit à des appréciations contrastées mais Pour l'essentiel encourageantes.


• Force est de constater que la construction de l'espace audiovisuel européen n'a guère avancé et que le cloisonnement des marchés nationaux n'efface véritablement jusqu'à présent que devant la production américaine.

C'est vrai pour les oeuvres cinématographiques. Le livre vert de la Commission européenne d'avril 1994 sur le renforcement de l'industrie des programmes dans le contexte de la politique audiovisuelle de l'Union européenne note que « quelque soit le support considéré, la part de marché des films européens n'a cessé de décroître au profit de films extra-européens, principalement nord-américains ».

C'est ainsi qu'en dix ans, les films européens ont perdu une grande part du marché des salles européennes, alors que l'industrie américaine réussissait à conserver son public : 420 millions de spectateurs par an alors que l'industrie européenne passait de 600 millions à 120 millions de spectateurs.

Les films européens restent en fait largement confinés sur leur marché national, tout comme les fictions audiovisuelles, généralement conçues pour une audience nationale avec un financement national : pour prendre l'exemple français, en 1994, selon le Centre national de la cinématographie (CNC). 20 % seulement des oeuvres de fiction aidées par le compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels (COSIP) étaient des coproductions internationales, la plupart étant majoritairement françaises. Le financement étranger de ces oeuvres a diminué de 33 % par rapport à 1993 en apport horaire moyen et les apports étrangers ne représentent plus que 10 % du montant des devis. Cette tendance, qui n'est pas spécifique à la France, illustre la difficulté de créer un marché européen des programmes audiovisuels.


• Si l'on se tourne vers la production audiovisuelle française, les perspectives de la libre circulation des oeuvres sont à peine meilleures. D'après une étude récente de TV France International et de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), le chiffre d'affaires à l'exportation des diffuseurs, producteurs et distributeurs actifs dans le domaine de l'exportation a augmenté de 15 % en 1994. Il est vrai cependant qu'une part importante de cette progression est assurée par les jeux (qui représentent 9 % des exportations de 1994 contre 4 % de celles de 1993) grâce notamment au succès international de Fort Boyard et de la Chasse au trésor. En revanche, la fiction est en repli : elle ne représente en 1994 que 35 % des exportations contre 44 % en 1993, ce qui la rapproche des oeuvres d'animation qui représentent 31% des exportations (contre 27% en 1993). L'Europe occidentale représente 70 % du chiffre d'affaires à l'exportation, ce qui peut apparaître comme une conséquence de la directive 89-552. La production française, qui apparaît en effet de plus en plus efficace sur le marché français, contribue ainsi progressivement à l'approvisionnement des diffuseurs étrangers en oeuvres européennes.


• La réglementation française impose aux diffuseurs des obligations plus strictes que les prescriptions des articles 4 et 5 de la directive 89-552. Ces exigences, dont le CSA constate d'année en année la meilleure exécution et qui n'ont pas eu sur la situation financière des chaînes les effets désastreux que des diffuseurs alarmistes avaient prophétisés, se traduisent par la production de téléfilms et de séries qui connaissent de forts succès d'audience. Si le film cinématographique est longtemps resté avec le sport le genre le plus porteur d'audience à la télévision, il semble en effet qu'une évolution soit en cours : en 1994, les fictions audiovisuelles (téléfilm, séries-feuilletons) ont devancé les longs métrages en termes d'audience, représentant 43 des 100 premiers résultats contre 25 en 1993. On se souvient du succès, aux heures de grande écoute, d'oeuvres comme l'Instit, les Maîtres du pain, le Château des Oliviers. Ces productions, réalisées, contrairement aux films cinématographiques, en fonction de l'attente du public de la télévision, sont de plus en plus prisés par les responsables de grilles de programmes : France 2 et TF1 consacrent, en première partie de soirée, trois cases thématiques par semaine à la fiction française et les oeuvres américaines sont désormais programmées en dehors des heures de grande écoute ; sur M6 longtemps considérée comme la chaîne des séries américaines, la fiction française augmenté de 15.7 % en 1994 par rapport à 1993.

Ainsi, la réglementation obligeant les chaînes à diffuser aux heures de grande écoute des oeuvres françaises susceptibles de satisfaire le goût du Public, les taux d'audience confirmant le succès de cette démarche, la fiction française apparaissant désormais comme un élément clé de l'articulation des grilles de programmes, la dynamique économique sommaire a été cassée, qui amenait les diffuseurs en quête de programmes attractifs et économiques à déverser sur un public en voie d'aliénation culturelle les séries répétitives amorties sur le marché d'outre-Atlantique.

L'évolution est équivalente dans les autres États membres : RTL qui diffusait presque intégralement des programmes américains lors de ses débuts en Allemagne, diffuse actuellement 35 % de fictions allemandes afin de répondre à la demande de son public.

Il est vrai que les performances sont moins remarquables dans le domaine de la production cinématographique : le film français est en léger repli depuis 1992 dans les grilles de programmes. Il n'en demeure pas moins que la réglementation de la diffusion a contribué au renouvellement de la Production française et européenne sans que l'équilibre des chaînes hertziennes généralistes en soit altéré, comme le montre dans le cas de la France l'amélioration continue des résultats financiers de celles-ci.

Appliquée avec rigueur, la politique des quotas de diffusion a donc de bons résultats en termes qualitatifs et quantitatifs et paraît susceptible de favoriser ainsi à terme l'établissement de courants significatifs d'échanges de programmes audiovisuels à l'intérieur de l'Union européenne.

II- LA RÉVISION DE LA DIRECTIVE 89-552 : UNE ENTREPRISE ALÉATOIRE

A. LE CONTEXTE

1. La dimension économique

La directive 89-552 peut être interprétée comme une tentative d'organiser l'espace audiovisuel européen sous le signe de la préférence communautaire. L'objectif est ambitieux : la part des produits américains représente, sauf en France, plus de 80 % des marchés européens alors que les Produits européens ne représentent que 1 % du marché américain (hors les 2 % revenant aux productions anglaises souvent à forte connotation financière nord-américaine). Vers la fin des années 1960, les films américains représentaient 35 % du marché européen, les films européens parvenant à atteindre 7 à 8 % de parts de marché aux États-Unis : il y a une reconquête à entreprendre.

Dans la mesure où l'industrie audiovisuelle reste largement tirée par les films de cinéma, ces données sont inquiétantes, en dépit des progrès de la production audiovisuelle non cinématographique. Le récent livre blanc de la Commission européenne sur la croissance, la compétitivité et l'emploi considérait que le développement des techniques numériques va faire passer, dans l'Union européenne, la demande de programmes audiovisuels de 23 milliards d'écus actuellement à 45 milliards à la fin du siècle, le nombre de chaînes passant de 120 à plus de 500 et celui des heures d'émissions de 650.000 à 3.500.000. En termes d'emploi, la Commission européenne a estime les perspectives de croissance à 2 millions d'ici l'an 2000. Quelle que soit la valeur de ces supputations, l'impression dominante est que la transformation des techniques de la communication, l'apparition d'autoroutes de l'information sur lesquelles circuleront les produits « multimédias » les plus divers, vont placer la communication audiovisuelle au premier rang des économies du futur. Le ministre des technologies de l'information et de la Poste notait ainsi devant l'Assemblée nationale le 5 octobre dernier : « le Japon, par exemple, estime que l'industrie du multimédia devrait avant quinze ans supplanter son automobile ».

L'organisation de l'espace audiovisuel européen, et la révision de la directive 89-552, mettent donc en jeu des intérêts économiques essentiels pour l'Europe. A ceux-ci s'ajoutent des préoccupations d'ordre culturel dont la négociation commerciale de l'Uruguay round a entériné la légitimité.

2. Le contexte international


• L'Accord général sur le commerce des services

L'évolution du régime juridique de la diffusion télévisuelle est de plus en plus conditionnée par le contexte international, largement détermine dans un premier temps par les conclusions, à la fin de 1993, de la négociation multilatérale du GATT (Accord général sur le commerce et les tarifs douaniers), l'Uruguay round, et à échéance encore indéterminée, par les évolutions qui auront lieu sous l'impulsion de l'Organisation mondiale du commerce, mise en place à la suite de l'Uruguay round.

On sait que les États-Unis voyaient dans la négociation du GATT une occasion de s'opposer juridiquement à la politique des quotas de diffusion en Europe. Leur objectif était de soumettre le secteur audiovisuel aux règles de droit commun régissant le commerce des services et regroupées dans l'accord conclu sous le nom de GATS (accord général sur le commerce des services)-S'il n'a pas été possible d'obtenir que l'audiovisuel ne soit pas soumis aux règles de l'accord, l'Union européenne n'a souscrit aucun engagement de libéralisation commerciale dans ce secteur, auquel l'accord est ainsi inapplicable en principe, à l'exception des dispositions intéressant le règlement des conflits commerciaux : aucune mesure de rétorsion unilatérale ne peut être prise par les États-Unis contre la réglementation européenne, les différents doivent être soumis à arbitrage dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). L'équilibre ainsi réalisé est précaire, l'exception culturelle n'a pas été admise et les services audiovisuels sont considérés comme marchands, mais la libéralisation de leur commerce n'a pas été engagée.

La marge de manoeuvre réglementaire préservée par l'Union européenne pourrait donc être éphémère. Les négociations commerciales multilatérales prennent désormais un caractère permanent, et des sessions doivent réexaminer les conditions juridiques du commerce des services tous 'es cinq ans, au sein de l'OMC. Par ailleurs, nul ne peut garantir que l'examen par les instances arbitrales de l'OMC d'éventuels différends commerciaux intéressant le commerce des services audiovisuels ne conduira pas à la remise en cause prématurée du statu quo. Enfin, l'Union européenne vient de déposer à l'OMC une offre de libéralisation des services de télécommunications, or l'avancée des procédés de diffusion numérique et des réseaux de transport de données à grand débit (autoroutes de l'information) brouille la distinction avec les services de communication audiovisuelle qui pourraient réapparaître aussi par ce biais au coeur de la négociation commerciale multilatérale.


• Le contexte européen

La renégociation de la directive 89-552 intervient ainsi à un moment où l'Union européenne dispose d'une capacité juridique d'agir qu'elle ne conservera peut-être pas très longtemps.

Sa propre évolution devrait la porter à accorder une attention plus vive à l'évolution de son secteur audiovisuel. En effet, jamais sans doute la légitimité d'une politique volontariste de promotion du secteur audiovisuel dans le cadre européen n'a été apparemment aussi forte. Le traité de Maastricht a inséré dans le traité de Rome un titre IX consacré à la culture qui autorise la Communauté à agir afin d'encourager la coopération entre États membres, et si nécessaire appuyer et compléter leur action en matière de " création artistique et littéraire, y compris dans le secteur de l'audiovisuel » (article 128). Si ces dispositions intéressent l'adoption de programmes de soutien financier à la création audiovisuelle et non pas l'harmonisation de la réglementation de l'audiovisuel, elles n'en justifient pas moins l'adaptation du Principe de la liberté des prestations de services compte tenu de la nature spécifique des services audiovisuels.

La volonté politique paraît cependant faire défaut chez la plupart de nos partenaires.

En effet, l'application par les diffuseurs des obligations qui leur sont imposées par la directive est coûteuse : les programmes de fiction les plus rentables en début de soirée sont de loin les produits américains dont le prix de revient est souvent deux fois moins élevé que celui des programmes français, à audience et à recettes publicitaires égales, comme le démontre une étude récente 1 ( * )

Dès lors, et spécialement dans les petits pays dont la production audiovisuelle est peu développée, l'obligation d'acheter des programmes européens est pénalisante pour les diffuseurs qui tentent d'y échapper en remplissant leurs quotas d'oeuvres européennes avec des programmes de flux (émissions de plateau, variétés, magazines) considérés comme des « oeuvres » par la directive.

Cette logique, remise en cause en France ces deux dernières années grâce à la meilleure qualité des fictions françaises et à l'évolution des goûts du public, perdure dans des États membres dépourvus de production nationale et dans lesquels la diffusion de fictions américaines se présente comme le moyen le plus économique de fidéliser l'audience.

Au-delà de ces facteurs qui expliquent les divergences d'appréciation des États membres, il convient aussi de prendre en compte les incertitudes que l'évolution des marchés et des techniques fait peser à terme sur l'efficacité des systèmes de quotas de diffusion.

3. Incertitudes

Le bouleversement des techniques de la communication et l'entrée dans l'ère numérique vont établir la libre circulation, à l'échelle mondiale et non européenne, des oeuvres, des programmes, des services de communication audiovisuelle, sans doute plus efficacement que la directive 89-552.

La généralisation de la diffusion numérique va provoquer à terme la démultiplication des capacités de transport par voie hertzienne, satellitaire câblée ou filaire à des coûts décroissants et au bénéfice de produits interactifs brouillant, comme on l'a indiqué ci-dessus, la frontière entre la communication audiovisuelle et les télécommunications. Un secteur économique nouveau, dont le régime juridique n'est pas encore élaboré, va surgir de ces rapprochements. Ses produits emprunteront de façon indifférenciée les supports existants et ses zones de chalandise ignoreront de plus en plus les frontières : les empreintes satellitaires sont presque continentales et l'interconnexion mondiale des réseaux de transport de données à grand débit est déjà bien avancée. Les réglementations nationales et régionales de la communication audiovisuelles seront de plus en plus facilement contournées en pratique mais aussi juridiquement dans la mesure où le régime de la communication audiovisuelle sera vraisemblablement peu appliqué aux nouveaux services multimédia interactifs suscités par la numérisation de la diffusion.

Cette évolution déjà engagée condamne toute démarche strictement nationale en matière de réglementation de la diffusion télévisuelle, les opérateurs nationaux soumis à des contraintes fortes subissant de graves distorsions de concurrence dans un domaine dont on a rappelé le caractère bientôt stratégique pour l'emploi et pour la croissance.

Il faut aussi prévoir la perte de substance des quotas de diffusion si le développement annoncé, quoique mis en doute par de nombreux observateurs des services de vidéo à la demande ou quasi à la demande remet en cause la prépondérance actuelle des services de télévision généralistes. Avec ces nouveaux services, le régime des quotas sera difficile à appliquer, le consommateur étant maître de ses choix. Ce sera alors la seule capacité d'offrir des programmes compétitifs et performants qui déterminera l'évolution de la production audiovisuelle européenne et française.

Ces éléments semblent indiquer qu'à plus ou moins long terme le régime des quotas s'effacera devant des systèmes d'incitation à la production : obligations d'investissement des diffuseurs dans la production nationale ou européenne, instruments financiers divers du type compte de soutien à industrie des programmes (COSIP) ou programme MEDIA.

B. LES PROPOSITIONS EN NÉGOCIATION

1. Les propositions de la commission

En mars dernier, après nombre d'atermoiements révélateurs des divergences que suscite la mise en place de l'espace audiovisuel européen, la Commission européenne a adopté une proposition de directive modifiant la directive 89-552. On en décrira les éléments essentiels en distinguant les dispositions de fond et celles intéressant la mise en oeuvre de la réglementation européenne.

a) Dispositions de fond


• La promotion des oeuvres européennes

La proposition de la Commission renforce l'obligation de diffuser une proportion majoritaire d'oeuvres européennes : la mention « chaque fois que cela est réalisable » qui atténuait comme on l'a vu ci-dessus la portée de la prescription, est supprimée. Cette novation doit être appréciée au regard de l'interprétation restrictive que la commission donnait de cette mention dans le rapport sur l'application des quotas publié en mars 1994 :

« ... il est incontestable que la majorité des chaînes figurant dans les rapports, et en particulier celles établies depuis un certain temps, est capable économiquement d'offrir une proportion majoritaire d'oeuvres européennes et de maintenir en même temps des taux d'audience satisfaisants. (...) L 'article 4 requiert que toutes les chaînes relevant de la compétence des États membres diffusent, en principe, une proportion majoritaire d'oeuvres européennes lorsque de telles oeuvres existent en quantité suffisante pour le type de chaîne concerné, ou lorsque l'industrie européenne des programmes est potentiellement capable d'en produire en quantités suffisantes. L'objectif de la mesure est après tout de stimuler le développement de cette industrie et de permettre aux téléspectateurs d'avoir accès à ces produits. De plus, la directive établit un cadre juridique applicable à tous les diffuseurs ; le principe de concurrence loyale implique que ce cadre soit appliqué avec équité et de façon aussi uniforme que possible. Les rapports démontrent qu'il n'y a aucune justification (en termes de viabilité économique) à ce que les règles des articles 4 et 5 soient appliquées de manière significativement différente à des chaînes d'un même type quel que soit le marché vise, simplement parce que le diffuseur en question relève de la compétence d'un autre État membre. Le terme « progressivement » permet de tenir compte de la situation particulière des nouveaux diffuseurs, mais pas de les dispenser d'atteindre la proportion majoritaire à terme. »

La politique de la commission est ainsi de rendre progressivement effective la règle de la diffusion majoritaire d'oeuvres européennes. Le texte de l'article 4 de la directive 89-552 a donc potentiellement une véritable valeur normative. La suppression de la mention « chaque fois que cela est réalisable » confirme cette évolution. Encore faut-il noter que ce renforcement doit être progressif : les chaînes de télévision nouvelles ne seraient intégralement soumises au quota de diffusion que trois ans après le début de leurs émissions.

Quatre autres facteurs altèrent la portée des propositions de la commission sur les quotas de diffusion.

D'une part, leur durée d'application serait limitée à 10 ans. Alors que nul ne peut prédire la situation et les besoins du marché audiovisuel à cette échéance, il apparaît singulièrement inopportun d'édicter d'emblée une durée d'application qui contraindra les États membres soucieux de leur autonomie culturelle et de la prospérité de leur industrie des programmes à se présenter à nouveau en demandeurs et à livrer un combat difficile quand l'échéance se présentera. On ne saurait croire, rappelons-le, les quotas éternels, il serait cependant utile de substituer à la limitation de 10 ans une clause d'évaluation et de révision à échéance plus brève, la « charge de la preuve » étant ainsi renversée.

D'autre part, la proposition de la Commission européenne pérennise l'assimilation des émissions de plateau, variétés, « talk shows » aux oeuvres européennes. Elle permet ainsi, comme on l'a vu, aux diffuseurs de se libérer a bon compte de leurs obligations en matière de quotas de diffusion. La création d'un volume suffisant d'oeuvres de création susceptibles d'irriguer l'espace audiovisuel européen en est affectée d'autant. Il conviendrait donc que seuls les films de cinéma, les fictions télévisuelles, les documentaires et les films d'animation, véritables oeuvres de création, soient considérés comme des oeuvres.

Par ailleurs, l'absence de la notion d'heures de grande écoute durant lesquelles l'obligation de diffusion devrait être appliquée, assez compréhensible dans le texte de 1989 dans la mesure où la diffusion nocturne n'était pas aussi développée qu'aujourd'hui, constitue une autre échappatoire susceptible de freiner la construction de l'espace audiovisuel européen.

Enfin, le projet de directive prend en compte la situation spécifique des chaînes thématiques consacrées au cinéma, à la fiction audiovisuelle, au documentaire ou au dessin animé. Ce traitement particulier peut se justifier, mais le dispositif proposé à cette fin peut être amélioré. En effet, il est prévu d'offrir à ces chaînes le choix entre l'application des quotas de diffusion et une obligation d'investissement dans les programmes, fixée à 25 % du budget de programmation. Le choix du budget de programmation comme base du calcul de l'obligation d'investissement est contestable dans la mesure où même définie dans le texte du projet, cette notion est plus floue et surtout plus difficilement contrôlable que celle de chiffre d'affaires, qu'il aurait été Préférable de retenir. Il serait aussi nécessaire de mieux préciser la définition des chaînes thématiques : le libellé de la proposition ouvre la voie à une interprétation très extensive de la notion (les trois catégories de programmes mentionnées, cinéma-fiction-documentaires sont-ils pris en compte ensemble ou séparément pour vérifier si le critère de 80 % du temps de programmation est rempli ?) ou trop restrictive (les chaînes musicales ne paraissent pas assimilées à des chaînes thématiques). Il serait enfin nécessaire que les États membres demeurent maîtres de l'octroi aux chaînes thématiques de cette Possibilité d'opter.

Le renforcement du caractère normatif des obligations imposées aux diffuseurs est opéré de façon presque identique en ce qui concerne la Promotion d'oeuvres émanant de producteurs indépendants (article 5) : suppression de la mention « chaque fois que cela est réalisable », fixation de la part réservée aux « oeuvres récentes » de producteurs indépendants à au moins 50 % du montant d'investissements ou du temps de diffusion à réaliser (le texte de 1989 mentionnait simplement la nécessité de réserver à ces oeuvres une « proportion adéquate »).


• La chronologie des médias

L'article 7 de la directive 89-552 fixe un délai minimum de deux ans entre le début de l'exploitation d'un film de cinéma en salle et sa diffusion à la télévision. Ce délai est ramené à un an quand le film est coproduit par le diffuseur. En outre, des délais plus brefs peuvent être décidés contractuellement entre un diffuseur et les détenteurs de droits.

Ce dispositif est justifié, du point de vue national, par deux objectifs.

Il s'agit d'une part d'assurer aux exploitants de salles un créneau d'exploitation avant la commercialisation sous forme de vidéocassettes et la diffusion télévisée. Accessoirement, le privilège ainsi conféré à la distribution en salle apparaît comme une garantie de ressources pour le compte de soutien à l'industrie des programmes (COSIP) financé en partie par une taxe sur le prix des places de cinéma.

Il s'agit d'autre part de protéger les producteurs contre l'emprise des diffuseurs susceptibles de leur imposer des délais non conformes à leurs intérêts commerciaux. Ceux-ci consistent généralement à échelonner l'exploitation de leurs droits selon la séquence suivante : cinéma, location et vente de vidéocassettes, services de télévision cryptée, télévisions généralistes.

Or le texte de l'article 7 ne répond guère à ces attentes. En effet, la possibilité de déroger contractuellement aux délais prescrits fait disparaître la protection des producteurs contre les grands diffuseurs. Par ailleurs, la fixation du début de l'exploitation en salle dans un État membre comme point de départ de la computation des délais est incohérente : si un film américain est projeté en salle dans un État membre bien avant sa sortie dans les salles françaises, la diffusion télévisuelle pourra intervenir, en France, à une date rapprochée de cette sortie, voire la précéder. Il serait donc nécessaire d'adopter une rédaction ne présentant pas le risque de faire obstacle, dans les États membres où la sortie en salle serait tardive, à l'application de la « chronologie des médias ».

La proposition de la Commission ne donne satisfaction sur aucun de ces points. En ce qui concerne le premier cependant, la possibilité reconnue par l'article 3 d'édicter sur le plan national des règles plus strictes permet d'envisager l'encadrement des dérogations contractuelles à la « chronologie des médias » afin de limiter la marge de manoeuvre des grands diffuseurs hertziens.

En ce qui concerne en revanche le point de départ de la computation des délais, la Commission européenne considère sa proposition comme seule compatible avec la sécurité juridique des diffuseurs et leur égal traitement d'un État membre à l'autre. Ignorant le poids prépondérant de certains diffuseurs dans l'économie de l'audiovisuel, elle considère aussi que le point de départ unique de décompte des délais d'exploitation télévisuelle amène les producteurs et distributeurs de films à développer des stratégies de commercialisation adaptées à la nature des oeuvres qu'ils produisent.

Les seules modifications proposées par la Commission pour le dispositif de l'article 7 consistent donc à introduire les services de paiement à la séance et ceux de télévisions à péage dans la chronologie des médias, avec des délais minimum plus courts que ceux de la diffusion en hertzien généraliste gratuit, eux-mêmes ramenés à dix-huit mois.


• Le télé-achat et publicité

Le projet de la commission tend à favoriser le développement du télé-achat, désormais spécifiquement défini à l'article premier. Les fenêtres d'exploitation qu'il serait possible de lui affecter passeraient d'une à trois heures par jour sur les chaînes généralistes (article 18 ter). On a pu s'inquiéter de la diminution du temps consacré à la fiction qui en résulterait. Il convient de remarquer à cet égard que le télé-achat apparaît sur les chaînes généralistes comme un mode de rentabilisation des heures de faible écoute, qui ne passent pas pour des créneaux idéaux de promotion de la fiction européenne. Plus généralement, il convient de ne pas multiplier les contraintes réglementaires susceptibles de peser sur la gestion des diffuseurs et de ne pas négliger le fait que le premier objectif de ceux-ci est de rentabiliser leur exploitation dans le cadre réglementaire légitimé par un intérêt général dûment identifié.

Parmi d'autres modifications de détails intéressant la publicité, il faut noter que les téléfilms ne seraient plus soumis aux dispositions restreignant 'es interruptions publicitaires (une seule coupure par tranche complète de 45 minutes, une interruption supplémentaire possible si la durée du film dépasse d'au moins 20 minutes une ou plusieurs tranches de 45 minutes). Il s'agit, selon la commission, de tenir compte de la structure des téléfilms, conçus pour permettre les coupures sans altérer l'intégrité de l'oeuvre, et de tenir compte du cycle économique spécifique des téléfilms, différent de celui des films de cinéma.

Ces arguments ne sont pas sans force. Cependant, la disjonction du régime publicitaire des films de cinéma et de celui des téléfilms peut donner à ces derniers un avantage concurrentiel. Ceci ne se produirait, en France, que dans le cas où l'article 12 de la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 supprimant la Possibilité de pratiquer plusieurs interruptions publicitaires lors de la diffusion des oeuvres audiovisuelles serait abrogé, ce que la directive n'impose en aucun cas, les États membres conservant, comme on l'a vu, la Possibilité d'édicter des mesures plus contraignantes à l'intention des diffuseurs qui relèvent de leur compétence.


Protection des mineurs et moralité publique

La proposition de la Commission modifie peu les dispositions prises en faveur de la protection des mineurs et de la moralité publique.

La possibilité serait reconnue aux États membres de restreindre la réception ou suspendre la retransmission d'émissions contenant des incitations à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité. Jusqu'à présent, seules les infractions aux dispositions relatives à la protection des mineurs ouvrent cette possibilité.


• Extension du champ d'application de la directive

Dans son rapport d'application de la directive 89-552, la Commission estime que celle-ci couvre « non seulement les services dits conventionnels de télévision mais également des services tels que le pay per view (paiement à la séance) ou la near video on demand (quasi video à la demande) » et que « tous les services du type point à multipoint, c'est-à-dire ceux qui sont diffusés en même temps à plus d'un point de réception (téléviseur) sont donc déjà clairement couverts et bénéficient du cadre fourni par la directive ». La Commission précise en outre « qu' 'il n'a pas été jugé opportun à ce stade d'étendre le champ d'application de la directive aux nouveaux services point à point en raison de la nature spécifique des problèmes qu'ils posent ».

La directive est applicable à la radiodiffusion télévisuelle, définie comme l'émission de programmes télévisés destinés au public. L'article 1er §a précise que les services de communication fournissant sur appel individuel des éléments d'information ou d'autres prestations n'entrent pas dans cette définition. Si les services de paiement à la séance et à ceux de vidéo presque à la demande (services de paiement à la séance multidiffusés sur plusieurs canaux avec un léger décalage) seront, selon ces définitions, dans le champ d'application de la directive 1 ( * ) , certains nouveaux services se situant dans le prolongement direct de l'activité des diffuseurs, tels que la vidéo à la demande, et qui constitueront une partie essentielle de l'économie du secteur, ne le seront pas car ils fonctionnent sur appel individuel. Certains services explicitement mentionnés par la directive, tels que le télé-achat, seront d'autre part dans une situation juridique ambiguë ou partagée dès lors qu'une utilisation des techniques d'interactivité, dont le développement est inévitable dans un tel domaine, ferait intervenir le fatidique « appel individuel » du consommateur qui place l'activité sous le régime des télécommunications. Toutes sortes de distorsions de concurrence résulteront d'une telle situation.

Il serait donc utile de préciser la définition de la diffusion télévisuelle énoncée par la directive afin de la rendre applicable aux services nouveaux s'ils apparaissent comme le prolongement naturel des services audiovisuels existants et s'insèrent dans l'économie de la communication audiovisuelle, selon des critères à définir. Il n'est bien entendu pas question d'aller, à ce stade, au-delà d'une assimilation de principe et d'appliquer les dispositions de tond de la directive à ces services avant que le développement du marché ne Permette d'apprécier précisément leurs besoins spécifiques.

b) Dispositions intéressant lu mise en oeuvre de la directive


• Le rattachement des diffuseurs

Le projet de directive précise les critères de détermination de la compétence des États membres sur les organismes de radiodiffusion télévisuelle. Il s'agit d'un aspect important du dispositif de mise en oeuvre de la directive. Le texte de 1989 est imprécis à cet égard, ce qui a contribué à rendre aléatoire le contrôle des diffuseurs, comme on l'a vu ci-dessus.

Il faut noter la faiblesse des critères retenus dans la proposition : établissement sur le territoire d'un État membre avec détention d'une installation stable et exercice d'une activité économique effective sur le même territoire ; et, pour les organismes établis en dehors de l'Union européenne, utilisation d'une fréquence, d'une capacité satellitaire ou d'une liaison montante vers un satellite accordées par un État membre.

Il est souhaitable que la directive coupe court de manière préventive aux contestations susceptibles de surgir sur les notions d'installation stable et d'exercice d'une activité économique effective sur un territoire, et établisse une hiérarchie dans la prise en compte de ces critères s'ils conduisent à des conclusions contradictoires. On rappelle à cet égard que le droit communautaire exige, pour déterminer le lieu d'établissement d'une entreprise, que ses activités présentent un lien effectif et continu avec l'économie d'un État membre. On pourrait vérifier la réalité de ce lien en se fondant sur la zone de chalandise des services, ce qui ferait obstacle aux délocalisations de diffuseurs souhaitant tirer parti de la réglementation laxiste de certains États membres. Toutefois, cette démarche paraît incompatible avec la notion d'établissement, notion clé dans le domaine de la liberté de circulation des services qui fournit à la directive sa base juridique. Force est alors de se rabattre sur des critères tels que le lieu d'assemblage des programmes, celui où sont prises les décisions éditoriales. Il conviendrait aussi de prévoir la contradiction résultant d'une implantation dispersée des organes responsables (lieux du siège social, de la régie finale, d'établissement des grilles de programmes ...).

Quant au problème des délocalisations, il apparaît au détour d'un considérant de la proposition de la Commission : « considérant que conformément à une jurisprudence constante de la Cour de justice, un État membre conserve le droit de prendre des mesures à l'encontre d'un organisme de radiodiffusion qui s'établit dans un autre État membre, mais dont l'activité est entièrement ou principalement tournée vers le territoire du premier État membre, lorsque cet établissement a eu lieu en vue de se soustraire aux règles qui seraient applicables à cet organisme s'il était établi sur le territoire du premier État membre. »

Il serait plus efficace d'énoncer ce principe dans le dispositif de la directive en en étendant sa portée : il semble, selon la Commission, que la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union ne soit pas applicable aux diffuseurs émettant vers plusieurs États membres. Ainsi, un diffuseur établi au Luxembourg, faisant sur le marché publicitaire français une partie importante de son chiffre d'affaires mais émettant aussi vers la Belgique, pourrait se prévaloir de la législation luxembourgeoise en toute sécurité juridique. Ce genre de combinaison devrait être déjoué.


• Les mesures nationales de mise en oeuvre

Le projet de directive énonce de façon beaucoup plus précise que le texte de 1989 l'obligation imposée aux États membres d'assurer l'application de la directive.

Le projet dispose en effet comme en 1989 que les États membres « veillent ... au respect  » de la directive, mais précise en outre que ceux-ci établissent des sanctions suffisantes en cas de non-respect par les organismes relevant de leur compétence, et qu'ils instituent des « mesures provisoires ayant pour but de remédier à une violation de la directive, si nécessaire au moyen de la suspension de l'autorisation d'émettre ».

On peut cependant regretter qu'aucune disposition n'ait été prise afin de garantir aux opérateurs éventuellement lésés par le non-respect de la directive, la possibilité d'intenter une action juridique contre un concurrent en infraction, dans l'État membre dont celui-ci est ressortissant. Là encore, un considérant de la proposition aborde le problème de façon insuffisamment opérationnelle : « considérant que toute partie intéressée dans l'Union doit pouvoir faire valoir ses droits devant les juridictions compétentes de l État membre dont relève l'organisme de radiodiffusion qui ne respecte pas les dispositions nationales découlant de l'application de la présente directive. »

2. Le projet de compromis présenté par la présidence espagnole

La présidence espagnole a présenté au Conseil, au début d'octobre  » un projet de compromis satisfaisant sur de nombreux points mais décevant sur la question cruciale des quotas de diffusion.

a) Les quotas de diffusion

L'article 4 du projet de la Commission est scindé, dans la proposition espagnole, en deux articles, le premier énonce l'obligation de diffuser une Proportion majoritaire d'oeuvres européennes dans des termes identiques à ceux de la proposition. La définition des chaînes thématiques est cependant Précisée de façon restrictive : 40 % du temps de programmation doit être consacré à l'un des trois types d'oeuvres (fiction, documentaire, dessin animé) susceptible de remplir 80 % de la grille des programmes.

Le second article issu de la scission de l'article 4, numéroté 5 bis, atténue sensiblement par rapport au texte de la Commission la force normative de l'obligation de diffusion (art. 4) ainsi que celle des dispositions en faveur de la production indépendante (art. 5). Ce texte dispose en effet que « chaque État membre veille à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle qui relèvent de leur compétence emploient tous les moyens dont ils peuvent raisonnablement disposer afin d'atteindre les propositions stipulées aux articles 4 et 5 ». Il est de même précisé que les États membres pourront accorder des dérogations aux diffuseurs « conformément aux lignes directrices notifiées auparavant à la Commission et portées à la connaissance des parties intéressées ». Cette formule paraît ouvrir la voie à une large renationalisation de la réglementation de la diffusion des oeuvres européennes, même si obligation d'élaborer des « lignes directrices » notifiées à la Commission semble a priori écarter le danger d'un laxisme ponctuel plus difficilement contrôlable.

Par ailleurs, la limitation à dix ans de la durée d'application des quotas est maintenue.

b) Autres dispositions

Certaines autres propositions de la présidence espagnole correspondent mieux à nos attentes.

Ainsi, les critères de la compétence d'un État membre sur un diffuseur sont précisés autour de trois notions : le siège de l'administration centrale du diffuseur, le lieu où les décisions éditoriales sont prises, le lieu où °Père une part significative des travailleurs impliqués dans l'activité de diffusion. Ces dispositions paraissent avoir le mérite de préciser les notions d'installation stable et d'activité économique effective retenues comme critère d'ouverture de la compétence d'un État membre dans la proposition de la Commission.

A l'article 3 par ailleurs, le texte de la présidence énonce de façon moins redondante et plus efficace la faculté des États membres de prendre des mesures nationales plus strictes ou plus détaillées dans les domaines coordonnés par la directive, ainsi que leur obligation de veiller à l'application de celle-ci. Il prévoit que les mesures correspondantes « incluent les procédures appropriées pour que les tiers, y compris les ressortissants d'autres États membres, puissent saisir les instances compétentes pour agir en vue d'obtenir le respect effectif de ces dispositions ». Ceci répond à une demande présentée par la proposition de résolution du Sénat.

Les autres modifications proposées par la présidence sont de moindre portée.

C. PERSPECTIVES ET ORIENTATIONS

1. Légitimité des quotas de diffusion

En proclamant le principe et en instituant les conditions juridiques de la libre circulation des émissions de télévision dans l'Union européenne, la directive 89-552 devait contribuer à la mise en place d'un véritable espace audiovisuel européen. C'était en particulier l'objectif des mesures prises en faveur des oeuvres audiovisuelles européennes aux articles 4 et 5 de ce texte. Nous avons vu que, sur ce point, le succès n'est pas complet après plus de cinq ans d'application de la directive. Les lacunes et les ambiguïtés de celle-ci expliquent sans doute en partie cet échec relatif.

Nous croyons en effet, en France, que des mesures volontaristes de promotion de l'industrie des programmes audiovisuels favorisent le développement d'une production de qualité, la constitution de catalogues et en fin de compte l'approvisionnement du marché national et des marchés européens en produits répondant à l'attente du public.

Le fonctionnement satisfaisant de nos instruments nationaux de promotion de la production audiovisuelle ne contredit pas cette analyse. Il est donc nécessaire de mettre à profit la révision de la directive 89-552 pour tenter de perfectionner ses mécanismes, simplement ébauchés, de promotion des oeuvres européennes afin non seulement de partager avec nos voisins les avantages culturels et économiques d'une industrie des programmes prospère et de créer avec eux des courants d'échanges commerciaux significatifs, mais aussi de créer autour de quelques réglementations fortes un marché régional susceptible d'accompagner en bon ordre l'internationalisation croissante de la communication audiovisuelle ainsi que la concurrence accrue entre diffuseurs, compte tenu de la nécessité de ne pas exposer isolément les diffuseurs français à des contraintes génératrices de profondes distorsions de concurrence.

La marge de manoeuvre acquise grâce à la fermeté du Gouvernement français à l'issue de la négociation multilatérale d'Uruguay et, comme on l'a rappelé ci-dessus, la reconnaissance de la dimension culturelle du secteur audiovisuel dans le traité de Maastricht, confèrent à cette exigence une légitimité incontestable dont il est inconcevable que nos partenaires ne tiennent aucun compte

Or, en dépit d'aspects indéniablement positifs, les projets actuellement discutés au sein des instances du Conseil des ministres de l'Union sont manifestement inacceptables sur la question cruciale des quotas.

2. Récapitulation sommaire des dispositions en discussion


• On peut considérer comme positifs, dans le texte de la commission :

- le caractère obligatoire du respect des quotas de diffusion d'oeuvres européennes institués par l'article 4, quoique la durée d'application limitée à dix ans apparaisse comme une inacceptable régression par rapport au texte de 1989, compte tenu de la légitimité récemment confirmée, on l'a vu ci-dessus, d'une démarche réglementaire en faveur de la production audiovisuelle européenne,

- l'énonciation de critères précis de détermination de la compétence des États membres sur les organismes diffuseurs,

- l'obligation imposée aux États membres de se doter d'un système de sanctions et de mesures conservatoires applicables aux organismes relevant de leur compétence, en cas de violation des dispositions de la directive ;

- l'élaboration d'un régime juridique du téléachat favorisant le développement de cette catégorie de service.


• De son côté, le texte espagnol présente quelques aspects positifs :

- les critères de détermination de la compétence sur les diffuseurs sont précisés, ce qui pourrait contribuer à faire obstacle aux délocalisations compétitive ;

- l'obligation des États membres d'ouvrir des voies de recours efficaces aux tiers lésés par les manquements des diffuseurs nationaux est clairement énoncée.

En revanche, il n'y a pas eu de progrès sur d'autres points importants :

- l'extension du régime juridique de la diffusion télévisuelle aux nouveaux services interactifs « point à point », et en particulier aux futurs services de vidéo à la demande, n'est pas prévue. La Commission européenne a manifesté son intérêt pour la définition du cadre juridique des nouveaux services audiovisuels mais il n'est pas sûr que les propositions auxquelles aboutira le débat entre les différentes directions générales concernées, la plupart marquées par de forts préjugés antidirigistes, aboutisse à l'assimilation de ces services aux programmes de télévision plutôt qu'à des services de télécommunications en voie de déréglementation rapide ;

- il n'y a aucune ouverture sur la question de la chronologie des médias, importante, on l'a vu, pour la préservation de la diffusion des films de cinéma en salle, pour le financement du COSIP et pour le rétablissement d'un certain équilibre des relations financières entre grands diffuseurs et producteurs. Or la législation nationale ne pourra pas corriger par des mesures plus strictes les effets pervers du texte en négociation en ce qui concerne le point de départ du décompte des délais : le critère du début de la diffusion en salle dans l'importe quel État membre est jugé par la Commission seul conforme au principe de liberté de circulation ;

- il n'y a pas non plus d'ouverture sur l'aménagement du régime spécifique des chaînes thématiques, bien que le texte espagnol propose une définition plus précise de celles-ci ;

- en ce qui concerne enfin les quotas de diffusion, l'assimilation des émissions réalisées en plateau aux oeuvres européennes prises en compte pour le décompte de l'obligation de diffusion perdure, l'application des quotas aux heures de grande écoute n'est pas évoquée, le remplacement de la disposition abrogeant les quotas à l'expiration d'une durée de dix ans par une clause d'évaluation à moyen terme n'est pas envisagé par la Commission ni prévu par le texte espagnol. Bien au contraire, celui-ci propose d'institutionnaliser un mécanisme dérogatoire à l'obligation de diffusion d'oeuvres européennes. L'acquis principal de la proposition de la Commission, qui était le caractère véritablement normatif de l'obligation de diffusion, est ainsi effacé.

Sur la question cruciale des quotas, les formules de compromis élaborées par la présidence espagnole sont clairement en retrait par rapport à la directive 89-552, cumulent les inconvénients du laxisme et de l'éphémérité (ce que la proposition de la Commission a le mérite d'éviter), apparaissent ainsi inacceptables pour la France.

3. Que faire ?

Si la négociation n'évoluait pas très prochainement dans un sens plus favorable à des intérêts que nous considérons comme fondamentaux car ils mettent en cause à la fois la croissance économique de l'avenir et le dynamisme de notre culture grâce à la maîtrise des ressources et des techniques de la future société de l'information, il pourrait être justifié d'opposer le veto de la France au texte que les États membres de l'Union seraient disposés à nous imposer. La France ne peut en effet accepter d'être mise en minorité au Conseil des ministres sur des dispositions entérinant, deux ans à peine après la fin de l'Uruguay round, le quasi effacement de l'obligation de diffuser des oeuvres européennes.

Le recours au veto, que le ministre de la culture vient d'évoquer, assurerait la pérennité du régime juridique de la directive 89-552, qui ne comporte pas de disposition abrogatoire. Cet aboutissement serait regrettable, compte tenu des nombreuses insuffisances du texte de 1989, mais en fin de compte acceptable compte tenu du renforcement progressif, rappelé dans la Première partie du présent rapport, des exigences de la commission quant à l'application par les États membres des dispositions en faveur de la promotion des oeuvres européennes.

Si le rappel du droit de veto, cet ultima ratio des souverainetés malmenées, avait le mérite de mieux disposer nos partenaires à l'égard d'une formule de compromis acceptable par la France, il conviendrait que notre pays fasse de son côté tous les efforts possibles pour permettre la rencontre des Points de vue.

Il est clair que nous ne pouvons pas accepter la remise en cause de l'accord minimaliste défini en 1989 sur les quotas, ce qui écarte toute Possibilité d'accepter la limitation à dix ans de la durée d'application des quotas. Peut-être sera-t-il en revanche nécessaire d'accepter, pour débloquer la négociation, telle ou telle formule accusant, par rapport au texte de la Proposition de la commission, la souplesse de fonctionnement du régime des quotas. Ceci peut se traduire par la réintroduction dans les textes discutés de la formule « chaque fois que cela est réalisable » ou par l'insertion, dans un texte où cette formule serait supprimée, d'une disposition inspirée de la " clause dérogatoire » proposée par la présidence espagnole. Celle-ci ne peut cependant apparaître comme une base valable de discussion que si ses mécanismes sont définis de façon plus stricte et ne peuvent être mis en oeuvre que sous le contrôle a priori de la commission.

Il serait aussi nécessaire, dans de telles conditions, d'obtenir une définition moins large de la notion d'oeuvre européenne ainsi que application obligatoire des quotas aux heures de grande écoute, par les chaînes soumises au droit commun de la directive. Par ailleurs, en ce qui concerne les chaînes thématiques, il conviendrait que l'ouverture d'une Possibilité de choix entre les quotas de diffusion et une obligation d'investissement dans la production d'oeuvres européennes soit à la discrétion des États membres.

Il serait aussi intéressant d'explorer d'autres possibilités de renforcer le régime de droit commun des quotas. En ce qui concerne en particulier les sanctions susceptibles d'être infligées aux diffuseurs récalcitrants, on peut songer à accorder à la commission un droit de sanction similaire à celui qu'elle détient dans le cadre du droit européen de la concurrence à rencontre des entreprises en infraction. Une telle formule résoudrait le problème que pose la mauvaise volonté caractérisée de certains États membres dans l'application de la directive.

On ne peut admettre en tout état de cause l'insertion dans la directive d'une clause dérogatoire à l'application des quotas que dans la mesure où les obligations de droit commun seraient définies de façon plus stricte, faute de quoi le dispositif réglementaire en faveur des oeuvres audiovisuelles européennes serait globalement dégradé par rapport à l'équilibre réalisé en 1989. Celui-ci constitue la limite en deçà de laquelle la France ne peut accepter de repli.

Il reste par ailleurs nécessaire de mieux faire valoir notre point de vue sur un certain nombre d'autres points. On songe en particulier à la chronologie des médias et à l'exclusion du champ d'application de la directive aux nouveaux services de télévision.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné la proposition de résolution n° 349 (1994-1^95) au cours d'une réunion tenue le 25 octobre 1995 sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, président, puis de M. Jean Delaneau, vice-président.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Mme Danièle Pourtaud a exprimé son accord sur l'objectif d'améliorer le contenu de la directive 89-552 dite « Télévision sans frontière » dans le prolongement de l'exception culturelle obtenue à l'issue de la négociation commerciale multilatérale d'Uruguay et de la reconnaissance Par le traité de Maastricht du contenu culturel des services audiovisuels.

Elle a approuvé les positions exprimées par le rapporteur en ce qui concerne le renforcement du régime juridique des quotas de diffusion, en Particulier s'agissant de la définition des oeuvres audiovisuelles, du régime des chaînes thématiques, de la diffusion aux heures de grande écoute, et a insisté sur l'importance de ne pas entrer dans une logique de suppression des quotas.

Elle a par ailleurs relevé la nécessité d'étendre l'application de la directive aux nouveaux services interactifs en élaborant une définition précise de ceux-ci, ainsi que la nécessité de décompter à partir de la première diffusion en salle dans l'État membre dont relève le diffuseur intéressé, le délai pendant lequel la diffusion télévisuelle d'une oeuvre cinématographique n'est pas autorisée.

Elle a enfin souhaité que la résolution du Sénat lance un appel au renforcement de l'industrie des programmes.

M. Michel Pelchat, se déclarant en accord avec le rapporteur sur la nécessité d'introduire dans la directive la notion d'heures de grande écoute, de resserrer la définition des oeuvres audiovisuelles, et de sanctionner rigoureusement le non respect de la directive, compte tenu de la multiplication des infractions susceptible d'accompagner le développement prochain des capacités de diffusion, a estimé que la création d'une instance européenne de régulation de l'audiovisuel serait de nature à faciliter l'application de la directive.

M. Ivan Renar a exprimé son opposition aux propositions de révision discutées par le Conseil des ministres de l'Union européenne et estimé que le rapport présenté à la commission n'insistait pas assez sur leurs insuffisances au nombre desquelles il a cité en particulier l'évolution du régime des quotas, la définition de l'oeuvre audiovisuelle et l'octroi de possibilités accrues d'effectuer des coupures publicitaires dans les oeuvres diffusées.

Il a estimé que le rapport ne présentait pas de propositions susceptibles de donner un caractère offensif à la promotion des industries européennes des programmes et jugé que la position française serait plus forte dans la négociation si des propositions étaient présentées dans cet esprit.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a présenté les précisions suivantes :

- les membres de la commission expriment des positions très proches sur le fond du dossier de révision de la directive. Certains toutefois souhaitent adopter une démarche dure quand d'autres se montrent plus ouverts à l'idée d'un compromis ;

- il serait nécessaire d'élaborer une définition des services interactifs de télévision mais la proposition de résolution, qui définit des orientations politiques, ne peut entrer dans la discussion des solutions juridiques envisageables ;

- en ce qui concerne les chaînes thématiques, la proposition de résolution souligne la nécessité de conserver la maîtrise des États membres sur la mise en place nationale d'un régime juridique spécifique, ainsi que la nécessité de calculer l'obligation d'investir dans la production européenne sur la base du chiffre d'affaires des diffuseurs et non sur celles de leur budget de programmation.

- il a également noté :

* que son rapport, consacré à la révision de la directive 89-552, n'abordait pas le domaine des incitations financières à la production audiovisuelle, traité par l'Union européenne dans le cadre du programme MEDIA II approuvé par le Conseil des ministres en juin dernier ;

* que la création éventuelle d'un organe européen de régulation de la diffusion télévisuelle mériterait un large débat afin d'éclairer sa compatibilité avec la structure institutionnelle de l'Union européenne ainsi que l'influence qu'il pourrait avoir à l'égard du secteur français de la communication audiovisuelle ;

* que la possibilité, reconnue par la directive, d'édicter des mesures nationales plus restrictives que les règles européennes, permettait de maintenir le régime français des interruptions publicitaires.

La commission a ensuite adopté la proposition de résolution proposée Par son rapporteur.

Elle a fixé au lundi 6 novembre, à 17 heures, la date limite de dépôt des amendements sur la proposition de résolution adoptée par elle et au mercredi 8 novembre, à 10 heures, la date d'examen de ces amendements par la commission.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

(Texte adopté par la commission en application de l'article 73 bis-6 du Règlement du Sénat)

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle (n° E 419)

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 visant à la coordination certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle ;

Considérant la nécessité d'adapter les dispositions de la directive 89-552 à l'évolution du contexte économique et technique de la diffusion télévisuelle ;

Considérant que cette adaptation est légitimée dans l'ordre juridique international par les conclusions de la négociation commerciale multilatérale d'Uruguay et dans l'ordre juridique communautaire par le titre IX du traité de Rome modifié par le traité de Maastricht, dans son article 128, § 2, alinéa 5 en particulier ;

Considérant par conséquent que la présente période se prête particulièrement à l'affermissement d'un socle réglementaire assurant un environnement favorable au développement des industries de l'image en Europe ;

1. Estime que la proposition de directive présentée par la Commission de l'Union européenne comporte des éléments satisfaisants au regard de cet objectif, en Particulier :

- le caractère obligatoire du respect des quotas de diffusion d'oeuvres européennes institués par l'article 4 ;

- l'énonciation de critères précis de détermination de la compétence des États membres sur les organismes diffuseurs ;

- l'obligation imposée aux États membres de se doter d'un système de sanctions et de mesures conservatoires applicables aux organismes relevant de leur compétence, en cas de violation des dispositions de la directive ;

- l'élaboration d'un régime juridique du téléachat favorisant le développement de cette catégorie de service ;

2. Invite le Gouvernement à rechercher dans la négociation en cours la correction des insuffisances qui altèrent gravement la portée du texte présenté par la Commission :

En ce qui concerne les quotas de diffusion

- la disposition prévoyant leur disparition à l'expiration d'une durée de dix ans devrait être remplacée par une clause d'évaluation et de réexamen à échéance plus proche qui, sans pérenniser le système des quotas, faciliterait sa reconduction éventuelle, au vu de l'évolution de l'industrie européenne des programmes ;

- il conviendrait de supprimer l'assimilation des émissions réalisées en plateau à des oeuvres européennes, cette dernière qualité devant être réservée aux oeuvres de stock (films, fictions télévisuelles, documentaires, films d'animation) ;

- il conviendrait enfin de prévoir l'application des quotas de diffusion aux heures d'écoute significative afin de prévenir le recours à la diffusion nocturne comme échappatoire ;

- si la spécificité de leur programmation peut justifier l'octroi aux chaînes thématiques de la possibilité de se soumettre à une obligation d'investissement dans la production d'oeuvres européennes, s'exonérant ainsi de l'obligation d'appliquer la règle des quotas de diffusion, la décision d'instituer cette faculté doit appartenir aux seuls États membres. En tout état de cause, il convient que l'obligation d'investissement soit calculée par rapport au chiffre d'affaires du diffuseur et non par rapport à son budget de programme ;

En ce qui concerne le contrôle de l'application de la directive

- il serait nécessaire d'accorder à un État apparaissant comme le principal destinataire des émissions d'un diffuseur basé dans un autre État membre une compétence de contrôle sur le contenu des programmes soit au regard de sa propre législation, soit au minimum, au regard de la réglementation européenne, afin de prévenir les distorsions de concurrence résultant de la délocalisation des diffuseurs dans des États membres dotés d'une réglementation laxiste en matière de contenu des programmes ;

- il conviendrait aussi d'insérer dans le texte de l'article 3 de la directive une disposition invitant les États membres à ouvrir des voies de recours juridictionnel efficaces et rapides à toute personne morale intéressée établie dans l'Union européenne ;

En ce qui concerne les autres dispositions

- il apparaît nécessaire d'obtenir, à l'article 7 instituant la chronologie des médias, une rédaction permettant le respect effectif de cette chronologie dans tout État membre, ce qui implique l'abandon, comme point de départ de la computation des délais, du critère de la sortie en salle dans un des États membres de l'Union ;

- il serait aussi indispensable d'obtenir que la directive en négociation énonce le principe de l'application du régime juridique de l'audiovisuel aux nouveaux services, y compris les services interactifs ;

3. Se félicite des perspectives d'amélioration du texte apparues au cours des débats du Conseil des ministres :

- les critères de détermination de la compétence des États membres sur les diffuseurs pourraient être mieux précisés ;

- l'obligation des États membres d'ouvrir des voies de recours efficaces aux tiers lésés par les manquements des diffuseurs nationaux pourrait être clairement énoncée ;

4. Estime, en revanche que l'abandon du caractère pérenne du système des quotas devrait être considéré comme une atteinte inacceptable à l'acquis communautaire défini en 1989 et justifierait dès lors la mise en oeuvre du droit de veto ;

5. Insiste sur la nécessité de maintenir la position de la France en ce qui concerne la définition de l'oeuvre européenne, l'application du système des quotas aux heures de grande écoute, l'institution d'un régime optionnel de diffusion des quotas par les chaînes thématiques, la chronologie des médias et l'assimilation des nouveaux services interactifs à des services de télévision ;

6. Estime que l'instauration éventuelle d'une procédure autorisant les États membres à accorder des dérogations aux dispositions en faveur de la production audiovisuelle européenne ne serait acceptable que si son déroulement était contrôlé efficacement par la Commission.

ANNEXE

Proposition de résolution n° 349

présentée par M. Adrien Gouteyron

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion télévisuelle,


• rappelle la nécessité de réviser les dispositions de la directive 89-552 en raison tant des lacunes révélées par l'application de ce texte, que de l'évolution profonde de l'économie du secteur audiovisuel et de la difficulté croissante de contrôler la circulation transfrontalière des programmes audiovisuels ;


• estime nécessaire de prévenir, grâce à un degré élevé de coordination des réglementations nationales de la diffusion audiovisuelle, les distorsions de concurrence que le nouveau contexte technique et économique audiovisuel ne manquera pas de provoquer au détriment des entreprises des États membres les plus exigeants sur la qualité des programmes diffusés ;


• estime en outre nécessaire de prévoir sans retard l'application du régime juridique de la diffusion audiovisuelle aux services interactifs qui constitueront prochainement le prolongement naturel des services existants et une part importante de l'économie du secteur audiovisuel ;


• rappelle que le renforcement des dispositions de la directive 89-552 en vue de favoriser la création audiovisuelle européenne est légitimé, dans l'ordre juridique international, tant par les conclusions de l'Uruguay round entérinant la notion d'exception culturelle que par le titre IX du traité de Rome modifié par le traité de Maastricht, dans son article 128, § 2, alinéa 5 en particulier ;


• souhaite par conséquent que la renégociation de la directive 89-552 permette d'accentuer la coordination des réglementations nationales de la diffusion audiovisuelle et de bâtir un socle réglementaire assurant un environnement favorable au développement des industries de l'image en Europe ;


• estime que la proposition de directive présentée par la Commission de l'Union européenne comporte des éléments satisfaisants au regard de cet objectif, en particulier :

- le caractère désormais obligatoire du respect des quotas de diffusion d'oeuvres européennes institués par l'article 4,

- l'énonciation de critères précis de détermination de la compétence des États membres sur les organismes diffuseurs,

- l'obligation imposée aux États membres de se doter d'un système de sanctions et de mesures conservatoires applicables aux organismes relevant de leur compétence, en cas de violation des dispositions de la directive ;

- l'élaboration d'un régime juridique du téléachat favorisant le développement de cette catégorie de service,


• admet que la spécificité de leur programmation justifie l'octroi aux chaînes thématiques de la possibilité de se soumettre à une obligation d'investissement dans la production d'oeuvres européennes, s'exonérant ainsi de l'obligation d'appliquer la règle des quotas de diffusion ;


• invite le Gouvernement à obtenir que la directive en négociation énonce le principe de l'application du régime juridique de l'audiovisuel aux nouveaux services, y compris les services interactifs, et attire son attention sur la nécessité d'inciter la Commission de l'Union européenne à présenter dans les meilleurs délais le livre vert en cours d'élaboration sur la réglementation de ces nouveaux services ;


• invite le Gouvernement à rechercher dans la négociation en cours la correction des insuffisances qui altèrent gravement la portée du texte présenté par la Commission, et spécialement,


• en ce qui concerne les quotas de diffusion :

- la disposition prévoyant leur disparition à l'expiration d'une durée de dix ans devrait être remplacée par une clause d'évaluation et de réexamen à échéance plus proche qui, sans pérenniser le système des quotas, faciliterait sa reconduction éventuelle, au vu de l'évolution de l'industrie européenne des programmes ;

- il conviendrait de supprimer l'assimilation des émissions réalisées en plateau à des oeuvres européennes, cette dernière qualité devant être réservée aux oeuvres de stock (films, fictions télévisuelles, documentaires, films d'animation) ;

- il conviendrait enfin de prévoir l'application des quotas de diffusion aux heures d'écoute significative afin de prévenir le recours à la diffusion nocturne comme échappatoire ;


• en ce qui concerne le contrôle de l'application de la directive :

- il serait nécessaire d'accorder à un État apparaissant comme le principal destinataire des émissions d'un diffuseur basé dans un autre État membre une compétence de contrôle sur le contenu des programmes soit au regard de sa propre législation, soit au minimum, au regard de la réglementation européenne, afin de prévenir les distorsions de concurrence résultant de la délocalisation des diffuseurs dans des États membres dotés d'une réglementation laxiste en matière de contenu des programmes :

- il conviendrait aussi d'insérer dans le texte de l'article 3 de la directive une disposition invitant les États membres à ouvrir des voies de recours juridictionnel efficaces et rapides à toute personne morale intéressée établie dans l'Union européenne ;


• en ce qui concerne les autres dispositions de la proposition de directive, il apparaît en particulier nécessaire d'obtenir, à l'article 7 instituant la chronologie des médias, une rédaction permettant le respect effectif de cette chronologie dans tout État membre, ce qui implique l'abandon, comme point de départ de la computation des délais, du critère de la sortie en salle dans un des États membres de l'Union.

* 1 cf. arrêt de la Cour de justice des Communautés Sacchi, du 30 avril 1974

* 1 Carole Villevel. Films, téléfilms quelle rentabilité pour les chaînes '.' le film français, n° 2527, octobre. 1994

* 1 Mais qu'en sera-t-il dans l'hypothèse où les mêmes services seraient diffusés « en ligne » par des ordinateurs, serait-il alors possible de les considérer comme des programmes télévisés, condition d'application de la directive ?

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