Art. 6 - Compétence du département pour la gestion et le service de la prestation

Le présent article est essentiel puisqu'il attribue aux départements le service et la gestion de la prestation alors que d'autres solutions avaient été évoquées comme l'attribution de ce rôle aux organismes de sécurité sociale dans le cadre de la création d'un cinquième risque ou dans le cadre de l'action de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.

L'attribution aux départements de cette compétence peut apparaître plus logique dans la mesure où depuis les lois de décentralisation, notamment celles du 7 janvier 1983 et surtout du 22 juillet 1983, sans avoir une compétence générale en matière de politique sociale en faveur des personnes âgées, le département a d'importantes responsabilités dans ce domaine. En effet, conformément à l'article 32 de la loi du 22 juillet 1983, il a pris en charge l'ensemble des prestations légales d'aide sociale, dont celle à destination des personnes âgées. Conformément à l'article 34 de cette même loi, le Conseil général adopte un règlement départemental d'aide sociale et peut décider de conditions et de montants plus favorables concernant précisément les prestations légales d'aide sociale. Enfin, en application de l'article 42 de cette même loi, il arrête et révise un schéma départemental des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Il faut, toutefois, noter, à cet égard, que cet article a connu une application contrastée selon les départements.

On peut remarquer d'ailleurs que le texte prévu à l'article 65 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire qui doit répartir « les compétences de manière que chaque catégorie de collectivités territoriales dispose de compétences homogènes » aurait pu être voté avant le présent texte, d'autant plus qu'il devait intervenir dans un délai d'un an après la publication de la loi d'orientation. Il est plus logique de définir d'abord le partage des compétences avant d'intervenir dans un domaine particulier.

Le département apparaît particulièrement désigné pour assumer cette nouvelle compétence. Toutefois, il ne faudrait pas que, du fait du mode de financement mixte avec une partie assumée par le FSV, le département se transforme et perde son identité pour ne plus être qu'un échelon de répartition des fonds de l'État. À cet égard, on peut s'interroger sur la nature de la nouvelle prestation qui est nommée prestation de solidarité nationale et qui n'est pas codifiée dans le code de la famille et de l'aide sociale. Celle-ci ne peut donc être considérée comme une prestation légale d'aide sociale.

Ceci entraîne deux conséquences, selon votre commission. Tout d'abord, l'article 33 de la loi du 22 juillet 1983 ne lui est pas applicable. Or, cet article dispose qu'une commune peut exercer directement les compétences en matière de prestations légales d'aide sociale au lieu et place du département par convention passée avec ce dernier. Concrètement, cet article n'est pas appliqué. Mais il pourrait l'être dans le cadre de la politique en faveur des personnes âgées dépendantes, dans la mesure où celle des grandes villes ou villes-centres est souvent dynamique.

Ensuite, le 9° de l'article 35 de cette même loi ne lui est pas non plus applicable alors que celui-ci maintient à la charge de l'État les dépenses d'aide sociale engagées en faveur des personnes sans domicile de secours.

Votre commission remarque, à cet égard, que la notion de domicile de secours a été remplacée par celle beaucoup plus imprécise de résidence. Cela signifierait, donc, pour un département comme Paris, très attractif pour ce type de population, qu'il aurait en charge au moins en partie, les sans domicile fixe, ou plutôt les sans résidence stable, qui demanderaient cette prestation qu'ils soient en établissement ou logés à titre gratuit, alors qu'auparavant ce type de dépense était uniquement du ressort de l'État. Certes, pendant la période transitoire de trois ans, cela pèsera peu sur les finances du département puisque c'est le fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui prendra en charge la différence entre ce qui est versé par le département au titre de l'allocation compensatrice à la fin de cette année, et le coût réel de cette prestation pendant la période en question. Mais, après cette période, dans le texte initial, si le coût réel de la prestation est supérieur aux versements du FSV et du département concerné, la différence est prise en charge par moitié par le département et par le FSV. Toutefois, votre commission estime que cela ne vaut plus, dans la mesure où elle a fait le choix d'une simple loi de basculement.

Ce problème du domicile de secours concerne également les départements qui jouxtent la région Île-de-France, comme l'Oise, qui comptent beaucoup d'établissements d'hébergement pour personnes âgées. Jusqu'à présent, en ce qui concerne l'allocation compensatrice, par exemple, conformément à l'article 194 du code de la famille et de l'aide sociale, une personne séjournant dans un établissement sanitaire et social 1 ( * ) conserve son domicile de secours antérieur à ce séjour. Désormais, si l'on ne considère que le département de résidence et non celui du domicile de secours, il y aura transfert de personnes âgées aidées d'un département à un autre, et, dans la mesure où ces départements d'accueil auront toujours de fortes capacités pour héberger des personnes âgées franciliennes, à la fin de la période transitoire, selon le texte gouvernemental, ils devront prendre en charge la moitié du surcoût. La référence au domicile de résidence risque donc d'opposer les départements entre eux, selon qu'ils comptent peu ou beaucoup d'établissements d'hébergement pour les personnes âgées. Il faut rappeler, à cet égard, l'inégale répartition géographique de ces établissements.

Par ailleurs, il faut mentionner que l'aide sociale à l'hébergement est financée par le département du domicile de secours. Juxtaposer les deux notions pour une même personne serait un facteur supplémentaire de complexité pour la gestion départementale.

Ces trois exemples démontrent qu'il y aura donc un réel problème pendant et après la période transitoire. C'est pourquoi il semble pertinent à votre commission dans la mesure où elle a choisi la formule d'une loi de basculement de revenir à la notion de domicile de secours par voie d'amendement. Elle précise également que les personnes sans domicile de secours qui bénéficieront de la prestation d'autonomie, et qui, en toute rigueur, ne devraient pas être très nombreuses, verront ladite prestation servie et gérée par le département de résidence.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

* 1 comme d'ailleurs une personne placée à titre onéreux chez un particulier conformément à la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989

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