II. LA STRUCTURE DU PRÉLÈVEMENT SUR RECETTES

La structure des prélèvements a évolué considérablement.

ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DE LA CONTRIBUTION FRANÇAISE AU BUDGET DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(1) source rapport Cour des comptes des CE

(2) source compte de gestion et bilan financier de la Commission pour 1994

(3) prévision associée au budget à 15 pour 1995

(4) prévision associée à l'avant-projet de budget pour 1996 (en appliquant la nouvelle décision ressources propres).

La part dans le total des prélèvements des cotisations "sucre" est de 2,4 % en 1996 contre 2,8 % en 1992.

La proportion de la contribution française provenant des prélèvements agricoles est en repli : 0,3 % en 1996 contre 0,8 % en 1992.

Cette inflexion est encore plus significative pour les droits de douane du fait de son ampleur et de la part prise par eux dans l'ensemble de notre contribution : de 13,8 % du total, ils passent à 9,2 % entre 1992 et 1996.

L'évolution des contributions au titre des droits de douane est un sujet de préoccupation constant de la commission des finances. En 1995, les reversements des droits de douane représentaient 14,4 % de la contribution de la France au budget communautaire. Le glissement observé en 1996 est donc considérable : - 5,2 points.

Il est plus important que le glissement moyen de la part de cette ressource dans l'ensemble des recettes de la Communauté : - 1,35 point.

Ces évolutions ne proviennent pas d'une inflexion de nos importations. Celles-ci devraient s'accroître vivement en 1996. Elles sont la conséquence de plusieurs phénomènes :

Ø la structure de nos importations se déforment au profit d'une pénétration plus grande des produits exonérés de droits de douane ;

Ø la valeur moyenne du franc contre écu s'apprécie ;

Ø mais, surtout, le niveau général des tarifs douaniers est en baisse.

Cette dernière tendance est évidemment très inquiétante.

Elle pose la question de savoir si l'Europe doit accepter unilatéralement toutes formes de désarmement douanier à l'heure où ses concurrents pratiquent en outre une politique agressive de dévaluations compétitives.

Cette question cruciale renvoie elle-même à deux inquiétudes :

? Accepter la diminution tendancielle des vraies ressources propres de la Communauté revient à augmenter sensiblement les prélèvements sur les ressources des États membres : la "ressource TVA" et la "ressource PNB". L 'acceptabilité politique d'une telle démarche a des limites.

? L'ouverture du marché européen doit se faire de façon ordonnée. Or, l'évolution des perceptions au titre des droits de douane incline à imaginer qu'un certain laisser-aller douanier aux frontières de l'Union européenne, mais également à nos frontières, tend à prévaloir.

La contribution TVA qui représentait 68,1 % du total en 1992 en constitue moins de 49 % en 1996.

Par rapport à 1995, la chute est brutale. Elle résulte de l'application du volet structurel de la réforme des ressources propres des Communautés européennes.

En contrepartie, la part de la ressource assise sur le PNB s'accroît vivement : 22,1 % en 1995 mais 39,5 % en 1996.

Cette évolution appelle plusieurs observations.

Tout d'abord, il apparaît à tout le moins curieux que la décision sur les ressources propres soit appliquée dans son volet structurel alors que la décision n'a pas été ratifiée dans l'ensemble des États membres et que, pour cette raison, on en reporte l'application de son volet "plafond ".

Ensuite, si la nouvelle structure des ressources propres a été approuvée parce que, dans l'ensemble, la nouvelle architecture semblait satisfaire une certaine logique, économique et distributive l'application de cette décision pose des problèmes récurrents.

Du fait de la minoration des ressources traditionnelles des Communautés, il a été indiqué qu'on sollicite excessivement des ressources qui n'ont de propres que le nom.

De ce point de vue la montée en charge de la ressource assise sur le PNB aggrave les choses.

Si la valeur du PNB des États de l'Union européenne peut être considérée comme une base contributive plus équitable et mieux justifiée d'une point de vue économique que l'assiette de la TVA, il convient d'observer que, différence majeure avec la contribution TVA, la contribution assise sur le PNB des États ne résulte pas de l'application d'un taux fixé à l'avance à une assiette mais bien d'un taux calculé pour couvrir les besoins financiers résiduels du budget communautaire sans considération de l'évolution de l'assiette.

En conséquence, la ressource PNB est une simple ressource de bouclage comptable du budget communautaire.

Enfin, les deux contributions TVA et PNB souffrent d'imperfections qui ne paraissent pas avoir été suffisamment corrigées.

? La ressource fondée sur la TVA : une ressource byzantine et inégalitaire

Elle a été créée par la décision du 21 avril 1970.

Cette innovation devait, en principe, conférer aux Communautés une autonomie financière à forte connotation symbolique. Or, dans la pratique, si elle est perçue sur une assiette harmonisée selon les règles communautaires, elle ne répond pas aux caractéristiques d'un véritable impôt communautaire.

En effet, le taux de 1,4 % applicable à cette assiette harmonisée ne vient pas s'ajouter à la TVA nationale ; en réalité, c'est une fraction des recettes nationales qui est transférée, à hauteur de 1,4 % de l'assiette harmonisée, pour compléter le financement des dépenses communautaires non-couvertes par les ressources propres traditionnelles.

En outre, le taux de 1,4 % n'est plus appliqué depuis que le Royaume-Uni a obtenu une compensation («chèque ") sur le versement de sa contribution au budget communautaire.

La compensation britannique résulte du calcul suivant : la différence entre versements et retours du Royaume-Uni est multipliée par 2/3, déduction faite de l'écrêtement dont bénéficie son assiette TVA. La répartition de cette charge entre les onze autres États membres n'est pas effectuée sur la ressource TVA, mais au prorata de leurs PNB.

Pour le calcul de la ressource TVA, on déduit le montant de la compensation britannique du montant total du produit de la ressource au taux en vigueur. Ce montant net est ensuite rapporté à l'assiette harmonisée : on obtient ainsi un taux significativement inférieur au taux théorique. Comme le taux s'applique à des assiettes différentes, puisque certaines d'entre elles sont écrêtées, il existe en réalité de nombreux taux (sept, par exemple, dans le budget général pour 1993).

Enfin, l'Allemagne bénéficie d'une ristourne d'un tiers sur la compensation accordée au Royaume-Uni, ce qui ne contribue pas non plus à la clarté et à l'équité du mécanisme. De ce fait, en 1994, c'est la France qui a payé la plus grande part -plus d'un quart- de la "correction en faveur du "Royaume-Uni ", soit 723 millions d'écus (environ 6 % de sa contribution totale).

RÉPARTITION DE LA CHARGE DE LA CORRECTION EN FAVEUR DU ROYAUME UNI

(projet de budget pour 1994, millions d'écus)

La question de la justification du maintien de la compensation britannique se pose sérieusement.

? Une ressource soumise à la fraude : le problème de la détermination de l'assiette

Le problème essentiel de la TVA concerne le taux moyen pondéré (TMP) de celle-ci. Toute variation du TMP d'un État membre se traduit par une modification de sa base TVA et, le cas échéant, par une modification de sa situation au regard du seuil d'écrêtement de 55 % du PNB. Or, le TMP n'est pas calculé de manière uniforme selon des États, ainsi que l'a relevé la Cour des Comptes des Communautés européennes.

C'est ainsi qu'aux termes de l'article 89 du Règlement CEE-Euratom n° 1533/89, les taux pris en considération doivent être ceux qui influent sur les recettes de la TVA encaissées durant l'année considérée. Cette disposition vise à permettre un calcul précis du TMP en assurant la cohérence entre taux et recettes.

Or, la Cour constate que les États membres ne ventilent pas les recettes selon l'exercice au cours duquel la taxe est devenue exigible. Les recettes d'une année contiennent donc des éléments concernant des exercices antérieurs.

Dans ces conditions, les bases TVA qui résultent du calcul de TMP ne sont donc pas conformes aux assiettes fiscales réelles des États membres.

Par ailleurs, le calcul de la pondération des taux pour l'établissement du TMP suppose pour chaque taux la mesure complète des opérations taxables à ce taux. Or tel n'est pas le cas. Certains États ne disposent pas d'un appareil statistique leur permettant de satisfaire cette condition.

La Cour des Comptes des Communautés estime que les États membres ont certes progressé dans la comparabilité des données et des méthodes, mais considère que "le degré de fiabilité de la base de la plus importante ressource communautaire reste insuffisant ". (1 ( * ))

? Depuis la mise en place du marché unique, la TVA appliquée à des produits faisant l'objet d'échanges entre États membres n'est plus acquittée dans les bureaux de douane par les transporteurs, mais par les entreprises acheteuses, une fois les marchandises livrées. Le contrôle de l'acquittement de la TVA s'effectue par coopération des administrations fiscales. Or on constate la difficulté d'opérer de tels contrôles, notamment avec les administrations italienne et grecque.

? La "ressource PNB " : une évaluation délicate

La détermination du PNB est importante dans le système des ressources propres, car elle conditionne la ressource PNB. Or elle laisse apparaître des insuffisances, qu'il s'agisse des disparités quant aux périodes de référence des données ou des incertitudes quant aux procédures et aux bases statistiques utilisées pour le calcul du PNB.

La Cour des Comptes des Communautés estime également qu'une grande disparité demeure quant aux comptes nationaux établis à partir de données trop anciennes (Grèce, Portugal, Länder de l'ex-RDA). Des phénomènes d'économie souterraine sont en outre susceptibles d'altérer la vérité des comptes

* 1 Rapport de la Cour des Comptes des Communautés pour l'exercice 1992, page 30.

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