B. L'UTILISATION DU RÉSEAU MULTIVILLES

Le réseau « multi villes » est un réseau de fréquences hertziennes desservant Paris et 22 grandes agglomérations, sauf Lyon, Marseille et Strasbourg, représentant 11 millions de personnes.

De mars 1990 à juillet 1991, il a été attribué à Canal Enfants, qui devait l'utiliser comme relais terrestre de programmes diffusés par le satellite TDF1-TDF2. Il aurait dû être employé par ARTE, mais l'arrêt des émissions de La Cinq a rendu inutile l'utilisation de cette fréquence. Le Syndicat national de l'édition phonographique aurait souhaité disposer de l'émetteur parisien du réseau pour diffuser une chaîne de proximité et de service à dominante musicale mais ce projet, pas plus que d'autres, n'a abouti.

Ce dernier réseau hertzien suscite bien des convoitises. On recense, en effet, plusieurs projets :

- une Cinquième « bis » ;

Lorsque le Président de la Cinquième « réclamait », dans un entretien accordé au Nouvel Observateur le 8 juin 1995 que l'État « l'aide à disposer du réseau multi villes pour mettre sur pied un service spécifique d'éducation afin de lutter contre l'illettrisme, l'analphabétisme et les dégâts sanitaires qui ravagent les banlieues », voulait-il une « Cinquième bis » pour les banlieues ou souhaitait-il changer de réseau et opter pour le réseau multi villes ?

- la diffusion de télévisions régionales ;

Ce projet est présenté par M. Philippe Olivier Rousseau, membre du Conseil supérieur de l'audiovisuel en charge des nouvelles technologies, dans un entretien récent accordé au Figaro (10 ( * )) , comme « une chaîne généraliste, avec des décrochages locaux, sur le modèle américain de la syndication ». Il souligne aussitôt que le réseau Multi villes « n'a aucune raison d'être ouvert tant qu'il n'y a pas de nouvelles recettes publicitaires. Celles-ci pourraient venir de la grande distribution mais il faut un décret du Gouvernement, et le Premier ministre a déjà déclaré que ceci n 'était pas à l'ordre du jour ». Deux fréquences seraient par ailleurs disponibles sur Paris pour « faire vivre de petites chaînes axées sur l'information locale, avec un budget de 200 millions de francs ».

Par ailleurs, La Générale d'Images, associée au quotidien La Voix du Nord a déposé une demande d'utilisation des fréquences de ce réseau sur Lille, dans le cadre d'un projet de programme national avec des décrochages locaux, sur le modèle des chaînes Télé Lyon Métropole et TLT à Toulouse du même opérateur.

Enfin, un accord conclu entre la France et Monaco en avril 1995 prévoit que deux fréquences de ce réseau seront réservées pour la diffusion de la chaîne monégasque TMC dans le sud de la France.

Ces projets de nouvelles télévisions hertziennes locales, diffusées en mode analogique, concurrenceraient les stations régionales de France 3 et la presse quotidienne régionale. Ces nouvelles chaînes requièrent, en effet, pour se développer, que la publicité télévisée s'ouvre à la grande distribution. Or, cette interdiction, indispensable pour préserver les ressources de la presse écrite régionale, fait l'objet d'un recours devant les instances communautaires.

- un réseau musical : ce projet est développé par un groupe canadien, Musique Plus, déjà propriétaire de City TV et de Much Music.

- une chaîne de fiction française et européenne des producteurs indépendants souhaiterait reproduire l'expérience de Channel 4 en Grande-Bretagne.

- de nouveaux services numériques, utilisant les canaux adjacents au réseau hertzien classique.

Le CSA a été chargé d'étudier la faisabilité technique de services de télévision numérique terrestre qui pourraient emprunter ce réseau. Il a, par ailleurs, autorisé TDF, le 19 janvier 1995, à entreprendre une expérience de ce type sur la région d'Orléans puis décidé, le 5 septembre 1995, « d'étudier les perspectives offertes par ce réseau pour l'introduction de la télévision numérique terrestre ».

A l'évidence, l a mise en oeuvre d'un tel projet parie sur l'échec du câble et sur la lenteur du développement du satellite, puisque M. Philippe Olivier Rousseau, dans le même entretien, estime probable qu'en l'an 2000 ces deux modes de diffusion « n'auront au total que 4 millions d'abonnés »; « les chaînes diffusées par ces deux techniques n'auront donc pas atteint leur point d'équilibre et le numérique terrestre, dans ces conditions, peut être une alternative complémentaire ». Pour ne pas faire complètement fi des câblo-opérateurs, il préconise toutefois de leur conférer « un droit de premier refus pour l'exploitation de ce nouveau service audiovisuel ».

En Grande-Bretagne, le Secrétaire d'État à la Culture a rendu public, le 10 août 1995, un plan de diffusion pour des programmes de télévision numérique hertzienne. Le projet a notamment pour objet de libérer six fréquences afin de transporter au total dix-huit chaînes nouvelles de télévision, avec une couverture potentielle du territoire de 60 % à 90 %. Les chaînes hertziennes existantes disposeront d'un accès garanti au nouveau réseau numérique, à la condition d'y diffuser 80 % de leurs programmes habituels.

Votre rapporteur met en garde les pouvoirs publics contre tout projet de nouvelle chaîne hertzienne analogique diffusée, au plan national, sur le réseau multi villes. Activer ce réseau pourrait, en effet, déséquilibrer le paysage audiovisuel et tarir les ressources publicitaires de la presse, notamment régionale, qui subit une crise profonde.

Comme le souligne pertinemment M. Nicolas de Tavernost, Directeur général de M6 (11 ( * )) , au moment où les opérateurs audiovisuels sont mobilisés pour réussir le câble et le satellite en investissant des milliards de francs, cette « réflexion » sur la télévision numérique hertzienne laisse perplexe.

Comment, en effet, convaincre le consommateur de s'abonner au câble ou au satellite si, en même temps, on lui propose une nouvelle chaîne sur le réseau multi villes et quelques bouquets sur des émetteurs hertziens ?

Votre rapporteur refuse de croire qu'une telle hypothèse puisse être retenue par le Gouvernement, instruit des échecs et des erreurs de ses prédécesseurs. On risquerait, en effet, de repartir pour un retard de dix ans au détriment du câble et du satellite, seules techniques d'avenir.

Le numérique doit rester expérimental, d'autant que la normalisation technique européenne n'est pas arrêtée au sein du groupe DVB.

* 10 Le Figaro, 14 novembre 1995.

* 11 CB News du 13 novembre 1995.

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