C. L'ÉCONOMIE DU CÂBLE

1. La recomposition du marché du câble en 1995

(1). Les opérateurs

Le marché du câble est en France très concentré. Trois câblo-opérateurs dominent le marché : Lyonnaise Communications, Compagnie Générale de Vidéo communication (CGV), FRANCE TÉLÉCOM Câble. Ces sociétés regroupent, à elles seules, 84 % des prises raccordables, 77 % des abonnés et 81 % des prises à terme.

Entre 1992 et 1995, une redistribution des cartes eut lieu entre les opérateurs. Jusqu'en 1994, la CGV était le premier câblo-opérateur et gérait, en 1992, 42 % des prises raccordables soit environ 37 % des abonnés. Sa part de marché a ensuite baissé en 1993-1994, en raison de la revente de certains réseaux à FRANCE TÉLÉCOM. Cette opération a contribué à renforcer la présence de ce dernier opérateur qui est devenu l'un des trois premiers acteurs du marché.


• Après la vente des réseaux câblés appartenant à Communication Développement (COM DEV) -la filiale câble de la Caisse des Dépôts-, le 26 janvier 1995, la Lyonnaise Communication est devenue le premier câblo-opérateur avec plus du tiers des prises raccordables et plus de 28 % du nombre total d'abonnés.

Outre Paris, qu'elle dessert avec TV-Câble et où elle compte plus de 160 000 abonnés, elle s'est retrouvée propriétaire de 16 réseaux à Annecy, Besançon, Dunkerque, Le Mans, Metz, Orléans, Montauban, Tarbes, Strasbourg et Sarcelles.

La Caisse des Dépôts ne s'est d'ailleurs pas complètement désengagée de ce secteur et l'accord avec la Lyonnaise prévoit une clause de retour à meilleure fortune qui lui permettrait de redevenir actionnaire minoritaire.

ï Confrontée à des difficultés dans le secteur immobilier, qui pourraient la conduire à céder des actifs non stratégiques, la Générale des Eaux a, pour sa part, subi, au premier semestre 1995, des pertes pour un montant de 787 millions de francs, contre 499 pour la même période de 1994. La communication ne constituant que 4 % des activités du groupe et les pertes cumulées sur le câble s'élevant, pour cette société, à 3 milliards de francs, la Générale des Eaux pourrait être conduite à restructurer son réseau câblé.

ï FRANCE TÉLÉCOM

FRANCE TÉLÉCOM Câble, depuis 1993, a repris certains sites du Plan Câble ; elle exploite un parc de 650 000 prises. Ces réseaux sont à distribution en fibre optique (réseau 1G).

C'est sur ces réseaux, dont certains perdaient des abonnés en 92, que FRANCE TÉLÉCOM Câble a développé une nouvelle politique commerciale, utilisant les possibilités de marketing-produit que permet la technologie fibre optique.

En deux ans, les résultats de cette politique ont permis le doublement du parc des raccordés et l'accroissement de 50 % des abonnés.

Mi-février 95, le périmètre de FRANCE TÉLÉCOM Câble s'est élargi par le rachat des sociétés commerciales des sites Plan Câble de Communication Développement. Cette reprise de réseaux a positionné FRANCE TÉLÉCOM Câble au 3 è rang des câblo-opérateurs en France avec un potentiel de 1 400 000 prises raccordables et 364 000 raccordés.

(2). Les chaînes thématiques

A la situation difficile des opérateurs correspond un bilan mitigé pour les chaînes diffusées sur le câble.

Aucune chaîne câblée, même la plus demandée, n'est en mesure de faire le plein des abonnés. Même si le câble, en France, compte plus de 1,7 million de foyers abonnés, aucune chaîne thématique n'est reçue par l'ensemble. En effet, environ 30 % des foyers abonnés au câble ne reçoivent pas les chaînes thématiques car ils sont abonnés à un service antenne (15 ( * )) . Le marché des chaînes thématiques est plus étroit que celui du câble : il est constitué des abonnés au service de base, soit 1,3 millions d'abonnés en juin 1995. La pénétration des chaînes thématiques la plus élevée est obtenue par les chaînes les plus anciennes. Les mieux distribuées (plus d'un million d'abonnés), reprises par plus de 50% des sites sont Planète, MCM-Euromusique, Euronews, Canal J, RTL9, TV5 Europe, Eurosport France.

A la fin de 1995, la situation des chaînes du câble demeure donc très délicate. Celles-ci devraient en effet, -et dans un proche avenir améliorer la qualité de leurs programmes, prévoir une baisse inéluctable de leurs tarifs d'abonnement, mais, en même temps, subir l'augmentation des coûts de diffusion en raison de la dualité du mode de diffusion analogique et numérique, dans un contexte de concurrence accrue de la part des autres chaînes européennes.

Les opérateurs ont donc la tentation de rechercher de nouveaux partenaires. Canal+, dont les chaînes thématiques (Planète, Canal Jimmy, Ciné Cinéma et Ciné fil) pourraient atteindre, selon l'opérateur, l'équilibre financier en 1996, a créé une société de programmation câble et satellite, MULTITHÉMATIQUES, avec le premier câblo-opérateur américain, Télécommunication International Inc. et la Générale d'Images, filiale de la Générale des Eaux. C'est ainsi que les opérateurs américains commencent à s'intéresser au marché français.

Malgré ces difficultés, les chaînes thématiques commencent à prendre une part non négligeable dans l'industrie des programmes. Le montant de leurs budgets de programmes atteindrait 500 millions de francs environ, contre 750 millions de francs pour M6, avec 80 000 heures de diffusion. Si ces chaînes ont privilégié, au commencement de leur diffusion, les achats, il devient, en effet, plus économique de produire ou de coproduire, les prix d'achats de programmes étant indexés sur le nombre d'abonnés. En 1995, elles devraient produire environ 500 heures.

2. Les mesures fiscales en faveur du câble

Afin de relancer l'économie du câble, l'article 11 de la loi de finances rectificatives pour 1994 :

1/ a exonéré de la taxe qui alimente le compte de soutien aux industries cinématographiques et de programmes audiovisuels, les services de télévision diffusés sur le câble qui ne programment aucune oeuvre cinématographique ou audiovisuelle susceptible d'être subventionnée par ce compte spécial du Trésor.

Cette exonération s'applique à la totalité de leurs recettes, y compris celles tirées de la diffusion de messages publicitaires.

Le développement de nouveaux services de télévision -(chaînes d'information comme Euronews ou LCI, chaînes de sport comme Euro sport, services de téléachat), aussi bien que l'ouverture prochaine (au plus tard le 1er juin 1998) de services de TÉLÉCOMmunication, et la téléphonie vocale sur le câble- exigeait que cette distinction fut opérée sans délais. Elle favorisera le développement de ces services et assurera une neutralité entre les supports qui les distribuent.

2/ a clarifié la définition des services constituant le bouquet de programmes qui doivent être offerts au titre du « service collectif ».

Les exploitants des réseaux câblés sont actuellement assujettis à la taxe et au prélèvement pour le compte de soutien sur une base constituée des rémunérations qu'ils perçoivent auprès de leurs abonnés, de laquelle sont déduites les sommes qu'ils versent aux services distribués -qui sont déjà taxés (chaînes thématiques)- ainsi que le montant des abonnements et autres rémunérations encaissés pour la fourniture du service collectif.

La nouvelle rédaction de la loi précise la nature de ce « service collectif » ou « service antenne », qui est généralement fourni aux abonnés pour un prix inférieur à 50 F.

En principe, ce service se substitue, et sur décision des copropriétaires dans les immeubles collectifs, à l'antenne collective. Il apporte les mêmes services que la diffusion hertzienne, ainsi que le canal local et le canal « mosaïque » qui est une sorte de vitrine des programmes distribués.

3/ a exonéré pour une durée de trois ans les exploitants des réseaux câblés de la taxe finançant le compte de soutien de l'industrie cinématographique et de l'industrie des programmes audiovisuels.

Le coût de la mesure est estimé à 26 millions de francs pour 1995 (31 millions de francs pour 1996, 32 millions de francs pour 1997). Pour 1995, il a été entièrement compensé en recette du compte de soutien par l'affectation d'un concours du budget général de l'État de même montant, inscrit au budget du ministère de la culture et de la francophonie.

En contrepartie, les exploitants de réseaux câblés se sont engagés à ne pas augmenter, voire à abaisser, en francs constants, le prix des abonnements ou à proposer des services supplémentaires sans augmentation de prix. Sans avoir un effet décisif sur l'économie du secteur, qui ne se développera véritablement qu'avec la distribution de nouveaux services (téléphonie vocale notamment) pour lesquels l'article 11 permet des mesures d'exonération à titre définitif, cette disposition était bienvenue. En raison de la progressivité du barème de la taxe, l'effet sera différent selon les réseaux câblés. On estime de 2 à 5 F, par abonné, le montant de cette exonération.

On notera également que, durant cette période de trois ans, câble et satellite de diffusion directe seront placés dans les mêmes conditions de concurrence. En effet, les exploitants de satellites ne sont pas, actuellement, redevables, de la taxe et du prélèvement pour le compte de soutien.

3. Le câble français coûte-t-il trop cher ?

Répondre à cette question nécessite une réflexion approfondie. Mais, déjà, quelques éléments d'analyses indiscutables permettent de répondre par l'affirmative.

a). L'offre de FRANCE TÉLÉCOM Câble

Le 20 février 1995, FRANCE TÉLÉCOM Câble a présenté sur son réseau de Lille une nouvelle offre commerciale à 75 francs par mois.

Cette offre comprend les chaînes hertziennes françaises auxquelles s'ajoutent RTL9, TMC, Série Club, Euronews, LCI, TV5, la RTBF, C9TV, Sport 21 et la mosaïque. L'offre comporte par ailleurs une option « câble et satellite » (six autres chaînes thématiques pour 60 francs supplémentaires), une option « cinéma » (deux chaînes pour 60 francs) et une option « internationale » (cinq chaînes étrangères pour 20 francs).

Le succès de cette offre a conduit FRANCE TÉLÉCOM Câble à la proposer également à Toulon et Montpellier. Si seulement 1 % des abonnés à l'offre globale pour un coût mensuel de 135 francs ont préféré cette offre de base, celle-ci a, en revanche, permis une augmentation de 30 % du nombre d'abonnés.

Cependant, cette initiative a été vivement critiquée par les autres câblo-opérateurs, qui proposent des abonnements sensiblement plus élevés.

La majorité d'entre eux proposent un abonnement dont le coût mensuel varie entre 100 et 110 francs, pour une offre relativement étroite, excluant en particulier les chaînes de cinéma. En revanche, les deux autres plus importants câblo-opérateurs -Lyonnaise Communication et Compagnie Générale de Vidéocommunication- ont choisi une stratégie plus « haut de gamme » avec un abonnement mensuel de l'ordre de 150 francs par mois, pour une offre élargie.

Le succès rencontré montre que l'offre sur le câble peut être segmentée et qu'il existe une demande pour des bouquets de programmes comprenant des chaînes généralistes et spécialisées.

b). Des éléments de comparaison internationale

Le chiffre d'affaires du service de base du câble dans l'Union européenne est estimé, en 1995, à 26 milliards de francs. Le câble français réalise environ 7 % de ce chiffre d'affaires.

Compte tenu de la proportion d'abonnés (4 % des pays de l'Union européenne), ce chiffre montre que les recettes annuelles par abonné sont supérieures en France de 75 % à la moyenne européenne.

Le prix du service de base est donc très élevé en France, comme le confirme ce tableau non exhaustif :

Le prix du câble en France et en Europe

Source : SJTIC

On peut également relever que, par crainte de ne plus figurer au service de base du câble, Canal J, chaîne câblée la plus chère (6 francs par mois et par abonné) a accepté, en septembre 1995, de mettre en place une tarification plus « incitative », tenant compte de la progression commerciale des câblo-opérateurs et de celle du taux de pénétration, contre l'assurance d'une progression de 25 % du nombre d'abonnés et de son maintien dans le service de base.

4. Le Visiopass constitue-t-il une impasse ?

La télévision payante nécessite l'utilisation de procédés de brouillage des signaux, afin de réserver les images à certaines catégories de téléspectateurs : pour obtenir le son et l'image, l'abonné doit posséder un décodeur. FRANCE TÉLÉCOM a développé la production d'un décodeur embrouilleur, d'un décodeur et d'une carte d'accès à microprocesseur.

Le rapport annuel de la Cour des comptes pour 1995 dresse un bilan de ce programme. Les résultats sont accablants financièrement et les responsabilités des pouvoirs publics écrasantes.

a). Un programme ruineux

De 1989 à 1996, le programme Visiopass devrait avoir coûté plus de 1,2 milliard de francs à FRANCE TÉLÉCOM, hors amortissement des investissements. Les dépenses ont atteint, en effet, 1,5 milliard de francs et les recettes sont estimées par la Cour des comptes pour l'ensemble de la période à 264 millions de francs.

De surcroît, les matériels actuels sont inadaptés à la télévision numérique...

La Cour s'interroge donc sur « l'opportunité pour FRANCE TÉLÉCOM d'avoir entrepris lui-même le développement et la commercialisation d'un décodeur. Cette activité s 'exerçant dans un secteur ouvert à la concurrence, à défaut d'être laissée à l'initiative privée, aurait dû être retracée dans un véritable centre de résultat, éventuellement sous la forme d'une filiale ».

b). Le résultat d'erreurs accumulées des pouvoirs publics

A juste titre FRANCE TÉLÉCOM fait valoir combien ce programme a été tributaire « d'une volonté politique au niveau Gouvernemental ». Cette volonté politique, tendant à développer le plan câble, avait toutefois un but louable : ne pas laisser à un opérateur privé le monopole d'un système d'accès dont il aurait eu la propriété.

En réalité, les résultats financiers désastreux ne sont que la conséquence de l'échec du plan câble et de l'immixtion inconsidérée des pouvoirs publics dans la réalisation de ce programme.

La promotion de la norme D2-MAC résultait d'une « orientation stratégique des pouvoirs publics qui s'est imposée aux opérateurs ». Cette norme a d'ailleurs été soutenue par Canal+ jusqu'à son changement de stratégie en 1991. En outre, la politique commerciale de FRANCE TÉLÉCOM n'a disposé que d'une étroite marge de manoeuvre : d'une part, sur les réseaux câblés non exploités par FRANCE TÉLÉCOM, la commercialisation du Visiopass a, par définition, échappé à l'entreprise, d'autre part -et beaucoup plus grave, une note du ministre du 25 février 1992 «  demandait  » à l'opérateur, dans le cadre de la relance du plan câble, de « réduire ses tarifs de mise à disposition », déjà inférieurs à ceux prévus dans les études économiques initiales.

5. Le téléphone sur le câble constitue-t-il une planche de salut ?

Actuellement ce sont les câblo-opérateurs qui investissent le plus d'argent dans les autoroutes de l'information.

La livraison des programmes et des services par réseau est, en effet, leur métier de base. Ils souhaiteraient donc utiliser ces mêmes réseaux afin d'attirer le trafic et donc les revenus des services de communication, domaine traditionnel des opérateurs de télécommunications.

En réalité, la pénétration du câble, clé de la télévision interactive, varie d'un pays à l'autre et dépend, en grande partie, de l'environnement politique et des équilibres de l'économie du secteur.

En France, la pénétration du câble, mesurée en taux d'abonnement, reste faible. Cependant, l'infrastructure existante, mesurée en nombre de prises, permettrait de raccorder plus de cinq millions de foyers nouveaux.

Un assouplissement du cadre juridique, afin de permettre aux câblo-opérateurs de proposer également des services de télécommunications, constitue-t-il la « planche de salut » pour le câble ou n'est-il qu'un leurre ?

a). L'économie du projet de loi du 15 novembre 1995

Le projet de loi propose d'instaurer un régime de licence expérimentale qui permette de déroger, pour une durée strictement limitée, au cadre législatif actuel. Ce régime exceptionnel sera réservé à un petit nombre de projets d'ampleur limitée, présentant un intérêt général, appréciés au regard de leur degré d'innovation, de leur viabilité économique, de leur impact potentiel sur l'organisation sociale et le mode de vie et de l'association des utilisateurs à leur élaboration et à leur mise en oeuvre.

En matière de télécommunications, deux catégories de services se heurtent à des obstacles réglementaires dans l'état de la législation : l'utilisation des réseaux câblés de télédistribution pour offrir, à côté d'une gamme de services multimédia, le service téléphonique, ce qui améliore la rentabilité et l'attrait pour l'utilisateur de cette offre globale ; la réalisation et la gestion des « plates-formes » offrant sur une zone donnée un large éventail de services et de fonctionnalités avancées de télécommunication, comme, par exemple, les « téléports » ou l'utilisation d'infrastructures alternatives des opérateurs de transport.

Ces obstacles réglementaires devraient être levés afin de mobiliser sans délai l'ensemble des capacités d'investissement et d'innovation des acteurs économiques : c'est pourquoi le projet de loi prévoit d'instaurer un régime de licences expérimentales, au bénéfice des opérateurs proposant de tels projets innovants.

Les cahiers des charges de ces autorisations expérimentales, qui s'appuient sur le régime existant pour les opérateurs mobiles, prévoiront leur révision pour être alignées sur le droit commun qui résultera de la future loi de réglementation des télécommunications qui devrait entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 1998.

Dans le secteur audiovisuel, la mise en oeuvre d'expérimentations fondées sur des technologies nouvelles justifie que soit précisé le cadre juridique applicable à la notion d'ensemble de services et confié au Conseil supérieur de l'audiovisuel le pouvoir d'adapter les règles en vigueur pour prendre en compte l'apport et la spécificité de ces innovations, dans le respect des principes constitutionnels de l'article premier de la loi du 30 septembre 1986.

Ces dispositions valent pour la technique de diffusion multiplexée sur canal micro-ondes dont le développement pourrait présenter un réel intérêt en permettant aux opérateurs et aux industriels d'acquérir une compétence dans ces techniques qui connaissent un fort développement dans le monde, en raison de leur faible coût et de leur facilité de mise en oeuvre. Elles valent aussi pour la technologie dite « DAB digicast », conçue pour développer la diffusion simultanée de plusieurs services de radio ou de télévision, ainsi que les autres techniques de diffusion numérique.

La prise en compte de la notion d'autorisation d'usage de fréquences pour un ensemble de services permettrait de préciser l'articulation des dispositions de la loi de 1986 modifiée applicables à ce support technique (fréquences) et aux services constitutifs de l'ensemble, tout en clarifiant le régime de leurs obligations et responsabilités respectives.

Afin de mettre en oeuvre rapidement de telles expérimentations, il est proposé de permettre au Conseil supérieur de l'audiovisuel, -dans le respect des critères du pluralisme, de ne pas recourir à la procédure d'appel aux candidatures prévue aux articles 29 et 30 de la loi du 30 septembre 1986, dans la mesure où il est demandé aux opérateurs d'adopter une démarche volontariste et de proposer une offre de technologie ou de services innovante.

Il est également prévu que le Conseil supérieur de l'audiovisuel puisse adapter les règles en concernant les obligations de diffusion et de production pour tenir compte de l'innovation technologique que constitue la diffusion numérique qui permet d'offrir plusieurs services sur un même canal. Le caractère expérimental, limité et temporaire, des autorisations conduirait également à donner vocation à tous les opérateurs audiovisuels à en bénéficier.

Des dispositions ont été prévues afin de permettre le développement de services fournis sur appel individuel (vidéo à la demande, radiodiffusion sonore à la demande), toutes possibilités qui n'existent pas actuellement au sein du paysage audiovisuel français. A cet effet, le projet de loi donne la possibilité au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'assouplir les règles relativement aux obligations de production ou de diffusion afin de tenir compte de la nature particulière de ces services.

Ce dispositif expérimental est d'application limitée dans le temps et l'évaluation qui en sera faite pourrait conduire à adapter la législation aux nouvelles technologies.

b). Une planche de salut ou un leurre ?

Cependant la réalité du marché conduira, sans doute, à relativiser l'intérêt de la mise en oeuvre de services de téléphone sur le câble.

Même si les réseaux câblés sont des réseaux large bande, dans la plupart des cas ils ne sont pas « adressables », et surtout ils n'offrent aucune fonction de commutation automatique. En outre, l'architecture des réseaux rend impossible la transmission d'informations entre deux abonnés. La mise en oeuvre de services téléphoniques sur le câble nécessiterait l'introduction de nouveaux équipements comme des autocommutateurs et de nouvelles infrastructures afin que les réseaux câblés soient bidirectionnels et permettent la communication entre abonnés. Les investissements qui en découleraient seraient particulièrement lourds. Or, les câblo-opérateurs ont d'ores et déjà investi plus de 35 milliards de francs dans le câble et, pour l'instant, totalement à perte ! Développer des services téléphoniques sur le câble conduirait à réaliser de nouveaux investissements qui viendraient s'ajouter aux précédents. Il n'est, dès lors, pas certain que les câblo-opérateurs acceptent de financer de nouveaux investissements dans des infrastructures de télécommunications.

Indépendamment des problèmes liés aux coûts des investissements nécessaires pour l'introduction du téléphone sur le câble, la question de la propriété des réseaux câblés, en particulier pour les réseaux du plan câble qui représentent plus de 60 % des prises raccordables en France, reste posée. En effet, les réseaux du plan câble sont régis par des conventions entre FRANCE TÉLÉCOM au nom de l'État et constructeur des infrastructures, la commune intéressée et le câblo-opérateur exploitant commercial du réseau.

Aux termes de ces conventions, le câblo-opérateur n'est pas propriétaire de l'infrastructure ; il ne peut donc pas, de sa propre initiative, la modifier pour l'adapter à l'introduction du téléphone.

Ce constat n'est cependant pas valable pour les réseaux câblés construits sous maîtrise d'ouvrage privée où le câblo-opérateur peut être propriétaire du réseau. Toutefois, la variété des montages contractuels entre les communes et les câblo-opérateurs rend particulièrement difficile la systématisation de la réponse à cette question. A supposer que celle-ci soit résolue, le marché du câble en France est actuellement constitué de plus de 470 marchés locaux. Aucun câblo-opérateur ne disposant d'un réseau national, l'introduction du téléphone sur le câble ne pourrait se faire que localement et une telle situation conduirait à une concurrence particulièrement difficile sur le plan local face à FRANCE TÉLÉCOM, opérateur national, qui peut facilement répartir ses coûts et adapter sa stratégie de tarification.

Mais, surtout, le réseau téléphonique commuté actuel de FRANCE TÉLÉCOM est un réseau qui sur le plan technique est moderne (réseau équipé exclusivement d'autocommutateurs électroniques). De plus, les services proposés à la clientèle sont variés (transfert d'appel, facturation détaillée, signal d'appel...) et les délais de branchement courts. FRANCE TÉLÉCOM propose donc un service performant et de qualité, à la différence de ce que proposait British Telecom en Grande-Bretagne avant l'émergence d'un secteur privé. En effet, le réseau téléphonique public britannique était obsolète et les tarifs inadaptés. Un opérateur privé pouvait donc apporter un service de meilleure qualité que celui proposé par l'opérateur public. Toutefois, on peut noter que General Câble, filiale britannique de la Générale des Eaux, a perdu, malgré 21 000 abonnés au téléphone et 566 000 foyers raccordés au câble, au 1er juillet 1995, près de 90 millions de francs au cours des six premiers mois de 1995.

En fonction de ces éléments, il apparaît qu'à court et moyen terme, ''introduction de services téléphoniques sur le câble n'est certainement pas une solution d'avenir pour le câble. Toutefois, les enjeux économiques de la déréglementation des télécommunications en France n'empêchent pas les câblo-opérateurs étrangers et français d'être prêts à saisir d'éventuelles opportunités, notamment en matière de télécommunications professionnelles.

* 15 . Le service antenne comprend les six chaînes de télévision diffusées par voie hertzienne, ainsi que, le cas échéant, une ou deux autres chaînes de télévision généraliste, les télévisions locales et les chaînes étrangères en zone frontalière.

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