CHAPITRE II LES OPÉRATEURS PUBLICS

FRANCE TÉLÉCOM ET LA POSTE

Le ministère des technologies de l'information et de La Poste -devenu le 7 novembre dernier ministère délégué à La Poste, aux télécommunications et à l'espace- a notamment pour responsabilité d'exercer la tutelle des deux grands opérateurs publics que sont France Télécom et La Poste.

A cet égard, il a la charge de veiller au bon déroulement des contrats de plan conclus par l'État avec chacun des deux exploitants et de préparer les évolutions futures, en particulier dans le cadre de la déréglementation du secteur des télécommunications et de l'ouverture à la concurrence décidées à l'échelon communautaire.

I. FRANCE TÉLÉCOM

A. LA SITUATION ACTUELLE

Par son chiffre d'affaires, 129,3 milliards de francs en 1994, France Télécom se situe au deuxième rang des entreprises de services françaises (après EDF) et au quatrième rang parmi les opérateurs mondiaux de télécommunications : après le japonais NTT, l'américain ATT et Deutsche Telekom, mais avant British Telecom et Telecom Italia.

Le tableau ci-après fournit les principales données chiffrées sur la situation de France Télécom.

Situation Financière de France Télécom

(en milliards de francs)

On observera, en particulier, le montant élevé des investissements effectués, soit plus de 30 milliards chaque année, ainsi que le désendettement progressif de l'entreprise, sa dette étant passée de 120 milliards de francs à la fin de 1991 à 95 milliards de francs en 1994. Le contrat de plan 1995-1998 a d'ailleurs fixé un objectif ambitieux en termes de désendettement puisque celui-ci doit être de 50 milliards de francs au cours de la période se terminant à la fin de 1998. Ainsi, France Télécom devrait réduire sa dette d'au moins 12 à 13 milliards de francs en 1995.

Grâce à ce désendettement, l'entreprise a pu réduire le poids de ses frais financiers, passés de 9,7 % du chiffre d'affaires en 1991 à 5,6 % en 1994.

On remarquera enfin que le résultat net après impôt de l'opérateur a été de 9,2 milliards de francs, soit le montant le plus élevé obtenu par une entreprise française en 1994. Sur ce bénéfice, le dividende prélevé par l'État a été de 4,5 milliards de francs, le reste ayant été affecté aux réserves.

Ce dividende ne représente qu'une partie des recettes apportées à l'État par France Télécom. Le tableau ci-après retrace les produits fiscaux.

Charge fiscale de France Télécom

(en millions de francs)

(I) Prévisions

Les bons résultats de France Télécom sont notamment dus aux produits du téléphone qui représentent plus de 80 % du chiffre d'affaires de France Télécom.

Toutefois, en 1994, les recettes tirées du trafic téléphonique ont été en baisse, essentiellement du fait de la réforme tarifaire intervenue le 15 janvier 1994.

Bilan de la réforme tarifaire du service téléphonique du 15 janvier 1994

Inscrite dans le premier contrat de plan passé entre l'État et France Télécom et décidée lors du Comité Interministériel d'Aménagement du Territoire tenu à Mende, le 12 juillet 1993, la réforme tarifaire du service téléphonique, mise en oeuvre le 15 janvier 1994, a été un mouvement sans précédent en France par son ampleur et par les innovations qu'elle introduisait en ce qui concerne la géographie tarifaire.

La nécessité d'une réforme de cette nature s'est en effet progressivement confirmée au cours des dix dernières années. La réforme mise en oeuvre a eu pour objet de :

- faire bénéficier les utilisateurs de la baisse des coûts du téléphone ;

- préparer l'adaptation au contexte concurrentiel qui concernera, à l'horizon 1998, les services et les infrastructures ;

- moderniser la géographie tarifaire ;

- favoriser l'aménagement du territoire.

Toutefois, si l'élément le plus novateur -l'introduction des Zones Locales Élargies- a été bien accueilli, la réforme a suscité des interrogations et des demandes nouvelles, tant de la part des abonnés et de leurs représentants, que des élus et des organisations consulaires.

C'est pourquoi la Direction Générale des Postes et Télécommunications a décidé d'établir le bilan de cette réforme, un an après sa mise en place.

Ce bilan montre que la réforme a eu des effets incontestablement positifs pour les utilisateurs :

- elle s'est traduite par une baisse moyenne de 3,4 % du prix du téléphone, effets modulés en fonction des catégories d'utilisateurs (baisse de 6,6 % pour les entreprises et de 0,3 % pour les ménages) ;

- elle a apporté une amélioration significative de la géographie tarifaire à travers l'augmentation du nombre d'abonnés ayant accès au tarif local et une plus grande équité entre les utilisateurs.

La baisse globale des tarifs doit donc être poursuivie, ainsi que les mesures de rééquilibrage tarifaire.

A cet effet, le bilan formule quatre séries de propositions qui doivent devenir des priorités pour les années à venir :

- développer des formules tarifaires diversifiées et adaptées à la consommation des différents types d'utilisateurs,

- améliorer les modalités d'évolution tarifaire dans un sens plus prévisible et plus progressif

- préserver l'accès des utilisateurs les plus vulnérables économiquement au service téléphonique,

- résoudre progressivement les imperfections ponctuelles de la géographie tarifaire.

On rappellera que le prix des services est la variable majeure dans un marché des télécommunications ouvert et concurrentiel.

Aussi était-il important d'accomplir une première réforme. Celle-ci devra se poursuivre, en particulier à travers une baisse des tarifs, que prévoit d'ailleurs de façon précise le contrat de plan signé avec l'État le 15 avril 1995.

Le contrat de plan 1995-1998 entre France-Télécom et l'État

Signé le 15 avril 1995, le deuxième contrat de plan entre l'État et France-Télécom couvre la période 1995-1998.

Il a pour objet principal de permettre à France Télécom de se préparer à l'ouverture complète à la concurrence à partir du 1er janvier 1998. En effet, à cette date les activités de l'exploitant se développeront dans un environnement concurrentiel caractérisé par la diversification des attentes des clients, l'ouverture internationale des marchés et les changements de la réglementation nationale et européenne.

Deux orientations prioritaires, liées aux missions de service public assumées par France Télécom, sont définies :

ï offrir aux consommateurs et aux entreprises les meilleurs services de télécommunications,

ï contribuer à l'aménagement du territoire et à la recherche, conformément au cahier des charges de l'opérateur.

Quatre autres orientations majeures, s'inscrivant dans le cadre des stratégies déjà suivies, sont également définies :

ï mettre en oeuvre une politique de qualité globale en offrant aux clients -entreprises et particuliers- de meilleurs services à de meilleurs prix (plus grande diversification de la gamme des prestations offertes et accentuation progressive de la baisse des prix des services de base, inférieure d'au moins 4,5 % en 1995, 5 % en 1996, 5,5 % en 1997 et 6 % en 1998 à celle des prix à la consommation) ;

ï permettre à France Télécom de devenir, avec ses partenaires étrangers, un opérateur mondial capable de répondre aux besoins internationaux des entreprises multinationales ;

ï assurer, dans un contexte de concurrence généralisée, les conditions de la compétitivité de France Télécom, en diminuant son endettement de 95 à 45 milliards de francs en fixant un niveau d'investissements de 132 milliards de francs sur 4 ans et en prévoyant que 4 % au moins du chiffre d'affaires sera consacré à la recherche ;

ï poursuivre la baisse des tarifs, notamment des communications à longue distance et des liaisons louées, de façon à permettre aux clients de disposer de tarifs comparables aux meilleurs tarifs européens.

B. LES ÉVOLUTIONS FUTURES

1. Le développement international

Conformément à l'un des axes stratégiques du contrat de plan, France Télécom s'est engagée dans une politique active d'investissements à l'étranger de façon à valoriser ses compétences, à exporter son savoir-faire (modernisation des réseaux de base, mobiles, ingénierie, expertise technique) et à maintenir sa place de quatrième opérateur mondial.

Ainsi, à la fin de 1994, les investissements à l'étranger s'élevaient à 6 milliards de francs en montant cumulé, pour un chiffre d'affaires de l'ordre de 6,5 milliards de francs.

Les principales zones géographiques concernées sont l'Asie-Pacifique, l'Amérique latine (avec des participations en Argentine et au Mexique) et l'Europe de l'Est (avec des opérations en Pologne et en Russie). L'Europe de l'Ouest est aussi une zone d'intervention active comme deux succès commerciaux récents le montrent : l'obtention de la licence pour le deuxième réseau belge de radiotéléphone numérique et l'arrivée comme opérateur téléphonique filaire sur le marché suédois.

Par ailleurs, France Télécom a décidé de conclure des partenariats avec d'autres grands opérateurs mondiaux, notamment pour répondre aux besoins de la clientèle des entreprises internationales.

De fait, d'importantes alliances ou restructurations dans le secteur des télécommunications sont récemment intervenues au niveau mondial. Il était important que France Télécom y participe.

Deux accords ont ainsi été conclus :

- L'alliance avec Deutsche Telekom

Dès la fin de 1993, le projet d'une société dénommée Atlas regroupant les activités de transmission de données, de réseaux privés virtuels et de liaisons internationales des deux opérateurs européens était mis à l'étude.

Puis, une alliance a été conclue entre France Télécom et Deutsche Telekom à la fin de 1994. Elle a été approuvée par la Commission de Bruxelles en octobre dernier, sous réserve du respect de conditions strictes pour les 2 opérateurs et pour les 2 pays destinées à éviter que l'accord ne porte atteinte à la concurrence dans le secteur des télécommunications.

Afin d'élargir leur stratégie internationale, France Télécom et Deutsche Telekom ont décidé de signer un accord au mois de juin 1994 avec Sprint, le 3 ème opérateur américain, dans le but de constituer une filiale commune -dénommée Phoenix- présente sur tous les continents. L'objectif est de constituer un réseau mondial "sans couture". Toutefois, cette alliance doit encore être approuvée par la Commission fédérale des communications, en principe d'ici la fin de l'année. L'acquisition par France Télécom de 20 % du capital de Sprint représentera un investissement d'environ 10 milliards de francs.

- Le partenariat avec Olivetti

France Télécom et Olivetti ont annoncé le 15 novembre un accord préliminaire à la création d'une filiale commune dont l'objectif est "de devenir le principal opérateur alternatif de télécommunications en Italie".

L'opérateur français devrait prendre 49 % du capital d'Infostrada, filiale commune d'Olivetti et Bell Atlantic qui en garderont 51 %.

Le marché des services aux entreprises est le premier objet de cette alliance qui devrait aussi permettre la commercialisation des produits et services mis au point par Atlas et par Phoenix.

Votre rapporteur se félicite des succès internationaux ainsi remportés par France Télécom, seuls à même de lui permettre de conserver sa place de quatrième opérateur mondial et d'être en bonne position pour l'ouverture à la concurrence des télécommunications en Europe, le 1er janvier 1998.

2. La réforme du cadre juridique

L'échéance du 1er janvier 1998 se rapprochant, l'aménagement de la réglementation nationale des télécommunications devient chaque jour plus urgent.

En effet, les enjeux économiques, technologiques et sociaux sont tels, aussi bien à l'échelon national qu'à l'échelon communautaire ou mondial, qu'une définition claire de l'environnement juridique des télécommunications est devenue aujourd'hui indispensable pour les acteurs et opérateurs concernés.

Le gouvernement vient de soumettre un document préparatoire à l'examen de tous les agents intéressés, sous forme d'une large consultation publique.

Votre rapporteur se félicite de la méthode employée. En effet, si le texte fixe certains principes, comme la définition et le financement du service universel, il laisse ouvert d'autres aspects, en particulier le statut de l'instance de régulation qui devra être mise en place dès le 1er janvier 1997.

Chacun des éléments de la réflexion devra donc être soigneusement étudié par tous les acteurs concernés pour que le Parlement puisse, à son tour, fixer le meilleur cadre juridique applicable au secteur des télécommunications.

"De nouvelles règles du jeu pour les télécommunications en France"

Distribué en octobre 1995, le document d'orientation ainsi dénommé à pour objet de proposer les règles applicables après le 1er janvier 1998 -date d'ouverture à la concurrence de l'ensemble des services et des infrastructures de télécommunications en Europe- et de servir de base à une consultation publique de tous les acteurs intéressés. A partir des avis qui seront émis, le gouvernement élaborera un projet de loi de réglementation des télécommunications qui sera présenté au Parlement au printemps de 1996.

Les cinq objectifs de la réforme :

ï garantir à tous un service public des télécommunications de qualité à un prix abordable,

ï répondre par la diversité de l'offre aux besoins croissants des utilisateurs en leur garantissant un accès simple aux services de télécommunications,

ï créer un environnement favorable au développement de la compétitivité du secteur des télécommunications,

ï développer la compétitivité et l'excellence de l'opérateur en charge du service public, France Télécom,

ï instaurer une régulation efficace des marchés.

Les quatre aspects essentiels de la réforme :

ï les conditions d'entrée sur le marché français seront déterminées par un régime de licences, créatrices de droits et d'obligations pour les acteurs concernés,

ï les conditions du maintien et du développement d'un service public de qualité seront clairement définies (sous ses différents aspects : économiques, sociaux et géographiques),

ï les principes et les modalités de l'accès aux réseaux et du régime d'interconnexion seront précisément établis,

ï les moyens d'une régulation efficace du marché des télécommunications seront mis en oeuvre afin de susciter une concurrence loyale et aussi dynamique que possible.

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