CHAPITRE III LA POLITIQUE DE L'ESPACE

L'espace représente environ 80 % des crédits du fascicule budgétaire des technologies de l'information et de la Poste. Il constitue donc une priorité de l'action du ministère, que la modification des structures gouvernementales le 7 novembre dernier a clairement prise en compte, en transformant le poste de ministre des technologies de l'information et de la Poste en ministre délégué à la Poste, aux télécommunications et à l'espace.

Les objectifs de la politique spatiale française s'inscrivent aujourd'hui à la fois dans un cadre national mais également dans un cadre communautaire et mondial.

Il s'agit pour l'essentiel de programmes de long terme dont les besoins de financement sont importants et dont l'impact doit être bien mesuré, tant du point de vue des retombées technologiques ou industrielles que des conséquences sur l'activité économique.

I. LES OBJECTIFS DE LA POLITIQUE SPATIALE

La politique du gouvernement dans le domaine spatial a été solennellement rappelée par le Premier ministre en octobre 1994. Elle repose sur la conviction que "l'espace est un domaine stratégique et de souveraineté qui nécessite une action déterminée de l'État".

Cette politique s'oriente autour de trois axes.

A. LES GRANDS PROGRAMMES D'INFRASTRUCTURES ET LES PROGRAMMES SCIENTIFIQUES

Dans le domaine civil, la France a choisi de privilégier le cadre de l'Agence spatiale européenne pour les programmes scientifiques et pour les grands programmes d'infrastructures lourdes.

Trois programmes sont particulièrement importants :

- Le programme Ariane 5

Il s'agit du lanceur de nouvelle génération dont la performance et la compétitivité seront sensiblement améliorées par rapport au lanceur Ariane 4. Il devra en particulier permettre la réalisation de doubles lancements de satellites. Le programme Ariane 5 est aujourd'hui en phase finale de développement et devrait entrer en service opérationnel à la fin de 1996.

Ainsi, programme prioritaire pour la France dans le cadre de la solidarité communautaire, Ariane 5 doit permettre à l'Europe de maintenir ses avantages compétitifs et de conserver sa position commerciale dans le domaine des lanceurs spatiaux.

- Le projet de station spatiale internationale

Il s'agit de la deuxième priorité des grands programmes d'infrastructures spatiales.

Le principal objet de ce programme est une maîtrise et une coopération technique à l'échelon mondial. En effet, le projet est placé sous direction américaine avec une participation de la Russie, du Japon, du Canada et de l'Europe.

L'Agence spatiale européenne y est associée de deux manières :


•par la fourniture d'un laboratoire pressurisé dit COF (Colombus Orbital Facility),


• et par la mise au point d'un véhicule de transport de frêt dit ATV

(Ariane Transfer Véhicule).

S'y ajouteront des installations de recherche en apesanteur, sur la microgravité.

- Le programme scientifique obligatoire de l'Agence spatiale européenne

La France contribue au programme scientifique obligatoire de l'Agence spatiale européenne par la réalisation, dans le cadre du programme national du CNES, d'instruments scientifiques destinés à être embarqués sur des satellites.

B. LES PROGRAMMES CIVILS OPÉRATIONNELS OU AYANT DES APPLICATIONS COMMERCIALES

En octobre 1994, il a été décidé de privilégier le cadre national "pour tout programme civil opérationnel devant conduire à l'exploitation d'un service ou ayant des applications commerciales".

Toutefois, la recherche de coopérations internationales et de synergies avec les programmes militaires était également encouragée.

Deux secteurs ont été définis comme prioritaires :

- L'observation de la terre

Il s'agit de la poursuite du programme SPOT avec les modèles SPOT 5 A et SPOT 5 B.

Ce programme de diffusion de données d'observations a des retombées géopolitiques et économiques importantes. En outre, il contribue au rayonnement de la France dans le monde. Enfin, il permet des synergies avec le programme militaire d'observation Hélios.

Par ailleurs, le CNES contribue au programme mondial de recherche sur le climat (Topex-Poseïdon) en participant à la réalisation de mini-satellites altimétriques.

- Les radiocommunications spatiales

A la fin de 1994, le gouvernement a décidé d'engager le programme STENTOR qui vise à permettre la maîtrise des techniques devant assurer les télécommunications du XXI ème siècle. Un premier satellite expérimental devrait être achevé à la fin de l'an 2000 et son lancement pourrait avoir lieu en 2001 ou 2002.

C. LE MAINTIEN DE L'INDÉPENDANCE NATIONALE

Le respect de ce troisième objectif de la politique de l'espace nécessite un effort soutenu de recherche et de développement en faveur des diverses technologies concernées.

En effet, la perte d'une compétence industrielle ou d'un savoir-faire technique pourrait entraîner une perte de compétitivité ou une situation de dépendance à l'égard d'autres partenaires, préjudiciables au déroulement de certains programmes d'intérêt national.

Le maintien de la France parmi les puissances spatiales exige donc un effort important du gouvernement pour soutenir la recherche et le développement technologique dans ce secteur.

On observera d'ailleurs que cet effort est loin d'être improductif. En effet, l'industrie spatiale a des retombées sur l'ensemble de l'économie, notamment en matière de recherche et de diffusion des techniques.

Cette industrie occupe environ 12.550 emplois directs, dont les trois quarts au sein de 4 grandes entreprises, Aérospatiale, Matra Marconi Space, SEP et Alcatel Espace, et un quart dans les PME (80 % des entreprises ayant une activité spatiale ont moins de 200 salariés). Le chiffre d'affaires de l'industrie spatiale était supérieur à 25 milliards de francs en 1994.

Les décisions prises à Toulouse

par le Conseil des Ministres européens de l'espace

Le 20 octobre 1995

Après une longue période d'incertitude, la politique spatiale européenne a été clairement relancée et ses objectifs redéfinis pour une période de 10 ans, lors de la réunion ministérielle du 20 octobre 1995 à Toulouse.

Cinq décisions ont été prises. Elles concernent :

* La détermination du contenu de la contribution européenne à la station spatiale internationale : l'Agence spatiale européenne réalisera un laboratoire d'expérimentation en apesanteur (le COF) dont la maîtrise d'oeuvre devrait être assurée par l'Allemagne et construira un véhicule cargo lancé par Ariane 5 (l'ATV) dont la maîtrise d'oeuvre pourrait être confiée à la France. Par ailleurs, des études seront lancées pour l'éventuelle réalisation d'un vaisseau de sauvetage pour l'équipage (le CTV) et une contribution aux frais d'exploitation de la station, lorsqu'elle sera en service, est prévue à hauteur de 1,5 milliard de francs par an.

* Le démarrage de trois programmes complémentaires au programme Ariane 5 :

Ces programmes sont nécessaires pour assurer durablement l'indépendance européenne en matière de moyens de lancement ; la France devrait assurer la moitié du financement.

* La fixation du niveau de ressources pour les programmes scientifiques obligatoires, soit un maintien en francs courants jusqu'en l'an 2000 avec une éventuelle couverture de la perte de pouvoir d'achat pour la partie de l'inflation supérieure à 3 %.

* La décision de passer à un fonctionnement avec l'écu comme monnaie pour l'ensemble des activités de l'Agence avant 3 ans.

* La réalisation de 300 millions de francs d'économies dans le fonctionnement de l'Agence spatiale européenne.

Le coût pour la France de la contribution à la station spatiale internationale est estimé à 2,6 milliards de francs entre 1996 et 2000, soit 27,6 % du total.

Le financement de cette somme devrait être réalisé de la façon suivante :

ï par redéploiement de 1,7 milliard de francs d'économies à réaliser d'ici à 2002 sur les programmes européens,

ï par 900 millions de francs d'économies sur les programmes nationaux d'ici à 2002, dont 500 millions de francs sur SPOT 5 et 400 millions sur STENTOR.

Pour 1996, les besoins de financement nouveaux entraînés par ces décisions s'élèvent à 275 millions de francs au titre de la station spatiale internationale et à 185 millions de francs pour les programmes complémentaires à Ariane 5.

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