C. LA COOPÉRATION EUROPÉENNE

Politiquement, parce qu'elle exprime et renforce la solidarité entre voisins et alliés, économiquement parce qu'elle apparaît comme le seul moyen d'assurer la survie d'industries de pointe, socialement parce qu'elle permet le maintien d'emplois, et d'emplois qualifiés, financièrement parce qu'elle peut amoindrir les coûts et techniquement parce qu'elle accroît l'interopérabilité des matériels, la coopération européenne dans le domaine des armements s'impose comme une évidence.

Mais pour évidente qu'elle soit, elle n'occupe encore qu'une place marginale dans nos équipements : 5 à 10 % environ des crédits du titre V lui sont consacrés. Le montant des économies correspondantes pourrait être chiffré à environ 3 % ; pour que ces économies atteignent 10 milliards de francs il faudrait donc qu'elles quadruplent.

La coopération se heurte, en effet, à des obstacles nombreux :

Elle repose d'abord sur un certain degré d' entente politique qui pour être extérieurement manifestée s'effrite parfois devant le souci de sauvegarder des capacités indépendantes et s'efforce devant des liens privilégiés avec d'autres pays qui ne sont pas nécessairement européens.

Elle implique, ensuite, la convergence, au moment voulu de besoins opérationnels et techniques, de moyens industriels et financiers qui ne sont pas toujours nécessairement appelés à se rencontrer.

Elle suppose, aussi, dans la conduite des programmes, des procédés qui prennent en compte la spécificité d'opérations internationales et ne peut être vraiment profitable qu'entre États possédant des compétences équivalentes.

Ces conditions ne sont pas toujours faciles à réunir et certaines expériences malheureuses ont, du reste, provoqué une diminution du nombre de programmes en coopération au cours des années 80. Des déconvenues sont nées, en particulier, de la lourdeur de la gestion provoquée par des « sur-spécifications » génératrices de retards et de dépassements des prévisions initiales, ou d'évasion de compétences subie par les pays les plus avancés qui ont dû constater la création de capacités de production concurrentes.

Le rétrécissement général des budgets d'équipement, phénomène relativement nouveau, a quant à lui des conséquences ambiguës : il pousse à la coopération en tant que facteur de réduction des coûts, mais il peut également amener à davantage réserver les crédits nationaux aux industries nationales ou à renoncer purement et simplement à certains programmes.

Cela étant, la coopération recouvre d'un mot unique des réalités très diverses. Cette diversité vient des acteurs : États et industriels, des motivations (politiques, financières, techniques), des domaines partagés (études préliminaires, recherche, développement, production, soutien etc..) ou des modalités de mise en oeuvre (gestion, « juste retour »...) (3 ( * )) .

Il est donc intéressant de rechercher dans cette diversité, quelques lignes directrices permettant de discerner les réalisations souhaitables. Deux d'entre elles paraissent plus particulièrement s'imposer.

1/ L'évolution vers des rapprochements de plus en plus durables

La coopération, faite d'associations momentanées sur un programme, a suscité des rapprochements plus durables, prémices d'entités industrielles transnationales où sont partagés aussi bien le capital (échange d'actions et de participation) que les activités qui ne sont plus cantonnées à un programme préalablement défini. Citons, ainsi, pour prendre quelques exemples, la prise de participation majoritaire dans des sociétés étrangères (prise de participation de Thomson-CSF dans Philips Signal), la création d'une nouvelle société (Thomson et la société britannique Ferranti Thomson Powers System ; Airbus-industries, Aérospatiale, Alenia, British Aerospace, Dasa, Casa s'apprêtent à créer la société « Airbus Military Company »), ou la mise en commun d'activités à travers une société holding (Eurocopter réunissant les filiales hélicoptères, de l'Aérospatiale et de la DASA.

Ainsi grâce au dynamisme propre aux entreprises, se dessine peu à peu les contours d'une industrie européenne des armements réunissant les partenaires les plus performants dans le secteur considéré. On évite ainsi les inconvénients d'un partage purement financier qui ne tient pas compte des compétences de chacun, pour édifier une coopération ou une base vraiment industrielle tenant compte des aptitudes de chacun.

Les prises de participation, les créations de filiales communes nouent ainsi des liens plus solides entre les différents pays européens. Sous cette forme, la coopération, même si elle n'apporte pas, au moins dans un premier temps, d'économies substantielles, doit de plus en plus contribuer - et cet apport est essentiel - aux restructurations nécessaires des industries européennes d'armement.

2/ Les institutions, freins ou moteurs de la coopération ?

De nombreuses structures ont déjà été créées dans le domaine de l'Europe, certaines étant plus spécifiquement consacrées à l'armement. Toutes ne paraissent toutefois pas emprunter les mêmes voies et considérer les mêmes objectifs.

A l'actif de ces institutions, on peut citer l'action du Groupe européen indépendant des programmes (GEIP) en faveur d'un programme européen de recherches et d'un décloisonnement des marchés nationaux, ou celle de l' Union de l'Europe occidentale (UEO) en vue de créer une agence européenne pour les armements, annoncée du reste par la déclaration annexée au Traité de Maastricht. D'ores et déjà, une agence franco-allemande de l'armement doit être créée le 1 er janvier prochain. Cette agence réunira ainsi deux partenaires parmi les pays engagés dans la coopération. C'est également au nom de l'UEO que pourrait être étudiée la coordination des besoins opérationnels et le renforcement de la coopération sur les programmes ainsi que la mise en place du mécanisme d'une préférence européenne dans les acquisitions d'armement.

En revanche, c'est avec prudence, pour ne pas dire suspicion que doivent être considérées certaines tentatives de la Commission pour soumettre aux directives de Bruxelles les marchés publics d'armement en invoquant le caractère dual de nombreuses fabrications. De telles tentatives, on l'a vu pour de nombreux secteurs civils, l'électronique grand public notamment, risquent, en effet, de faciliter la pénétration des industriels américains sur le marché européen.

* 3 Le tableau en annexe donne le panorama des différentes coopérations réalisées ou envisagées.

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