Rapport n° 165 (1995-1996) de M. Michel ALLONCLE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 17 janvier 1996

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N° 165

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 janvier 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armée (1) sur le projet de loi autorisant l approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République des Philippines sur l encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un Protocole),

Par M. Michel ALLONCLE.

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique Ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Gérard Gaud, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet, Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Guy Robert, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux; Serge Vinçon.

Voir le numéro :

Sénat : 136 (1995-1996).

Traités et conventions.

Mesdames. Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet l'approbation d'un accord entre la France et les Philippines sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements signé à Paris le 13 septembre 1994 à l'occasion de la visite du président Fidel Ramos en France.

Les Philippines, vaste ensemble de 7 100 îles habitées par près de 70 allions d'habitants, n'ont pas connu le dynamisme économique qui, au cours les deux dernières décennies, a permis l'émergence dans le sud-est asiatique les nouveaux pays industrialisés. Les années de dictature sous le président Marcos, l'instabilité politique qui lui a succédé, la crise économique enfin liée aux catastrophes naturelles et à une grave crise énergétique ont retardé le décollage de ce pays. Cependant sous la conduite du président Ramos, les Philippines connaissent aujourd'hui un renouveau politique et économique que votre rapporteur tentera de présenter avant d'analyser le dispositif du présent accord.

Il importe en effet d'insister sur ces évolutions favorables pour convaincre nos entreprises de s'intéresser à un pays où elles ne sont pas encore suffisamment présentes.

I. STABILISATION INTÉRIEURE ET OUVERTURE DIPLOMATIQUE TRACENT LA VOIE D'UN DÉVELOPPEMENT ÉQUILIBRÉ

La situation récente des Philippines a été marquée par deux faits -l'avènement de la démocratie en 1986, d'une part, la fermeture des bases militaires américaines, d'autre part- qui ont imprimé de nouvelles orientations à la politique intérieure et extérieure de ce pays.

A. UNE STABILISATION POLITIQUE FAVORABLE À LA MISE EN OEUVRE DE RÉFORMES

1. L'effort de réconciliation nationale

La stabilisation politique peut être mise à l'actif de la politique conduite par M. Ramos, élu en 1992 avec 23% des voix. Le successeur de Mme Corazón Aquino a vu sa position confortée lors des élections générales du 8 mai 1995, remportées par la coalition gouvernementale. Fort de cette nouvelle légitimité, le président Ramos s'est efforcé d'apaiser les trois principales sources de tensions suscitées par les rébellions militaire, communiste et musulmane.

En premier lieu, ancien chef d'état-major et ministre de la défense, M. Ramos s'est acquis le soutien des militaires dont les tentatives de putsch (sept pendant le mandat de Mme Aquino) ont longtemps menacé le processus démocratique. L'élection au Sénat, au suffrage universel direct, de " Gring°" Honasan, responsable de plusieurs de ces coups d'État, consacre le retour des militaires à une stratégie légaliste d'action politique. Le 13 octobre 1995 , signature d'un accord de paix entre le gouvernement philippin et 1a rébellion militaire a scellé l'engagement de cette dernière à cesser toute action, en contrepartie d'une amnistie accordée aux crimes politiques.

En second lieu, Manille a su réduire l'opposition armée communiste par une politique conciliatrice : légalisation du parti communiste, négociation avec les principaux responsables de la rébellion, amnistie enfin.

Si, en revanche, la situation dans le sud musulman reste difficile, l'ouverture de négociations avec le Front Moro de libération nationale, sous l'égide de l'Indonésie, traduit un progrès certain, fragilisé toutefois par l'action violente conduite au cours des derniers mois par un groupe terroriste -Abu Sayyaf.

2. Le souci d'adapter en profondeur la société philippine aux exigences d'une démocratie moderne

Les réformes se sont orientées dans quatre voies distinctes :

- une meilleure maîtrise de la natalité, même si cette politique se heurte aux positions défendues par une Église dont le prélat, le cardinal Sin. reste très influent sur la population ;

- une meilleure représentation des intérêts locaux dans le cadre dune décentralisation destinée à accroître les compétences des districts (les " barangays ") ;

- la consolidation de l'État de droit grâce à la séparation de ' armée et de la police (dont le comportement prête encore cependant aux ac cusations de corruption et de violation des principes du droit), et la création d'une commission des droits de l'homme ;

- un partage plus équitable des terres par la mise en oeuvre d'une reforme agraire lancée en 1992 (sur 10 millions d'hectares, seul 1,4 million a été redistribué).

Les réformes comme celle-ci, qui vise à atténuer les inégalités criantes de la société philippine, rencontrent des résistances fortes de la part de l'oligarchie possédante dont le poids au sein du parlement reste déterminant.

B. UNE DIPLOMATIE TOURNÉE DAVANTAGE VERS L'ASIE DU SUD-EST ET VERS L EUROPE

Sans remettre en cause les liens privilégiés avec les États-Unis, la rétrocession des bases de Clark et de Subie Bay aux autorités philippines en .1992 a conduit Manille à s'interroger sur la pérennité du soutien américain et inspiré une double ouverture des Philippines vers l'Asie et l'Europe.

1. Une volonté mieux affirmée d'intégration avec les pays du Sud-est asiatique

Cette priorité répond à un double objectif d'ordre économique et sécuritaire.

Il s'agit en premier lieu pour Manille de mieux tirer parti d'une croissance dont elle n'a pas su, jusqu'à présent, pleinement bénéficier (le revenu par habitant s'élève à 840 dollars aux Philippines contre 18 500 dollars à Singapour ...). Ainsi, membre fondateur de l'Association des nations du Sud-Est asiatique (ANSEA ou ASEAN en anglais), créée en 1967, les Philippines soutiennent les initiatives renforçant la coopération entre les pays membres, telle la création d'une aire de libre échange (AFTA) ou encore l'instauration, en 1984, d'une zone de croissance (" East Asean Growth Area ") entre le Brunei, l'Indonésie, la Malaisie et les Philippines.

En second lieu, le renforcement de la solidarité entre partenaires du sud-est asiatique présente pour Manille le mérite de mieux répondre aux menaces que les ambitions chinoises dans la région font peser sur la sécurité. Le contentieux porte principalement sur les îles Spratleys. Cet ensemble (33 îles et 400 atolls dispersés sur 160 000 km 2 ) ne couvre guère que 10 km de terres émergées. Mais sa position stratégique au coeur des grandes routes maritimes du Pacifique et ses richesses énergétiques (gaz et pétrole) potentielles aiguisent les convoitises des principaux États de la région. Deux d'entre-eux seulement, la Chine et le Vietnam, revendiquent une souveraineté sur la totalité de ce territoire, les Philippines bornent leurs prétentions aux marges septentrionales des Spratleys. Or, le traité de sécurité avec les États-Unis (1951) exclut les Spratleys de son champ d'application. Dès lors, les Philippines entendent s'appuyer sur l'ASEAN pour compléter leur système de sécurité. La déclaration commune de Manille (1992) préconise ainsi I e règlement pacifique des différends dans un cadre multilatéral.

Afin d'assurer la cohésion et la force de l'ASEAN, organisation essentielle pour leur économie mais aussi leur sécurité, les Philippines se sont efforcées de se rapprocher de leurs partenaires, malgré les contentieux qui pouvaient les opposer : normalisation des relations avec la Malaisie, pourtant soupçonnée, un temps, d'apporter un soutien à la rébellion musulmane, essor des liens économiques avec Singapour (malgré l'" affaire Contemplación ", ressortissante philippine accusée d'un double meurtre par la justice Singapourienne et exécutée), première visite, en 1992, d'un président philippin en Thaïlande depuis 1967 ...

Au delà de l'ASEAN, les Philippines entretiennent des liens étroits avec le Japon, premier donateur et premier fournisseur, dont l'influence Politique apparaît susceptible d'équilibrer la puissance chinoise.

2. L'ouverture vers l'Europe

Les deux tournées européennes (en 1994 et 1995) du président Ramos témoignent du nouvel intérêt que les Philippines manifestent pour l'Europe. L'Union européenne figure, du reste, au deuxième rang des donneurs d'aide et au troisième rang des investisseurs étrangers aux Philippines.

La visite officielle en France du président Ramos en septembre 1994 a permis par ailleurs de relancer le dialogue bilatéral. Le principe de consultations politiques régulières décidées à cette occasion s'est concrétisé en juillet par la visite du vice-ministre des affaires étrangères. M. Séverine à Paris en juillet dernier, et de Mme Margie Sudre, secrétaire d'état chargé de la francophonie, à Manille. En dehors de l'économie, sur laquelle votre rapporteur reviendra, la coopération porte principalement sur deux domaines : enseignement du français dispensé dans 22 établissements et 2 Alliances françaises -à Manille et Cebu- (la suppression de l'apprentissage obligatoire de l'espagnol dans l'enseignement supérieur a profité au français : le nombre "étudiants est passé de 3 500 en 1988 à 4 500 aujourd'hui) ; les sciences notamment la surveillance des volcans dans le cadre d'un programme de Prévention des risques majeurs).

L'ensemble des crédits consacrés par la Direction générale des relations culturelles scientifiques et techniques s'élève à 6,9 millions de francs.

Par ailleurs, la France accorde une aide humanitaire, principalement tournée vers les enfants en détresse.

II. LA PRÉSENCE ÉCONOMIQUE FRANÇAISE AUX PHILIPPINES N'EST PAS À LA MESURE DU RENOUVEAU ÉCONOMIQUE DONT BÉNÉFICIE CE PAYS

A. UN REDRESSEMENT ÉCONOMIQUE ENCORE INCOMPLET

1. Les facteurs d'un nouveau dynamisme

Sous l'égide du Fonds monétaire international (FMI) les Philippines ont adopté un programme d'ajustement structurel sur deux ans (1994-1996) présentant un double volet : stabilisation conjoncturelle par l'assainissement des finances publiques et le rétablissement des comptes extérieurs d'une part, réformes de structure d'autre part.

Le succès de la politique de stabilisation s'est traduit par les progrès de la croissance dans le respect des grands équilibres. En effet, la croissance du produit intérieur brut est passée de 2,2 % en 1993 à 4,4 % en 1994 et sans doute 6 % en 1995. La reprise économique a permis pour la première fois aux Philippines de connaître un excédent budgétaire représentant 1 % du PIB. Parallèlement l'inflation ne devrait pas dépasser 7 ou 8 % en 1995 (contre 9 % en 1994). Par ailleurs, la croissance n'a pas aggravé le déficit de la balance commerciale. En effet la dépréciation du peso philippin à la suite de la crise mexicaine de décembre 1994 a favorisé les exportations (dont la compétitivité s'est accrue de 9 % au cours du premier trimestre 1995) et permis de contenir la dégradation du solde commercial (- ' milliards de dollars). La balance des paiements courants demeure, quant à elle, bénéficiaire (168 millions de dollars) grâce aux entrées de capitaux étrangers et aux transferts (estimés entre 4 et 7 milliards de dollars) des travailleurs philippins établis hors de leur pays.

Les réformes structurelles reposent sur un renforcement du secteur privé par la déréglementation, des privatisations et des mises en concession de plusieurs projets d'infrastructure (énergie, eau, télécommunication). Enfin, la baisse des tarifs douaniers apparaît une autre manifestation de l'orientation libérale imprimée à l'économie des Philippines-

Le programme d'ajustement structurel n'aurait sans doute pas porte ses fruits sans le soutien de la communauté internationale : en 1994 les engagements d'aide des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux se son élevés à 2,8 milliards de dollars. Il convient de souligner le rôle notable de la Banque asiatique de développement dont les prêts ont atteint 140,9 millions de dollars. Surtout, parmi les contributeurs bilatéraux, le Japon figure au premier rang avec un engagement d'un milliard de dollars en 1994.

2. Toutes les difficultés ne sont pas surmontées

Les Philippines souffrent encore aujourd'hui d'un double handicap : l'insuffisance des recettes fiscales et la faiblesse des infrastructures.

La difficile collecte des impôts reste l'un des problèmes majeurs auxquels l'économie des Philippines apparaît confrontée. Le gouvernement actuel s'est d'ailleurs assigné pour objectif la réforme du système fiscal.

En conséquence, les dépenses publiques ne sont pas toujours à la mesure des besoins économiques du pays, notamment dans le domaine des infrastructures. L'épargne nationale n'est elle-même pas suffisante pour remédier à cette carence. Aussi les Philippines demeurent-elles très dépendantes des capitaux étrangers pour moderniser leur économie. Du reste ces besoins ont été satisfaits : le volume des investissements étrangers en 1995 a presque quintuplé par rapport à 1993 et s'élèvent à 6 milliards de dollars dont 2,3 milliards de dollars d'investissements directs.

La dépendance des Philippines à l'égard des capitaux extérieurs s'est traduite par une forte progression de la dette publique extérieure de 17,8 milliards de dollars en 1980 à 36,5 milliards de dollars fin 1994 (soit 61 % du PIB). Les derniers rééchelonnements décidés dans le cadre du Club de Paris ont permis cependant de réduire le service de la dette qui représente 18 % en 1995 des recettes courantes (contre 25 % en 1993). Les réserves officielles de change, au regard de l'endettement public, apparaissent modestes en volume (5 milliards de dollars en 1993, environ 7,5 milliards de dollars en 1994) mais présentent une certaine stabilité et correspondent à trois mois d'importations.

B. UNE PRÉSENCE FRANÇAISE ENCORE TROP FAIBLE

1. Les échanges commerciaux : une orientation plutôt favorable pour la France.

Le solde des échanges extérieurs est redevenu excédentaire pour la France en 1994 (365 millions de francs). Cependant la part française dans le marché philippin n'a cessé de se dégrader et représente aujourd'hui 1 % des importations des Philippines. Notre pays se classe au 16ème rang des fournisseurs des Philippines (derrière le Japon, les États-Unis, Singapour, la Corée et Taïwan et, au sein de l'Union européenne, de l'Allemagne, du Royaume-Uni et des Pays-Bas). Nos exportations (1,877 milliard de francs) se composent pour plus de la moitié de biens d'équipements professionnels mais aussi de produits chimiques et demi-produits (15 %) de biens de consommation (14,6 %) et enfin de produits agro-alimentaires (10 %).

Nos ventes profitent incontestablement des protocoles financiers négociés avec les Philippines. De 1988 à 1993 ces protocoles auront porté sur plus d'un milliard de francs et les contrats obtenus avec leur support représentent près de 15 % des exportations françaises au cours de ces six années.

Les importations pour leur part s'élèvent à 1,5 milliard de francs en 1994 et portent principalement sur les composantes électroniques et le textile habillement.

2. La place encore marginale des investisseurs français

La position française se singularise au sein des investisseurs européens aux Philippines : tandis que ces derniers engageaient 145 millions de dollars en 1993 (soit plus de 367 % par rapport aux 31 millions de dollars en 1992), les sociétés françaises ont divisé par 10 leurs investissements dans ce pays entre 1992 et 1993 (de 5,4 millions de dollars à 0,5 million).

Même si la tendance paraît aujourd'hui s'inverser, les investissements français représentent ainsi moins de 1 % des investissements totaux étrangers aux Philippines loin derrière le Japon (23 %), les États-Unis (19 %), les Pays-Bas (11 %) et la Corée (10 %).

D'après les données communiquées par la Direction des relations économiques extérieures, soixante sociétés à connotation française sont répertoriées aux Philippines mais elles regroupent pour la plupart d'entre elles des entreprises locales crées ou dirigées par des nationaux résidents. Au sens strict, les implantations françaises se réduisent à quatre : Essilor, Sanofi, Rhône Poulenc, Degremont.

Plusieurs entreprises françaises ont cependant récemment manifeste un intérêt pour les Philippines : Danone et Air Liquide ont ouvert une délégation, Eurocopter souhaite créer un centre de maintenance, la Lyonnaise des eaux pourrait participer au processus de privatisation des eaux de Manille ...

Les investisseurs français devraient pouvoir tirer parti d'une évolution doublement favorable.

D'une part, la politique de crédit sur les Philippines dans le cadre de la COFACE s'est assouplie dernièrement : plafonnement en dessous de 400 millions de francs (au lieu de 200 millions de francs) et classement en catégorie 3 pour le taux de prime (au lieu de la catégorie 4).

D'autre part, les autorités de Manille ont adapté leur cadre législatif dans un sens plus favorable aux investissements étrangers.

En effet, la loi sur les investissements étrangers votée le 6 juin 1991 par le Congrès philippin a supprimé le régime d'autorisation préalable qui s'imposait à tous les investissements étrangers portant sur plus de 40 % du capital d'une société philippine. Désormais les participations étrangères sont autorisées jusqu'à 100 % du capital des sociétés à l'exception de celles dont l'activité, pour diverses raisons (intérêts économiques, sécurité nationale, impératifs sociaux), relève exclusivement des investisseurs philippins. Encore la liste restrictive où figurent ces activités réservées aux nationaux a-t-elle été successivement amendée au cours des dernières années : c'est ainsi que le secteur des assurances, le commerce de gros et l'activité des agences de voyage en sont désormais exclus.

III. UN DISPOSITIF CLASSIQUE DE PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS

Le présent accord ne comporte aucune particularité notable par rapport à l'accord type. Le protocole annexé au traité prévoit la conformité de celui-ci aux dispositions constitutionnelles des Philippines et au régime des changes applicables dans ce pays. Ces dispositions qui ne concernent que la place des préinvestissements n'ont pas pour objet ou pour effet de restreindre la protection offerte à nos investissements.

A. LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ACCORD

1. Champ d'application géographique

Il comprend le territoire et la zone maritime (incluant la zone économique et le plateau territorial) de chacune des parties (art. 1.5).

2. Investissements concernés

Les investissements recouvrent l'ensemble des avoirs dont l'article 1.1 de l'accord donne une liste qui comprend notamment les biens meubles et immeubles ainsi que les autres droits réels (hypothèque, cautionnement ...), les actions, les obligations, les droits d'auteur et de propriété industrielle, les concessions accordées par la loi en vertu d'un contrat.

Par ailleurs, la protection ne jouera que pour les investissements conformés à la législation de la partie contractante sur le territoire de laquelle ils sont réalisés (art. 1.1).

3. Les investisseurs intéressés

Il convient de distinguer d'une part les personnes physiques qui doivent posséder la nationalité de l'une des parties contractantes et d'autre part les sociétés constituées conformément à la législation de l'État contractant où se trouve situé leur siège social (art. 1.2).

4. Les revenus visés

Les revenus recouvrent « toutes les sommes produites par un investissement (...) durant une période donnée » (art. 1.3).

B. DES STIPULATIONS CLASSIQUES TENDANT À ENCOURAGER ET PROTÉGER LES INVESTISSEMENTS RÉCIPROQUES

1. L'encouragement des investissements

Le principe, posé par l'article 2, se traduit sous deux formes :

- l'octroi d'un traitement « juste et équitable » pour ces investissements (art. 3) ;

- l'application par chaque partie d'un traitement au moins aux favorable aux investisseurs de l'autre partie que celui accordé à ses propres investisseurs, ou l'octroi de la clause de la nation la plus favorisée, si celle-ci se révèle plus avantageuse (art. 4).

Ce régime d'encouragement ne s'étend pas cependant aux avantages consentis dans le cadre d'accords particuliers à l'image d'une zone de libre-échange, d'une union douanière, d'un marché commun ou d'une autre forme d'organisation économique régionale.

Par ailleurs, il convient également de souligner que le principe d'un traitement aussi favorable pour les investissements nationaux que pour les investissements de l'autre partie, ne s'appliquent pas dans le domaine fiscal. Compte tenu de l'importance des allégements fiscaux accordés à certains investisseurs nationaux, ces derniers bénéficient ainsi d'un net avantage.

2. La protection des investissements : trois principes traditionnels

Les investisseurs de l'autre partie doivent d'abord bénéficier, en cas de dépossession (nationalisations, expropriations ...), d'une « indemnité Prompte et adéquate » , dont le montant est évalué par rapport à une « situation économique normale et antérieure à toute menace de possession » (art.5.2).

En second lieu, en cas de dommages et pertes provoqués par des circonstances exceptionnelles telles qu'un conflit armé, une révolution, l'état d'urgence, les investisseurs étrangers ont droit à un traitement aussi favorable que celui des investisseurs nationaux (art. 5.3).

Le principe de la liberté des transferts, essentiel pour les investisseurs, se trouve garanti à l'article 6 de l'accord. Il s'applique sans réserve notamment aux revenus et aux produits de la liquidation de l'investissement (y compris les plus-values). Son application apparaît, en revanche, limitée pour les transferts des revenus des ressortissants de l'une es parties travaillant sur le territoire de l'autre partie à une « quotité appropriée de leur rémunération » (art. 6).

C. UN MODE TRADITIONNEL DE RÈGLEMENT DES CONFLITS

L'accord prévoit deux dispositifs différents de règlement des conflits.

1. Différends entre l'une des parties et un investisseur de l'autre État

Dans cette hypothèse et lorsqu'un règlement à l'amiable n'a pu être obtenu au terme d'un délai de 6 mois, le différend est soumis à l'arbitrage du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) créé sous les auspices de la Banque mondiale, par la Convention de Washington du 18 mars 1965 (art. 8).

Quand l'une des parties effectue au profit de l'un de ses investisseurs un versement au titre d'une garantie qu'il lui accorde pour investir sur le territoire de l'autre partie, elle se trouve « subrogée dans les droits ou actions de ce national ou de cette société » (art. 9).

2. Différends relatifs à l'interprétation et à l'application du présent accord

A défaut de règlement amiable par la voie diplomatique dans un délai de six mois, ces différends sont soumis à un tribunal d'arbitrage ad hoc dont les décisions sont définitives et exécutoires de plein droit (art. 11).

Quant aux dispositions finales de l'accord, elles prévoient l'entrée en vigueur de l'accord un mois après le jour de la réception de la dernière notification de l'accomplissement des procédures internes requises.

L'accord est conclu pour une durée initiale de 10 ans et sera reconduit tacitement après ce terme, sauf dénonciation par l'une des parties avec préavis d'un an. Enfin, il prévoit de prolonger pendant vingt ans l a protection des investissements effectués pendant la période de validité de l'accord (art. 12).

Les autorités philippines ont signifié, par note verbale en date du -> octobre 1995, la ratification par le parlement philippin de l'accord d'encouragement et de protection des investissements.

CONCLUSION

La faiblesse des relations économiques entre la France et les Philippines qu'atteste la modestie des courants d'échange comme des flux d'investissement reste pour votre rapporteur un sujet de préoccupation.

Sans doute la situation économique des Philippines demeure-t-elle moins favorable que celle des nouveaux pays industrialisés de la région. Cependant les perspectives de développement pour ce pays se présentent sous des auspices encourageants.

Nos partenaires européens ne s'y sont pas trompés et ont renforcé leur présence aux Philippines au cours des dernières années.

Il reste aussi à améliorer l'information encore insuffisante de nos entreprises sur les Philippines.

La création d'un comité économique franco-philippin (lors de la venue du président Ramos à Paris) se réunissant une fois par an dans l'un ou l'autre pays, va dans ce sens.

Dans la mesure où l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements devrait poser un premier jalon dans le rapprochement économique entre nos deux pays, votre rapporteur invite votre commission à approuver le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 17 janvier 1996.

A l'issue de l'exposé du rapporteur M. André Dulait a souhaité savoir sur quels secteurs portaient les investissements français aux Philippines. Michel Alloncle lui a précisé que quatre de nos grandes entreprises s'étaient installées aux Philippines : Rhône Poulenc, Degremont, Sanofi et Essilor.

M. Jean Faure a, pour sa part, relevé que seule l'île de Luçon bénéficie du flux d'investissements étrangers tandis que les autres îles souffraient d'une grande pauvreté et, dans la partie méridionale de l'archipel, de la guérilla animée depuis plusieurs années par des groupes musulmans.

Il a indiqué que derrière les Japonais et les Chinois, les Australiens cherchaient à accroître leurs parts de marchés aux Philippines et a exprimé un relatif scepticisme à l'égard de la portée du présent accord.

M. Xavier de Villepin, président, a souligné que si la situation économique aux Philippines présentait encore des risques, la croissance économique qui paraissait s'amorcer pouvait permettre aux Philippines de prendre rang parmi les nouveaux pays industrialisés.

Par ailleurs il a relevé, comme le rapporteur, que la Chine nourrissait de grandes ambitions dans la zone et que les pays de l'Asie du Sud-Est, figuraient derrière ceux du Moyen-Orient, au deuxième rang des importateurs d'armements.

M. Michel Caldaguès a souligné que nos industriels, ne pouvant être partout, devaient privilégier les pays où les perspectives de croissance apparaissaient les plus fortes. Il a indiqué à cet égard que le Viêt-Nam, davantage peut-être que les Philippines, devait retenir notre attention. Il a invité par ailleurs la commission à s'interroger sur les liens entre la culture philippine profondément marquée par le catholicisme, et les retards que ce pays avait connus dans son développement.

M. Jacques Habert a relevé l'originalité du statut de l'école franco-allemande de Manille et a noté que certains de nos partenaires européens disposaient aux Philippines d'avantages dont la France ne bénéficiait pa s encore.

M. Michel Alloncle a indiqué que les Philippines sortaient d'une période difficile mais bénéficiaient davantage aujourd'hui du dynamisme économique qui caractérise la région.

La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur, adopté le projet de loi à l'unanimité.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la république des Philippines sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole), signé à Paris le 13 septembre 1994 et dont le texte est annexé à la présente loi ( ( * )1)

* (1) Voir le texte annexé au document Sénat n° 136 (1995-1996)

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