EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER - POUVOIRS D'INFORMATION DES COMMISSIONS DU PARLEMENT

Article premier (Art. 5 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958) - Obligation de déférer aux convocations des commissions

Cet article tend à insérer un article nouveau dans l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires pour faire obligation à toute personne dont une commission permanente ou spéciale a jugé l'audition utile, de déférer à la convocation qui lui est délivrée.

Il traduit la proposition n° 7 du rapport de la mission d'information commune de l'Assemblée nationale sur les moyens d'information des parlements étrangers en matière économique et sociale : « permettre aux commissions de procéder à toutes les auditions qu'elles estiment nécessaires » .

1. Le droit en vigueur

A l'heure actuelle, il est d'usage, en raison de la responsabilité gouvernementale, que les commissions parlementaires qui souhaitent entendre un fonctionnaire, sollicitent préalablement l'autorité hiérarchique, c'est-à-dire son ministre de rattachement.

M. Pierre Mauroy, lorsqu'il était Premier ministre avait même écarté, en principe, toute audition de fonctionnaire hors la présence du ministre « parce que contraire aux principes définis par la Constitution qui régissent les rapports entre le législatif et l'exécutif ». Dans une circulaire du 30 octobre 1981, adressée à ses ministres, il rappelait en outre que « l'administration ne saurait assurer la responsabilité des actes du Gouvernement devant le Parlement » .

On observera par ailleurs que l'obligation de discrétion professionnelle, posée par l'article 26 du statut général des fonctionnaires (loi du 12 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires), ne peut être écartée que « par décision expresse de l'autorité dont ils dépendent » .

S'agissant des personnes privées, aucune limite ne réduit leur audition par des commissions parlementaires, sous réserve bien entendu du respect des secrets auxquels la loi peut les soumettre (secret bancaire, secret professionnel, etc.). A l'inverse toutefois aucun texte ne leur fait obligation de déférer aux convocations qui leur sont adressées sauf si l'audition a été décidée par une commission d'enquête.

Devant les commissions d'enquête la situation est différente. L'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblée parlementaires fait en effet obligation à « toute personne dont une commission d'enquête a jugé l'audition utile... de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission. » L'audition a lieu sous serment et l'intéressé est tenu de déposer sous réserve de certains secrets protégés par la loi. Cette triple obligation de se rendre à la convocation, de prêter serment et de déposer est sanctionnée par une peine correctionnelle de deux ans d'emprisonnement et 50 000 francs d'amende, le tribunal pouvant en outre prononcer l'interdiction de tout ou partie des droits civiques pour deux ans. Le faux témoignage est passible des sanctions prévues par le code pénal en cas de faux témoignage devant les juridictions ou un officier de police judiciaire. Toutes ces poursuites sont exercées à la requête du président de la commission ou, lorsque qu'elle a été dissoute, à la requête du Bureau de l'assemblée.

2. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Le premier alinéa du texte adopté par l'Assemblée nationale reprend littéralement celui de l'article 6 de l'ordonnance de 1958. Il s'applique bien entendu à toute personne, fonctionnaire ou non.

Le second alinéa, introduit à l'initiative de la commission des Lois, assortit l'obligation de se rendre à la convocation d'une sanction pénale : six mois d'emprisonnement et 50 000 francs d'amende. Ce dispositif coercitif a semblé nécessaire à l'Assemblée nationale pour renforcer l'effet de l'obligation ainsi posée. Le niveau de la peine retenu est à rapprocher de la sanction de l'outrage à l'autorité publique ou du discrédit sur les actes de justice.

Votre commission des Lois vous propose de retenir le dispositif prévu à l'article premier sous réserve de le compléter par un amendement qui fasse également obligation aux personnes auditionnées de déposer, étant bien sûr entendu que cette obligation s'exerce dans le respect des secrets protégés par la loi et des principes constitutionnels.

Article additionnel après l'article premier

(Art. 5 ter nouveau de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958)

Faculté d'extension des pouvoirs des commissions d'enquête aux commissions permanentes

Votre commission des Lois vous propose d'introduire un nouvel article dans l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires aux fins de renforcer les pouvoirs de contrôle des commissions permanentes en les autorisant à demander à leur assemblée de leur accorder, pour une mission déterminée et une durée n'excédant pas six mois, les prérogatives accordées aux commissions d'enquête par l'article 6 de l'ordonnance, c'est-à-dire :

- la faculté de demander des enquêtes à la Cour des comptes, sur la gestion des services ou organismes soumis à son contrôle, des entreprises publiques et des organismes bénéficiant de concours financiers publics ;

- le droit de contrôler sur pièces et sur place, et celui de se faire communiquer tous documents de service à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et sous réserve du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs ;

- la délivrance de ces convocations par un huissier ou un agent de la force publique ;

- le droit de faire prêter serment aux personnes auditionnées.

Ce renforcement temporaire et occasionnel des pouvoirs de contrôle des commissions permanentes est destiné à leur permettre d'assurer un meilleur suivi de l'action gouvernementale en surmontant, le cas échéant, les réticences qui pourraient leur être opposées. L'article 22 du Règlement du Sénat confie en effet à ces commissions le soin d'assurer « l'information du Sénat pour lui permettre d'exercer, conformément à la Constitution, son contrôle sur la politique du Gouvernement. »

A l'heure actuelle, seuls les rapporteurs spéciaux des commissions des Finances disposent de pouvoirs qui leur permettent de procéder, dans le cadre du contrôle budgétaire, à des investigations sur pièces et sur place pour suivre l'emploi des crédits inscrits au budget du département ministériel qu'ils suivent. Autrement dit, le travail de contrôle des autres commissions est tributaire de la bonne volonté des administrations ou des organismes susceptibles de leur fournir les renseignements nécessaires et seule la mise en place d'une commission d'enquête leur permet de surmonter les rétentions abusives d'informations. Les commissions d'enquête sont toutefois bien lourdes à mettre en oeuvre ; c'est pourquoi votre commission des Lois vous propose d'élargir temporairement, en cas de difficulté, les pouvoirs de contrôle des commissions permanentes.

Les auteurs de la proposition de loi initiale avaient imaginé d'aller plus loin et de conférer à tous les rapporteurs budgétaires pour avis des commissions permanentes la faculté d'exercer leur mission de contrôle sur pièces et sur place. Outre qu'elle aurait risqué de diluer le contrôle budgétaire et donc de porter atteinte au rôle constitutionnel des commissions des Finances, cette extension ne répondait pas exactement à l'objectif poursuivi. Les commissions permanentes ne font en effet pas du contrôle budgétaire mais contrôle et plus généralement l'action gouvernementale. La faculté de disposer des compétences des commissions d'enquête qui sont plus larges que le contrôle budgétaire, apparaît donc mieux adaptée à leurs besoins. C'est pourquoi, il vous est proposé de la retenir en adoptant un amendement tendant à introduire un article additionnel après l'article premier qui reprend le dispositif aujourd'hui réservé au seul office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques par le paragraphe VI de l'article 6 ter de l'ordonnance de 1958, en complétant cette ordonnance par un article 5 ter qui dispose qu'en cas de nécessité, une commission permanente ou spéciale peut demander à son assemblée, pour une mission déterminée et pour une durée limitée à six mois, de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête.

Article 2 (Art. L 132-4 du code des juridictions financières) - Demandes d'enquête à la Cour des comptes

Cet article tend à modifier l'article L. 132-4 du code des juridictions financières pour étendre aux commissions permanentes et aux commissions spéciales la faculté de demander à la Cour des comptes des enquêtes sur la gestion des services, organismes et entreprises qu'elle contrôle et, le cas échéant, avec le concours des chambres régionales des comptes, sur celles des collectivités, établissements et autres personnes morales soumis à leur contrôle.

Cet article est la traduction de la proposition n° 21 du rapport de la mission d'information commune de l'Assemblée nationale sur les moyens d'information des parlements étrangers en matière économique et sociale : « étendre à l'ensemble des commissions permanentes, la possibilité, aujourd'hui réservée aux commissions des finances, de demander des études à la Cour des comptes » .

1. Le droit en vigueur

L'article L. 132-4 du code des juridictions financières dispose que « la Cour des comptes procède aux enquêtes qui lui sont demandées par les commissions des finances et par les commissions d'enquête du Parlement sur la gestion des services et organismes soumis à son contrôle, ainsi que des organismes et entreprises qu'elle contrôle en vertu des articles L. 133-1 et L. 133-2 » .

Les services ou organismes soumis au contrôle de la Cour des comptes, énumérés aux articles L. 111-1 à 111-8 du code des juridictions financières, sont :

- les services de l'État ;

- les entreprises publiques ;

- les institutions de sécurité sociale ;

- les organismes qui bénéficient du concours financier de l'État ou d'une autre personne morale soumise au contrôle de la Cour ;

- les organismes faisant appel à la générosité du public.

Les articles L. 133-1 et L. 133-2, cités dans l'article L. 132-4, précisent les notions d'entreprises publiques et d'organismes bénéficiant de concours financiers publics.

Le rapport présenté, au nom de la commission spéciale de l'Assemblée nationale, par notre collègue M. Jean-Pierre Delalande, rappelle que, lors de son audition par la mission d'information commune, le Premier président de la Cour des comptes, M. Pierre Joxe, avait indiqué que le Parlement avait peu utilisé cette faculté. On observera toutefois, au moins Pour les commissions d'enquête, que les délais requis par les travaux de la Cour excèdent très largement leur durée d'existence.

2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi prévoyait que les demandes d'enquête des commissions seraient transmises par les présidents des assemblées, sans doute pour assurer un minimum de coordination.

L'Assemblée nationale a écarté, à la demande de sa commission spéciale, la création de ce filtre, d'une part parce que celui-ci alourdissait la procédure actuelle pour les commissions des Finances et les commissions d'enquête, d'autre part, « en dehors de toute discussion sur son opportunité » , parce qu'il « pose une difficulté particulière pour les commissions d'enquête au regard du secret qui peut entourer leurs travaux » .

L'Assemblée nationale a par ailleurs modifié la rédaction des dispositions relatives aux chambres régionales des comptes en estimant que les enquêtes prévues par l'article L. 132-4 du code des juridictions financières ne relevaient pas du contrôle juridictionnel et qu'il n'y avait donc aucun inconvénient à ce que la Cour des comptes soit l'interlocuteur unique du Parlement et assure elle-même ces enquêtes, le cas échéant avec le concours des chambres régionales des comptes.

Sous réserve des observations éventuelles de la commission des Finances saisie pour avis, votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.

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