Rapport n° 185 (1995-1996) de M. Michel RUFIN , fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 janvier 1996

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N° 185

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 30 janvier 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale(1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, tendant à créer un Office parlementaire d'amélioration de la législation,

Par M. Michel RUFIN,

Sénateur.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2104. 2161 et T. A. 383.

Sénat : 390 (1994-1995).

Parlement.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché. président : René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon. François Giacobbi, vice-présidents ; Robert Pagès, Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest. secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Charles Jolibois, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Jean-Pierre Tizon, Alex Türk. Maurice Ulrich.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du 30 janvier 1996, la commission des Lois, réunie sous la présidence de M. Jacques Larché, président, a examiné, sur le rapport de M. Michel Rufin, la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à créer un office parlementaire d'amélioration de la législation.

La commission a rejeté la nouvelle rédaction proposée par son rapporteur pour l'article unique de la proposition de loi. En conséquence, elle a adopté un amendement tendant à supprimer cet article.

« Il ne faut point de lois inutiles ; elles affaibliraient les lois nécessaires ».

Portalis.

Mesdames, Messieurs,

Dans son message au Parlement, le 9 mai 1995, le Président de la République a fait valoir que « trop de lois tuent la loi » et estimé que « l'inflation normative est devenue paralysante » . Il a appelé en conséquence le Parlement à « s'atteler » à « une remise en ordre, par un exercice général de codification et de simplification des textes » dont il lui laissait le soin de définir « les voies et les moyens » .

C'est dans cette perspective que, le 19 juillet dernier, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi, présentée par le Président Pierre Mazeaud, tendant à instituer un office parlementaire chargé « d'évaluer l'adéquation de la législation aux situations qu'elle régit » .

Finalement dénommée « office parlementaire d'amélioration de la législation » , cette nouvelle délégation parlementaire, dont les travaux seraient naturellement dépourvus de toute portée législative, serait commune aux deux Assemblées et constituée à parité de députés et de sénateurs désignés dans le respect de la composition politique de chaque Assemblée.

La proposition de loi se situe dans une double perspective de lutte contre « l'inflation législative », d'évaluation des lois votées et de revalorisation du rôle du Parlement, tant il est vrai, ainsi que l'écrit très justement le rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, notre collègue M. Arnaud Cazin d'Honincthun, que « l'évaluation législative contribue à approfondir la démocratie » . Quelques réflexions préalables ont toutefois paru indispensables à votre commission des Lois, d'une part sur la réalité et la diversité du foisonnement normatif, d'autre part sur la pertinence de l'institution d'un office parlementaire alors même que le Parlement dispose d'ores et déjà d'un certain nombre de moyens d'évaluation législative.

L'INFLATION NORMATIVE EN QUELQUES CHIFFRES

A. Normes applicables en 1991

ï 7 500 lois sans compter les lois de codification, les lois purement modificatives et les lois de ratification

ï 82 000 décrets réglementaires en vigueur

ï plus de 21 000 règlements communautaires

B. Production annuelle


• 1991 : 88 lois

4 583 décrets

1 687 arrêtés

481 décisions, 106 directives et 1 457 règlements communautaires


• 1994 : 129 lois

1 693 décrets réglementaires

1 080 décisions, 94 directives et 1 138 règlements communautaires

« Le volume du Journal officiel a plus que doublé, toutes choses égales d'ailleurs, entre 1976 et 1990, passant de 7 070 pages à 17 141. Une évolution similaire affecte le Journal officiel des Communautés dont la taille a augmenté de 30 % en six ans.

La taille moyenne d'une loi était de 93 lignes en 1950, elle atteignait 200 lignes en 1970 et elle dépasse aujourd'hui 220 lignes. Le gonflement est encore plus marqué pour les décrets (...). » ( ( * )2) .

I. LES ÉVOLUTIONS DU CORPUS JURIDIQUE ET LES EFFORTS ENGAGÉS APPELLENT UNE APPROCHE NUANCÉE DE LA SITUATION ACTUELLE

La dénonciation de l'inflation normative est un thème plus qu'ancien. Le développement de la législation inquiétait déjà les Romains comme il a plus tard nourri les préoccupations de philosophes et de juristes ; ainsi Montaigne, Montesquieu, Rousseau et bien d'autres.

L'État de droit exige en effet le respect du principe de nécessité juridique, lequel s'appuie sur l'accessibilité, la lisibilité et la stabilité des normes juridiques. Ainsi que Portalis le rappelait dans son discours de présentation du code civil, « il faut être sobre de nouveautés en matière de législation parce que s'il est possible dans une institution nouvelle de calculer des avantages que la théorie nous offre, il ne l'est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique seule peut découvrir... qu'en corrigeant un abus, il faut voir les dangers de la correction même » .

Relayant la doctrine, le Conseil d'État s'est à son tour inquiété, notamment dans son rapport public pour 1991, d'une dérive qui lui semblait s'être encore accélérée au cours des années récentes et qu'analysent trois développements consacrés respectivement, par ce rapport, à « la prolifération des textes » , « l'instabilité des règles » et « la dégradation de la norme » .

Ces réflexions sont désormais suffisamment connues pour qu'il ne soit pas besoin d'y revenir ici en détail. Elles ont été reprises par des chefs de Gouvernement, depuis la circulaire de M. Michel Rocard en 1983, ou le Président du Sénat, M. René Monory, qui recommandait récemment de « ne plus légiférer à crédit » .

Sans écarter, ce qui serait d'ailleurs difficile, les griefs articulés par le Conseil d'État, votre commission des Lois a souhaité avancer quelques éléments de réflexion complémentaires.

A. LA LOI N'EST QUE MARGINALEMENT RESPONSABLE DE L'INFLATION NORMATIVE

Sous les effets conjugués de la répartition des compétences entre la loi et le règlement, introduite par la Constitution de 1958, et de l'expansion du droit communautaire, le champ d'intervention de loi s'est sensiblement réduit au cours des trente dernières années.

Il n'en reste pas moins que la loi déborde parfois les limites du cadre fixé par l'article 34 de la Constitution et que, loin de lui rappeler ces limites en recourant à l'article 41, le Gouvernement a souvent tendance à truffer ses projets de loi de dispositions de nature réglementaire, soit par souci d'affichage, soit par désir de sécurité juridique : contrairement au règlement, la loi promulguée n'est plus contestable. Quant à la procédure de déclassement prévue par l'article 37-2, elle n'est qu'exceptionnellement mise en oeuvre.

Le foisonnement législatif est en outre alimenté par la prolifération des règles internationales et singulièrement des directives communautaires qu'elle seule peut transposer en droit interne lorsque celles-ci touchent aux matières de l'article 34. Or, à ce jour, on ne recense pas moins de 1 675 directives.

La loi n'est toutefois pas le principal responsable de l'inflation normative : pour l'essentiel, celle-ci se nourrit de règlements tant nationaux que communautaires et on estime qu'un article de loi suscite en moyenne dix articles réglementaires.

On observera par ailleurs, avec Portalis, que s' « i l ne faut point de lois inutiles » , une société et une économie développées, et donc complexes et diverses, « ne sauraient comporter des lois aussi simples que celles d'une société pauvre ou plus réduite » . Dès lors, c'est une évolution naturelle que l'accroissement du corpus législatif, mais encore faut-il que celui-ci ne soit pas affaibli par la multiplication des cas particuliers et le trop grand détail de ses dispositions : ainsi que l'écrivait le doyen Carbonnier, «  l'inflation se grossit de l'enflure » .

B. LE VOTE D'UNE LOI N'AJOUTE PAS NÉCESSAIREMENT À LA COMPLEXITÉ DU CORPUS JURIDIQUE

1. Des démarches de simplification et de modernisation de la loi

Voter une loi ne conduit pas à un alourdissement mécanique du corpus législatif. La plupart des lois comportent en effet des dispositions abrogatives ou remplacent des textes existants, et n'accroissent donc pas le volume des règles applicables.

Bien plus, les années récentes ont été marquées dans certains domaines par une simplification du droit et un allégement de son volume.

Le droit civil constitue à cet égard un domaine privilégié : réforme des régimes matrimoniaux en 1965, réformes du droit de la filiation en 1972 et en 1993, réforme du divorce en 1975, et bientôt probablement réforme de l'adoption et du droit des successions. Dans tous ces cas, le droit antérieur a été simplifié et modernisé, le code civil distinguant par exemple de moins en moins la situation des enfants selon que leur naissance est légitime, naturelle ou adultérine.

Le droit des sociétés commerciales a également fait l'objet d'une codification active par la loi du 24 juillet 1966 même s'il est vrai que depuis sa promulgation le développement du droit boursier et les exigences de la pratique ont quelque peu obscurci la structure et la clarté du texte initial qui mériterait sans doute une nouvelle refonte.

Pour sa part, le droit pénal général a bénéficié très récemment d'une telle opération. Il a été réorganisé et réécrit autour de grands principes revisités pour tenir compte des évolutions sociales. L'oeuvre entreprise est toutefois inachevée. En effet, le maquis du droit pénal spécial devrait lui aussi faire l'objet d'un peignage énergique qui permettrait de lui rendre son accessibilité et probablement d'en diminuer considérablement le volume tant les doubles ou triples emplois y sont nombreux. En outre, la spécificité de la sanction pénale apparaît mal adaptée à la répression de certains agissements qui trouveraient beaucoup plus efficacement à être poursuivis sur le terrain du droit commun de la responsabilité civile.

Dans d'autres domaines, le droit manque de lisibilité et la technicité des matières auxquelles il s'applique tend à en développer la complexité. Or, ainsi que l'écrit très justement le Professeur Jacques Béguin « si le citoyen peut comprendre que le droit ne soit pas simple car les attentes et les contraintes de la société contemporaine sont complexes, ... il est en droit d'exiger que la règle de droit soit explicite et prévisible ».

2. La codification

La connaissance méthodique des règles de droit est une nécessité avérée depuis longtemps ; son instrument privilégié est la codification dont l'objectif est de réunir et de publier de façon méthodique et complète les textes en vigueur dans une matière déterminée.

L'oeuvre de codification entreprise depuis 1989 se situe clairement dans une perspective de clarification du droit et constitue la première et nécessaire étape de sa simplification ultérieure.

La codification à droit constant, engagée sous l'égide de la Commission supérieure de codification, placée sous la présidence effective de son vice-président, M. Guy Braibant, et soumise à l'approbation du Parlement, constitue en effet la première étape d'un processus qui rassemble et ordonne les textes avant, dans un deuxième temps, de les moderniser.

Depuis la mise en place de la Commission supérieure, ont ainsi été adoptés :

ï le code de la propriété intellectuelle,

ï le code de la consommation,

ï les livres 1er, III et VIII du code rural,

ï le code des juridictions financières. Sont en cours d'examen au Parlement :

ï le code général des collectivités territoriales,

ï le code de commerce,

ï le code de la communication.

La Commission supérieure met actuellement la dernière main au code monétaire et financier, au code de l'environnement et au code de l'éducation.

Enfin, à la demande du Premier ministre et après consultation des ministères concernés et des présidents des deux Assemblées, la Commission supérieure a adopté, le 4 décembre dernier, un programme de codification répondant à l'objectif fixé par M. Alain Juppé dans sa circulaire du 28 juillet 1995 relative à la préparation et à la mise en oeuvre de la réforme de l'État et des services publics, et surtout dans le discours qu'il a prononcé en septembre dernier, à l'issue du séminaire gouvernemental sur la réforme de l'État : « codifier l'ensemble des textes dans un délai de cinq ans » .

La procédure actuelle de codification est, rappelons-le, régie par le décret n° 89-647 du 12 novembre 1989 (reproduit en annexe). Elle s'effectue à droit constant, le texte élaboré par la Commission supérieure de codification, au sein de laquelle siège un député, notre collègue M. Albertini, et un sénateur, votre rapporteur, étant ensuite soumis au vote du Parlement qui en dispose comme il l'entend.

La pratique des deux assemblées montre que le principe d'une codification à droit constant fait l'objet d'un consensus qui devrait permettre d'en accélérer le développement dans les prochaines années.

C. CERTAINS DOMAINES EXIGENT DES LÉGISLATIONS RAPIDEMENT ÉVOLUTIVES

Tant le rapport déjà évoqué du Conseil d'État que les travaux de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur «  l'insoutenable application de la loi », présidée par notre collègue M. Jérôme Bignon, mettent l'accent sur l'instabilité de la norme juridique et le caractère néfaste des conséquences de ce phénomène.

Cette instabilité est incontestable mais il convient d'avoir en la matière une approche nuancée. La perfection des lois est en effet une utopie ; elle est inconciliable avec l'imprévisibilité des faits, leur diversité et la constante mutabilité des situations humaines et sociales.

En outre, la durée de vie souhaitable d'une loi n'est pas la même dans tous les domaines et si le droit civil exige une pérennité certaine, ponctuée, de temps à autres, par de grandes réformes tendant à prendre en compte les changements intervenus dans la société, le droit économique est, quant à lui, soumis à un rythme d'évolution plus rapide, commandé par les changements du contexte économique et les transformations des marchés. La difficulté est alors de procéder à des ajustements en cohérence avec le droit existant.

La loi ne saurait être « intouchable ». Les bilans parfois dressés à l'issue de trois ou cinq années d'application permettent ainsi, trop rarement sans doute, de procéder à des ajustements réfléchis au regard de la pratique. Tel en a-t-il été récemment de la loi du 31 décembre 1989 relative au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises qui ont toutes deux fait l'objet de modifications substantielles tirant les enseignements de quelques années d'application. Dans le premier cas, le contrôle de l'application de la loi nouvelle avait été prévu par le législateur qui avait demandé au Gouvernement de lui présenter des rapports réguliers sur la mise en oeuvre des nouvelles procédures ; dans le second cas, l'initiative, ensuite relayée par des parlementaires, est venue des professionnels eux-mêmes.

D. SEULE UNE VOLONTÉ POLITIQUE FERME PEUT CONTENIR L'INFLATION NORMATIVE

Toutes les études l'ont montré, la pente naturelle est à la multiplication des textes. Chaque ministre veut laisser à la postérité « sa » loi, chaque groupe d'intérêts veut « son » régime législatif, tout parlementaire, tout Gouvernement est sensible au besoin de sécurité exprimé par les électeurs et veut lui apporter une réponse, un apaisement, en faisant une loi.

Une telle dérive « naturelle » ne peut être combattue, qu'il s'agisse du Gouvernement ou du Parlement, qu'au prix d'une autodiscipline particulièrement ferme articulée autour de principes simples :

ï un strict respect du partage entre la loi et le règlement, et le recours, en cas de besoin, à la procédure de délégalisation prévue par l'article 37-2 de la Constitution ;

ï un bilan et une évaluation systématiques du droit existant avant toute modification ou adjonction ;

ï l'appréciation ex ante de toutes les conséquences d'une modification législative ;

ï la préparation active et a priori de sa mise en oeuvre, tant auprès des services administratifs que des professionnels concernés et des usagers du droit ;


• un contrôle attentif de l'application des lois.

Tout cela exige du temps et un travail préparatoire intense ; tout cela exige une volonté politique forte et constante.

La sécurité des relations sociales exige une certaine stabilité des règles juridiques mais cette exigence n'a jamais empêché la modernisation du droit applicable tant en matière pénale, que civile, sociale ou commerciale. A cet égard, la création d'un office parlementaire d'évaluation législative permettrait de développer une dynamique qui, heureusement, a toujours existé.

Reste qu'une meilleure maîtrise du processus normatif doit être assurée à tous les stades de l'élaboration des textes et que, dans cette perspective, l'évaluation de l'existant, à laquelle l'office aurait vocation à participer, devrait constituer le préalable indispensable à toute modification ou à toute adjonction substantielle.

II. L'ÉVALUATION LÉGISLATIVE : UNE ANALYSE MÉTHODIQUE AU SERVICE DE CHOIX POLITIQUES

Ainsi que l'a notamment montré le colloque organisé au Sénat, en avril 1994, sur le contrôle parlementaire et l'évaluation ( ( * )3) , d'une part cette dernière notion doit être clairement distinguée de la première, et, d'autre part, la démarche évaluative est d'une nature complexe dès lors qu'elle comporte des présupposés de caractère technique conduisant, in fine, à porter un jugement de valeurs sur la validité de la législation concernée.

En l'absence de définition parfaitement établie, l'évaluation législative peut être présentée comme l'analyse méthodique des effets prévisibles (évaluation ex ante) ou constatés (évaluation ex post) d'une législation aux fins d'en mesurer l'adéquation aux situations qu'elle régit.

A. L'ANALYSE DES EFFETS D'UNE LÉGISLATION

Toute démarche évaluative a posteriori comporte une première phase de rassemblement des données disponibles sur la situation antérieure à la mise en oeuvre de législation évaluée, le contenu de cette législation et les effets induits sur les situations qu'elle régit. Lorsque la démarche est prospective, les effets prévisibles sont déduits de la situation existante et des conséquences de modifications antérieures ou similaires.

Cette première phase de l'évaluation requiert une rigueur toute particulière dès lors qu'il convient de n'imputer à la législation concernée que les seuls effets qu'elle a emportés.

Elle suppose également une analyse précise de l'évolution de la situation à laquelle la législation s'applique par rapport au moment de la mise en place de celle-ci, et des déterminants de cette évolution.

Une évaluation de la législation applicable en matière de redressement et de liquidation judiciaires des entreprises exige ainsi une bonne connaissance du régime de 1967, de sa pratique et des inconvénients relevés qui ont conduit à l'adoption des lois du 25 janvier 1985. Elle suppose également une bonne connaissance de ces lois et des intentions du législateur de 1985. Elle exige par ailleurs des informations précises sur les modalités concrètes d'application des lois de 1985, sur les difficultés rencontrées à cette occasion, sur l'atteinte des objectifs fixés par le Parlement. Enfin, elle fait nécessairement appel à une analyse de la situation économique et sociale, et de ses conséquences, tant à l'égard des débiteurs défaillants et des créanciers impayés que des salariés.

La collation des données peut être facilitée par un appareil statistique performant parfois mis en place ou adapté pour répondre à la demande du législateur qui a souhaité que des rapports réguliers lui soient remis sur l'application de la loi. Dans d'autres cas, ce travail est beaucoup plus délicat et fait appel à différentes techniques comme les enquêtes menées auprès des usagers ou des praticiens, le dépouillement systématique d'un certain nombre de dossiers ou de cas de jurisprudence, la mesure de l'évolution de divers indicateurs.

De manière générale, cette première phase devrait présenter un caractère méthodique et objectif qui permet de la considérer comme de nature essentiellement technique. Reste bien entendu que les orientations de la recherche, les questions posées dans le cadre d'enquêtes ou l'appréciation d'éléments de nature souvent plus qualitative que quantitative introduisent, dès cette étape, des présupposés plus ou moins subjectivement définis.

B. LE JUGEMENT PORTÉ SUR L'ADÉQUATION DE LA LÉGISLATION AUX SITUATIONS QU'ELLE RÉGIT

La situation faite aux parents séparés à l'égard des enfants qu'ils ont eus ensemble ou le traitement réservé à l'enfant naturel ou adultérin lors de l'ouverture d'une succession sont-ils encore adaptés à l'évolution sociale ? Le législateur a pris en compte les changements intervenus dans les comportements et la fragilisation du lieu conjugal comme la constitution de familles en dehors de celui-ci pour introduire la faculté d'un exercice en commun de l'autorité parentale avant de l'ériger en principe, sous réserve de l'appréciation éventuelle de l'intérêt de l'enfant par le juge en cas de contestation par l'un des deux parents. De même, les droits successoraux de l'enfant naturel ou adultérin se sont-ils rapprochés de ceux de l'enfant légitime.

Dans un autre ordre d'idées, la commission des Lois du Sénat s'est récemment penchée sur l'efficacité de notre droit en matière de protection de la présomption d'innocence pour constater que le dispositif actuel n'assurait pas effectivement cette protection.

De même a-t-elle conclu son examen des règles applicables à la responsabilité pénale des élus locaux en faisant valoir que la technique d'appréciation in abstracto privilégiée par le juge conduisait à des condamnations parfois excessives au regard des moyens de prévention dont disposaient les intéressés.

Dans tous ces cas, un jugement de valeur est porté sur l'efficacité de la législation étudiée... Autrement dit, les conclusions de l'évaluation ne sont pas de nature purement technique et la constatation d'une inadéquation entre la règle de droit et les situations qu'elle devrait régir est bien de nature politique, comme le sont bien entendu les conséquences tirées de ce constat.

D'ailleurs, le choix même du sujet étudié et la formulation des termes de l'étude ne sont pas non plus purement techniques.

Cette subjectivité plus ou moins marquée de l'évaluation législative conduit bien entendu à en souligner le caractère en partie politique et exige donc, si l'étude résulte de travaux conduits par une assemblée parlementaire ou pour son compte, un contrôle politique tant en amont (choix de l'objet de l'étude et de ses modalités, choix de l'expert) qu'en aval -ainsi le constat d'inadaptation conduit-il à recommander une application plus stricte de la loi ou appelle-t-il au contraire la modification de celle-ci ?

C. LES PRATIQUES ÉTRANGÈRES D'ÉVALUATION LÉGISLATIVE

Ainsi que le fait apparaître l'étude effectuée par la division des Études de législation comparée du Sénat reproduite en annexe, ce sont surtout les pays anglo-saxons qui ont développé des procédures d'évaluation des lois mais sans pourtant qu'ait jamais été constituée une structure équivalente à l'office parlementaire imaginé par le président Mazeaud ( ( * )4) .

1. Des mécanismes d'évaluation ex ante

Le Royaume-Uni, le Canada et l'Allemagne ont mis en place des dispositifs d'évaluation préalable de l'opportunité des lois comprenant un examen de la situation qu'il est proposé de modifier et de la nécessité d'une nouvelle législation.

Ces procédures sont considérées comme généralement efficaces alors que les études d'impact assortissant les projets de texte en Suisse et en Italie apparaissent largement formelles.

2. Des procédures d'évaluation a posteriori

a) Les clauses d'évaluation

Encore peu fréquentes, les clauses d'évaluation des lois se sont développées au Royaume-Uni depuis les années 1970.

Aux États-Unis, certaines lois, -les sunset laws-, ont une durée d'application limitée, toute prorogation exigeant donc un vote positif du Congrès normalement précédé d'une évaluation de leurs résultats.

b) La législation expérimentale

En Allemagne, les législations expérimentales ont été encouragées par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle sur la mise au point itérative de la loi.

c) Le contrôle des règlements d'application des Lois

Dans les Parlements britannique et canadien, il existe une commission composée de membres des deux assemblées et chargée d'examiner l'application de l'ensemble des textes législatifs.

3. Des procédures de révision des lois

Le Royaume-Uni et le Canada se sont dotés de commissions chargées de réviser les lois. En Grande-Bretagne, cette instance consultative est rattachée au Parlement ; au Canada, la commission de révision des Lois est placée sous l'autorité du ministère de la Justice.

La Belgique dispose pour sa part d'une procédure dite de coordination, à la fois législative et administrative.

L'évaluation législative comporte par nature une dimension politique et exige donc, pour être légitime dans un cadre parlementaire, qu'un contrôle politique soit exercé par les parlementaires. La création d'une structure parlementaire d'évaluation législative ne peut négliger cette dimension de l'évaluation législative et doit donc s'insérer dans les mécanismes des fonctionnements des assemblées.

III. LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE STRUCTURE DOIT ÊTRE ARTICULÉE AVEC L'EXISTANT

L'idée de créer une structure parlementaire chargée de procéder à des évaluations législatives peut paraître séduisante a priori. Il convient toutefois d'examiner précisément dans quelle mesure une telle création est susceptible de répondre aux problèmes posés et dans quelles conditions ses interventions trouveraient leur place dans les structures parlementaires préexistantes.

A. LE PARLEMENT DISPOSE D'ORES ET DÉJÀ D'INSTRUMENTS D'ÉVALUATION LÉGISLATIVE DONT L'USAGE POURRAIT ÊTRE AMÉLIORÉ

Avec l'administration, le Gouvernement dispose d'un instrument d'évaluation. Le Parlement peut éventuellement utiliser l'expertise de ces services pour évaluer les lois, celles qu'il va voter comme celles qu'il a votées.

Il dispose par ailleurs de certains moyens propres de suivi et d'évaluation des lois qui ont fait l'objet de descriptions précises à l'occasion du colloque déjà évoqué relatif au contrôle parlementaire et à l'évaluation, organisé au Sénat, en avril 1994.

1. Le Sénat assure un suivi régulier de l'application des lois

Depuis 1972, le Sénat a mis en place un contrôle de l'application des lois dont la responsabilité technique incombe aux secrétariats des commissions permanentes. En outre, depuis 1993, le président de chaque commission permanente présente tous les semestres un bilan quantitatif et qualitatif de l'application, par le Gouvernement, des lois qu'elle a examinées, et définit les mesures que les situations constatées lui paraissent appeler (courrier au ministre concerné, question, ...).

Les notes de synthèse élaborées à cette occasion comportent des données statistiques, des éléments explicatifs (motifs du retard de publication, délais prévisibles) et parfois un jugement qualitatif (respect de la volonté du législateur par exemple).

Un dossier de contrôle semestriel de l'application des lois est élaboré à partir de ces notes et des données statistiques recueillies par les commissions sur les délais de publication des textes d'application. Il est soumis à chacun des membres de la Conférence des Présidents.

Pour sa part, l'Assemblée nationale a tenté plusieurs expériences de suivi de l'application des lois mais, au cours des six dernières années, seule la commission des Finances a persévéré dans cet effort. La commission des Lois, quant à elle, a décidé de confier périodiquement à ses commissaires le soin de lui présenter des communications sur l'état d'application des lois examinées sur leur rapport.

Ces différents travaux ont atteint un rythme et une qualité satisfaisants au Sénat. On peut dès lors s'interroger sur la pertinence du transfert du suivi de l'application des lois, envisagé par la proposition de loi, à un organisme autonome extérieur tant aux groupes politiques qu'aux commissions.

2. Le Parlement dispose de nombreux instruments d'évaluation législative

Plusieurs procédures permettent au Parlement de suivre l'application des lois :

ï les questions écrites (plusieurs centaines de questions portent chaque année sur l'application d'une loi) ;

ï les questionnaires budgétaires : la commission des Lois du Sénat consacre ainsi une partie des rapports pour avis qu'elle élabore à l'application des lois adoptées au cours des années antérieures en matière de Justice, de collectivités locales, de sécurité et d'outre-mer ;

ï les rapports d'application des lois prévus par de nombreuses législations même s'ils sont malheureusement trop souvent transmis avec retard ;


• les travaux que certaines missions d'information consacrent au contrôle de l'application des lois et à leur évaluation ; c'est ainsi que la commission des Lois du Sénat a récemment publié deux rapports d'information évoqués plus haut, l'un sur le secret de l'instruction, l'autre sur la responsabilité pénale des élus.

Ces instruments doivent de toute évidence être améliorés. C'est ainsi qu'à la suite d'une étude effectuée dans le cadre du contrôle de l'application des lois ( ( * )5) , le Sénat a ainsi mis en place un contrôle systématique de la transmission des rapports d'application des lois (depuis le début de la IXè législature). Pour sa part, l'Assemblée nationale envisage de se doter d'un système de contrôle général de l'application des lois.

Il devrait également être envisagé de faire une exploitation plus systématique des rapports fournis par le Gouvernement et par d'autres instances comme le Conseil économique et social ou la Cour des comptes qui produisent également des travaux d'évaluation législative.

Par ailleurs, les travaux d'évaluation conduits par des missions d'information pourraient être multipliés. Il faudrait pour cela renforcer les moyens des commissions permanentes afin qu'elles développent, ce faisant, les missions de contrôle qui leur incombent. Dans la mesure où ces travaux sont conduits par quelques-uns des membres d'une commission permanente, ils présentent en effet l'immense avantage d'être en prise directe avec celle-ci et de s'effectuer sous son contrôle politique, le rapport étant présenté et approuvé par elle.

B. LA PERTINENCE DE LA CRÉATION D'UN OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale prévoit la création d'une délégation parlementaire commune aux deux Assemblées, composée à parité de députés et de sénateurs, et « chargée de rassembler des informations et de réaliser ou de faire réaliser des études tendant, dans un domaine déterminé, à évaluer l'adéquation de la législation aux situations qu'elle régit » .

Organisme d'études, cette délégation est en outre explicitement incitée à travailler à la simplification de la législation. Enfin, elle est chargée, « en liaison avec les commissions permanentes » , de suivre l'application des lois.

Assistée d'un comité juridique, la délégation est saisie par le Bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe ou de celle de soixante députés ou de quarante sénateurs, par une commission spéciale ou permanente, ou de sa propre initiative. Elle peut également décider des évaluations qu'elle conduit.

Les travaux de la délégation sont communiqués à l'auteur de la saisine puis publiés sauf décision contraire de la délégation.

Ce schéma appelle plusieurs observations.

1. La création d'un office doit répondre à une réelle nécessité

Toute structure nouvelle génère nécessairement des coûts (bureaux, fonctionnaires, frais divers), c'est pourquoi sa création doit être particulièrement justifiée dans un contexte de rigueur budgétaire.

Or, certaines des missions dont serait chargée cette délégation sont d'ores et déjà assurées par les commissions permanentes, qu'il s'agisse du suivi de l'application des lois ou de l'évaluation législative.

Toutefois, le recours à un organisme extérieur aux commissions permanentes pourrait être justifié s'il constituait un apport qualitatif important dans les domaines de compétence qu'il est envisagé de lui attribuer.

L'Assemblée nationale en a été convaincue, le rapport présenté par sa commission des Lois estimant en effet que la création de l'office « mettant fin aux initiatives ponctuelles et partielles, elle donnera à l'évaluation parlementaire une solennité et une pérennité qui lui font jusqu'à présent défaut  », et permettrait l'indispensable séparation «  entre les évaluateurs, travaillant à l'aide de méthodes scientifiques, et les politiques qui restent libres d'utiliser l'évaluation comme bon leur semble ».

2. L'organe d'évaluation doit s'intégrer dans les structures existantes

L'organisme qu'il est envisagé de créer doit trouver sa place dans l'architecture institutionnelle existante.

Or, en l'espèce, les commissions permanentes ont pour vocation naturelle de procéder à des évaluations législatives, celles-ci étant intimement liées, tant en amont qu'en aval, à l'élaboration de la loi et au contrôle de son application. Il est en effet cohérent que les commissions auxquelles est confié l'examen d'un projet de loi se préoccupent du suivi de la loi votée, tant dans son application que pour ce qui est de la modifier.

De même, les groupes politiques qui créent en leur sein des instances de réflexion sur telle ou telle législation ont-ils une vocation naturelle à procéder à des évaluations législatives dont les résultats guideront ultérieurement leurs propositions.

3. La création concomitante d'un Office d'évaluation des politiques publiques.

L'Assemblée nationale a également retenu le principe de la création d'un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques dont une partie des missions recouvrirait sans conteste l'évaluation de la loi dès lors que celle-ci constitue l'un des éléments d'une politique publique.

Dès lors, la création d'un second office est-elle justifiée ? Ne pourrait-on pas soutenir que l'Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques serait susceptible, le cas échéant, de voir sa mission étendue à l'évaluation législative même lorsque la loi considérée n'est pas stricto sensu un élément d'une politique publique (ainsi le droit civil ou le droit des sociétés) ?

Votre rapporteur ne le pense pas. Il lui semble en effet que l'évaluation législative comporte une spécificité justifiant, le cas échéant, la création d'une structure évaluative distincte. En effet, l'évaluation d'une politique publique apprécie par principe l'efficacité des interventions publiques et des dépenses publiques qui les supportent. L'évaluation législative, au contraire, s'attache à mesurer, sans doute plus qualitativement que quantitativement, si les situations auxquelles s'applique la législation étudiée sont correctement régies par celle-ci, si, par exemple, le droit des sociétés est suffisamment souple pour fournir à l'économie des structures juridiques performantes qui respectent, dans le même temps, les droits légitimes des actionnaires, des épargnants et des créanciers.

Les deux approches ne sauraient donc être confondues même s'il est vrai que l'appareil normatif qui accompagne les politiques publiques fait partie de celles-ci.

IV. LA PROPOSITION DE LOI

A. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

1. Une délégation parlementaire commune aux deux Assemblées

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale institue une délégation parlementaire unique, commune aux deux Assemblées, inspirée, dans sa structure, de l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques créé en 1983, et dénommée « Office parlementaire d'amélioration de la législation ».

Cette délégation est composée à parité de dix députés et de dix sénateurs, désignés par l'Assemblée à laquelle ils appartiennent en assurant un siège à chaque groupe politique, le surplus étant réparti à la proportionnelle. Le texte prévoit également la désignation de dix suppléants appelés à voter dans la mesure nécessaire au maintien de la parité. Enfin, la délégation élit en son sein son président et son vice-président.

2. Trois missions

Aux termes de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, le rôle de l'office serait triple :

ï évaluer l'adéquation de la législation aux situations qu'elle régit ;

ï proposer des mesures de simplification de la législation ;

ï surveiller la publication des textes réglementaires nécessaires à l'application des lois.

La première mission constituerait donc un transfert pur et simple du suivi de l'application des Lois actuellement effectué au Sénat par les commissions permanentes et la Conférence des présidents.

La simplification des normes législatives est présentée par le rapport de la commission des Lois de l'Assemblée nationale comme « l'activité la plus novatrice, et peut-être la plus visible aux yeux des citoyens, de l'office » . Le rapporteur précise en outre que cette simplification ne pourra se faire qu'en liaison étroite avec la Commission supérieure de codification, au vu des projets de code à droit constant élaborés par celle-ci, l'office intervenant « en amont des commissions permanentes, préparant en quelque sorte le travail de celles-ci par des propositions de simplification et d'harmonisation » .

La tâche est d'importance et l'on conviendra que, dans sa forme actuelle, l'examen des projets de loi de codification n'est pas propice à de tels travaux sauf à rouvrir le débat sur l'ensemble de la matière codifiée et à compromettre, ce faisant, sa bonne fin.

Quant à l'aspect évaluatif de la mission attribuée à la délégation, il est destiné, selon le rapport de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, à permettre de « modifier des textes inadaptés » .

Autrement dit, il doit contribuer à la modernisation du droit.

3. Un comité juridique

Sur le modèle du conseil scientifique placé auprès de l'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, il est prévu que l'office d'amélioration de la législation soit assisté d'un comité juridique dont la composition serait fixée par son règlement intérieur.

Dans son rapport écrit, le rapporteur de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, élargissant la proposition initiale du Président Mazeaud, précise que ce comité pourrait être composé de magistrats, de membres du Conseil d'État, de professeurs d'université, d'avocats ; il ajoute que le Médiateur de la République pourrait également y siéger.

Le rôle de ce comité juridique n'est finalement pas précisé par le texte adopté par l'Assemblée nationale mais le rapport de sa commission des Lois indique qu'il «  pourra apporter son concours aux rapporteurs désignés par la délégation et aider celle-ci dans le choix des experts extérieurs » , qu'il « aura également un rôle de conseil dans l'établissement du programme de travail de l'office et pourra attirer l'attention de celui-ci sur des sujets susceptibles de faire l'objet d'études » .

4. Un pouvoir d'autosaisine

La proposition de loi ouvre la saisine de l'office :

ï aux Bureaux des Assemblées agissant soit à leur initiative, soit à la demande d'un président de groupe ou de celle de soixante députés ou de quarante sénateurs ;

ï aux commissions spéciales et permanentes ;


• à l'office lui-même qui «  peut décider de réaliser des études de sa propre initiative » .

Rien n'est dit sur la coordination de ces travaux avec ceux des commissions. Le rapporteur de l'Assemblée nationale s'en est d'ailleurs inquiété, évoquant la « coordination de l'activité de l'office avec les autres instances d'évaluation » .

5. Le recours à des collaborations extérieures

Pour la réalisation de « ses » études, l'office pourrait :

ï faire appel à des personnes ou à des organismes extérieurs,

ï faire procéder à des enquêtes auprès des services administratifs chargés de mettre en oeuvre la législation étudiée, des professionnels auxquels elle s'applique et du public.

On observera que ces moyens d'étude et d'investigation sont d'ores et déjà à la disposition de toutes les commissions et de leurs missions d'information sans bien sûr qu'il ait été besoin de le préciser. L'inscription de ces facultés dans la loi n'est donc pas juridiquement utile, -il ne s'agit pas de doter l'office des pouvoirs des rapporteurs spéciaux des commissions des finances-, mais sans doute faut-il considérer qu'elle présente un caractère incitatif ; le rapport de la commission des Lois de l'Assemblée nationale estime d'ailleurs que « le recours systématique à l'expertise donne aux travaux de l'office une garantie d'indépendance et d'objectivité » .

6. La publication des travaux de l'office

Sauf décision contraire de l'Office, les travaux d'évaluation seraient rendus publics après communication à l'auteur de la saisine et approbation de ses membres. L'office publierait en outre un rapport annuel d'activité.

B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS


• A titre personnel, votre rapporteur estime souhaitable de développer l'évaluation législative afin de simplifier, d'adapter, de moderniser et, en définitive, d'améliorer le corpus législatif.

Pour ce faire, elle considère que plusieurs démarches doivent être simultanément poursuivies, notamment la poursuite de la codification à droit constant, le respect du partage entre la loi et le règlement, l'analyse systématique de la nécessité d'une nouvelle législation, le contrôle de son application, l'évaluation de l'adaptation de son contenu aux situations qu'elle régit et aux objectifs qu'elle poursuit et, in fine, l'amélioration du droit applicable.

Le travail technique de codification à droit constant incombe à la Commission supérieure de codification, même si le souhait du Premier ministre d'associer le Parlement à la phase préalable doit être relevé.

Le respect du partage entre la loi et le règlement relève à titre principal du Gouvernement qui devrait utiliser autant que faire se peut la procédure de déclassement prévue à l'article 37, alinéa 2, de la Constitution pour corriger les empiétements qui se sont développés depuis de nombreuses années.

L'analyse systématique de la nécessité d'une nouvelle législation revient quant à elle d'abord au Gouvernement puis au Parlement qui doit savoir refuser les législations de circonstances et les doubles emplois ( ( * )6) .

Quant au contrôle de l'application des Lois, il est actuellement exercé, au Sénat, par les commissions permanentes et la Conférence des Présidents, dans des conditions tout à fait satisfaisantes.

Reste, ce qui est l'objet même de la proposition de loi soumise à notre examen, l'évaluation, « l'amélioration » , de la législation. Ainsi qu'on l'a rappelé plus haut, les commissions permanentes, sous des formes diverses, ont d'ores et déjà procédé, surtout au Sénat, à plusieurs évaluations législatives. Celles-ci mériteraient certainement d'être multipliées. Votre rapporteur a toutefois pensé que la création d'un office parlementaire d'évaluation de la législation pourrait apporter une contribution utile aux travaux des commissions.


• Après avoir entendu le rapport présenté par votre rapporteur, la commission des Lois a examiné l'amendement suivant qu'il lui proposait :

Article unique.

Il est inséré, après l'article 6 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, un article 6 quater ainsi rédigé :

« Art. 6 quater. -I. -Il est institué une délégation parlementaire dénommée « Office parlementaire d'évaluation de la législation », chargée de rassembler, sans préjudice des compétences des commissions permanentes, des informations et de réaliser ou de faire réaliser des études tendant, dans un domaine déterminé, à évaluer l'adéquation de la législation aux situations qu'elle régit. Cette évaluation doit aussi viser à la simplification de la législation concernée.

« II. - L'office est composé :

« -- des présidents des commissions des lois des deux assemblées ainsi que d'un membre de chacune des commissions permanentes, membres de droit ;

« -- de huit députés et de huit sénateurs, désignés, en tenant compte des membres de droit, de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques. Les députés sont désignés au début de chaque législature pour la durée de celle-ci. Les sénateurs sont désignés après chaque renouvellement partiel.

« Dans les mêmes conditions, sont désignés dans chaque assemblée huit suppléants. Ceux-ci ne sont appelés à voter que dans la mesure nécessaire au maintien de la parité entre les deux assemblées.

« L'office est présidé, alternativement, pour un an, par le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale et le président de la commission des lois du Sénat.

« III. - La délégation est saisie par :

«  1° Le Bureau de l'une ou l'autre assemblée, soit à son initiative, soit à la demande d'un président de groupe ou de celle de soixante députés ou de quarante sénateurs ;

«  2° Une commission spéciale ou permanente.

« IV. - Pour chaque évaluation, la délégation peut faire appel à un ou plusieurs experts. Elle peut également faire procéder à des enquêtes auprès des services administratifs chargés de mettre en oeuvre la législation étudiée, des professionnels auxquels elle s'applique et du public.

« Les travaux de la délégation sont communiqués à l'auteur de la saisine. La délégation publie, en outre, un rapport annuel d'activité.

« V. - La délégation établit son règlement intérieur qui est soumis à l'approbation des Bureaux des deux assemblées.

« Les dépenses afférentes à son fonctionnement sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires, dans les conditions fixées à l'article 7 ci-après ».

Cette proposition ayant été rejetée, votre commission des Lois a constaté qu'elle n'était pas en mesure d'élaborer un texte susceptible de recueillir l'accord d'une majorité de ses membres.

En conséquence, elle a rejeté la proposition de loi tendant à créer un Office parlementaire d'amélioration de la législation. C'est la raison pour laquelle elle vous propose de supprimer l'article unique de la proposition de loi.

ANNEXES

ANNEXE 1 - L'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION : ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

LES DOCUMENTS DE TRAVAIL DU SENAT

Série LÉGISLATION COMPARÉE

L'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION

Ce document constitue un instrument de travail élaboré à l'intention des Sénateurs par la Division des études de législation comparée du Service des affaires européennes. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat.

n°LC 7 Octobre 1995

SÉNAT

SERVICE Le 12 octobre 1995

DES

AFFAIRES EUROPÉENNES

Division des Études de législation comparée

L'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION

Sommaire

Pages

NOTE DE SYNTHÈSE 39

LES DISPOSITIONS NATIONALES

Allemagne

Belgique

Italie

Royaume-Uni

Suisse

Canada

LES TEXTES ANALYSES

SÉNAT

SERVICE

DES

AFFAIRES EUROPÉENNES

Division des Études

de législation comparée

L'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION

La proposition de loi, adoptée en juillet 1995 par l'Assemblée nationale et tendant à créer un Office parlementaire d'amélioration de la législation, investit le futur organe d'une triple mission :

- évaluer l'adéquation de la législation aux situations qu'elle régit ;

- simplifier et unifier la législation ;

- veiller à l'élaboration des textes réglementaires nécessaires à l'application des lois.

Il a paru intéressant de rechercher comment ces trois missions étaient actuellement remplies chez certains de nos voisins. Peur chacun des pays étudiés (Allemagne, Belgique, Italie, Royaume-Uni, Suisse, Canada), on a donc, sans se limiter aux procédures parlementaires d'évaluation législative, examiné trois questions.


La loi fait-elle l'objet d'une évaluation formelle, aussi bien avant son adoption par le Parlement qu'après ? En d'autres termes, les projets de loi font-ils l'objet d'un examen critique de leur forme juridique avant leur dépôt au Parlement ? Les lois en vigueur sont-elles ensuite périodiquement révisées, corrigées, consolidées ou codifiées ? On oppose ici la consolidation, compilation de dispositions existantes sans modification de fond, à la codification qui correspond à l'établissement d'un ensemble systématique de dispositions novatrices.

ï L'opportunité de la loi, c'est-à-dire sa capacité à répondre au problème posé, fait-elle l'objet d'une appréciation avant la discussion parlementaire ?

ï Comment l'évaluation a posteriori de la loi est-elle réalisée ? Ce dernier point revêt un double aspect : il recouvre aussi bien l'évaluation des effets de la loi que le contrôle des règlements d'application.

De cet examen, il ressort que :

- le Royaume-Uni et le Canada ont beaucoup développé l'évaluation formelle des lois ;

- l'opportunité des lois fait l'objet d'un examen particulièrement minutieux en Allemagne et au Canada ;

- l'évaluation a posteriori des lois en vigueur demeure limitée.

I - LES PAYS DE TRADITION ANGLO-SAXONNE ONT BEAUCOUP DÉVELOPPE L'ÉVALUATION FORMELLE DES LOIS.

1) Avant leur examen parlementaire, les projets de loi font l'objet d'une procédure d'examen de leur forme juridique dans tous les pays sauf en Italie.

a) Des fonctionnaires spécialisés détiennent le monopole de la rédaction des projets de loi au Royaume-Uni et au Canada.

La doctrine anglo-saxonne met un accent particulier sur la nécessité de faire rédiger les projets de loi par des juristes spécialisés qui suivent les différentes étapes de l'élaboration des textes jusqu'à leur adoption. On peut considérer comme un outil d'évaluation le processus même de rédaction des projets de loi puisque le monopole des rédacteurs garantit l'homogénéité formelle des lois et leur qualité juridique.

Au Royaume-Uni, comme au Canada, il existe en effet un corps de fonctionnaires, recrutés parmi d'anciens avocats ou notaires, qui détiennent le monopole de la rédaction des projets de loi. Ils travaillent à partir des indications que leur fournissent par écrit les fonctionnaires du ministère qui est à l'origine de l'initiative. Ils cherchent non seulement à traduire dans les projets de loi les intentions du gouvernement aussi précisément que possible, mais également à s'assurer de la compatibilité des projets avec le droit en vigueur.

Aucun projet n'est rédigé par une seule personne : au Canada, l'équipe de rédacteurs comprend nécessairement un francophone et un anglophone, tandis qu'au Royaume-Uni, on associe un rédacteur expérimenté à un autre moins ancien afin de permettre au second de se former.

Plusieurs versions du projet sont successivement présentées avant que le gouvernement ne donne son accord et que le texte ne soit déposé au Parlement. L'équipe de rédacteurs qui a commencé à rédiger un projet de loi le suit jusqu'à son adoption finale car elle met également en forme les amendements, même lorsqu'il s'agit d'amendements parlementaires.

b) En Allemagne, en Belgique et en Suisse, les projets de loi sont présentés à une instance consultative avant d'être déposés au Parlement.

Dans ces trois pays, les qualités formelles des projets de lois ainsi que leur compatibilité avec les normes pré-existantes sont vérifiées respectivement par le ministère de la justice, la section de législation du Conseil d'État et le service fédéral de la législation qui relève de la Chancellerie.

2) Seuls le Royaume-Uni, le Canada, et à un degré moindre la Belgique, procèdent à la consolidation et à la révision permanentes des lois.

Le Royaume-Uni et le Canada ont mis en place des commissions ad hoc : la Law Commission ( ( * )7) et la Commission de révision des lois. Au Canada, la section de législation du ministère de la justice gère également le « programme de correction » des lois. Toutes les propositions de réforme émises par ces organes doivent être soumises au Parlement.

a) La Law Commission anglaise

La Law Commission est un organe consultatif qui a été créé en 1965 pour codifier, moderniser, réviser et simplifier le droit.

Les propositions de codification qu'elle a émises au cours de ses premières années de fonctionnement n'ont pas abouti et la Commission met désormais l'accent sur des projets à plus court terme.

Elle joue un grand rôle en matière de simplification du droit : elle prépare les projets de loi d'abrogation ou de consolidation, dont l'initiative première revient d'ailleurs souvent aux rédacteurs législatifs. Chaque loi d'abrogation permet l'abrogation de plusieurs lois ainsi que de centaines de dispositions législatives éparses. Le Parlement adopte une telle loi environ tous les 3 ans. En revanche, il adopte plusieurs lois de consolidation chaque année.

b) La Commission de révision des lois canadienne

Placée sous l'autorité du ministère de la justice, la Commission de révision des lois refond et consolide périodiquement toutes les lois fédérales.

Depuis la naissance de la Fédération canadienne, les lois fédérales ont été révisées six fois. La dernière révision, qui remonte à 1985, a permis de réduire de 26 000 à 10 000 le nombre de pages de la collection des lois fédérales.

Le travail de la Commission de révision des lois est complété par les corrections de forme suggérées par la section de législation du ministère de la justice qui donnent lieu, environ une fois par an, à l'adoption de lois dites correctives. Le programme de correction permet d'apporter des modifications formelles sans attendre la révision de l'ensemble des lois.

c) La coordination des lois en Belgique

La consolidation des lois, dénommée coordination en Belgique, constitue une pratique assez développée. Il s'agit d'une procédure à la fois législative et administrative puisque, si le législateur décide du principe de la consolidation, la mise en vigueur des lois coordonnées intervient par arrêté royal après que le bureau de coordination du Conseil d'État a réalisé la consolidation formelle.

Par ailleurs, au cours des dernières années, plusieurs propositions de loi tendant à mettre en place une évaluation systématique de la législation ont été déposées. L'une d'entre elles a même été adoptée par le Sénat en 1993.

d) L'instance italienne de codification

La création en 1988 de l'Office central de coordination de l'initiative législative et de l'activité normative du gouvernement, qui devait notamment mettre en évidence « la nécessité de procéder à la codification des textes régis sur certaines matières ou à la refonte d'autres textes » , n'a pas été suivie d'effets.

II - LE ROYAUME-UNI, ET SURTOUT LE CANADA ET L'ALLEMAGNE, SONT LES SEULS PAYS A ÉVALUERA L'OPPORTUNITÉ JURIDIQUE DES LOIS.

1) L'approbation préalable des objectifs des projets de loi par le conseil des ministres au Canada

Au Canada, seuls les projets de loi dont l'objectif a été approuvé par le Conseil des ministres peuvent être rédigés par la section de législation.

Pour obtenir cette approbation, le ministre qui souhaite déposer un projet de loi, qu'il s'agisse d'adopter une nouvelle loi ou d'en modifier une précédente, doit, dans une « note au cabinet », démontrer les insuffisances de la législation en vigueur.

Il s'agit d'une procédure très formalisée puisque la note que signe le ministre doit respecter une présentation normalisée.

2) Les propositions de réforme du droit formulées par une commission au Canada et au Royaume-Uni

La Commission canadienne de réforme du droit est un organe temporaire. La précédente a été dissoute en 1993, mais le gouvernement a promis d'en créer une nouvelle au début de l'année 1996. Elle analyse les lacunes du droit en vigueur et propose des améliorations. Ses propositions constituent souvent la base des « notes au cabinet ».

De la même façon, la Law Commission anglaise formule des propositions de réforme du droit. Même si elle reproche au Parlement de négliger ses travaux, les récentes réformes du droit pénal et du droit de la famille ont pour origine ses travaux.

3) La vérification de l'opportunité des projets de loi en Allemagne

Le processus d'élaboration des projets de loi allemands à l'intérieur des différents ministères comprend l'utilisation d'un questionnaire très détaillé visant notamment à vérifier que la création d'une nouvelle norme, législative ou réglementaire, constitue la meilleure solution au problème qui se pose.

Ce questionnaire porte sur plusieurs dizaines de points et notamment sur la situation initiale, aussi bien sur le plan juridique que pratique, les besoins exprimés, les lacunes constatées, les buts à atteindre, les alternatives possibles, leurs avantages et leurs inconvénients, leurs conséquences pour tous et dans tous les domaines, la nécessité d'une intervention fédérale...

Il s'agit d'obliger à démontrer que la création d'une nouvelle norme, législative ou réglementaire, constitue la seule réponse à un problème donné.

4) La faible efficacité des mesures prises en Suisse et en Italie

En Suisse, le gouvernement doit accompagner les projets de loi qu'il transmet au Parlement de renseignements portant sur la situation existante, les lacunes constatées, les solutions rejetées au moment de l'établissement du projet... Dans les faits, ces exigences sont respectées plus sur le plan formel qu'au fond.

En Italie, lors de sa création en 1988, l'Office central de coordination de l'initiative législative et de l'activité normative du gouvernement avait, parallèlement à sa mission de codification, été chargé de signaler « les incohérences et antinomies relatives aux divers secteurs législatifs » . Toutefois, l'Office ne remplit pas dans les faits cette fonction.

III - LE CONTRÔLE DES EFFETS DE LA LOI S'EFFECTUE ESSENTIELLEMENT GRACE AUX CLAUSES D'ÉVALUATION

1) L'évaluation des effets de la loi

Les clauses d'évaluation sont apparues dans les années 70. Elles prescrivent l'examen des effets des lois à l'expiration d'un certain délai et, le cas échéant, la modification des lois qui ne produiraient pas les effets attendus. Elles sont encore peu fréquentes mais on les rencontre dans tous les pays étudiés sauf au Royaume-Uni.

La technique de la législation expérimentale, qui consiste à rendre caduque une loi à l'échéance d'un délai donné et qui suppose l'évaluation de ses effets pendant sa période de validité est moins répandue. L'Allemagne et le Canada l'utilisent, mais très peu.

En Allemagne, les clauses d'évaluation se sont multipliées en même temps que la Cour constitutionnelle développait sa théorie sur la mise au point itérative de la loi. En effet, celle-ci impose au législateur non seulement d'éliminer les éléments anticonstitutionnels, mais également de corriger ses textes si les prévisions qui les avaient justifiés se révèlent inexactes avec le temps. Pour compenser le caractère incertain des effets des lois, la Cour constitutionnelle allemande demande au Parlement, dans la phase préparatoire, d'analyser les différentes variantes de législation et leurs effets prévisibles. Elle exige aussi qu'il observe ensuite les effets des lois et qu'il les corrige en fonction de ses observations.

L'introduction d'un contrôle général des effets produits par les lois avait été évoquée en Suisse lors de la dernière réforme du Parlement en 1991. Le gouvernement avait alors suggéré de charger les commissions permanentes du contrôle des effets de la législation, ce qu'a refusé la commission de gestion.

2) Le contrôle des règlements d'application

Dans les Parlements britannique et canadien, il existe une commission composée de représentants des deux Chambres chargée d'examiner l'ensemble des textes d'application.

Le futur Office parlementaire d'amélioration de la législation n'a donc pas d'équivalent dans les pays étudiés.

Bien qu'il s'agisse d'une activité encore peu développée, l'évaluation de la législation constitue une préoccupation grandissante dans tous les pays. Qu'elle concerne la forme ou le fond, qu'elle s'applique aux projets avant leur examen par le Parlement ou aux lois déjà en application, l'évaluation de la législation est le plus souvent réalisée par l'exécutif ou par des professionnels du droit.

L'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION

ALLEMAGNE

L'évaluation de la législation est essentiellement comprise comme l'évaluation de l'efficacité des lois.

Cette recherche d'efficacité s'applique dès la préparation des projets de loi ; une décision du conseil des ministres de décembre 1984 recommande à tous les ministres de veiller à la bonne adéquation de toutes les dispositions normatives et de vérifier cette dernière en répondant à un questionnaire très complet.

En outre, la Cour constitutionnelle joue un rôle important en matière d'évaluation des effets des lois adoptées car elle a développé au fil du temps une théorie sur le déroulement du processus législatif. Selon elle, la promulgation d'un texte, même si ce dernier est reconnu comme conforme à la Constitution, ne signifie pas l'achèvement du processus d'élaboration de la loi. En effet, la Cour ne se contente plus d'obliger le « législateur à éliminer dans les meilleurs délais les éléments anticonstitutionnels » . Depuis la fin des années 70, elle lui impose aussi de corriger et d'amender ses textes si les prévisions sur lesquelles ces derniers sont fondés se révèlent inexactes.

I - L'ÉVALUATION FORMELLE

Le règlement commun des ministères fédéraux se montre très précis et très exigeant sur la présentation et la rédaction des projets de loi, notamment afin de favoriser leur uniformisation.

Le ministère de la justice examine la qualité formelle des projets et vérifie leur compatibilité avec les normes déjà existantes. La plupart des projets sont également soumis au ministère de l'intérieur afin que soient vérifiées leur compatibilité par rapport à la procédure administrative et leur possibilité d'application concrète.

II - L'ÉVALUATION DE L'OPPORTUNITÉ

1) Le test préalable à l'adoption des projets de loi en conseil des ministres

En application de la décision prise le 11 décembre 1984 par le conseil des ministres pour vérifier l'opportunité des réglementations nouvelles, législatives ou non, les ministres de l'intérieur et de la justice ont établi ensemble un questionnaire en dix parties permettant de tester la « nécessité, l'efficacité et l'intelligibilité » de tous les projets de loi (ainsi que des projets de textes réglementaires).

Tous les ministères doivent donc tester leurs projets de loi par rapport à ces trois critères. Cette obligation s'applique aussi bien aux projets considérés dans leur totalité qu'à chacune de leurs dispositions détaillées.

Le test permet de vérifier, dans un premier temps, l'opportunité d'une réforme. Pour cela, il contient des questions relatives aux buts à atteindre, aux besoins exprimés, notamment par les personnes concernées, à la situation initiale, aussi bien juridique que factuelle, aux lacunes constatées, aux développements récents de l'économie, de la science, de la technique et de la jurisprudence dans le domaine concerné, au nombre de cas dans lesquels une réforme est attendue.

Cette première partie se termine par une question de contrôle : que se passe-t-il si rien n'est fait ?

La deuxième partie envisage toutes les possibilités pour transformer la situation de départ, précédemment identifiée, en fonction des buts recherchés. Elle analyse donc les différentes alternatives, leurs avantages et leurs inconvénients, et toutes leurs conséquences juridiques, économiques, sociales, financières...

Lorsqu'il apparaît qu'une action doit être entreprise par les pouvoirs publics, la structure fédérale du pays oblige à se poser la question du niveau d'intervention en fonction de la répartition des compétences entre Fédération et Länder. Grâce à une conception restrictive des compétences fédérales, le gouvernement fédéral cherche à donner la latitude maximale aux Länder.

Quand on conclut à la nécessité d'une intervention fédérale, on doit examiner la nature de la norme juridique à utiliser. Une loi nouvelle ne se justifie que si le problème à résoudre se révèle particulièrement important. La durée de validité de la nouvelle réglementation, la possibilité d'une réglementation expérimentale et de clauses d'évaluation sont ensuite envisagées.

Les autres questions du test sont moins pertinentes par rapport à l'évaluation de l'opportunité juridique mais elles permettent de vérifier la bonne articulation entre la réforme et ses mesures d'exécution, les conséquences de la nouvelle réglementation sur les dispositions voisines, l'accueil de la nouvelle réglementation de la part des autorités administratives d'exécution, du public...

Dans la partie du questionnaire consacrée à l'exécution administrative de la nouvelle réglementation, le souci d'éviter de créer de nouvelles instances, de nouvelles règles d'organisation et de compétence apparaît nettement. L'initiateur de la réforme envisagée est invité à utiliser les structures administratives existantes, sans toutefois les solliciter de manière excessive.

Ce questionnaire cherche à mettre en évidence que la création d'une nouvelle norme, législative ou réglementaire, ne constitue pas nécessairement la meilleure réponse à un problème donné.

Depuis la décision du 11 décembre 1984, et notamment pour répondre aux exigences imposées par l'utilisation de ce questionnaire, les différents ministères ont mis en place des unités transversales, composées essentiellement de juristes et d'organisateurs, pour réaliser ce type d'évaluations.

En même temps qu'il procède à l'évaluation formelle, le ministère de la justice doit vérifier que les projets de loi qui lui sont présentés satisfont effectivement aux trois critères de nécessité, d'efficacité et d'intelligibilité.

2) La transmission des projets de loi à la Chancellerie

Les projets de loi transmis à la Chancellerie doivent être accompagnés d'une explication détaillée du but recherché, des effets prévisibles et des conséquences dans tous les domaines.

3) La jurisprudence de la Cour constitutionnelle sur la nécessaire évaluation prospective du législateur

Depuis une quinzaine d'années, la Cour constitutionnelle demande au législateur, dans la phase préparatoire, de faire une investigation complète des faits pertinents, d'analyser les différentes variantes de législation qui se présentent et de réaliser une évaluation prospective des effets possibles selon la variante choisie.

III - LE CONTRÔLE DES EFFETS DE LA LOI

1) La jurisprudence de la Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle exige depuis quelques années que le législateur observe constamment les effets produits par la loi et qu'il la corrige en fonction des effets observés.

En 1979, dans l'arrêt rendu sur la participation des travailleurs à la gestion des entreprises, elle s'est ainsi exprimée : « L'incertitude qui peut régner au sujet des effets d'une loi dans un avenir lui-même incertain ne conduit pas à dénier au législateur la compétence de l'adopter. Il en va ainsi même si la loi a une grande portée. Inversement, l'incertitude ne doit pas en tant que telle rendre impossible le contrôle du juge constitutionnel, ce qui serait le cas si la loi était fondée sur des pronostics invérifiables. Ceux-ci comportent un jugement fondé sur les probabilités, dont les fondements peuvent et doivent être vérifiés. »

Ceci implique qu'à intervalles réguliers, le législateur procède à une évaluation rétrospective de la loi.

Dans son arrêt de 1993 relatif à l'interruption volontaire de grossesse, la Cour constitutionnelle donne même des indications méthodologiques sur l'obligation d'observation. Selon elle, le législateur doit « réunir et exploiter systématiquement les données nécessaires à l'évaluation des effets produits par la loi » .

2) Les clauses d'évaluation

Elles sont extrêmement fréquentes dans la législation. Ainsi, la loi sur la dépendance prévoit que le Parlement tire les conséquences législatives des modalités d'application différentes selon les Länder dans le courant de l'année 1995. La même loi prescrit au gouvernement d'informer tous les trois ans à partir de 1997 de l'état d'avancement du système d'assurance dépendance.

En revanche, les lois adoptées à titre expérimental pour permettre au législateur de les évaluer pendant la durée de leur application, sont peu nombreuses.

L'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION

BELGIQUE

L'évaluation de la législation est très peu développée. Toutefois, au cours des trois dernières années, plusieurs propositions de loi tendant à mettre en place une évaluation systématique de la législation ont été déposées. L'une d'entre elles a été adoptée par le Sénat en 1993.

I - L'ÉVALUATION FORMELLE

A - Avant l'examen parlementaire

L'avis de la section de législation du Conseil d'État constitue actuellement le seul élément d'évaluation avant la discussion parlementaire.

Avant d'être déposés au Parlement, la plupart des projets de lois doivent être soumis à la section de législation du Conseil d'État qui en examine les qualités formelles, vérifie s'ils traduisent l'intention de leurs auteurs et s'ils sont compatibles avec les normes déjà existantes.

L'obligation souffre quelques exceptions (projets de loi de finances, projets de loi relatifs aux emprunts, situations d'urgence...) mais elles sont en nombre limité.

En outre, le Conseil d'État propose qu'il soit procédé à une abrogation chaque fois qu'il constate, dans le cadre de sa saisine pour avis, qu'une disposition est tombée en désuétude ou qu'il existe une contradiction entre deux dispositions en vigueur. Faute de temps, ses recommandations ne sont pas toujours suivies d'effet.

B - Après la promulgation

1) La consolidation des lois

La consolidation, dénommée coordination en Belgique, est une pratique assez développée, encadrée par la loi du 13 juin 1961 relative à la coordination et à la codification des lois (document n° 1).

Il s'agit d'une procédure à la fois législative et administrative. En effet, le législateur décide du principe de la consolidation, mais délègue ses pouvoirs pour en confier la réalisation à l'exécutif, sans que le produit fini soit présenté au Parlement. Le législateur peut donc inviter le gouvernement à rassembler les textes applicables à une matière donnée.

La loi de 1961 a prévu une délégation permanente autorisant le Roi à coordonner les lois existantes de sa propre initiative.

Lorsque la délégation permanente est utilisée, la procédure est la suivante.

C'est le ministre responsable de l'administration générale ou le ministre compétent qui doit demander au bureau de coordination du Conseil d'État de coordonner ou de codifier la législation qu'il lui désigne. En effet, la tâche de coordonner les textes incombe au bureau de coordination du Conseil d'État, dont les membres ont, en vertu des lois coordonnées sur le Conseil d'État, « notamment pour mission de coordonner les lois, les arrêtés royaux et les divers textes réglementaires généraux en vigueur en Belgique. »

Le bureau de coordination soumet son projet à la section de législation du Conseil d'État qui le transmet avec son avis motivé au ministre intéressé. Le Roi prend enfin un arrêté de coordination ou de codification qui doit contenir les références permettant de retrouver le texte original de chaque disposition coordonnée ou codifiée.

L'avis du Conseil d'État ainsi que les éventuelles notes justificatives du bureau de coordination doivent être publiées avec cet arrêté royal.

Puisque, dans ce cas, le pouvoir administratif maîtrise tout le processus de codification, il faut veiller à ce qu'il n'y ait aucune modification, même fondée sur un souci de modernisation du langage. Il convient également d'indiquer la concordance avec les textes originels.

Sur ces deux points le Traité de logistique formelle, confectionné par les services du Premier ministre en 1982, contient des indications très pratiques :

«  142. La coordination ou la codification projetée doit reprendre fidèlement les textes originels sans qu'il soit procédé à des corrections de forme (grammaire et terminologie) ; l'uniformité de la terminologie peut et doit être assurée.

143. Chaque article doit être accompagné d'une note de bas de page.

144. Les notes de bas de page poursuivent un double objet :

a) permettre de retrouver le texte originel de chaque disposition coordonnée ou codifiée ;

b) indiquer les modifications apportées par la coordination ou la codification au texte originel.

145. Les notes de bas de page indiquent dans l'ordre :

a) l'indication de la loi, du décret ou de l'arrêté originel,

b) l'article particulier auquel correspond l'article de la coordination ou de la codification,

c) les modifications subies par cet article,

d) les changements que la coordination ou la codification apportent au texte originel.

146. Il faut joindre à la coordination ou à la codification la liste des dispositions, qui n'y sont pas reprises, de manière telle que les dispositions non codifiées et non coordonnées ne soient pas perdues de vue par les praticiens. »

2) Les propositions de réforme

Au cours des dernières années, trois propositions de loi tendant à rendre systématique l'évaluation de la législation ont été déposées (documents n° 2, 3 et 4).

L'une d'entre elles a été adoptée par le Sénat en juin 1993. Elle tend à la création d'une commission nationale de vingt-cinq experts chargée de faire des propositions de coordination ou de simplification de toute la législation.

La deuxième vise à instaurer une actualisation systématique des lois et règlements, grâce à l'établissement de la liste des lois qui n'ont pas été modifiées au cours des quinze dernières années. Cette liste serait réalisée au début de chaque législature par les commissions permanentes de la Chambre des représentants. La proposition de loi opère une distinction entre actualisation « technique » et actualisation « sociale », l'actualisation technique consistant à remplacer des mots ou des expressions par d'autres (par exemple « secret des communications individuelles » à la place de « secret des lettres ») et l'actualisation sociale portant sur des questions de fond. La proposition de loi donne la priorité aux actualisations de la seconde catégorie.

La troisième proposition tend à instituer une évaluation triennale de la législation. Cette tâche serait confiée au Conseil d'État. Le Parlement, informé par une note du gouvernement établie à la suite du rapport d'évaluation du Conseil d'État, se prononcerait sur les mesures appropriées.

Les deuxième et troisième propositions de loi ont été examinées par une sous-commission de la commission de révision de la Constitution. Cette sous-commission, après avoir tenu plusieurs réunions de travail en 1993 et 1994, a déposé son rapport en avril 1994. Selon ses conclusions, il conviendrait de :

- charger le Conseil d'État de la rédaction d'un rapport annuel relevant « les lacunes, les chevauchements et les textes qui ne sont plus actuels » ;

- demander également à la Cour de cassation de rédiger un rapport annuel ;

- faire examiner ces deux rapports par « une commission spéciale d'évaluation ou d'actualisation des lois, relevant du Sénat en sa qualité de chambre de réflexion » , sans que la compétence du Sénat soit exclusive ;

- d'élaborer sur la base de ces données des propositions de loi bénéficiant de la même priorité que les projets de loi ;

- créer un corps de légistes chargés de rédiger les propositions de loi.

II - L'ÉVALUATION DE L'OPPORTUNITÉ

Les réformes législatives les plus significatives sont généralement précédées d'une évaluation des textes précédents, soit à l'initiative du législateur, soit spontanément de la part de la doctrine.

III - LE CONTRÔLE DES EFFETS DE LA LOI

Dans certains cas, le législateur, au moment de l'adoption d'une loi, confie à un groupe d'experts le soin de procéder à l'évaluation des effets de cette loi. Parallèlement, il prévoit la modification de cette loi au cas où elle ne produirait pas les effets attendus.

Ainsi, la loi du 13 août 1990, adoptée quelques mois après la dépénalisation de l'avortement, institue une « commission nationale chargée d'évaluer l'application des dispositions relatives à l'interruption de grossesse  ». Composée notamment de médecins et de juristes, la loi a chargé la commission d'établir à l'intention du Parlement, pour le 31 août 1992, et par la suite tous les deux ans, un rapport statistique portant sur un certain nombre de données relatives aux avortements pratiqués ainsi qu'un rapport détaillant et évaluant l'application de la loi et son évolution. Le cas échéant, la commission peut faire au Parlement « des recommandations en vue d'une initiative législative éventuelle et/ou d'autres mesures susceptibles de contribuer à réduire le nombre d'interruptions de grossesse et à améliorer la guidance et l'accueil des femmes en état de détresse » .

De même, la loi du 13 août 1990 sur les écotaxes a mis en place une commission de treize experts choisis en raison de leur compétence dans les matières concernées par les écotaxes. Cette « commission du suivi » a pour tâche d'évaluer le système des écotaxes, d'analyser ses conséquences économiques, de proposer des modifications, de suggérer éventuellement de nouvelles écotaxes, de participer à des campagnes d'information et de sensibilisation du public et d'établir un rapport annuel.

L'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION

ITALIE

Il n'existe aucun dispositif opérationnel d'évaluation de la législation.

En effet, le C.N.E.L. (Conseil National de l'Économie et du Travail), composé de 80 personnes (60 représentants des catégories socioprofessionnelles et 20 experts), à qui la Constitution reconnaît le pouvoir de contribuer à l'élaboration de la législation économique et sociale en donnant des avis, voire en proposant des projets de loi au Parlement, n'exerce pas sa fonction de proposition.

Par ailleurs, l'Office central de coordination de l'initiative législative et de l'activité normative du gouvernement, institué en 1988 et qui devrait notamment signaler dans ses rapports « les incohérences et antinomies normatives relatives aux divers secteurs législatifs » et mettre en évidence « la nécessité de procéder à la codification des textes régissant certaines matières ou à la refonte d'autres textes  », est actuellement en sommeil.

En outre, l'obligation de fournir au Parlement des rapports périodiques sur le fonctionnement pratique de la loi après son entrée en vigueur et la création d'observatoires chargés de suivre l'application d'une nouvelle norme, utilisées à plusieurs reprises au cours des dernières années, se sont révélées peu efficaces. En effet, les informations recueillies n'ont pas été utilisées de manière satisfaisante par le Parlement, apparemment davantage intéressé par le retentissement médiatique de l'adoption des lois que soucieux de la qualité et de l'adéquation de la législation.

L'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION

ROYAUME-UNI

En 1965, le Royaume-Uni a créé trois organes permanents indépendants chargés de la codification et de la réforme du droit : les trois Law Commissions composées de professionnels du droit et compétentes chacune dans leur propre région. ( ( * )8)

Il n'existe aucun autre dispositif explicite d'évaluation de la loi. Cependant, le monopole de la rédaction des projets de loi, attribué à un corps de fonctionnaires hautement spécialisés, peut être considéré comme un élément contribuant à la qualité juridique des textes.

L'évaluation ne relève donc pas de la compétence du Parlement. Toutefois, les professionnels du droit qui concourent à l'évaluation de la loi ne peuvent que présenter leurs travaux au Parlement qui demeure libre de les adopter ou non.

I - L'ÉVALUATION FORMELLE

A - Avant l'examen parlementaire

La rédaction des projets de loi est exclusivement réalisée par le corps des rédacteurs parlementaires (parliamentary draftsmen ou parliamentary counsel).

Il s'agit d'avocats expérimentés employés comme fonctionnaires par le gouvernement. Au nombre d'environ 30, ils occupent une position étonnante dans la structure administrative : ils dépendent administrativement du ministre chargé de la fonction publique, c'est-à-dire du Premier ministre, mais sont à la disposition de tous les ministères et sont directement responsables devant les ministres pour lesquels ils rédigent les projets.

Les rédacteurs travaillent à partir d'une note écrite fournie par le ministère auteur de l'initiative. Les instructions précisent les objectifs de la loi à rédiger et les moyens à utiliser pour y parvenir. Elles sont complétées lors de discussions avec les représentants du ministère. Chaque projet est rédigé par une équipe de deux draftsmen, dont l'un est un membre expérimenté du service, ce qui permet aux nouveaux de se former. Après que plusieurs versions ont été rédigées et discutées (parfois une dizaine), le projet est communiqué au comité législatif du gouvernement qui peut le renvoyer jusqu'à ce qu'il obtienne une version qui lui convient. Le projet peut alors être déposé au Parlement.

Les rédacteurs suivent leurs projets jusqu'à leur adoption définitive. En effet, tous les amendements, qu'ils émanent du gouvernement ou des parlementaires, sont rédigés par eux.

B - Après la promulgation

La consolidation et la révision permanentes sont effectuées par les Law Commissions.

1) La compétence des Law Commissions

Les Law Commissions, organes consultatifs indépendants créés par la loi de 1965 (document n° 5), ont pour mission de « suivre de près le droit qui les concerne afin de permettre son développement et sa réforme systématiques, ce qui comprend en particulier la codification du droit, l'élimination des anomalies, l'abrogation des dispositions tombées en désuétude ou devenues superflues, la réduction du nombre des textes et, de manière générale, la simplification et la modernisation du droit » .

Dans le dernier rapport d'activité disponible, celui de 1994, le président de la Law Commission ( ( * )9) s'exprimait ainsi : « notre tâche consiste à rendre le droit plus simple, plus juste et meilleur marché (...). Dans tout ce que nous faisons, nous cherchons à mettre à jour et à simplifier le droit, à le faire correspondre directement à la société d'aujourd'hui et à le rendre facilement compréhensible par ceux qui en ont besoin » .

Pour ce faire, la loi de 1965 autorise la Law Commission à :

- prendre en compte toutes les propositions de réforme du droit dont elles peuvent avoir connaissance, quelle qu'en soit l'origine ;

- soumettre périodiquement au gouvernement des programmes de réforme des différentes branches du droit ;

- entreprendre, sur la recommandation du gouvernement, l'examen de branches particulières du droit et formuler des propositions de réforme, notamment par l'intermédiaire de projets de loi ;

- préparer à la demande du gouvernement, des programmes de consolidation et de révision de la législation ;

- fournir aux différents départements ministériels, à l'instigation du gouvernement, des avis et des renseignements ainsi que des propositions de réforme du droit.

Le Lord Chancelier (ministre de la justice) approuve le programme de recherche de la Law Commission. Une fois ce programme approuvé, il doit faire connaître au Parlement les travaux de la commission. Le gouvernement dispose donc théoriquement de la possibilité d'empêcher la Law Commission d'entreprendre l'examen d'un point donné. En réalité, il n'utilise pas cette faculté et, en tout état de cause, les rapports annuels de la Law Commission doivent être déposés devant le Parlement.

2) La composition de la Law Commission

La Law Commission compétente pour l'Angleterre et le Pays de Galles se compose d'un président et de quatre membres, nommés par le ministre de la justice. Ces cinq personnes sont nommées pour cinq ans. Elles sont choisies, en raison de leurs compétences, parmi les juges, les avocats ou les professeurs de droit.

Depuis plusieurs années, la composition de la Law Commission est la suivante : elle est présidée par un juge de la High Court (tribunal civil de droit commun pour les affaires les plus importantes) et les quatre autres membres sont un barrister spécialiste de droit pénal, un solicitor spécialiste de droit de la propriété et deux professeurs de droit particulièrement compétents dans d'autres domaines du droit.

Par ailleurs, la Law Commission dispose d'un personnel permanent d'environ soixante-dix personnes parmi lesquelles deux tiers sont des juristes (fonctionnaires détachés, praticiens, universitaires...). Plusieurs parliamentary counsel lui sont attachés pour la rédaction des projets de loi. En théorie, elle peut disposer de six rédacteurs parlementaires. Actuellement, seuls trois rédacteurs sont détachés à la Law Commission.

3) L'activité de la Law Commission

Au cours des dernières années, la Law Commission a principalement travaillé sur la réforme du droit pénal et la plupart des projets de loi adoptés dans ce domaine résultent de ses réflexions. Généralement, elle réalise entre cinq et dix rapports chaque année (document n° 6). On reproche souvent à la Law Commission d'éviter d'aborder les sujets susceptibles de donner lieu à controverses (droit fiscal, des sociétés, du travail, de la sécurité sociale...) pour se concentrer sur le droit de la famille, celui des contrats ainsi que sur le droit pénal. De son côté, la Law Commission reproche au Parlement de négliger ses travaux : si, au cours de l'année 1994, cinq de ses rapports ont été partiellement repris dans des lois nouvelles, au cours des quatre années précédentes, cela avait été le cas pour seulement quatre de ses rapports.

Dans les années qui ont suivi sa mise en place, la Law Commission a beaucoup réfléchi à la codification du droit anglais. Elle a même proposé une codification du droit des contrats, du droit des baux, du droit de la famille et du droit pénal, mais aucun projet de code n'a abouti. La codification s'étant révélée plus difficile à réaliser qu'elle ne l'avait initialement imaginé, la Law Commission a mis l'accent sur des projets à plus court terme.

Ainsi, la Law Commission s'acquitte effectivement de sa tâche de révision. A son initiative, plusieurs lois, devenues obsolètes, ont été supprimées par l'adoption de Statute Law (Repeal) Bills. Depuis 1965, neuf de ces lois ont été adoptées : en 1969, 1975, 1976, 1977, 1978, 1981, 1986, 1989, 1993. Chacune d'elles permet l'abrogation de plusieurs lois ainsi que de centaines de dispositions législatives éparses. D'autres lois ont été refondues grâce à des Consolidation Acts. La loi relative à la consolidation (Consolidation of Enactments (Procédure) Act 1949) prévoit une procédure simplifiée pour l'adoption de tels projets : une commission composée de membres des deux chambres peut adopter les projets ne comportant que des « corrections et améliorations mineures » . Ainsi, plusieurs lois de consolidation peuvent être adoptées chaque année. La plupart des projets de consolidation sont préparés par la Law Commission à l'instigation du responsable des rédacteurs législatifs.

II - L'ÉVALUATION DE L'OPPORTUNITÉ

Les rédacteurs parlementaires préparent les projets de loi après que ceux-ci ont été approuvés par la commission de la législation future du gouvernement {Future Legislation Committee).

Cette commission prépare au mois de mars le projet gouvernemental de l'année parlementaire suivante, qui commence en novembre. Toutefois, cette commission ne procède pas à une évaluation de l'opportunité juridique de la future loi. Elle gère uniquement le calendrier.

Il convient de rappeler ici que la Law Commission, instance permanente de proposition, analyse les insuffisances du droit en vigueur et propose des améliorations. Elle rédige elle-même les projets qu'elle estime opportuns puisqu'elle dispose du concours de plusieurs parliamentary draftsmen.

III - LE CONTRÔLE DES EFFETS DE LA LOI

1) L'évaluation des effets de la loi

De nombreux travaux sont menés par des instituts de recherche, publics ou privés, ou par le gouvernement, mais il n'existe aucune instance nationale de coordination.

2) Le contrôle des règlements d'application

Une commission mixte paritaire commune aux deux Chambres, composée de quatorze membres et généralement présidée par un parlementaire de l'opposition, est chargée d'examiner l'ensemble des textes d'application {Joint Committee on Statutory Instruments).

Cette commission a notamment pour tâche de veiller à la conformité des règlements d'application aux lois qui les autorisent et au respect des délais de publication des textes réglementaires.

Un ministre peut retirer un règlement sur proposition de cette commission, mais il n'y est pas tenu. Dans les faits, le contrôle de cette commission est considéré comme de pure forme. En outre, de nombreux règlements sont approuvés par la Chambre des communes avant que la commission ne les ait examinés.

L'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION

SUISSE

Dans la logique de l'évaluation des politiques publiques, assez développée dans ce pays, les clauses d'évaluation, prescrivant l'examen des effets de la loi à l'expiration d'un certain délai, sont apparues à la fin des années 70.

Les autres outils d'évaluation de la législation sont très peu développés.

I - L'ÉVALUATION FORMELLE

Sur le plan formel, il n'existe presqu'aucune procédure d'évaluation. Il faut cependant mentionner que les commissions de rédaction des projets de loi ( ( * )10) ont pour consigne de prêter une attention particulière à la forme.

En outre, le service fédéral de la législation, qui dépend de la Chancellerie, joue un rôle non négligeable dans le processus d'élaboration de la loi : après que le projet de loi a été rédigé et soumis pour consultation à toutes les parties prenantes, il est mis au point définitivement par la Chancellerie fédérale et le service de la législation se prononce sur la forme du texte et sur les problèmes juridiques qu'il soulève.

II - L'ÉVALUATION DE L'OPPORTUNITÉ

Avant de présenter un projet de loi au Parlement, le gouvernement doit procéder à une évaluation des différentes variantes possibles. En effet, la loi sur les rapports entre les conseils prévoit à l'article 43-3 : « Pour chaque projet qu'il soumet à l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral (...) renseignera (...) sur les solutions de rechange rejetées au stade préliminaire de la procédure législative » .

Les exigences posées par la loi ont été précisées en 1988 par le « schéma pour l'établissement de messages du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale » : lors des révisions législatives, le gouvernement doit « tirer parti des expériences faites avec la réglementation en vigueur, en particulier exposer brièvement les problèmes que pose son exécution et signaler les cas où elle s'est révélée inefficace » .

III - LE CONTRÔLE DES EFFETS DE LA LOI

Les clauses d'évaluation ont fait leur apparition dans la législation fédérale à la fin des années 70.

L'AGEVAL, le groupe de travail interministériel sur l'évaluation législative qui s'est réuni de 1987 à 1991, n'avait recensé qu'une dizaine de telles clauses mais en recommandait un usage accru. Actuellement, la législation fédérale ne compte qu'une douzaine de ces clauses.

En même temps que les clauses d'évaluation, sont apparues les lois « expérimentales » , c'est-à-dire les lois adoptées à titre d'essai pour faciliter la constitution d'arguments solides nécessaires à la prise de décisions ultérieures définitives.

Par ailleurs, la question de l'introduction d'un contrôle généralisé des effets produits par les lois s'est posée lors de la dernière réforme du Parlement en 1991. La commission de réforme du Conseil fédéral avait proposé que l'une des fonctions des commissions permanentes réside dans le « contrôle des effets de la législation » . Cette proposition a été rejetée sur demande de la commission de gestion, au motif que cette tâche lui incombait.

L'ÉVALUATION DE LA LÉGISLATION

CANADA

Plusieurs instances d'évaluation de la législation ont été mises en place au niveau fédéral ( ( * )11) . Elles visent essentiellement à améliorer la qualité juridique des textes avant ou après leur adoption par le Parlement.

La section de législation du ministère de la justice détient le monopole de la rédaction des projets de loi du gouvernement. Elle gère également le « programme de correction » des lois.

La Commission de révision des lois procède à la codification permanente des lois et à leur révision formelle.

La Commission de réforme du droit, organe temporaire, propose des améliorations aux différentes règles en vigueur.

L'évaluation n'est donc pas l'oeuvre du Parlement, mais celle de l'exécutif ou de professionnels du droit. Toutefois, les résultats des procédures d'évaluation sont toujours présentés au Parlement qui reste seul compétent pour adopter ou non les mesures proposées par les organes d'évaluation.

I - L'ÉVALUATION FORMELLE

A - Avant l'examen parlementaire

Depuis 1947, la rédaction des projets de loi est exclusivement effectuée par les rédacteurs de la section de législation du ministère de la justice.

La section est composée de vingt-six rédacteurs, treize francophones et treize anglophones. Tous doivent être avocats ou notaires et posséder une excellente connaissance de chacune des deux langues. La plupart ont suivi les cours de rédaction législative dispensés à l'université d'Ottawa. Ils sont assistés de deux « jurilinguistes francophones » et du service de révision rédactionnelle.

Les « jurilinguistes » sont des linguistes qui se sont spécialisés dans le domaine de la linguistique juridique et dont le rôle premier est d'aider les rédacteurs à s'exprimer dans un français de la meilleure qualité possible. Leur présence au sein de la section a été jugée essentielle en raison de l'état d'infériorité dans lequel le français a été relégué pendant des décennies.

Le service de révision rédactionnelle revoit le fond et la forme tout en veillant au respect des normes et conventions en matière de rédaction et de présentation des textes législatifs.

Chaque projet de loi est rédigé par deux rédacteurs, un anglophone et un francophone. Les deux rédacteurs désignés préparent, en collaboration avec les chargés de projet dans le ministère concerné, un avant-projet pour mettre en oeuvre la décision et le soumettent aux chargés de projet qui, de leur côté, l'étudient avec l'aide de leurs propres collaborateurs et d'autres fonctionnaires de leur ministère. Ils donnent ensuite de nouvelles instructions aux rédacteurs qui préparent un deuxième avant-projet, puis un troisième... jusqu'à ce qu'une version satisfaisante soit établie.

L'intervention des rédacteurs constitue une garantie contre l'ésotérisme du langage des spécialistes car ceux-ci sont obligés d'expliquer à un généraliste du droit le contenu de la future loi et son contexte juridique et technique. Elle permet également de lutter contre les incohérences, les oublis, les imprécisions... Les rédacteurs vérifient aussi qu'aucune disposition du projet de loi n'entre en conflit avec la Charte canadienne des droits et libertés.

Après cette première phase, le projet est soumis au comité de relecture de la section, composé du premier conseiller législatif et du premier conseiller législatif adjoint qui sont les deux responsables de la section, de deux rédacteurs d'expérience et de deux plus jeunes. Les membres du comité relisent le projet de loi et remettent aux rédacteurs leurs observations. Ils le relisent avec des yeux neufs puisqu'ils ignorent le contenu du dossier et n'ont pas participé aux réunions avec les chargés de projet.

Le projet est ensuite soumis au Conseil des ministres puis, après approbation par celui-ci, déposé dans l'une ou l'autre assemblée.

Les amendements que le gouvernement apporte au projet de loi lors de son examen par le Parlement sont rédigés par les rédacteurs qui ont écrit le projet de loi.

Bien que la section de législation appartienne au ministère de la justice, dans les faits, elle dépend étroitement du secrétariat chargé de la législation et de la planification parlementaire. Chargé d'établir Tordre de priorité du programme législatif du gouvernement et de contrôler l'adéquation des projets de loi rédigés par rapport à la décision du gouvernement qui en autorisait la rédaction, ce secrétariat relève du leader du gouvernement à la Chambre, ministre haut placé dans la hiérarchie.

B - Après la promulgation

1) La consolidation et la révision permanente des lois et règlements

Elle est organisée par la loi sur la révision des lois (document n° 7) et confiée à la Commission de révision des lois, placée sous l'autorité du ministre de la justice et composée de trois fonctionnaires appartenant à ce même ministère.

Depuis que la Fédération canadienne existe, les lois fédérales ont été révisées six fois : en 1886, 1906, 1927, 1952, 1970 et 1985.

La révision comprend l'examen, la refonte, la codification et la publication de l'ensemble des lois fédérales.

En effet, avant de procéder à une nouvelle codification, la commission corrige certains termes qu'elle juge imprécis, incorrects ou ambigus, scinde les articles qu'elle estime trop longs, fusionne, le cas échéant, plusieurs lois et supprime les dispositions transitoires. Les pouvoirs de la commission sont strictement limités à des changements de forme nécessaires à l'uniformité, à l'harmonisation et à la compatibilité. La révision évite donc une stratification inutile. Ainsi, les lois révisées de 1970 représentaient 10 000 pages. Entre 1970 et 1985, s'y étaient ajoutées 16 000 pages de lois nouvelles. La révision de 1985 s'est traduite par la suppression de quelque 16 000 pages.

Les textes préparés par la Commission de révision des lois doivent ensuite être approuvés par le Parlement : les projets des textes de loi révisés sont soumis à un comité de la Chambre des communes et un comité du Sénat. Après leur approbation, ces textes sont annexés à un projet de loi. L'adoption de ce projet entraîne l'entrée en vigueur des nouvelles lois révisées et l'abrogation des dispositions correspondantes dans les anciennes lois (document n° 8).

En aucun cas la Commission de révision des lois ne peut se substituer au Parlement : « les lois révisées ne sont pas censées être de droit nouveau » .

Les lois révisées sont disponibles en édition reliée et en édition à feuilles mobiles, périodiquement mise à jour. Les 8 volumes des lois révisées de 1985 sont complétés par des suppléments, le premier contenant les modifications adoptées au 31 décembre 1984, mais pas encore en vigueur à cette date, et les suivants incluant les lois adoptées ultérieurement (document n°9).

2) Le « programme de correction » des lois

Depuis sa mise en oeuvre en 1975, sept lois correctives ont été adoptées (1977, 1978. 1981, 1984. 1987, 1992 et 1993).

La correction des lois est l'oeuvre de la section de législation du ministère de la justice.

La loi corrective (document n° 10) permet de rectifier « les anomalies, incompatibilités, archaïsmes et erreurs » dans plusieurs lois sans attendre leur révision d'ensemble. Elle permet aussi d'abroger certaines dispositions ou lois qui ne sont plus effectives.

Les propositions de modifications proviennent surtout des ministères ou des organismes fédéraux. La section de la législation les étudie et les trie en ne retenant que celles qui satisfont aux critères suivants :

- ne pas donner lieu à controverses ;

- ne pas comporter de dépenses publiques ;

- ne pas porter atteinte aux droits de l'homme ;

- ne pas créer d'infractions ni assujettir une nouvelle catégorie de justiciables à une infraction existante.

Les propositions rédigées et approuvées par le ministère chargé de l'application de la loi que l'on propose de modifier sont intégrées à un document déposé au Parlement par le ministre de la justice. L'étude en est confiée au comité de la Chambre des communes chargé de la justice et des affaires juridiques et au comité du Sénat chargé des affaires juridiques et constitutionnelles. Toute proposition jugée contestable par l'un ou l'autre des comités est rejetée.

Les rapports des comités donnent lieu à un projet de loi corrective où ne figurent que les propositions qu'ils ont approuvées. En général, le projet est adopté sans débat dans chaque chambre.

II - L'ÉVALUATION DE L'OPPORTUNITÉ

1) L'approbation préalable de l'objectif par le conseil des ministres

Seuls les projets de loi dont l'objectif a été approuvé par le conseil des ministres peuvent être rédigés par la section de législation. Les projets de loi relatifs à l'organisation du gouvernement, domaine réservé au premier ministre, ainsi que les projets de lois fiscales ou concernant les emprunts d'État font exception à cette règle.

Le ministre qui souhaite que soit adoptée une nouvelle loi ou une loi portant modification d'une loi existante ne peut ni la faire rédiger par ses services, ni ordonner lui-même à la section de la législation du ministère de la justice de le faire. Il doit en proposer la rédaction au conseil des ministres pour que celui-ci, après en avoir approuvé le principe, attribue à la rédaction du projet de loi une place dans le programme législatif du gouvernement.

Pour obtenir cette autorisation, le ministre signe une note qui présente le résultat de son étude et ses recommandations. Elle comporte une étude de la situation et des solutions de droit existantes. L'auteur de la note doit donc démontrer les insuffisances de la législation en vigueur avant de demander à ses collègues d'approuver la rédaction d'une nouvelle mesure législative. Cette note, dite « note au cabinet » doit respecter une présentation normalisée. Un document intitulé « Mémoires au cabinet, guide du rédacteur » (document n° 11) contient toutes les normes applicables à la rédaction de ces notes.

2) Les travaux de la Commission de réforme du droit

La précédente Commission de réforme du droit (document n° 12) a été dissoute en 1993, mais le gouvernement a promis d'en créer une nouvelle qui devrait pouvoir commencer ses travaux dans les premiers mois de 1996.

La Commission de réforme du droit analyse les insuffisances du droit en vigueur et propose des améliorations. Souvent, ses propositions constituent la base des « notes au cabinet ». Il est même arrivé que le gouvernement demande à la section de la législation de suivre les recommandations contenues dans un rapport de la Commission de réforme du droit.

III - LE CONTRÔLE DES EFFETS DE LA LOI

1) L'évaluation des effets de la loi

a) L'évaluation par les services juridiques des ministères

Les services juridiques des ministères et des organismes fédéraux chargés de la mise en oeuvre des textes, législatifs ou réglementaires, doivent, selon le Manuel des services juridiques du ministère de la justice, « surveiller l'efficacité des lois et règlements » .

Les conseillers juridiques membres de ces services, qui font partie du ministère de la justice, doivent être avocats ou notaires.

b) Les clauses d'évaluation

La loi elle-même peut prévoir l'examen de son application après une période donnée. Dans ce cas, l'analyse se fait en public et permet aux parlementaires de voir, avec les fonctionnaires responsables et compte tenu des observations des catégories socioprofessionnelles concernées, si la situation qui était à l'origine du texte de loi a ou non évolué, si le texte répond aux attentes de ses promoteurs et du législateur et, enfin, si des effets pervers ne devraient pas être corrigés par une nouvelle intervention parlementaire.

Dans les faits, cette méthode est peu employée : seules quelques lois fédérales comportent une telle disposition.

c) La « temporarisation »

La « temporarisation » consiste à rendre temporaire une disposition. Appliquée à une loi, cette méthode permet de la rendre caduque à l'échéance d'un délai fixé. En effet, si le législateur entend la remettre en vigueur, il doit procéder à l'évaluation de ses effets pendant sa période de validité.

Cette technique, qui garantit la tenue d'un nouveau débat parlementaire, est très peu utilisée.

2) Le contrôle des règlements d'application

La loi sur les textes réglementaires a créé un comité mixte regroupant des représentants du Sénat et de la Chambre des communes, chargé d'étudier chaque règlement après sa publication. Le règlement ne peut être pris qu'en vertu d'une autorisation précise accordée par une loi.

A l'occasion de cet examen, les membres de ce comité peuvent faire des recommandations au gouvernement sur les corrections qui, à leur avis, devraient être apportées à une loi donnée.

En outre, ils peuvent présenter à la Chambre des communes un rapport comportant une résolution qui, en cas d'adoption, constituera un ordre donné au ministre responsable ou au gouvernement d'abroger un texte réglementaire qui n'aurait pas été complètement et parfaitement autorisé par la loi habilitante.

L'EVALUATION DE LA LEGISLATION LISTE DES TEXTES ANALYSES

Document n° 1 Belgique - Loi du 13 juin 1961 relative à la coordination et la codification des lois

Document n° 2 Belgique - Projet ( ( * )12) de loi adopté par le Sénat en juin 1993 créant une commission nationale chargée de la coordination et de la simplification de la législation

Document n° 3 Belgique - Proposition de loi déposée le 25 avril 1990 à la Chambre des représentants tendant à modifier le règlement pour instaurer une actualisation systématique des lois et règlements

Document n° 4 Belgique - Proposition de loi déposée le 7 mai 1992

à la Chambre des représentants instituant une évaluation triennale de la législation

Document n° 5 Royaume-Uni - Law Commissions Act 1965 (langue originale)

Document n° 6 Royaume-Uni - Liste des rapports publiés par la

Law Commission entre 1965 et juillet 1995 (langue originale)

Document n° 7 Canada - Loi sur la révision des lois

Document n° 8 Canada - Loi de 1987 visant à donner effet aux lois révisées du Canada

Document n° 9 Canada - Table des matières des lois révisées de 1985

Document n° 10 Canada - Loi corrective de 1987

Document n° 11 Canada - Instructions pour la rédaction des « notes au cabinet »

Document n° 12 Canada - Loi sur la Commission de réforme du droit.

ANNEXE 2 - DÉCRET N° 89-647 DU 12 SEPTEMBRE 1989, MODIFIÉ, RELATIF À LA COMPOSITION ET AU FONCTIONNEMENT DE LA COMMISSION SUPÉRIEURE DE CODIFICATION

Article 1er

Il est institué une Commission supérieure de codification chargée d'oeuvrer à la simplification et à la clarification du droit qui prend la suite de la Commission supérieure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires créée par le décret n° 48-800 du 10 mai 1948. Elle a pour mission de :

- Procéder à la programmation des travaux de codification ;

- Fixer la méthodologie d'élaboration des codes en émettant des directives générales ;

- Susciter, animer et coordonner les groupes de travail chargés d'élaborer les projets de codes et fournir une aide à ces groupes en désignant un rapporteur particulier et le cas échéant des personnalités qualifiées ;

- Vérifier le champ d'application des textes codifiés en ce qui concerne les territoires d'outre-mer ;

- Adopter et transmettre au Gouvernement les projets de codes.

Art. 2

La Commission supérieure de codification comprend sous la présidence du Premier ministre :

Un vice-président, président de section ou président de section honoraire au Conseil d'État ;

Des membres permanents :

- un représentant du Conseil d'État ;

- un représentant de la Cour de cassation ;

- un représentant de la Cour des comptes ;

- un membre de la commission des lois de l'Assemblée nationale ;

- un membre de la commission des lois du Sénat ;

- le directeur des affaires civiles et du sceau ;

- le directeur des affaires criminelles et des grâces ;

- le directeur général de l'administration et de la fonction publique

- le directeur au secrétariat général du Gouvernement ;

- le directeur des Journaux officiels ;

- le directeur des affaires politiques, administratives et financières au ministère des départements et territoires d'outre-mer- ;

Des membres siégeant en fonction de l'objet du code examiné :

- un membre de la ou des sections compétentes du Conseil d'État ;

- un membre de la ou des commissions compétentes de l'Assemblée nationale ;

- un membre de la ou des commissions compétentes du Sénat ;

- le ou les directeurs d'administration centrale concernés par le code examiné ;

Un rapporteur général.

Un rapporteur général adjoint.

Art. 3

Le vice-président de la Commission supérieure de codification est nommé pour quatre ans par arrêté du Premier ministre.

Les membres du Conseil d'État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes sont désignés par arrêté du Premier ministre pour une durée de quatre ans, sur proposition des institutions qu'ils représentent.

En vue de la désignation et de la présence des membres non permanents, le vice-président sollicite les institutions ou les ministères concernés par le code examiné.

Le rapporteur général et le rapporteur général adjoint sont désignés par arrêté du Premier ministre sur proposition du vice-président.

Art. 4

Les membres de la Commission supérieure de codification peuvent être suppléés par des membres désignés dans les mêmes conditions. Les directeurs d'administration centrale peuvent être suppléés par un haut fonctionnaire ou magistrat placé sous leur autorité et désigné par le ministre.

Art. 5

La commission peut entendre toute personnalité qualifiée par ses travaux antérieurs.

Art. 6

Des rapporteurs particuliers et des personnalités qualifiées pour l'élaboration des codes peuvent être désignés par le vice-président pour participer aux groupes de travail chargés de la codification.

Art. 7

Le secrétariat de la Commission supérieure de codification est assuré par le secrétariat général du Gouvernement.

Art. 8

Dans la limite des crédits ouverts au budget des services du Premier ministre au titre de la Commission supérieure de codification, des indemnités peuvent être allouées dans les conditions fixées aux articles ci-après :

- au vice-président ;

- au rapporteur général et au rapporteur général adjoint ;

- aux rapporteurs particuliers ainsi qu'aux personnalités qualifiées.

Art. 9

Les indemnités allouées au vice-président et au rapporteur général ont un caractère forfaitaire et mensuel. Leur montant est fixé par arrêté conjoint du Premier ministre, du ministre chargé de la fonction publique et des réformes administratives et du ministre chargé du budget.

Le rapporteur général adjoint perçoit l'indemnité prévue pour les rapporteurs particuliers.

Art. 10

Les indemnités allouées aux rapporteurs particuliers ont un caractère forfaitaire et mensuel. Leur montant est fixé par le Premier ministre sur proposition du vice-président dans la limite d'un plafond fixé par arrêté conjoint du Premier ministre, du ministre chargé de la fonction publique et des réformes administratives et du ministre chargé du budget.

Art. 11

Le montant des indemnités allouées aux personnalités qualifiées a un caractère forfaitaire. 11 est fixé par le vice-président dans la limite d'un plafond établi par arrêté conjoint du Premier ministre, du ministre chargé de la fonction publique et des réformes administratives et du ministre chargé du budget. Cette indemnité est payée en deux versements.

Art. 12

Les décrets n° 48-800 du 10 mai 1948 instituant une commission supérieure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires. n° 61-652 du 20 juin 1961 relatif à la composition de la Commission supérieure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires et n° 73-246 du 7 mai 1973 relatif à l'attribution d'indemnités à certains personnels apportant leur concours à la Commission supérieure chargée d'étudier la codification et la simplification des textes législatifs et réglementaires sont abrogés.

ANNEXE 3 - CIRCULAIRE DU 21 NOVEMBRE 1995 RELATIVE A L'EXPÉRIMENTATION DUNE ÉTUDE D'IMPACT ACCOMPAGNANT LES PROJETS DE LOI ET DE DÉCRET EN CONSEIL D'ÉTAT

Circulaire du 21 novembre 1995 relative à l'expérimentation d'une étude d'Impact accompagnant les projets de loi et de décret en Conseil d'État

NOM : PRMX9501182C

Paris, le 21 novembre 1995.

Le Premier ministre à Mesdames et Messieurs les ministres, ministres délégués et secrétaires d'États

Dans ma déclaration de politique générale devant le Paiement, j'ai indiqué qu'une des tâches prioritaires du Gouvernement serait d'endiguer la prolifération des textes législatifs et réglementaires qui rend aujourd'hui le droit obscur, instable et finalement, injuste. J'ai décidé, dans ma circulaire du 26 juillet 1995 relative à la préparation et à la mise en oeuvre de la réforme de l'État et des services publics, d'expérimenter, à compter du 1 er janvier 1996, une véritable étude d'impact accompagnant les projets de loi et les principaux projets de décret.

Cette étude d'impact doit permettre au Parlement, comme au Gouvernement de légiférer et réglementer à bon escient, en les éclairant mieux qu'ils ne le sont actuellement, sur la portée et les incidences des projets qui leur sont soumis. L'objet de la présente circulaire est de définir les modalités de cette expérimentation à laquelle j'attache la plus grande importance.

Elle annule et remplace la circulaire du 27 mai 1993 relative à l'évaluation et à la simplification des formalités administratives.

1. Champ d'application

L'expérimentation se déroulera du 1 er janvier au 31 décembre 1996.

Elle concernera, au cours du premier semestre, l'ensemble des projets de loi, à l'exception des projets de loi de finances. À la fin de cette période, un premier bilan sera dressé par le secrétaire général du Gouvernement et le commissaire à la réforme de l'État afin, si nécessaire, d'en ajustes les modalités.

A compter du 1 er juillet, elle sera étendue à l'ensemble des décrets réglementaires en Conseil d'État. A la fin de l'année 1996, une évaluation globale sera réalisée en vue de son éventuelle généralisation à l'ensemble des projets de loi 2. Contenu de l'étude d'Impact

En dépit des instructions permanentes données par mes prédécesseurs, les exposés des motifs des projets de loi et les rapports de présentation des décrets se bornent le plus souvent à un résume des objectifs généraux poursuivis et à une paraphrase plus ou atouts développée des dispositions contenues dans le corps du texte. Document distinct annexé à l'exposé des motifs ou au rapport de présentation, l'étude d'impact doit, elle, comporter une analyse précise des avantages attendus et des multiples incidences du texte. Toutefois, pourra, chaque fois qu'une évaluation quantitative est techniquement impossible, se limiter à une à une appréciation qualitative. Elle devra comprendre au moins les rubriques suivantes. Chaque rubrique n'appelle évidemment pas des développements identiques d'un texte à l'autre ; dans certains cas, à défaut d'objet une rubrique pourra être renseignée «  néant ».

2.1. Avantages attendus

L'étude d'impact fera ressortir de façon à la fois plus claire et plus concrète que cela n'est fait aujourd'hui dans les exposés des motifs et les rapports de présentation les avantages attendus de l'adoption d'un texte.

Il conv i en t d'abord d'analyser l'état de droit et la situation de fait existants et leurs insuffisances.

Il est nécessaire en second lieu d'apporter la démonstration que le ou les objectifs visés ne peuvent pas être atteints par d'autres votes que rédaction de nouvelles normes juridiques.

Il importe ensuite d'expliciter de la manière la plus concrète possible, et de préférence chiffrée, les bénéfices escomptés de l'adoption des mesures proposées, afin de pouvoir les mettre en balance avec leurs autres incidenc es et de prévoir d'éventuelles mesures compensatoires pour réduire les inconvénients créés.

2.2. Impact sur l'emploi

Les incidences, directes ou indirectes, en matière d'emploi, des dispositions envisagées doivent être évaluées.

Même légère, cette évaluation devra tenir compte notamment des éléments suivants :

- nature des emplois ainsi que catégories de personnes concernés :

- incidences à court et moyen terme sur le marché du travail ;

- effets pour l'emploi du financement des mesures proposées. Dans la majorité des cas, cette évaluation pourra être réalisée à partir de données existantes (analyse des politiques analogues, travaux d'évaluation antérieurs, dires d'experts, bilan de l'application de mesures semblables à l'étranger).

Pour certaines mesures importantes dont l'impact sur l'emploi est complexe, des investigations plus approfondies seront nécessaires. Diverses méthodes pourront être employées (travaux de modélisation économique, analyse de rentabilité socio-économique, enquêtes qualitatives, expérimentations préalables).

Le ministre délégué pour l'emploi pourra être saisi de toute difficulté d'application de ces instructions. A été constitué à cet effet, auprès de lui, un groupe d'experts du Commissariat général du Plan, de la direction de la prévision et de la direction du budget au ministère de l'économie et des finances et de la direction de l'animation, de la recherche et des études statistiques et de la délégation à l'emploi au ministère du travail et des affaires sociales.

2-3. Impact sur d'autres intérêts généraux

L'impact éventuel du projet de texte sur d'autres intérêts généraux (protection de l'environnement, par exemple...) doit faire l'objet d'une appréciation. Celle-ci devra être d'autant plus précise que l'intérêt général en cause est susceptible d'être affecté par le projet.

2.4. Incidences financières

L'étude d'impact doit fane apparaître l'ensemble des incidences financières éventuelles des mesure s proposées dans an cadre pluriannuel.

Leur coût global et leurs mortalités de financement doivent être explicités.

Leur impact sur le budget de l'État de l'année en cours et, le cas échéant, sur ceux des quatre années suivantes, doit être précisé en liaison avec le ministère chargé du budget A partir de ces éléments, ce dernier tiendra à jour une projection budgétaire pluriculturelle.

Les conséquences induites de ces mesures sur les budgets des collectivités territoriales doivent être également explicitées, en précisant si elles se traduiront par des transferts de charges ou la modification de l'équilibre de budgets déjà préparés ou votés.

Enfin, leurs incidences sur les agents économiques, en matière de prix ou de tarifs publics par exemple, doivent tire évaluées.

2.5. Impact en termes de formalités administratives

Évaluer l'impact d'un texte en termes de formalités administratives incombant aux entreprises et aux autres catégories d'usagers constitue un impératif absolu.

L'impact, en termes de formalités, sur les organismes administratifs gestionnaires doit être également mesure.

La commission pour la simplification des formalités (Conform) avait proposé a cet effet la rédaction d'une fiche d'impact, dont le modèle a été joint en annexe à la circulaire du 2 janvier 1993 relative aux règles d'élaboration, de signature et de publication des textes au Journal officiel et à la mise en oeuvre de procédures particulières incombant au Premier ministre. Elle peut toujours servir de guide méthodologique.

2.6. Conséquences en termes de complexité de l'ordonnancement juridique

Conformément aux directives de ma circulaire du 26 juillet 1995 précitée, tout projet de texte doit dorénavant être accompagné de propositions d'abrogation de dispositions au moins équivalentes, en termes de niveau de norme et de volume.

L'étude d'impact doit permettre de s'assurer du respect de ce principe :

- soit en explicitant les dispositions abrogées par le texte :

- soit en démontrant que les dispositions proposées ne constituent que des modifications ou des ajustements et ne c en t donc pas de normes juridiques nouvelles ;

- soit en établissant qu'elles sont la résultante nécessaire de textes communautaires ou d'accords internationaux.

- soit, enfin, en apportant la démonstration que bien qu'elles ajoutent formellement à l'ordonnancement juridique, elles contribuent dans les faits à l'allégement ou à la simplification des obligations pesant sur les citoyens ou les entreprises.

Ce principe étant respecté, il importera de montrer comment la réforme envisagée contribue a la clarification et a la simplification des régies applicables et par là à une meilleure sécurité juridique Dans le cas contraire, il conviendra de justifier la nécessité du surcroît de complexité introduit.

Lorsque le projet de texte comportera des sanctions pénales, la nécessite et la pertinence de celles-ci devront être démontrées. Il conviendra d'établir que l'effectivité des nouvelles règles ne peut être obtenue par d'autres moyens, tels que la mise en oeuvre de la responsabilité pécuniaire, de sanctions civiles, disciplinaires ou administratives ou de mesures incitatives. Le quantum de la peine maximale prévue par le texte devra être justifié par référence à des infractions comparables prévues par le code pénal.

L'étude d'impact devra en outre préciser, lorsque la norme proposée a pour objet de modifier une norme existante, le nombre des modifications dont le texte de base a précédemment fait l'objet.

Dans tous les cas il est souhaitable d'éviter que des modifications multiples d'un texte initial aboutissent à une présentation fragmentée des dispositions en vigueur rendant celles-ci illisibles. De façon générale, une norme nouvelle doit tendre à rendre le droit applicable plus accessible. Dans le cas où des dispositions modificatives multiples s'avéreraient malgré tout nécessaires, un texte consolidé résultant de ces modifications devra être, dans toute la mesure du possible, joint à l'étude d'impact.

Enfin, l'étude d'impact précisera les raisons pour lesquelles le texte est ou non rendu applicable aux départements ou aux territoires d'outre-mer et, en cas d'applicabilité, les conditions de celle-ci (adaptation, respect des procédures commutativité ; etc.). En cas de doute à cet égard, il conviendra que vous vous rapprochez du ministère de l'outre-mer.

2.7. Incidences indirectes et involontaires

Certains textes peuvent avoir des effets autres que ceux qui motivent à titre principal leur adoption.

Ces effets, involontaires ou indirects, peuvent être positifs ou négatifs. Ils doivent être également analysés et, si possible, quantifiés. Il conviendra en particulier d'identifier d'éventuels « effets par vers » et d'indiquer les parades envisagées.

3. Procédure

L'étude d'impact devra faire l'objet d'une fiche annexée à l'ex posé des motifs des projets de loi et aux rapports de présentation des décrets réglementaires en Conseil d'État Lorsqu'un texte comportera des dispositions indépendantes les unes des autres comme les projets de loi portant dispositions diverses, chaque disposition ou chaque ensemble cohérent de dispositions devra faire l'objet d'une étude d'impact et donc d'une fiche séparée.

Elle devra être réalisée en amont de la rédaction de textes, puis accompagner ceux-ci tout au long de leur procédure d'adoption : accord préalable par le cabinet du ministre, concertation avec les autres ministères, examen en réunion interministérielle, saisine des organismes consultatifs et transmission au Conseil d'État. Elle doit également pouvoir être utilisée lors du bilan de l'application d'un texte ou de l'évaluation d'une procédure.

Ainsi, l'étude d'impact fera désormais parue intégrasse du dossier de transmission des textes au Conseil d'État au même titre que les copies des lettres d'accord des ministres intéressés et des comptes rendus des comités ou réunions interministérielles tenu à l'hôtel Matignon ou que les avis des organismes dont la consultation obligatoire.

Le secrétaire général du Gouvernement pourra surseoir à la transmission au Conseil d'État d'un projet de loi ou de décret et à la signature ou à la publication d'un décret lorsque ces règles n'auront pas été respectées. Pour sa part le Conseil d'État pourra ajourner l'examen d'un projet de texte qui en violation de ces règles, ne serait pas accompagné d'une étude d'impact conforme au présentes directives.

Les membres de mon cabinet auront également toute latitude pour ajourner ou reporter une réunion interministérielle consacrée à l'examen d'un texte qui ne serait pas accom p agné d'une étude d'impact conforme aux présentes directives. Toutefois, ils pourront accepter une étude d'impact simplifiée en cas d'urgence, l'argument de l'urgence ne devant évidemment pas être invoqué à seule fin de faire échec aux nouvelles obligations.

L'étude d'impact sera transmise par le ministère responsable du texte au commissariat à la réforme de l'État avant la saisine du secrétariat général du Gouvernement ou du Conseil d'État.

4. Entrée en vigueur

Les règles qui préc é dent s'appliqueront aux projets de loi qui seront adresses au secrétariat général du Gouvernement à compter du I er janvier 1996 et aux projets de décrets réglementaire dont sera saisi le Conseil d'État après le 1 er juillet 1996.

ALAIN JUPPÉ

* (2) Rapport public du Conseil d'État pour 1991

* (3) Contributions réunies par Alain Delcamp, Jean-Louis Bergel et Alain Dupas - Préface de M. René Monory, Président du Sénat - Les études de la Documentation française, 1995.

* (4) Les États-Unis ont été écartés du champ de cette étude en raison du caractère Particulier de leur organisation institutionnelle qui rend toute comparaison peu significative.

* (5) Voir le 45e rapport semestriel (16 septembre 1994 -17 mai 1995)

* (6) Voir à cet égard la circulaire du 23 novembre 1995 qui prévoit que des études d'impact accompagneront désormais les projets de loi.

* (7) Il y a en réalité trois Law Commissions au Royaume-Uni : une en Angleterre et au Pays de Galles, une en Écosse et une en Irlande.

* (8) Les 3 Law Commissions sont compétentes respectivement pour l'Angleterre et le Pays de Galles, l'Ecosse et l'Irlande du Nord.

* (9) A partir d'ici, il n'est plus question que de la Law Commission anglaise.

* (10) La procédure d'élaboration des projets de loi est particulièrement complexe. Un avant-projet est établi par un fonctionnaire ou un expert extérieur à l'administration. Il peut ensuite être soumis à une commission comportant des fonctionnaires, des experts, des représentants des groupes d'intérêt et des partis. Le projet de loi est ensuite transmis aux divers services administratifs concernés avant que ne s'ouvre la procédure de consultation à laquelle cantons, partis politiques, organisations professionnelles et même particuliers peuvent prendre part.

* (11) L'évaluation de la législation provinciale n'est pas analysée ici.

* (12) En Belgique, le terme « projet de loi » s'applique, d'une part, aux projets de loi du gouvernement et, d'autre part, aux propositions de loi votées par l'une des deux Chambres mais qui doivent être adoptées par l'autre. En l'occurrence, il s'agit d'une Proposition de loi d'origine sénatoriale.

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