B. DES MOYENS D'ACTION PARTICULIÈREMENT EFFICACES

Le rôle de la « Fondation du patrimoine » sera davantage de faire faire, en s'appuyant notamment sur le tissu associatif, que de réaliser elle-même. Il importe en effet qu'elle demeure une structure légère et souple, s'éloignant sur ce point du National Trust et de ses 2.700 salariés. Pour autant, il est nécessaire qu'elle puisse intervenir efficacement. C'est la raison pour laquelle le projet de loi vous invite à faire bénéficier la « Fondation du patrimoine » d'un certain nombre de prérogatives exorbitantes du droit commun.

1. Le bénéfice de prérogatives de puissance publique


• L'article 8 du projet de loi vous invite à considérer que la « Fondation du patrimoine », personne morale de droit privé, pourra, dans l'exercice de sa mission de sauvegarde du patrimoine national menacé de destruction, de dégradation ou de dispersion, demander à l'État de recourir, pour son compte et à ses frais, à la mise en oeuvre de prérogatives de puissance publique.

Ces prérogatives sont :

- l'expropriation pour cause d'utilité publique des monuments historiques classés ou en instance de classement prévue par l'article 6 de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques ;

- l'expropriation pour cause d'utilité publique des monuments naturels ou des sites non classés visée par l'article 16 de la loi du 2 mai 1930 ayant pour objet de réorganiser la protection des monuments naturels ou des sites à caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque ;

- la préemption en vente publique des oeuvres d'art 1 ( * ) prévue par les articles 37 et 38 de la loi du 31 décembre 1921 portant fixation du budget général de l'exercice 1922. Dans ce dernier cas, la préemption devrait avoir pour finalité la préservation d'ensembles mobiliers menacés de dispersion, à l'occasion par exemple d'une succession. On pense notamment aux nombreuses ventes aux enchères de mobilier meublant les châteaux ou les demeures historiques, organisées aux fins de régler les droits de succession afférents aux immeubles, et dont la conséquence est de disperser des ensembles ou des collections constitués au fil du temps et présentant, de ce fait même, un intérêt historique ou artistique.

Il va de soi que la mise en oeuvre de telles prérogatives devrait rester, dans la pratique, extrêmement limitée. Elles constituent un instrument de tout dernier recours, et n'ont vocation à être utilisées que lorsque toutes les autres issues ont été explorées sans succès. La vocation de la « Fondation du patrimoine » est d'accompagner préalablement, le plus loin possible, le propriétaire du bien dans l'exercice de sa mission patrimoniale.

L'initiative sera partagée entre l'État (il lui appartiendra alors d'obtenir l'accord de la fondation) et la « Fondation du patrimoine ». On observera cependant, dans cette dernière hypothèse, que l'État conserve une entière liberté d'appréciation quant à la suite à donner à la demande exprimée par la fondation.

Enfin, et comme cela a été rappelé ci-dessus, l'expropriation pour cause d'utilité publique est mise en oeuvre sous le contrôle du juge administratif, qui s'attache notamment à contrôler que les atteintes portées aux intérêts privés ne soient pas de nature et d'importance à remettre en cause l'utilité publique de l'opération concernée.


• La « Fondation du patrimoine » pourra en outre, comme les collectivités publiques qui ont exproprié un bien classé dans les conditions prévues par la loi de 1913, céder de gré à gré le bien acquis à une personne publique ou privée ; votre commission vous proposera de préciser les conditions de ces cessions, afin d'aligner les garanties offertes sur celles prévues, en pareil cas, par la loi de 1913.

2. Des biens culturels jouissant d'une protection exorbitante du droit commun

L'article 5 du projet de loi vous propose de conférer aux biens culturels (immeubles classés ou en instance de classement, monuments ou sites naturels, ensembles mobiliers), acquis par la « Fondation du patrimoine » dans l'exercice de sa mission de sauvetage des éléments ou des ensembles menacés, une protection exorbitante du droit commun. Compte tenu de l'intérêt général qui s'attache à leur préservation, il leur accorde le statut de biens insaisissables.

3. La faculté d'accueillir des comptes de fondation

L'article 9 du projet de loi habilite la « Fondation du patrimoine » à l'effet d'accueillir en son sein des « fondations filiales » dépourvues de la personnalité morale et constituées sous forme de comptes individualisés.

Ce privilège, réservé jusqu'en 1987 à la seule Fondation de France 1 ( * ) , a été plus largement étendu par la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat aux fondations reconnues d'utilité publique agréées à cet effet.

Il permettra à la « Fondation du patrimoine » de répondre favorablement aux demandes formulées en ce sens par des propriétaires ou des associations poursuivant une oeuvre d'intérêt général à but non lucratif qui se rattache à ses missions. On peut citer à titre d'exemple celui du Manoir de Lossutien dans le Finistère pour l'entretien durable duquel son propriétaire s'est vu refuser l'ouverture d'un compte de fondation au sein de la Fondation de France, au motif que l'intérêt général d'un tel projet ne lui paraissait pas avéré. L'on doit reconnaître que la sauvegarde du patrimoine national constitue une préoccupation assez éloignée des champs traditionnels d'intervention de la Fondation de France (actions philanthropiques ou humanitaires).

4. Un mécénat encouragé par l'application des dispositions fiscales réservées aux fondations reconnues d'utilité publique

L'application des dispositions fiscales réservées aux fondations reconnues d'utilité publique devrait favoriser le recueil de dons ou de legs par la « Fondation du patrimoine ».

Les dons des particuliers et des entreprises seront déductibles du revenu imposable dans les conditions définies respectivement par les articles 200 et 238 bis du code général des impôts.

Les donations et les legs que la « Fondation du patrimoine » pourrait être amenée à recevoir bénéficieront de l'exonération des droits de mutation à titre gratuit prévue par l'article 795 du code général des impôts.

* 1 Sont considérées comme oeuvres d'art pour l'application de ces articles : « les curiosités, antiquités, livres anciens et tous objets de collection, de peintures, aquarelles, pastels, dessins, sculptures originales et tapisseries anciennes ».

* 1 La pratique administrative reconnaissant toutefois le même avantage à l'Institut de France.

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