...mais se révèle complexe et difficile à mettre en oeuvre

Le souci de la Commission européenne de faciliter la circulation des demandeurs d'emploi, notamment quand il s'agit du conjoint d'un travailleur muté dans un autre pays, est évidemment louable, de même que ne peut être critiquée au nom du principe de subsidiarité la prise en compte de ce problème à l'échelon européen, car c'est là qu'est organisée au mieux la coordination des régimes de protection sociale.

En revanche, d'un point de vue pratique, la solution proposée ne semble guère réaliste. L'exposé des motifs de la proposition de résolution déposée par M. Jacques Genton le démontre très clairement. Ainsi :

- le contrôleur n'étant pas le payeur, le premier exercera-t-il ses contrôles de la façon la plus adéquate ? Dans la mesure où l'Etat contrôleur n'y a pas d'intérêt direct, on peut malheureusement douter qu'il intervienne avec toute la diligence requise.

- d'un point de vue pratique, comment comparer les régimes en termes de niveau de prestation et de durée, ou comment tenir compte des changements de régime d'indemnisation et des fluctuations monétaires ? Votre rapporteur citera l'exemple de l'allocation unique dégressive française : alors que l'AUD pourrait être plus favorable en début de période, ce qui conduirait à calculer le montant de l'indemnisation sur le régime étranger, en cours de période, en raison de la dégressivité, le niveau d'indemnisation passant en-dessous de celui du régime étranger, ce serait le régime français qui s'appliquerait : on mesure immédiatement la difficulté de mise en oeuvre d'un tel dispositif. Sans compter la charge administrative que cela suppose : relations entre institutions, information réciproque quant aux droits effectivement perçus ou susceptibles de l'être, études juridiques, traduction de textes, attestations aux chômeurs, etc. :

- un autre problème concerne le remboursement de l'Etat qui a servi la prestation par celui qui en a la charge financière : est-on assuré qu'il y aura bien remboursement ? L'expérience montre que ces remboursements sont toujours difficiles et longs à obtenir. On peut dès lors, légitimement, craindre d'obérer un peu plus les finances des régimes. Il n'existe en effet pas toujours de service de compensation ou d'accord de non-remboursement entre la France et les autres pays européens. N'y-a-t-il pas, par ailleurs, de graves risques de contentieux, le pays débiteur reprochant à l'autre de ne pas avoir exercé les contrôles qu'il aurait dû, ou les deux pays n'étant pas d'accord sur l'interprétation à donner aux textes ? Ces difficultés seront multipliées autant de fois que le demandeur d'emploi visitera de pays à la recherche d'un emploi :

- enfin, il est permis de se demander si ce dispositif a une réelle utilité au regard du faible nombre probable de travailleurs concernés. En général, les demandeurs d'emploi se déplacent quand ils disposent d'une offre et rarement, pour des questions de langue et de culture, en vue de prospecter un emploi. Le haut niveau de chômage en Europe (28 millions de demandeurs d'emploi) ne permet guère d'espérer trouver plus facilement un emploi dans un pays plutôt que dans un autre.

Le texte, qui vise à coordonner les régimes d'assurance chômage au profit des « ressortissants communautaires », semble donc d'une mise en oeuvre difficile. Cette analyse est partagée par les services de l'Etat : d'après les informations recueillies par votre rapporteur, le ministère du travail, sans communiquer de position officielle, semble s'orienter vers le rejet.

Cette position paraît en effet, à votre commission, la solution de sagesse.

Il convient cependant de préciser que la proposition de résolution de M. Guy Fischer ne recommande pas le rejet de la proposition de règlement, mais invite le Gouvernement à en négocier l'aménagement. Pour tourner la difficulté liée à la complexité du dispositif, que son auteur reconnaît, elle suggère de conserver la prestation de chômage la plus élevée des deux pays : il y a là, aux yeux de votre commission, un risque grave de susciter des migrations uniquement motivées par le désir de bénéficier du régime le plus favorable, qui, naturellement, ne pourra le rester. Pour cette raison, votre commission s'en est tenue au rejet pur et simple du texte, tel que proposé par la Délégation pour l'Union européenne.

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