II. LA TRANSFÉRABILITÉ DES PRESTATIONS DE PRÉRETRAITE (PROPOSITION E-583)

La seconde proposition de règlement vise à faciliter l'expatriation des anciens travailleurs bénéficiaires d'une prestation de préretraite.

Actuellement, aucun texte européen ne prévoit explicitement les conditions d'une expatriation des droits à une allocation de préretraite. La modification proposée vise donc à introduire les préretraites dans le règlement, ce qui constitue une innovation juridique contestable.

Le dispositif se présente comme une conséquence directe de l'application du principe de libre circulation des travailleurs dans le domaine de la sécurité sociale

La proposition d'acte communautaire E-583, qui reprend les dispositions présentées en 1980, modifie également les deux règlements mentionnés ci-dessus. Elle définit la prestation de préretraite en termes sensiblement identiques à notre législation nationale : condition d'âge et de cessation d'activité (art. premier - 1) : elle précise que le préretraité n'a pas à rester à la disposition des services de l'emploi, ce qui autorise l'exportation de la prestation (art. premier - 2) : elle étend le règlement aux régimes de nature conventionnelle -faute de quoi le dispositif serait sans intérêt puisque les préretraites relèvent le plus souvent d'un dispositif de nature conventionnel (art. premier - 1) : la proposition de règlement prévoit aussi l'application des clauses anti-cumul du nouvel Etat de résidence, le contrôle revenant à ce dernier (art. premier - 3) : elle organise le transfert des droits aux prestations de l'assurance maladie (art. premier - 4) : elle garantit la prise en compte, comme pour les prestations de chômage, de la totalité des périodes d'assurance ou d'emploi (art premier - 6 insérant un article 71 bis dans le règlement) : enfin, elle autorise et organise le transfert des droits aux prestations de préretraite du pays du dernier emploi vers le pays de nouvelle résidence (art premier - 6 insérant un article 71 ter dans le règlement).

Une innovation juridique contestable

Techniquement, ce dispositif n'appelle pas de réticences particulières de la part de la France puisque l'article 6 de l'arrêté du 15 septembre 1987 relatif aux allocations spéciales du Fonds national de l'emploi prévoit déjà la possibilité de continuer à servir les prestations de préretraite aux anciens salariés ayant changé d'Etat de résidence.

En revanche, il pose un grave problème de principe : les préretraites ne relèvent pas de la protection sociale mais de la politique de l'emploi : en effet, les conventions de préretraite visent à libérer des emplois, à éviter des licenciements ou parfois à « redessiner » une pyramide des âges. Or, la politique de l'emploi n'est pas de la compétence communautaire, du moins pas tant que le Traité ne sera pas modifié sur ce point, ce qui ne peut d'ailleurs être totalement exclu. C'est pourquoi les préretraites, financées pour partie par les entreprises utilisatrices, ne relèvent pas d'une logique de prestation d'assurance sociale. Notamment, elle n'ouvre pas un droit dont pourrait automatiquement jouir le salarié qui réunit les conditions requises : en France, elles sont conventionnelles et limitées par le code du travail (art. L. 322-4) aux régions ou aux professions atteintes ou menacées d'un grave déséquilibre de l'emploi : elles n'ont pas de caractère de généralité. Aussi, ne peut-on craindre, si les préretraites entraient dans le droit européen, que, par l'application d'un principe fondamental tel que l'égalité, la Cour de justice ne vienne à transformer les préretraites en une prestation obligatoire qui priverait l'Etat et les partenaires sociaux d'un instrument d'intervention au service de l'emploi ?

Pour ces raisons de principe, votre commission, abondant dans le sens des deux propositions présentement examinées, suggère à son tour de s'opposer à cette proposition de règlement.

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