EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE CIVIL

Le titre premier de la proposition de loi apporte certaines modifications au titre VIII du Livre premier du code civil qui rassemble les dispositions relatives à la filiation adoptive, qu'elle soit plénière (chapitre I) ou simple (chapitre II). Ces aménagements portent essentiellement sur les conditions et les effets de l'adoption.

CHAPITRE PREMIER - ADOPTION PLÉNIÈRE

SECTION 1

Conditions requises pour l'adoption plénière

Article 3 (art. 344 du code civil) - Écart d'âge maximal entre l'adoptant et l'adopté


• L'article 344 du code civil exige que quinze années au moins séparent l'âge du plus jeune des adoptants de celui de l'adopté. Cette différence d'âge minimum est toutefois abaissée à dix ans lorsque les enfants sont ceux du conjoint. En outre, le tribunal peut, « s'il y a de justes motifs » , prononcer l'adoption même lorsque la différence d'âge est inférieure à quinze ou dix ans, selon le cas.


• La proposition de loi adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale ajoutait à ce dispositif un écart d'âge maximal entre l'adoptant et l'adopté qu'elle fixait à 45 ans. Un second paragraphe complétait toutefois le second alinéa de l'article 344 pour ouvrir au tribunal la faculté de déroger, pour justes motifs, à la condition d'écart d'âge maximal.

Cet écart d'âge maximal ne figurait ni dans le rapport remis au Premier ministre ni dans la proposition de loi initiale. Le rapport de la commission spéciale le justifiait par la nécessité de rapprocher le plus possible la famille adoptive de la famille biologique.


• A la demande de votre commission des Lois, le Sénat a supprimé cet article.

Il lui a en effet paru inopportun d'instituer un écart d'âge maximal entre les adoptés et les adoptants, surtout lorsque les premiers ne sont pas des nouveau-nés et qu'il est de leur intérêt de pouvoir être accueillis par des parents plus expérimentés ayant déjà élevé d'autres enfants. Tel est notamment le cas des adoptions successives qu'un délai suffisant doit séparer pour permettre à la famille adoptive de trouver son équilibre ou encore de l'adoption d'enfants dits « à particularités » qui sont plus facilement accueillis par des parents expérimentés, ayant déjà élevé, au moins pour partie, leurs autres enfants.

Votre commission des Lois avait en outre fait valoir que le renvoi à une dérogation judiciaire n'était pas la bonne réponse à ces situations, dans la mesure où le juge n'intervenant qu'en fin de procédure, les services départementaux pourraient hésiter à placer des enfants chez des parents atteints par la limite d'âge en raison de l'incertitude pesant sur leur capacité à adopter.


• En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli son dispositif initial portant toutefois l'écart d'âge de 45 à 50 ans, sans doute pour se rapprocher des conditions biologiques.

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Votre commission des Lois persiste à penser que l'introduction d'un écart d'âge maximal n'est pas opportune et que la stricte assimilation à la famille biologique n'est pas pertinente dans certains cas, l'accueil d'un enfant par des parents un peu plus âgés que ne le sont habituellement les parents biologiques mais capables d'entourer l'enfant d'affection et de préparer son avenir même s'ils n'étaient pas en mesure de l'accompagner jusqu'à un âge avancé étant préférable au maintien dans des structures collectives.

Pour ces motifs, elle vous demande d'adopter un amendement tendant à supprimer une nouvelle fois cet article.

Article 4 (art. 345 du code civil) - Allongement du délai d'adoption plénière d'un enfant âgé de plus de quinze ans


• L'article 345 du code civil prohibe l'adoption plénière de l'enfant âgé de plus de quinze ans sauf s'il a été accueilli avant cet âge au foyer de celui ou de ceux qui souhaitent l'adopter plénièrement et que celui-ci ou ceux-ci ne remplissaient pas les conditions légales pour l'adopter ou s'il(s) avai(en)t procédé à une adoption simple avant cet âge.


• La proposition de loi adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale apportait deux modifications à ce dispositif :

- le paragraphe I modifiait la dénomination de l'adoption simple pour la transformer en adoption « complétive » ;

- le paragraphe II prorogeait de deux ans après la majorité la période pendant laquelle l'enfant accueilli avant l'âge de 15 ans par des personnes n'ayant pu l'adopter, faute de remplir les conditions légales pour ce faire, ou ayant procédé à son adoption simple, peut faire l'objet d'une adoption plénière.


Le Sénat a supprimé cet article en première lecture.

Il lui est en effet apparu que l'appellation d'adoption « complétive » n'apporterait rien à l'adoption aujourd'hui dite simple et que ce qualitatif, laissait en outre croire qu'une filiation serait incomplète dès lors qu'il n'y aurait pas d'adoption complétive ; or l'adoption simple vient s'ajouter à la filiation originelle et non la compléter.

Quant à proroger jusqu'à 20 ans l'âge auquel il est possible de procéder à une adoption plénière si l'enfant a été accueilli depuis l'âge de 15 ans ou a fait l'objet d'une adoption simple, le Sénat a estimé qu'il n'était pas souhaitable d'y souscrire, l'adoption simple constituant le cadre le plus approprié pour des jeunes âgés de plus de 18 ans.


• En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli l'article, le rapporteur de la commission spéciale insistant sur le caractère péjoratif du qualificatif « simple » et estimant que la valorisation de cette forme d'adoption passait nécessairement par un changement de dénomination.

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Votre commission des Lois n'a pas été convaincue par le changement terminologique proposé, d'autant que celui-ci ne s'accompagne pas d'une revalorisation effective de l'adoption simple ; bien plus, et ainsi que le montre notamment le second paragraphe du présent article, les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale encouragent à l'adoption plénière, qu'il s'agisse de l'enfant âgé de plus de 18 ans ou des enfants du conjoint.

Elle vous propose en conséquence une nouvelle fois de ne pas retenir sur ce point les propositions de l'Assemblée nationale et de conserver à l'adoption simple sa dénomination actuelle qui ne paraît pas soulever dans la pratique les difficultés évoquées en séance publique par le rapporteur de l'Assemblée nationale.

Pour les mêmes motifs, elle vous propose de ne pas proroger le délai d'adoption plénière au-delà de 18 ans.

En conséquence, elle vous propose d'adopter un amendement tendant à une nouvelle fois à supprimer cet article.

Article 5 (art. 345-1 du code civil) - Atténuation des restrictions à l'adoption plénière de l'enfant du conjoint


• Depuis la loi du 8 janvier 1993 relative à la famille et aux droits de l'enfant et dans le souci de préserver les liens avec la famille du parent décédé, l'article 345-1 du code civil n'autorise l'adoption plénière de l'enfant du conjoint que lorsque cet enfant n'a de filiation légalement établie qu'à l'égard de ce conjoint.


• La proposition de loi adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale complétait cette exception en y ajoutant le cas dans du parent décédé qui n'a laissé aucun ascendant au premier degré ou dont les ascendants au premier degré se sont manifestement désintéressés de l'enfant.


• Votre commission des Lois ayant fait observer que la notion de désintérêt manifeste appliquée grands-parents n'était pas d'un usage aisé et qu'eu égard au rôle des intéressés, il convenait d'éviter toute confusion avec le désintérêt manifeste des parents, le Sénat avait modifié ce dispositif pour n'ouvrir au conjoint la faculté d'adopter plénièrement l'enfant de son conjoint en cas de décès l'autre parent qu'en l'absence d'ascendant dans cette branche de la filiation de l'enfant.

Quant à la mention du caractère exceptionnel d'une telle mesure, elle lui avait substitué celle des « justes motifs » , déjà utilisée dans le code civil.


• En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a procédé à une nouvelle rédaction de l'ensemble de l'article 345 du code civil qui rétablit la faculté qu'elle avait introduite en première lecture, sans tenir compte des limites que le Sénat avait souhaité y apporter, et la complète par un nouveau cas d'adoption plénière par le conjoint : le retrait total de l'autorité parentale à l'autre parent.

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Après avoir rappelé qu'il s'agit de situations limites dans lesquelles le juge veillera à l'opportunité de rompre les liens avec la famille du parent déchu, votre commission des Lois vous propose de retenir le nouveau cas d'ouverture introduit en deuxième lecture par l'Assemblée nationale.

S'agissant de la situation dans laquelle le parent est décédé, elle vous demande d'adopter à nouveau un amendement tendant à limiter la faculté de prononcer une adoption plénière au seul cas dans lequel ce parent n'a laissé aucun ascendant. Elle estime en effet que le décès d'un parent ne doit normalement pas être une cause de rupture des liens familiaux dont l'enfant a sans doute tout spécialement besoin en pareilles circonstances. Elle relève par ailleurs que le critère proposé par l'Assemblée nationale, -le « désintérêt manifeste » des ascendants du parent décédé-, n'est pas d'une portée claire s'agissant de grands-parents et non de parents.

Article 6 bis (art. 348 du code civil) - Consentement à l'adoption avec secret de l'identité des parents


• Cet article a été introduit en première lecture par le Sénat pour faire figurer dans le code civil, à l'article 348, une disposition reprise de l'article 30 de la proposition de loi précisant que lorsque l'enfant est âgé de moins d'un an lors du consentement à l'adoption, ses père et mère peuvent demander le secret de leur identité et que, dans ce cas, ils ont la faculté de donner des informations relatives à l'enfant et à eux-mêmes dès lors qu'elles ne permettent pas de les identifier.


• L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition car, précise le rapport écrit de sa commission spéciale, « il lui a paru inutile de transposer dans le code civil les dispositions introduites par l'article 30 de la proposition de loi dans le code de la famille et de l'aide sociale » .

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Votre commission des Lois avait estimé souhaitable de solenniser cette disposition dans le code civil qui définit le statut de l'adopté.

Toutefois, dans la mesure où l'Assemblée nationale, qui est l'auteur de ces dispositions, ne partage pas ce point de vue, elle vous propose de ne pas rétablir cet article.

Article 7 (art. 348-3 du code civil) - Réduction du délai de rétractation du consentement à l'adoption


• Aux termes de l'article 348-3 du code civil, le consentement à l'adoption peut être rétracté pendant trois mois.


• La proposition de loi initialement adoptée par l'Assemblée nationale réduisait ce délai à six semaines au motif qu'il est préférable pour l'enfant d'être accueilli le plus rapidement possible dans sa nouvelle famille.

M. Jean-François Mattéi, auteur et rapporteur de la proposition de loi, avait en outre fait observer que, dans la pratique, la rétraction intervenant dans les premiers jours du délai ou, plus rarement, dans les derniers jours, il était possible de réduire celui-ci sans toutefois le fixer en-dessous de six semaines afin de laisser à la mère le temps de surmonter « une éventuelle dépression post partum au moment où elle prend sa décision » .


• Le Sénat avait préféré en rester au délai actuel de trois mois.

Votre commission des Lois avait estimé que le souci de maintenir le moins longtemps possible l'enfant dans des structures d'accueil collectives pouvait justifier une réduction de ce délai à deux mois mais elle avait également insisté sur la nécessité de laisser à la mère un délai suffisant pour rétracter sa décision d'abandon à un moment où son état de santé tout comme ses conditions matérielles d'existence peuvent être précaires et l'empêcher de prendre une décision en toute maîtrise d'elle-même et de sa situation.

Elle avait en outre relevé que l'enquête conduite auprès des départements par le groupe de travail sur l'accès des pupilles et anciens pupilles de l'État, adoptés ou non, à leurs origines, montrait que pour 242 reprises d'enfants en 1994 (pour la moitié des départements), les trois cinquièmes avaient eu lieu dans le premier mois, un cinquième dans le deuxième et un cinquième au cours du troisième.


• En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, sensible au souci du Sénat de ménager à la mère un temps de réflexion d'une durée suffisante, a fixé le délai de rétractation à deux mois.

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Votre commission des Lois estime que le délai actuel constitue un point d'équilibre qu'il est préférable de ne pas modifier. Elle vous propose en conséquence de réitérer votre vote de première lecture en adoptant un amendement tendant à supprimer cet article.

Article 10 (art. 350 du code civil) - Déclaration judiciaire d'abandon


• A l'article 350 du code civil, qui précise les cas dans lesquels peut être prononcée une déclaration judiciaire d'abandon, la proposition de loi initialement adoptée par l'Assemblée nationale s'était limitée à substituer le terme d'établissement à celui, désuet, d'oeuvre privée.


• A l'initiative de MM. Jean Chérioux et Lucien Neuwirth, le Sénat a modifié le premier alinéa de l'article 350 pour faire obligation au juge de déclarer l'abandon de l'enfant dont les parents se sont manifestement désintéressés pendant l'année précédant l'introduction de la demande en déclaration d'abandon, sauf si les parents sont en situation de « grande détresse » ou si, conformément au quatrième alinéa de l'article 350, un membre de la famille se déclare prêt à assumer la charge de l'enfant.

Cette nouvelle rédaction était destinée à mettre l'accent sur le fait qu'il est de l'intérêt de l'enfant que la déclaration d'abandon soit prononcée sans trop attendre ; il devient ainsi adoptable et peut espérer trouver une nouvelle famille plutôt que de rester dans des structures d'accueil collectives. On observera par ailleurs que le juge n'est pas privé de son pouvoir d'appréciation dans la mesure où il peut refuser la déclaration s'il estime qu'il n'y a pas désintérêt manifeste ou si les parents sont dans une situation de grande détresse.


• L'Assemblée nationale a rétabli son texte de première lecture de façon, précise son rapporteur, « à n'obliger le juge en aucun cas à prononcer l'abandon » .

Il lui a par ailleurs semblé que la notion nouvelle de grande détresse risquait d'être affaiblie si le juge en faisait systématiquement usage dans les cas où il estime que l'intérêt de l'enfant commande que les liens de filiation ne soient pas rompus.

Enfin, le rapporteur de l'Assemblée nationale a fait valoir que les enfants dont les parents sont effectivement dans une situation de grande détresse risquaient, pour ce motif, ne pas pouvoir bénéficier d'une déclaration judiciaire d'abandon alors que leur intérêt serait d'être accueillis dans une nouvelle famille, leurs parents par le sang s'étant manifestement désintéressés d'eux.

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Votre commission des Lois vous propose de laisser aux auteurs de l'amendement adopté en première lecture l e soin d'apprécier s'il est ou non opportun de le reprendre après en avoir éliminé les ambiguïtés relevées par l'Assemblée nationale.

SECTION 2

Placement en vue de l'adoption plénière
et du jugement d'adoption plénière

Article 11 (art. 351 du code civil) - Réduction du délai pendant lequel il ne peut y avoir de placement en vue de l'adoption d'un enfant dont la filiation n'est pas établie

L'article 351 du code civil interdit, pendant un délai de trois mois à compter de son recueil, le placement en vue de l'adoption d'un enfant dont la filiation n'est pas établie.

Comme elle l'avait fait en matière de rétractation du consentement à l'adoption, la proposition de loi adoptée initialement par l'Assemblée nationale réduisait ce délai à six semaines.

Pour les motifs énoncés à l'occasion de l'examen de l'article 7, le Sénat a souhaité maintenir le délai actuel de trois mois.

En deuxième lecture et par coordination avec le délai de rétraction qu'elle a fixé à deux mois, l'Assemblée nationale a réduit le délai avant placement à deux mois.

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Votre commission des Lois vous propose d'adopter par coordination un amendement tendant à supprimer cet article afin de conserver le délai actuel de trois mois.

Article 13 (art. 353 du code civil) - Adoption post mortem


• Le troisième alinéa de l'article 353 du code civil prévoit que si l'adoptant décède après avoir régulièrement accueilli l'enfant en vue de son adoption, la requête tendant à l'adoption simple ou plénière peut être présentée en son nom par son conjoint survivant ou l'un de ses héritiers, et l'adoption prononcée. En revanche, dans le cas où c'est l'enfant qui décède avant le dépôt de la requête en adoption, celle-ci ne peut être introduite.


• L'Assemblée nationale a estimé que l'adoption devait être possible dans ce dernier cas, dès lors que l'enfant a été accueilli au foyer des adoptants. Elle a donc complété en ce sens l'article 353.


• Le Sénat a retenu la possibilité d'une adoption post mortem de l'enfant décédé mais en modifiant la rédaction de l'article pour préciser que le jugement d'adoption « produit ses effets » (et non pas « est réputé rendu ») le jour précédant le décès.


• En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a apporté une modification rédactionnelle.

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Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 14 (art. 353-1 et 353-2 du code civil) - Prise en compte de l'agrément administratif par le tribunal prononçant le jugement d'adoption


• L'Assemblée nationale a souhaité introduire une disposition nouvelle dans le code civil, substituée à l'actuel article 353-1 qui devrait en conséquence devenir un article 353-2, pour faire obligation au juge qui prononce le jugement d'adoption de vérifier préalablement que les adoptants ont obtenu l'agrément exigé par le code de la famille et de l'aide sociale.

Afin toutefois de respecter l ' imperium du juge et donc de ne pas subordonner complètement sa décision à l'existence d'une décision administrative, le second alinéa du nouvel article 353-1 prévoit que si l'agrément a été refusé ou s'il n'a pas été délivré dans le délai prévu par le code de la famille et de l'aide sociale, le tribunal peut prononcer l'adoption « à titre exceptionnel, s'il estime que les requérants sont aptes à accueillir l'enfant et que celle-ci est conforme à son intérêt » .


• Le Sénat, a adopté ce dispositif en première lecture après avoir supprimé le caractère exceptionnel de l'exercice de son pouvoir d'appréciation par le juge.


• En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rectifié une référence au code de la famille et de l'aide sociale après avoir souscrit à la suppression du caractère exceptionnel de l'exercice de son pouvoir d'appréciation par le juge, admettant ainsi, à la suite des observations tant du Garde des sceaux que de votre commission des Lois, que les deux procédures, -administrative pour l'agrément et judiciaire pour le jugement d'adoption-, ont chacune leur vocation propre, même si elle doivent être coordonnées afin de s'assurer par avance de la qualité des familles qui accueillent des enfants en vue de les adopter.

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Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sous réserve d'un amendement supprimant les références au code de la famille et de l'aide sociale pour le moins inhabituelles dans le code civil.

SECTION 3

Effets de l'adoption plénière

Article 15 (art. 359-1 du code civil) - Règle de conflit de lois en matière d'adoption plénière


• Vivement combattu par le Gouvernement tant en première qu'en deuxième lecture, cet article introduit un article 359-1 dans le code civil pour poser une règle de conflit de lois en matière d'adoption, notamment lorsque le pays d'origine de l'enfant ne connaît pas l'adoption.

Il est présenté par la commission spéciale de l'Assemblée nationale comme la consécration dans la loi de la jurisprudence de la Cour de cassation résultant, dans sa dernière évolution, d'un arrêt de la première chambre civile. en date du 10 mai 1995, aux termes duquel les « époux français peuvent procéder à l'adoption d'un enfant dont la loi personnelle ne connaît pas, ou prohibe, cette institution, à la condition qu `indépendamment des dispositions de cette loi, le représentant du mineur ait donné son consentement en pleine connaissance des effets attachés par la loi française à l'adoption et, en particulier, dans le cas d'adoption en forme plénière, du caractère complet et irrévocable de la rupture des liens entre le mineur et sa famille par le sang ou les autorités de tutelle de son pays d'origine » .

Le premier alinéa de l'article 359-1 attache à l'adoption régulièrement prononcée dans le pays d'origine de l'adopté les effets prévus par la loi française lorsque l'adoptant est de nationalité française ou réside habituellement en France.

Le deuxième alinéa reprend le principe du consentement en pleine connaissance des effets de l'adoption sur le lien de filiation, énoncé par l'arrêt de la Cour de cassation pour attacher les effets d'une adoption plénière à un jugement d'adoption étranger.

Quant au troisième alinéa, il confère à la loi française un effet plein et entier (conditions et effets de l'adoption) lorsque le pays d'origine de l'enfant n'a pas de législation sur l'adoption.

La commission spéciale justifie ce dispositif par le souci de régler le statut juridique des enfants nés dans des pays qui ignorent ou prohibent l'adoption et qui, de ce fait, n'ont pas signé la convention de La Haye. Or, le rapport remis au Premier ministre par M. Jean-François Mattéi, estime qu'en 1994, près des trois quarts des 2 414 enfants entrés en France pour être adoptés venaient de pays non signataires de la convention de La Haye et dont la loi nationale ignorait ou prohibait l'adoption.


• Le Gouvernement a vivement combattu cet article, notamment son dernier alinéa, en estimant qu'il conduirait à conférer à l'enfant étranger adopté un « statut boiteux » : celui que lui accorde la loi française et celui que lui donne la loi de son État d'origine.

Le Garde des sceaux a par ailleurs craint qu'il favorise « les réseaux ou organisations illicites de pourvoyeurs d'enfants au mépris des dispositions législatives des pays concernés » .

Enfin, il a estimé que si la législation française comportait une telle disposition, elle serait « dans une situation délicate » au regard de la convention de La Haye qu'elle s'apprêtait à ratifier.

En conclusion, le Garde des sceaux a fait valoir que la jurisprudence de la Cour de cassation permettait de résoudre, en pratique, les cas dans lesquels le pays d'origine prohibe l'adoption.


Le Sénat, à la demande de sa commission des Lois et du Gouvernement, a supprimé cette disposition.

Votre commission des Lois avait en effet rappelé que les adoptions prononcées à l'étranger étaient reconnues de plein droit en France, et donc sans qu'il soit besoin de le préciser, avec les effets s'y attachant en vertu de leur contenu propre et de la législation nationale qu'elles mettent en oeuvre.

Elle avait ensuite rappelé que le droit national de l'enfant prévalant, la situation particulière des adoptants étrangers résidant régulièrement en France n'avait pas à être mentionnée.

Elle avait ensuite précisé que la Cour de cassation acceptait d'attacher aux adoptions prononcées à l'étranger les effets d'une adoption plénière dès lors que le représentant légal de l'enfant avait donné son consentement éclairé à de tels effets (rupture complète des liens de sang notamment), autrement dit que l'absence d'adoption plénière dans le droit national de l'enfant pouvait être surmontée sous certaines conditions précises de consentement du représentant légal de l'enfant, la loi française étendant alors ses effets sur l'enfant étranger.

Enfin, elle observait, s'agissant d'enfants dont le statut personnel prohibe l'adoption, que la Cour de cassation admettait qu'en l'absence de filiation connue, leur adoption plénière puisse être prononcée en France dès lors que le représentant légal de l'enfant avait donné son accord en pleine connaissance des effets s'attachant à ce consentement.

La jurisprudence permet donc de résoudre, pour l'essentiel, les difficultés rencontrées par le passé, dès lors que la sortie de l'enfant de son territoire d'origine et son entrée sur le territoire français se sont effectuées dans des conditions de parfaite légalité et que le consentement du représentant légal aux effets de l'adoption a été recueilli.

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Votre commission des Lois vous demande de confirmer votre vote de première lecture et donc d'adopter un amendement tendant à supprimer une nouvelle fois cet article.

L'introduction dans le code civil du dispositif proposé par l'Assemblée nationale met entre parenthèses le statut personnel de l'adopté et contrevient, ce faisant, aux principes du droit international privé et aux articles 20 et 21 de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant.

Il est également en contradiction directe avec la convention de La Haye, que la France s'apprête à ratifier, dont l'article 4 précise que les adoptions visées par la convention « ne peuvent avoir lieu que si les autorités compétentes de l'État d'origine ont établi que l'enfant est adoptable ». Le fait, invoqué en deuxième lecture par le rapporteur de l'Assemblée nationale, que cette convention ne soit pas signée par les pays qui ignorent ou prohibent l'adoption ne peut emporter la conviction.

Enfin, votre commission des Lois demeure persuadée que le texte adopté par l'Assemblée nationale risque, par l'effet d'annonce qu'il comporte, de favoriser le développement de « filières » d'enfants alors que celles-ci doivent impérativement être combattues.

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