Rapport n° 427 (1995-1996) de M. Xavier de VILLEPIN , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 12 juin 1996

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N° 427

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 12 juin 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002,

Par M. Xavier de VILLEPIN,

Sénateur.

.

(1) Cette commission est composée de : MM . Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle. Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique Ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Gérard Gaud, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet, Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, Guy Robert, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ.) 2766, 2827, 2826 et T.A. 549.

Sénat : 415 (1995-1996).

Défense

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de programmation militaire pour les années 1997 à 2002 qui nous est proposé est d'une importance exceptionnelle.

Il se situe, formellement, dans la continuité des huit lois de programmation qui se sont succédé depuis le début des années 1960. Comme les précédentes qui n'y sont pas toujours parvenues, la présente programmation s'efforce de donner aux armées et aux industriels de l'armement la "lisibilité" à moyen terme qui leur est indispensable et fixe l'enveloppe financière retenue pour les six prochaines années : 185 milliards de francs constants, exprimés en francs 1995, à hauteur de 99 milliards pour le titre III et de 86 milliards pour les titres V et VI.

Mais, ne nous y trompons pas, l'ampleur, l'ambition et, dès lors, l'importance de cette nouvelle programmation militaire sont d'une toute autre nature. Elle constitue en effet la traduction législative principale de la réforme d'ensemble, complète et profonde, de notre appareil de défense dont le Président de la République a tracé les contours les 22 et 23 février dernier et précisé les modalités, en ce qui concerne le service national, le 28 mai.

Il ne s'agit, certes, que d'une première étape en vue de la réalisation du modèle d'armée à l'horizon 2015 que le gouvernement a présenté au Sénat lors du débat d'orientation du 26 mars dernier et dont la mise en oeuvre intégrale devra s'étendre, dans certains domaines, sur les deux programmations suivantes.

Mais cette première programmation est naturellement décisive pour la réussite de l'adaptation entreprise de notre défense aux besoins du XXIe siècle. Ce projet de loi constitue l'aboutissement des réflexions conduites depuis juillet 1995 au sein du Comité stratégique et qui ont donné lieu à six réunions successives du Conseil de défense.

Il engage une mutation de notre défense aussi importante que celle qui marqua, il y a plus de trente ans, les débuts de la Ve République sous l'impulsion du général de Gaulle. Il s'agit, cette fois, d'adapter notre appareil de défense au monde de l'après-guerre froide.

Au terme de la période de six ans couverte par le projet de loi, notre défense devra être modifiée en profondeur par trois évolutions majeures :

- l'achèvement de la professionnalisation de nos forces qui se traduira par la mise en place d'un nouveau format de nos armées et par la suppression du service national sous sa forme actuelle, à dominante militaire,

- la poursuite, dans un contexte budgétaire très contraignant mais dans une perspective européenne réaffirmée, de la modernisation des équipements militaires qui se traduira, malgré les reports ou décalages obligés, par la mise en service progressive de multiples matériels de nouvelle génération qui arrivent aujourd'hui à maturité,

- enfin, la réorganisation de notre industrie de défense autour de pôles industriels forts, prenant là aussi pleinement en compte la dimension européenne indispensable, afin d'améliorer leur compétitivité dans un contexte de concurrence internationale exacerbée et au prix d'un effort généralisé et systématique de réduction du coût des programmes.

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Cette réforme structurelle de notre appareil de défense vise fondamentalement à adapter notre défense à l'évolution des menaces et des risques auxquels notre pays doit désormais faire face depuis la chute du mur de Berlin et l'effondrement du bloc soviétique.

Sans se livrer une nouvelle fois ici à l'examen détaillé des bouleversements internationaux intervenus depuis 1989 et de leurs conséquences, que notre commission a analysées à de nombreuses reprises (cf notamment les rapports n° 303, 1990-1991, sur les enseignements militaires de la guerre du Golfe, n° 489, 1993-1994, sur la programmation militaire pour les années 1995 à 2000, et tout récemment n° 349, 1995-1996, sur l'avenir du service national), deux séries d'observations doivent être ici réitérées.

- Il convient d'abord de rappeler l'évolution fondamentale des menaces et des besoins de sécurité qui caractérisent l'après-guerre froide, et dont tous les pays occidentaux ont d'ailleurs déjà tiré les leçons.

L'effondrement de l'Union soviétique et la disparition du pacte de Varsovie ont éloigné, voire effacé, la menace majeure, massive, mais clairement identifiée et quasi-exclusive en fonction de laquelle s'est organisé tout notre effort de défense pendant plus de quarante ans. La chute du rideau de fer et la disparition de la politique des blocs ont rendu caduque cette vision de notre défense axée contre la menace soviétique. La France ne connaît plus aujourd'hui de menace militaire permanente et directe à proximité immédiate de ses frontières.

Mais, dans le même temps, des risques multiples et diffus, des menaces moins prévisibles mais réelles sont apparus et ont, d'une certaine manière, été libérés par la fin de la guerre froide. C'est ainsi que de très nombreuses crises locales ou régionales se sont produites au cours des cinq dernières années -depuis la guerre du Golfe jusqu'au dramatique conflit de l'ex-Yougoslavie, sur le continent européen lui-même, en passant par de nombreuses crises pour le règlement desquelles nos forces ont été directement sollicitées (Cambodge, Somalie, Rwanda...).

Plus généralement, le contexte géostratégique de l'après-guerre froide, bien que radicalement transformé, demeure dangereux et imprévisible et les risques d'atteinte à la stabilité internationale, voire à notre sécurité, sont à la fois nombreux et diversifiés :

- à l'Est de l'Europe, subsistent des arsenaux militaires -et notamment nucléaires- surdimensionnés dont le contrôle, voire une remontée en puissance à terme -qui exigerait toutefois beaucoup de temps et d'argent, quelle que soit la volonté politique affichée-, demeure une source de préoccupation d'autant plus forte que l'avenir politique des pays concernés est incertain ;

- en Europe même, la paix demeure fragile, ainsi que l'illustre la situation qui prévaut dans l'ex-Yougoslavie -où nos forces sont constamment présentes depuis plusieurs années- ; d'autres tensions potentielles (désaccords frontaliers, statut des minorités, rivalités ethniques ...) existent et peuvent donner naissance à de nouveaux conflits si les crises ne sont pas maîtrisées à temps ;

- hors d'Europe, les ambitions régionales et la prolifération des armements de destruction massive (nucléaires, mais aussi chimiques, bactériologiques et balistiques) peuvent être sources d'instabilité ou de conflits ; c'est particulièrement le cas : dans l'"arc de crise" qui va du Maroc à l'Océan Indien dans le contexte d'instabilité du Moyen-Orient et du monde méditerranéen ; en Afrique subsaharienne -où l'histoire nous a légué des responsabilités particulières ; et en Asie , vers laquelle tend à se déplacer le centre de gravité du monde mais qui reste lourde de graves tensions ;

- nous devons enfin prendre aujourd'hui en compte une série de "risques périphériques" qui, s'ils ne s'exercent pas dans le cadre des rapports traditionnels entre États, sont de nature à déstabiliser nos sociétés ; c'est bien sûr le cas des activités terroristes ou de certains mouvements nationalistes ; il peut en aller de même des mafias organisées ou des trafics divers, à commencer par les trafics d'armes ou de stupéfiants.

- Ainsi, le contexte actuel de "pause stratégique" doit-il être mis rapidement à profit, tout en gardant la vigilance indispensable, pour adapter notre défense aux défis du XXIe siècle. Ces menaces multiples dans un monde devenu très instable conservent sa valeur à la dissuasion nucléaire -qui demeure la garantie contre toute menace contre nos intérêts vitaux, même si l'environnement international actuel et prévisible permet d'en redéfinir la posture-, tandis que la protection du territoire et de la population reste naturellement une mission permanente de nos forces armées -particulièrement pour faire face au terrorisme ou à la grande criminalité. Mais les risques présents imposent surtout -c'est la deuxième observation- un effort particulier et des capacités supplémentaires de notre appareil de défense dans deux directions : la prévention et la projection.

La prévention doit permettre d'éviter l'apparition de menaces importantes, susceptibles d'affecter nos intérêts et notre sécurité, et de parer à l'émergence de crises ou de permettre de les gérer au plus bas niveau possible. Elle repose sur le prépositionnement de forces et la coopération. Mais elle suppose surtout le renforcement de nos capacités de renseignement, qu'il soit humain ou d'origine spatiale.

La projection de forces dans des conflits géographiquement limités doit pour sa part permettre de répondre à des préoccupations politiques, morales ou humanitaires, mais aussi et surtout sécuritaires, pour éviter l'extension d'un conflit qui pourrait affecter nos intérêts. La projection est d'abord consacrée à la défense de l'Europe, conjointement avec nos alliés, mais se jouera surtout à distance de nos frontières. Elle doit également permettre d'engager nos forces dans la résolution de crises, en des lieux qui seront souvent éloignés de notre territoire.

La nécessité de disposer ainsi, dans des délais très brefs, de forces immédiatement disponibles et opérationnelles pour remplir des missions extrêmement variées, les difficultés rencontrées à cet égard au cours des dernières années -depuis la guerre du Golfe-, les cadres alliés et internationaux d'engagement de nos forces -qui exigent une très grande faculté d'adaptation-, et la formation longue et coûteuse qu'exige aujourd'hui l'évolution des systèmes d'armes de plus en plus sophistiqués sont les raisons principales qui plaidaient et qui justifient la décision majeure, prônée par le Chef de l'État et que traduit le présent projet de loi, de conduire jusqu'à son terme la professionnalisation de nos forces.

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Toutes ces données soulignent, aux yeux de votre rapporteur, à la fois l'ambition et l'importance majeure du présent projet de loi de programmation, d'autant plus nécessaire qu'après la programmation avortée de 1992, le "décrochage" est devenu définitif entre les objectifs de la programmation votée il y a deux ans et la réalité des budgets militaires pour 1995 et 1996, et d'autant plus difficile qu'elle s'inscrit, dans le cadre actuel des finances publiques, dans un contexte budgétaire extrêmement contraignant.

Le présent rapport envisagera successivement :

- les caractéristiques majeures de la programmation proposée qui est, fondamentalement, une programmation de réforme (première partie),

- ses incidences sur les effectifs et personnels de la défense et sur les crédits de fonctionnement dans le cadre du processus de transition vers la professionnalisation (deuxième partie),

- ses conséquences sur la modernisation des équipements de nos forces, qu'il s'agisse des forces nucléaires ou des moyens de chacune des trois armées ou de la gendarmerie (troisième partie),

- et son influence sur l'industrie de défense dont la restructuration doit s'accélérer, dans une perspective européenne, pour faire face à la crise actuelle (quatrième partie).

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PREMIÈRE PARTIE : UNE PROGRAMMATION DE RÉFORME

A. LA PROGRAMMATION NÉCESSAIRE D'UNE RÉFORME GLOBALE

La prochaine programmation militaire est d'autant plus importante et nécessaire qu'il s'agit d'une véritable programmation de réforme et qu'elle s'inscrit dans le cadre d'une adaptation globale de notre appareil de défense et d'un exercice de planification à long terme qui tire toutes les conséquences des bouleversements stratégiques récents et doit déboucher sur un modèle d'armée totalement rénové à l'horizon 2015.

1. Un exercice de programmation indispensable et urgent

L'élaboration et le vote, dès la présente session, d'une nouvelle loi de programmation n'allait pas nécessairement de soi, compte tenu à la fois de l'existence de la loi votée en 1994 qui ne prévoyait sa mise à jour -indispensable- qu'en 1997 et des réformes profondes annoncées par le Chef de l'État dont les conclusions législatives au plan du service national n'ont pas été encore tirées.

Un tel exercice de programmation apparaît cependant à votre rapporteur très opportun et urgent.

a) La pertinence des programmations militaires : un principe qui demeure valide

Les dérives qui ont affecté l'exécution des dernières lois de programmation ne doivent pas occulter le maintien de la validité et de la pertinence du principe d'une programmation militaire.

- L'objectif demeure nécessaire à la cohérence de notre politique de défense. La raison d'être de la programmation des crédits militaires reste de donner aux armées et aux industriels de la défense la lisibilité de l'avenir dont ils ont besoin. Une telle prévision permet à la fois : d'inscrire les décisions d'investissement et d'emploi dans un cadre pluriannuel, d'adapter les plans de charge aux commandes budgétaires, et de gérer la recherche-développement sur le moyen terme. A contrario, l'incertitude liée à l'absence de toute programmation favorise à la fois la mauvaise utilisation des deniers publics et le recours aux crédits militaires comme moyen de régulation conjoncturelle des dépenses publiques.

- Les méthodes de programmation, malgré leurs insuffisances et leur nécessaire amélioration, conservent également leur validité. Le jugement sceptique justifié par l'application incomplète des lois de programmation précédentes ne doit pas dissimuler le fait que, sur la longue période, les crédits d'équipement militaire suivent tendanciellement les montants définis par les lois de programmation et ont crû plus rapidement, au cours des dernières décennies, que les crédits d'équipement civils.

Le tableau ci-joint illustre cette efficacité relative des lois de programmation militaire depuis vingt ans et souligne que le taux moyen de réalisation des lois de programmation dans les lois de finances initiales successives a été, de 1977 à 1996, supérieur à 95 %.

C'est dire que le principe de la programmation militaire ne doit pas être condamné. C'est souligner aussi que les annulations en cours d'année constituent l'origine principale du déficit d'exécution des lois de programmation. C'est donc sur ce point que l'effort devra être principalement porté au cours des prochaines années.

MONTANT DES DOTATIONS ANNUELLES DE CREDITS

INSCRITS SUR LES TITRES V ET VI EN LOIS

OU PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION

ET DES CREDITS OUVERTS EN LOIS DE FINANCES INITIALES

Années

Crédits prévus par les lois

de programmation

MF 96

Crédits ouverts en LFI

MF 96

Taux de

réalisation

Taux moyen

1977

67 653,44

67 328,25

99,52 %

1978

73 302,49

72 979,68

99,56 %

1979

80 560,74

77 748,57

96,51 %

1980

89 264,94

83 596,84

93,65 %

1981

99 437,70

90 191,26

90,70 %

1982

111 005,54

95 693,38

86,21 %

TOTAL

521 224,85

487 537,97

93,54 %

1984

97 252,37

96 336,69

90,06 %

1985

101 510,18

97 654,05

96,20 %

1986

108 190,04

97 773,46

90,37 %

TOTAL

306 952,59

291 764,21

95,05 %

1987

108 686,85

107 487,65

98,90 %

1988

112 140,25

110213,13

98,28 %

1989

120 990,01

115 228,34

95,24 %

TOTAL

341 817,11

332 929,11

97,40 %

1990

116 570,39

116571,12

100,00 %

1991

121 479,84

114 262,01

94,06 %

1992

126 617,69

111 805,46

88,30%

TOTAL

364 667,92

342 638,60

93,96 %

1993

108 654,96

109 459,68

100,74 %

1994

110 791,52

104 629,42 (*)

94,44 %

TOTAL

219 446,48

214 089,10

97,56 %

1995

104 521,12

105 029,38 (*)

100,49%

1996

105 720,00

94 941,03 (*)

89,80 %

TOTAL

210 241,12

199 970,41

95,11 %

TOTAL GENERAL

1 964 350,07

1 868 929,40

95,14 %

(*) Crédits disponibles

b) La nécessité et l'urgence particulière d'une loi de programmation

Par delà cette justification d'ordre général, de très fortes raisons rendent aujourd'hui l'élaboration d'une loi de programmation militaire particulièrement nécessaire et urgente :

- la première de ces raisons, qui pourrait être à elle seule déterminante, est de nature politique et réside dans la nécessité d'organiser et de planifier la mise en oeuvre de la réforme globale de notre appareil de défense engagée par le Chef de l'État ; de portée historique, cette réforme vise à tirer toutes les conséquences de la nouvelle donne internationale : une première étape, très utile mais incomplète, avait été franchie en 1994 avec l'élaboration du Livre blanc et de la précédente programmation ; il s'agit aujourd'hui de pousser cette adaptation à son terme en programmant l'évolution vers un modèle d'armée professionnelle ;

- la deuxième raison, naturellement de nature financière : l'objectif de maîtrise des finances publiques constitue aujourd'hui -et pour les années à venir- un impératif ; et le "décrochage" est devenu définitif entre les objectifs fixés par la programmation votée il y a deux ans et la réalité des budgets militaires : environ trente milliards manquent à l'appel sur les deux années 1995 et 1996 ; il fallait en tirer les conséquences et repartir sur de nouvelles bases ;

- la troisième raison est de nature technique et opérationnelle et a trait à la nécessité, pour nos forces armées, d'engager sans délai la profonde mutation et la très délicate transition qui doivent les conduire, d'ici à 2002, à l'armée professionnelle ; en particulier, les restructurations et les mesures d'accompagnement de la transition, qui devront être mises en oeuvre en 1997 et 1998, doivent être annoncées et préparées au plus tôt ; elles ne pourront cependant l'être qu'après l'adoption du présent projet de loi qui constituera la première traduction et le fondement légal de la professionnalisation ;

- la quatrième raison a trait à l'équipement de nos forces : la loi votée il y a deux ans devant être considérée comme caduque, la défense française se trouve à nouveau privée de repères précis pour le court et moyen termes ; il convenait donc de répondre sans délai à la question clé suivante : comment assurer le développement et le bon déroulement des multiples programmes en cours avec une enveloppe financière fortement réduite ?

- la cinquième raison -mais pas la moindre- est enfin de nature industrielle : à l'heure où l'industrie de défense traverse une crise et une période de restructurations d'une ampleur exceptionnelle, une loi de programmation demeure, quelles qu'en soient les imperfections et les incertitudes, indispensable pour donner aux industriels la "visibilité" minimale de l'avenir qui leur est nécessaire.

Toutes ces raisons soulignent, aux yeux de votre rapporteur, l'importance qu'il y avait à examiner rapidement le présent projet de loi de programmation.

c) Une traduction législative compromise ?

Une nouvelle programmation est donc nécessaire. Son exécution pleinement satisfaisante sera indispensable à la réussite de la refonte complète de notre appareil de défense proposée par le Président de la République. Tout doit être fait, dans cet esprit, pour renforcer, développer et améliorer les mécanismes susceptibles de garantir l'exécution du projet de loi de programmation qui nous est soumis.

Si tel ne devait pas être le cas, l'adaptation indispensable de la défense française se trouverait compromise.

Mais, après les expériences malheureuses de 1992 (programmation avortée) et de 1994 (programmation mal appliquée et finalement abandonnée), c'est aussi le principe même des lois de programmation qui se trouverait durablement remis en cause.

Certes, pour les raisons précitées, un exercice de programmation, fut-il indicatif et interne au ministère de la Défense, restera, de toute façon, nécessaire, tant pour les états-majors que pour les industriels.

Mais si nous devions, à nouveau, nous trouver sans référence fiable pendant plusieurs années, ou si les votes du Parlement devaient être à nouveau contredits par des budgets ou des régulations budgétaires successives, alors, il vaudrait mieux, selon votre rapporteur, en tirer -à regret- toutes les conséquences : constater que les programmations militaires ne peuvent échapper aux contraintes conjoncturelles et renoncer à un exercice législatif, pourtant souhaitable, mais qui aurait alors perdu toute crédibilité.

Tout doit être fait pour éviter une telle issue, dont notre défense serait la première victime. Mais le Parlement ne saurait continuer, sans se discréditer lui aussi, à examiner tous les deux ans une loi de programmation entièrement nouvelle. Votre rapporteur se devait de formuler ici cette solennelle mise en garde.

2. La programmation d'une réforme globale de notre système de défense

Le projet de programmation qui nous est proposé revêt cependant une importance plus grande et a priori d'atouts supérieurs à ceux des programmations précédentes dans la mesure où il s'inscrit dans le cadre d'une refonte globale de notre défense sur la base d'une planification à long terme.

a) Une refonte d'ensemble de notre défense

Le gouvernement a délibérément adopté une approche globale pour procéder à l'adaptation de notre outil militaire. Cette démarche vise à harmoniser tout à la fois la doctrine, les effectifs, les équipements et la politique industrielle. Elle touche tous les secteurs de notre défense :

- nos forces nucléaires, même si la dissuasion reste le coeur de notre stratégie, doivent être adaptées à une nouvelle posture stratégique ;

- la professionnalisation des armées, élément essentiel de cette adaptation de notre défense, se traduit par une réduction globale d'environ 24 % des effectifs militaires et par une profonde réforme du service national qui verra disparaître le service militaire sous sa forme actuelle ;

- les équipements militaires, élément central traditionnel des lois de programmation, subissent pour leur part d'importantes modifications -de manière à ce que les contraintes financières aient les conséquences les moins dommageables possible-, tant en ce qui concerne le choix des programmes eux-mêmes, que la maîtrise de leur coût ou la définition des spécifications militaires requises ;

- enfin, l'adaptation de nos industries de défense sera profonde, en cohérence avec l'effort de défense prévu et le nouveau modèle d'armée retenu ; les restructurations devront y être poursuivies, accélérées et amplifiées, la dimension européenne prise davantage en compte, et l'effort de compétitivité accru.

Cette approche d'ensemble doit faire prévaloir la cohérence des grandes orientations politiques, militaires et industrielles, dans un contexte d'économies et de rigueur financière, dont l'objectif est de limiter à un niveau raisonnable mais aussi de garantir les crédits consacrés par le pays à sa défense. L'objet de la présente programmation est de traduire dans les faits cette réduction de l'enveloppe financière et donc de faire contribuer la défense à l'effort national qui s'impose à tous. Mais elle doit aussi garantir les ressources ainsi prévues et éviter que, faute de vision à long terme, la réussite de la réforme entreprise ne soit compromise.

b) Une planification à l'horizon 2015

Le présent projet de programmation dispose d'autre part de l'atout de s'inscrire dans un nouveau modèle d'armée à l'horizon 2015.

- Une des lacunes principales de la plupart des programmations précédentes -qui avait d'ailleurs fait l'objet des critiques de la Cour des Comptes en 1990- était de ne pas s'appuyer sur des travaux de planification à long terme définissant les capacités nécessaires à l'accomplissement des missions affectées à nos armées et correspondant aux objectifs de défense.

Faute d'un tel exercice, la programmation serait construite dans l'incertitude sur la cohérence à long terme des projets qu'elle contient et certains choix nécessaires ne seraient pas effectués. A l'inverse, une programmation fondée sur une planification à 20 ans situe les options retenues dans une perspective qui correspond à l'horizon des décideurs industriels, contraints de s'engager sur le long terme et qui doivent donc connaître les grandes options des pouvoirs publics pour l'avenir.

- La programmation qui nous est aujourd'hui proposée répond à cette exigence dans la mesure où le modèle d'armée à l'horizon 2015 retenu -dont les deux tableaux ci-dessous précisent le contenu en effectifs, en équipements et par grandes fonctions opérationnelles- éclaire à long terme les choix de la prochaine loi de programmation.

Les caractéristiques générales de ce "modèle 2015" visent à atteindre, au cours des deux prochaines décennies, les objectifs généraux suivants :

- une armée de terre plus compacte et plus souple : appelée à connaître les changements les plus profonds, l'armée de terre doit voir son organisation territoriale entièrement revue pour accompagner la réduction de ses effectifs (- 30%), ramenés en six ans de 271 500 à 170 000 hommes (136 000 militaires et 34 000 civils) ; plus souple, elle devra être plus facilement projetable, 85 régiments répartis en quatre forces d'environ 15 000 hommes devant se substituer aux neuf divisions actuelles, composées de 129 régiments ; ses moyens de projection reposeront sur 420 chars lourds, 350 engins blindés légers (VAB et VBCI) et environ 180 hélicoptères modernes ;

- une marine de moindre tonnage mais aux capacités maintenues : hors SNLE, le nombre de bâtiments passera de 101 aujourd'hui à 81 ; la marine verra ainsi son tonnage diminuer (314 000 tonnes en 1995, 234 000 tonnes en 2015) et ses effectifs réduits de 19 % (de 70 400 à 56 500 hommes) ; mais ses capacités de dissuasion seront maintenues (avec 4 SNLE-NG et leur environnement) ; et ses capacités de projection de puissance seront modernisées : le porte-avions "Charles de Gaulle" entrera en service en 1999 ; il sera progressivement doté d'avions Rafale dont la cible est réduite à 60 unités ; enfin, le second porte-avions est prévu dans la planification, mais ne sera éventuellement programmé qu'après 2002, si la situation économique le permet ;

- une armée de l'air modernisée mais fortement resserrée :

subissant également une forte réduction d'environ 24 % de ses effectifs (de 94 100 à 70 000 hommes), l'armée de l'air doit surtout voir le nombre d'avions de combat en ligne passer de 405 aujourd'hui à 300 avions polyvalents de type Rafale en 2015 ; son aviation de transport -ATF ou pas- devra être modernisée, passant de 86 à 52 avions de transport, mais conservant une capacité équivalente en volume ; la fonction de projection sera néanmoins améliorée, l'objectif étant de pouvoir projeter, à tout moment, une centaine d'appareils dont le Rafale, doté de missiles modernes, constituera progressivement l'essentiel ;

- enfin, une gendarmerie renforcée : la gendarmerie, qui bénéficiera notamment de l'achèvement du réseau radioélectrique Rubis, sera la seule à voir ses effectifs croître (de 93 450 hommes à 97 900 hommes, soit 5 %), la mise en place d'une armée professionnelle devant se traduire par un accroissement des missions de la gendarmerie, notamment dans le domaine de la protection du territoire.

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B. UNE PROGRAMMATION FORTEMENT CONTRAINTE POUR DES FONCTIONS OPÉRATIONNELLES PRÉCISÉES

L'enveloppe financière retenue par le présent projet de loi, bien que supérieure aux prévisions qui avaient accompagné son élaboration, se traduit par une forte réduction de ressources par rapport aux annuités prévues par la précédente programmation.

Cette programmation particulièrement contrainte a des conséquences nécessairement sévères pour de nombreux programmes.

Cette programmation se veut ainsi adaptée à nos moyens financiers. Ici résident tout à la fois son caractère courageux et sa meilleure chance d'exécution -qui est, à certains égards, plus importante encore que le volume des crédits lui-même.

Mais cette programmation se veut aussi adaptée à nos besoins dans le nouveau contexte international et dans le cadre de l'adaptation d'ensemble de notre appareil de défense. C'est dans cette optique que sont précisés les objectifs retenus pour chacune des principales fonctions opérationnelles (dissuasion, prévention, projection et protection) destinées à remplir les missions assignées à nos forces.

1. Une enveloppe financière réduite

Conformément aux orientations retenues par le Président de la République, le projet de loi qui nous est soumis repose sur une enveloppe financière constante de 185 milliards de francs par an, soit au total 1 110 milliards pour l'ensemble des six années 1997-2002 couvertes par la programmation.

Cette enveloppe globale présente deux caractéristiques positives :

- elle est exprimée en francs constants 1995 et les crédits seront actualisés chaque année par application de l'indice des prix retenu pour l'élaboration du budget de l'État ; les crédits militaires -par dérogation à la règle qui sera applicable à l'ensemble des ministères civils- seront ainsi mis à l'abri de l'érosion monétaire ;

- en second lieu, les ressources prévues sont des crédits budgétaires, c'est-à-dire des crédits inscrits dans les lois de finances initiales annuelles ; à la différence de la programmation précédente, elle ne prend donc en compte ni les recettes de fonds de concours ni la consommation de crédits de report.

Cette masse de crédits, dont la répartition d'ensemble est précisée dans le tableau ci-dessous, appelle trois observations principales de votre rapporteur.

Répartition générale des crédits inscrits dans le
projet de loi de programmation 1997-2000

MdF 95

TITRE III

TITRE V

TOTAL

EN %

TERRE

202,4

113,1

315,5

28,4 %

MARINE

86,5

128,9

215,4

19,4 %

AIR

96,7

120,7

217,4

19,6 %

GENDARMERIE

114,7

13,3

128,0

11,5 %

SERVICES COMMUNS et financement de la professionnalisation

93,7

140,0

233,7

21,1 %

TOTAL

594,0

516,0

1 110,0

100 %

a) Un effort d'économies considérable pour une défense moins coûteuse

La masse financière retenue représente d'abord un effort d'économies considérable. Par rapport aux quelque 205 milliards de francs annuels qui résultaient des prévisions de la précédente programmation (environ 105 milliards d'équipements auxquels il convenait d'ajouter 100 milliards de crédits de fonctionnement par an), l'enveloppe financière proposée représente une économie annuelle de l'ordre de 20 milliards sur le budget de la Défense.

Ne nous leurrons pas : les difficultés qui devront être surmontées, les efforts qu'il faudra consentir seront considérables. Il s'agit de relever le défi de construire, dans les prochaines années, une armée à la fois plus efficace et moins coûteuse.

Cette observation faite, trois données conduisent votre rapporteur à considérer l'enveloppe retenue comme un point d'équilibre raisonnable par rapport à un ensemble d'objectifs (professionnalisation, équipement de nos forces, et contraintes budgétaires) par nature contradictoires :

- le chiffre retenu pour les crédits d'équipement écarte d'abord heureusement les hypothèses les plus alarmistes qui avaient circulé avec insistance, au point d'être considérées comme inéluctables, durant la période d'élaboration du projet de loi ; ainsi, l'hypothèse basse des 75 milliards au titre V, qui n'aurait donné le choix qu'entre des décisions inacceptables, a été écartée ; l'hypothèse intermédiaire des 80 milliards d'équipement annuels, qui aurait également eu des conséquences graves sur nos forces et sur la situation, déjà très préoccupante, de notre industrie, n'a pas, elle-même, été retenue ; c'est donc, d'une certaine manière, la moins mauvaise des hypothèses raisonnablement envisageables qui nous est proposée ;

- est-il d'autre part aujourd'hui cohérent de continuer à plaider pour une augmentation des dépenses militaires ? Nous l'aurions, certes, souhaité, notamment pour favoriser et faciliter le déroulement plus aisé des multiples programmes d'équipement en cours et réduire le choc des restructurations militaires et industrielles, mais chacun sait que la redéfinition de notre outil de défense s'inscrit dans un contexte d'indispensable maîtrise des finances publiques ; il n'était pas, dès lors, possible, dans l'actuel contexte international, de programmer l'accroissement des seuls crédits militaires alors que la quasi-totalité des budgets civils sont soumis aux restrictions financières de plus en plus lourdes que chacun connaît. Mais ce choix ne pourra être assumé qu'à une double condition : que les masses financières retenues soient strictement respectées par les lois de finances successives ; et que le budget de la défense soit préservé des régulations budgétaires en cours d'année ;

- était-il enfin envisageable, compte tenu des nouvelles données géostratégiques, de prôner un effort de défense national accru ? Tirant les leçons du nouveau contexte international, tous les grands pays industrialisés, à l'exception de la France, ont, au cours des cinq dernières années, fortement réduit leurs budgets militaires - à commencer par les États-Unis et la Grande-Bretagne, sans parler du cas particulier de l'Allemagne dans le contexte de la réunification. Votre rapporteur, pour sa part, s'inquiète de l'ampleur de ce phénomène dans les différents pays européens -y compris en Allemagne- au moment où des risques multiformes demeurent ou apparaissent et où nous devons bâtir enfin concrètement une véritable identité européenne de défense. Mais il souligne l'effort singulier que continuera à accomplir la France en Europe au terme du projet de loi proposé.

b) Des crédits de fonctionnement (titre III) quasi inchangés pour accompagner le passage à l'armée professionnelle

Sur les 185 milliards de francs constants 1995, 99 milliards devraient être chaque année affectés au titre III, soit 594 milliards sur la période 1997-2002. Ils traduiront une quasi-stabilité de ces crédits, par rapport à la situation actuelle. Cette masse financière devra accompagner, au cours des six années à venir, le passage progressif à l'armée professionnelle, notamment les conséquences qui en résultent en termes de restructuration et de réduction du format des forces.

Deux observations complémentaires doivent être à cet égard formulées :

- le pari fait ici est que, du fait d'un format globalement réduit, le coût de l'armée professionnelle ne soit pas supérieur et soit même légèrement inférieur à celui de l'armée mixte actuelle ; certes, en raison du remplacement nécessaire de postes actuellement occupés par des appelés, par des professionnels, les effectifs, militaires et civils, du ministère de la défense seront en moyenne plus coûteux ; mais, en contrepartie, la diminution d'environ 24 % des effectifs et la réduction des coûts de fonctionnement qui résultera de la professionnalisation se traduiront par des économies substantielles ;

- il faut d'autre part souligner -pour s'en féliciter- que cette enveloppe n'inclut pas le coût des formes civiles du futur service national qui n'a pas à être financé par le budget du ministère de la défense ; en ce qui concerne le coût des restructurations, la défense ne financera que les mesures d'accompagnement social destinées à ses personnels et participera à la reconversion des sites grâce au FRED (fonds pour les restructurations de la défense) dont les crédits seront considérablement abondés.

c) Des crédits d'équipement (titre V) en retrait d'environ 18 % par rapport à la dernière programmation

Le reste de l'enveloppe budgétaire annuelle sera naturellement consacré à l'équipement de nos forces -qui constituait l'objet quasi exclusif des précédentes programmations.

Une dotation annuelle de 86 milliards de francs 1995 sera ainsi consacrée au titre V, soit au total 516 milliards pour les six années couvertes par la loi de programmation. Cette masse financière d'ensemble appelle les cinq remarques suivantes :

- cette enveloppe de crédits d'équipement représente une réduction moyenne d'environ 18 % par rapport aux dotations prévues par la précédente programmation, mais aussi une stabilisation par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale 1996, ainsi que l'illustre le graphique ci-dessous ; la loi votée en 1994 prévoyait en effet, jusqu'en l'an 2000, les sommes suivantes, exprimées de surcroît en francs 1994 : 101 928 millions en 1997, 102 438 millions en 1998, 102 950 millions en 1999, et 103 465 millions en 2000 ; il avait même alors été prévu, « si la situation économique et financière le permet », de porter les dotations prévues pour les trois dernières années à : 103 457 millions pour 1998, 105 009 millions pour 1999, et 106 584 millions pour l'an 2000...

- cette réduction importante, mais déjà annoncée par les budgets 1995 et 1996, suppose une action volontariste et très rigoureuse pour réduire les coûts des programmes, améliorer l'efficacité du dialogue avec les industriels et accroître la productivité, mais aussi pour diminuer les coûts structurels liés au ministère de la défense ;

- il est néanmoins évident qu'une réduction de cette ampleur passe nécessairement -sous peine d'incohérence- par des diminutions de cibles, des étalements, voire des abandons de programmes ; ces décisions sont douloureuses, les choix qu'elles imposent sont difficiles et engendrent d'ailleurs parfois elles-mêmes -nous le savons bien- des coûts supplémentaires ; la programmation évite, en tout cas, de poursuivre sur la voie des réductions « homothétiques » sur l'ensemble des programmes et s'efforce d'effectuer des choix cohérents avec le format de l'armée professionnelle et correspondant aux moyens qui seront disponibles dans les années à venir ;

- on relèvera également que cette enveloppe financière ne recouvre ni les coûts de recapitalisation des entreprises publiques de la défense -qui doivent incomber au budget des charges communes-, ni les crédits affectés à la recherche duale, c'est-à-dire les contributions au budget civil de recherche et de développement (BCRD) ;

- en ce qui concerne enfin le financement des opérations extérieures, le ministre de la défense a précisé devant notre commission que seules les opérations extérieures « courantes » (telles que la présence française au Tchad ou en Centrafrique) seront imputées à l'avenir au budget de la défense, et que les opérations exceptionnelles (comme dans l'ex-Yougoslavie), décidées par le Chef de l'État et le Premier ministre, devront donner lieu à une décision d'affectation budgétaire complémentaire ; cette solution n'est évidemment que partiellement satisfaisante et les crédits d'équipement disponibles risquent de se voir encore réduits du fait des opérations extérieures -même si certaines ressources comme les fonds de concours (environ 500 millions de francs de ressources annuelles) pourraient être affectées au financement des OPEX ; elle apporte en tout cas un début de réponse à une question lancinante depuis de nombreuses années et doit mettre surtout nos armées à l'abri des conséquences financières d'une opération extérieure d'envergure qui auraient pu, à elles seules, compromettre l'effort entrepris de réforme de notre appareil de défense.

2. Les objectifs retenus pour les grandes fonctions opérationnelles

Cette enveloppe financière réduite, adaptée à nos moyens, se veut également adaptée à nos besoins dans le contexte actuel de "pause" stratégique et compte tenu de l'adaptation d'ensemble de notre système de défense et notamment de la réduction du format de nos armées.

Les missions assignées à nos forces armées -pour protéger nos intérêts vitaux, nos intérêts stratégiques et nos intérêts de puissance- restent :

- de garantir la protection du territoire national et de notre population et le libre exercice de notre souveraineté,

- d'assurer le respect de ses engagements internationaux (alliances, accords de défense),

- et de permettre à notre pays d'assumer ses responsabilités particulières sur le plan international, comme membre permanent du Conseil de sécurité et comme puissance nucléaire.

Pour remplir ces missions avec les crédits disponibles, les forces armées doivent articuler, indique le projet de loi, leur action autour de quatre grandes fonctions opérationnelles -dissuasion, prévention, projection de puissance, et protection du territoire et de la population- qui voient leurs objectifs précisés.

a) La dissuasion : vers le deuxième âge de l'ère nucléaire

La protection de nos intérêts vitaux maintient l'impérieuse nécessité de la dissuasion, dont la pertinence demeure entière et qui doit rester en conséquence l'élément fondamental de la stratégie française.

La situation actuelle permet cependant -selon le projet de loi- de repenser notre posture nucléaire, d'où la réduction du nombre de nos armes nucléaires, et notamment l'abandon de la composante terrestre.

Dans ce cadre, et dans le strict respect du principe de suffisance attaché à notre politique de dissuasion, les moyens -réduits- consacrés au nucléaire doivent en particulier prévoir et garantir :

- la modernisation de notre composante sous-marine qui doit s'appuyer sur quatre SNLE de nouvelle génération équipés de missiles M45 et, à partir de 2010, des futurs missiles M51 ;

- la fiabilité de notre composante aéroportée avec la modernisation du couple avions-missiles, le renouvellement des missiles ASMP (air sol moyenne portée) devant être assuré, en fin de vie, par un missile amélioré de la même famille ;

- enfin, le développement -et le financement- des programmes de modélisation et de simulation qui constituent un immense défi technologique dont nous devons impérativement nous donner les moyens dans le cadre de l'arrêt définitif des essais.

b) La priorité affirmée de la prévention

La disparition de l'ordre bipolaire et la multiplication des crises et des conflits locaux dans le monde de l'après-guerre froide rendent aujourd'hui plus importante que jamais la maîtrise de l'intelligence des crises. C'est pourquoi la prévention, qui dit à la fois éviter l'apparition des menaces pour notre sécurité et favoriser la résolution des crises, constitue -souligne le rapport annexé au projet de loi- une priorité dans notre stratégie.

Cette politique de prévention suppose :

- des moyens humains et de traitement de l'information adaptés, ce qui exige de préserver et de renforcer, malgré les contraintes financières, les services spécialisés de renseignement ;

- et l'acquisition de moyens spatiaux d'observation nous permettant de développer une analyse en toute indépendance et d'assurer ainsi, avec nos partenaires européens, notre autonomie de décision ; c'est dans ce cadre que doivent être notamment développés les programmes Hélios 2 d'observation optique et Horus d'observation radar.

On ne saurait enfin oublier que la prévention repose aussi sur nos forces prépositionnées, notamment en Afrique, qui représentent à la fois une capacité de réaction immédiate et des structures d'accueil pour des renforts éventuels.

c) La projection des forces : une importance nouvelle pour nos forces classiques

Dans ce cadre de la gestion des crises dans le nouveau contexte international, la projection des forces revêt une importance nouvelle pour nos forces classiques. Loin de toute dérive expéditionnaire, ces indispensables capacités de projection doivent faire face à des conflits ou des crises qui, bien qu'éloignés, sont susceptibles -ainsi que le soulignait déjà le Livre blanc- de remettre en cause notre sécurité.

Les objectifs de projection retenus à terme par le Chef de l'État, et réaffirmés par le présent projet de loi, sont les suivants :

- pour l'armée de terre : une capacité de projection de plus de 50 000 hommes dans le cadre d'un engagement majeur au sein de l'Alliance ou une capacité de 30 000 hommes relevables très partiellement (soit 35 000 hommes) sur un théâtre, tandis que 5 000 hommes relevables (soit 15 000 hommes) pourraient être engagés sur un second théâtre ;

- pour l'armée de l'air : une centaine d'avions de combat et de ravitailleurs sur des bases projetables, avec une capacité de transport maintenue au niveau actuel ;

- pour la marine : un groupe aéronaval et son escorte, et une force sous-marine significative ;

- pour la gendarmerie, des éléments spécialisés et d'accompagnement des forces ;

- enfin, des capacités de commandement interarmées, comprenant notamment un poste de commandement interarmées de théâtre (PCIAT).

La réalisation de ces objectifs suppose des efforts considérables, en particulier -votre rapporteur tient à le souligner- dans le domaine du transport (flotte de transport aérien, mais aussi porte-chars et transports de chalands de débarquement - TCD).

d) La protection du territoire national : un concept rénové

Face aux menaces multiformes de l'après-guerre froide, le présent projet de loi précise enfin un concept rénové de protection du territoire national. Cette mission traditionnelle des forces armées prend en effet des formes nouvelles.

La protection contre les agressions extérieures demeure naturellement la mission permanente de nos forces armées. La sûreté aérienne devra continuer à être assurée, de même que la surveillance des approches maritimes.

Mais la mobilité accrue des forces devra aussi leur permettre d'intervenir en tout lieu du territoire pour concourir à la sécurité intérieure, sur réquisition des autorités civiles, pour répondre à la diversification des menaces (terrorisme, trafic de drogue, grande criminalité...).

La gendarmerie est la première engagée dans la lutte contre ces nouvelles formes de menaces intérieures. Elle doit, en conséquence, à la différence des autres forces armées, voir ses effectifs accrus durant la période couverte par la programmation.

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C. UNE MÉTHODE DE PROGRAMMATION AFFINÉE

Correspondant à une adaptation globale de notre appareil de défense, disposant d'une enveloppe financière réduite mais qui s'efforce d'adapter nos moyens à nos besoins, le projet de loi de programmation qui nous est présenté repose d'autre part sur une méthode affinée qui correspond à des voeux exprimés au cours des dernières années par notre commission.

La démarche de programmation militaire est en effet ancienne : depuis 1960, huit lois de programmation ont été votées par le Parlement -sans compter le projet élaboré mais non voté de 1992. Mais les méthodes de la programmation ont été, d'une loi à l'autre, fluctuantes et imparfaites, au moins à trois titres :

- du point de vue de la période couverte par les programmations successives qui a été, selon des lois, de 3, 4, 5 ou 6 années ;

- du point de vue du champ d'application des lois de programmation, couvrant, selon les cas, une partie du titre V, la totalité du titre V, le titre V et les effectifs, ou l'ensemble des crédits militaires (titre III et titre V) ;

- du point de vue, enfin, des mécanismes d'exécution et de suivi de ces lois de programmation qui ont été, on le sait, jusqu'ici peu satisfaisants.

Sur ces trois points, le projet de loi proposé apporte des améliorations ou des innovations substantielles de nature -c'est en tout cas l'espoir de votre rapporteur- à corriger les dérives constatées antérieurement.

1. Une période de programmation (1997-2002) donnant un véritable éclairage à moyen terme

Bien que s'inscrivant dans le cadre d'un projet à long terme -le modèle d'armée retenu à l'horizon 2015-, la loi de programmation doit elle-même couvrir une période de durée suffisante pour apporter aux décideurs -militaires et industriels- la clarté à moyen terme qui constitue l'objectif même des lois de programmation. L'horizon de temps dans lequel s'inscrivent aujourd'hui les décisions majeures en matière d'équipement militaire atteint aujourd'hui plusieurs décennies. La programmation doit donc aller aussi loin que le permettent les mécanismes de décisions financières et politiques. C'est pourquoi votre rapporteur rejoint le point de vue exprimé par le Livre blanc et par la plupart des experts des méthodes de programmation ainsi que des responsables militaires et industriels en faveur d'une programmation portant sur six années.

La période couverte par le présent projet de loi, portant sur les années 1997 à 2002, répond à cette préoccupation. Cela est aujourd'hui d'autant plus indispensable que la programmation correspondra précisément à la période de transition vers la professionnalisation, exigeant une programmation précise de l'évolution des effectifs, des crédits consacrés au titre III et des mesures d'accompagnement de la professionnalisation.

Il convient toutefois de relever qu'aucun mécanisme de révision de la programmation n'est prévu par le présent projet de loi -à la différence de la programmation votée en 1994 qui prévoyait une révision à mi-parcours. Dans l'absolu, une telle clause de révision accroît la flexibilité et le caractère évolutif de la programmation en permettant de retrouver, tous les deux ou trois ans, un horizon de six ans.

En l'occurrence, votre rapporteur, après s'être interrogé, estime cependant qu'un tel mécanisme de révision n'est pas a priori opportun. Notre pays étant engagé dans une profonde réforme de sa défense, la programmation doit conserver, tout au long des six années qu'elle couvre, correspondant à la période de transition vers la professionnalisation, son caractère de référence financière contraignante, qui ne doit pas être remis en cause. De surcroît, les perspectives économiques et financières et l'impératif de maîtrise des déficits publics ne permettent pas d'entrevoir, d'ici deux ou trois ans, une conjoncture susceptible de permettre une révision de la programmation dans le sens d'un accroissement de l'effort de défense prévu.

2. Une programmation englobant l'ensemble des crédits militaires et l'évolution des effectifs

La caractéristique la plus intéressante du projet de loi de programmation qui nous est présentée est son caractère global puisque son champ d'application recouvre la totalité des crédits consacrés à la Défense (à l'exception des pensions) et l'évolution précise des effectifs.

a) Une programmation étendue à l'évolution des effectifs et aux crédits de fonctionnement (titre III)

Le projet de programmation 1997-2002 inclut d'abord à la fois l'évolution précise des effectifs civils et militaires du ministère de la Défense, pour chaque année et par catégorie de personnel, et l'ensemble des crédits de fonctionnement du titre III. Deux raisons rendent cette innovation particulièrement opportune :

- De manière générale, l'exclusion habituelle des dépenses de fonctionnement du champ de la programmation militaire en ont le plus souvent (sauf pour les programmations 1977-1982 et 1984-1988) réduit la portée véritable. Cette réduction du champ de la programmation n'est pas, aux yeux de votre rapporteur, satisfaisante en raison, bien sûr, de l'importance financière du titre III mais aussi en raison de la cohérence indispensable entre format des forces, dépenses de fonctionnement et dépenses d'équipement. Le format des forces rejaillit évidement sur les matériels dont elles sont équipées, et réciproquement. Il est nécessaire de prendre en compte ces interactions, d'ailleurs complexes, entre les personnels et les matériels. Il est donc souhaitable, même si les facteurs qui conditionnent l'évolution des titres III et V sont différents, de disposer avec la programmation d'un cadrage général couvrant à la fois dépenses de fonctionnement et dépenses d'équipement.

- En second lieu, l'inclusion des crédits de fonctionnement et de l'évolution précise des effectifs apparaît cette année incontournable. La professionnalisation de nos forces constitue en effet le point central de l'adaptation de notre appareil de défense dont le projet de loi de programmation constitue la première traduction législative. Il en résulte des bouleversements majeurs tant dans les effectifs que dans l'organisation de nos forces armées. En attendant la prochaine réforme du code du service national, il allait de soi que la présente programmation -couvrant les années 1997-2002 correspondant précisément à la professionnalisation progressive de nos armées- ne pouvait ignorer les conséquences de la période de transition vers l'armée professionnelle.

Il n'était dès lors, aux yeux de votre rapporteur, pas envisageable de déconnecter l'évolution prévisionnelle des effectifs et des dépenses de fonctionnement de celle des dépenses d'équipement.

b) Une programmation couvrant l'ensemble des dépenses d'équipement, en autorisations de programme et en crédits de paiement

La seconde caractéristique, essentielle, du projet de loi au regard du champ couvert par la programmation est son extension à l'ensemble des crédits d'équipement et la programmation de ces dépenses d'investissement en autorisations de programme (AP) et en crédit de paiement (CP).

Sur le premier point, il était naturellement souhaitable que la programmation inclue la totalité des dépenses des titres V et VI et l'ensemble des programmes d'équipement. Certains avaient suggéré de ne retenir que les seuls programmes majeurs. Mais cette hypothèse, sans doute plus facile à élaborer dans les très courts délais impartis, présentait l'inconvénient de ne pas donner une vue d'ensemble des crédits d'équipement et le danger majeur de sacrifier en permanence les programmes financièrement moins lourds, mais indispensables à la cohérence et à la capacité opérationnelle des forces.

Sur le deuxième point, la programmation des investissements à la fois en AP et en CP constitue une évolution -inédite depuis la loi de programmation 1971-1975- particulièrement opportune. Le respect insuffisant des dernières lois de programmation impose, en effet, de faire enfin de la loi de programmation un texte qui s'impose à tous, au ministère de la défense comme à Bercy.

Or, l'une des raisons de la non-exécution satisfaisante des lois de programmation réside dans le décrochage constaté entre autorisations de programme et crédits de paiement. Il était donc nécessaire de rétablir pleinement les autorisations de programme dans leur rôle, en tant que « limite supérieure des dépenses que les ministres sont autorisés à engager pour l'exécution des investissements prévus par la loi ».

Il faut donc se féliciter que le présent projet de loi établisse la prochaine programmation des investissements en autorisations de programme et en crédits de paiement, en crédits budgétaires et en francs constants, pour favoriser une gestion plus transparente et plus rigoureuse des dotations et un respect intégral des dispositions de la programmation.

Ce résultat devrait être enfin conforté par le développement des commandes pluriannuelles, qui apparaît à votre rapporteur comme un progrès essentiel, constituant à la fois une garantie qui fait actuellement cruellement défaut aux entreprises et une source d'économies potentielle pour nos armées.

3. Une programmation qui doit surmonter les aléas qui affectent son exécution

L'ampleur exceptionnelle de la mutation de notre défense organisée par la programmation militaire pour les années 1997-2002 supposait enfin des mécanismes renforcés d'exécution et de suivi de la programmation. Deux dispositions sont prévues à cet égard :

- le projet de loi reconduit d'abord, en son article 3, une disposition adoptée lors de l'examen de la loi de programmation 1995-2000 et prévoit que le gouvernement présentera chaque année au Parlement, lors du dépôt du projet de loi de finances, un rapport sur l'exécution de la loi de programmation militaire et sur son accompagnement économique et social ;

- un débat sera d'autre part organisé tous les deux ans au Parlement sur la base du rapport annuel présenté par le gouvernement, qui pourra inclure une révision des échéanciers des programmes industriels ;

- il est enfin prévu que le conseil de défense -qui réunit le Chef de l'État, le Premier ministre, les ministres de la défense, des affaires étrangères, de l'intérieur et de l'économie et des finances et qui a arrêté le projet de programmation -se réunira chaque année pour en examiner l'exécution et en assurer le suivi.

Ces dispositions ne garantiront pas, à elles seules, une application intégrale et intangible de la future programmation. L'expérience des dernières lois et les contraintes financières et budgétaires actuelles -notamment l'impératif de réduction des déficits publics- n'incitent d'ailleurs pas, a priori, à l'optimisme quant à la possibilité de surmonter totalement et durablement les aléas qui affectent l'exécution des lois de programmation. Ces aléas sont de trois types : techniques, financiers et politiques.

Les difficultés techniques perturbent souvent le déroulement des programmes d'armement, en raison notamment du caractère très novateur et de la longue durée de réalisation des programmes modernes ; leur maîtrise supposera un effort considérable de réduction des coûts et de gains de productivité de la part des industriels et de la DGA ; un objectif très ambitieux de réduction des coûts de 30 % sur la période de programmation a été fixé par le gouvernement ; les économies réalisées sur le programme de missile nucléaire M51 montrent que cet objectif n'est pas nécessairement hors d'atteinte ; en tout état de cause, ces économies potentielles ne sont pas incluses dans la programmation et pourraient constituer une marge de manoeuvre très utile ;

Les difficultés financières -dont il est clair qu'elles ne disparaîtront pas durant la période de programmation- entraînent trop souvent un décalage entre les ressources prévues en programmation et celles inscrites dans les lois de finances successives ; mais il faudra s'en tenir, cette fois, strictement aux décisions prises. Cela exigera d'abord une programmation fidèlement traduite dans les budgets annuels. Mais cela exigera aussi de renoncer a priori, sauf situation tout à fait exceptionnelle, aux régulations budgétaires en cours d'année dont votre rapporteur tient à réaffirmer ici solennellement qu'elles sont :

- contradictoires avec les votes du Parlement ;

- préjudiciables au bon déroulement des programmes ;

- et contraires à tout effort de bonne gestion.

L'expérience de ces dernières années pourrait à cet égard accroître notre inquiétude si les aléas politiques devaient être dans l'avenir aussi importants que dans le passé récent. Mais le contexte politique et la détermination affichée par le Chef de l'État créent, cette fois, plusieurs facteurs favorables :

- contrairement aux dernières lois de programmation, le Chef de l'État doit pouvoir conduire à son terme l'exécution de la prochaine programmation, puisque le projet de loi proposé couvrira les années 1997-2002 ; tout devient alors affaire de volonté politique ;

- or, le Président de la République a indiqué solennellement, le 23 février dernier, qu'il veillerait personnellement au respect de la programmation.

Le budget de la défense ne saurait donc plus être « la variable d'ajustement du budget de l'État », comme l'a confirmé le ministre de la défense devant le Sénat le 26 mars 1996, précisant que « les mesures visant, le cas échéant, à le réguler ou à le réduire seront soumises à l'approbation du Chef de l'État ».

Cet aspect des choses est essentiel. Il y va de la crédibilité du principe même des lois de programmation militaire. Il y va surtout de la cohérence et du succès de l'entreprise de réforme en profondeur de notre appareil de défense.

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D. UNE PROGRAMMATION À LA DIMENSION EUROPÉENNE RENFORCÉE

Le présent projet de loi de programmation porte enfin la marque d'une politique de défense qui s'inscrit clairement dans une perspective européenne. Cette orientation politique majeure répond au renforcement des solidarités européenne et atlantique, l'objectif réaffirmé de la France étant que, dans le respect de l'Alliance et dans le cadre de l'Union, les Européens progressent sans délai vers une défense commune à la mesure des enjeux stratégiques du XXIe siècle.

1. Une programmation qui s'inscrit dans le cadre d'une ambition européenne forte

L'exposé des motifs du projet de loi qui nous est soumis fait figurer la construction d'une politique de défense européenne parmi les quatre objectifs majeurs de la présente programmation, à côté de la professionnalisation, de la modernisation de nos forces et de la restructuration de l'outil de défense.

Cette orientation marque d'abord une volonté politique forte de progresser vers une défense commune. Elle s'inscrit dans le strict prolongement des analyses du Livre blanc sur la défense de 1994 qui se trouvent ainsi réaffirmées. Elle se traduit aussi aujourd'hui par les propositions formulées par la France dans le cadre de la Conférence intergouvernementale afin d'édifier une politique commune qui soit à la fois l'expression de l'Union européenne et le moyen de renforcer le pilier européen de l'Alliance atlantique tout en lui permettant de recourir à l'UEO pour conduire des opérations européennes.

Cette orientation se traduit surtout, sur le plan opérationnel, par une réforme en profondeur mais réaliste de notre défense qui prend pleinement en compte la dimension européenne dans chacune de ses composantes.

Dans le domaine de la projection d'abord, les objectifs ambitieux fixés -une capacité de projection pouvant aller jusqu'à 50 000 hommes- se conçoivent d'abord au service de la défense européenne. Le but est d'être capables de nous porter, conjointement avec nos partenaires européens et nos alliés, sur des théâtres éloignés, en Europe ou hors d'Europe, avec des forces professionnelles très disponibles, capables d'être projetées rapidement avec des éléments de commandement rompus à la coopération interalliée et des moyens de communications interopérables.

Dans le domaine de la prévention et du renseignement, la dissuasion européenne revêt également une importance majeure. Elle se traduit concrètement, au-delà de l'échange de renseignements et de la mise en commun de moyens d'analyse, par une coopération renforcée sur les systèmes spatiaux d'observation qui suppose, non seulement la réalisation, mais aussi l'exploitation en commun de ces moyens de renseignement.

La dissuasion elle-même pourrait revêtir, si nos partenaires le souhaitent, une dimension européenne plus marquée. C'est dans ce cadre que la stratégie française prend en compte l'imbrication croissante des intérêts vitaux des pays européens et des menaces auxquelles ils doivent faire face et que Paris a avancé l'idée -qui ne peut évidemment reposer que sur une démarche pragmatique et progressive- d'une « dissuasion concertée » dans le cadre d'une approche d'ensemble de la sécurité européenne.

Quant à la protection du territoire, si elle repose naturellement sur différents moyens relevant de la sécurité intérieure, elle sera également renforcée par une coopération à l'échelle européenne. Compte tenu de la liberté de circulation au sein de l'Union européenne, la protection du territoire s'inscrira en effet de plus en plus dans une perspective commune avec nos partenaires.

Il va de soi, enfin que la restructuration accélérée de notre industrie de défense a pour objectif majeur de participer à l'édification de capacités européennes fortes et compétitives de nature à résister à la concurrence internationale, principalement américaine. Cet effort doit contribuer à doter l'Europe d'une base industrielle et technologique de défense compétitive, performante et adaptée.

Ainsi, malgré les très fortes contraintes budgétaires qui caractérisent cette programmation, les programmes conduits en coopération européenne verront leurs crédits doubler entre 1997 et 2002. Dans le même esprit, la structure d'armement franco-allemande est ouverte à tous les pays européens qui souhaiteront développer en commun l'équipement de leurs forces, dans la perspective de la création d'une véritable Agence européenne des armements.

2. Le renforcement des solidarités européennes et atlantiques

Cette ambition européenne de la politique de défense française appelle deux séries d'observations de votre rapporteur :

- elle est compatible et complémentaire avec la nouvelle approche française à l'égard de l'Alliance atlantique ;

- elle souligne l'urgence, mais aussi les fragilités actuelles, de la construction d'une défense européenne.

a) La nouvelle approche française à l'égard de l'Alliance atlantique

L'Alliance atlantique et l'engagement militaire américain en Europe demeurent, pour la France, une garantie indispensable pour l'équilibre et la sécurité en Europe. Ainsi que le souligne le présent projet de loi, « le développement des capacités politiques et militaires des Européens et le renforcement du pilier européen de l'OTAN sont les deux volets indissociables d'une même politique ».

Il convient, dans cet esprit, de rappeler les décisions importantes annoncées, le 5 décembre 1995, par le ministre français des affaires étrangères :

- le ministre français de la défense pourra participer régulièrement aux travaux de l'Alliance, aux côtés de ses collègues ; cette participation se fera dans le cadre du Conseil atlantique et non dans celui du Comité des plans de défense ;

- le chef d'état-major des armées participera pleinement désormais au Comité militaire ainsi qu'aux organes qui en dépendent : collège de l'OTAN, collège d'Oberammergau et Centre de situation de l'Alliance ;

- la France est enfin décidée à engager un processus de nature à améliorer ses conditions de travail avec le quartier général allié en Europe (SHAPE).

L'objectif de la France est donc de contribuer à une Alliance rénovée, forte, adaptée à ses nouvelles missions et ouverte vers l'extérieur, tout en favorisant l'émergence d'une véritable identité européenne au sein de l'Alliance.

Notre pays avait, notamment lors de la négociation du traité de Maastricht, plaidé pour que soit énoncé le principe d'une défense européenne distincte de l'Alliance atlantique, considérée comme une condition essentielle à l'émergence d'une identité européenne, en matière de relations extérieures et de sécurité. Cette proposition s'est en fait heurtée à la volonté de la majorité de nos partenaires européens de ne rien faire qui risque d'affaiblir l'Alliance atlantique. La nouvelle démarche française est donc, selon votre rapporteur, une décision réaliste. Il sera plus aisé de parvenir à promouvoir un entité européenne de défense en agissant à l'intérieur de l'Alliance qui est aujourd'hui, sur le plan militaire, la structure la plus crédible.

La France entend ainsi participer pleinement, de l'intérieur, au processus de réforme et de rénovation engagé par l'Alliance, en 1994, sur trois principes essentiels :

- l'adaptation des structures politiques et militaires par un renforcement du contrôle politique, une flexibilité accrue de la structure militaire, une approche plus fonctionnelle des commandements ;

- une meilleure affirmation des Européens, en tant que tels, au sein de l'OTAN, sur les plans politique et militaire ;

- la préservation du lien transatlantique et de l'engagement américain en Europe.

La constitution d'un pilier européen de défense au sein de l'OTAN n'est cependant que l'un des aspects de la défense européenne. Loin de s'y résumer, celle-ci suppose aussi que l'UEO soit à même, sur le long terme, d'assumer seule une part des responsabilités européennes de sécurité.

b) L'urgence et les fragilités actuelles de la construction d'une défense européenne

Créée en 1948 sur la base du traité de Bruxelles, l'UEO est toutefois longtemps demeurée une « belle endormie ». La tâche d'exécution de la défense collective, consignée à l'article 5 du traité, avait été transférée à l'OTAN. Ce n'est qu'en 1984 avec la déclaration de Rome, puis en 1987 avec l'adoption de la « plate-forme » de La Haye sur les intérêts européens en matière de sécurité, que l'UEO fut progressivement réactivée. Depuis 1990, la nécessité de donner un cadre approprié à l'émergence d'une identité européenne de défense a conforté la valeur de cette organisation, dont le traité de Maastricht, par delà des formulations ambiguës et imprécises, a entendu faire le « bras armé » de l'Union européenne.

Ainsi la déclaration dite de Petersberg (1992) a-t-elle précisé les missions nouvelles que l'UEO serait compétente à conduire : gestion de crises, aide humanitaire, opérations de maintien ou de rétablissement de la paix. A cette fin, était également préconisée la création d'unités militaires sur une base multinationale et interarmées. Quatre ans après, quatre forces nouvelles ont été créées, désormais fonctionnellement opérationnelles. Ces forces relevant de l'UEO (FRUEO) ont toutefois une double dévolution soit à l'OTAN, soit à l'UEO. Par ailleurs, le concept de GFIM (groupements de forces interarmées multinationales) doit permettre de faire coopérer fructueusement sur le plan militaire l'UEO et l'OTAN dans le contexte d'un pilier européen de défense.

1. La constitution de forces européennes multinationales constitue à ce jour le champ privilégié de concrétisation des efforts européens. Ces forces, comme le souligne le projet de loi, doivent voir leurs capacités opérationnelles et leur disponibilité accrues par la professionnalisation de nos forces. Il n'est sans doute pas inutile de rappeler ici la composition et le rôle de ces différentes forces.

Le Corps européen : officiellement créé lors du sommet franco-allemand de La Rochelle en mai 1992, le Corps européen regroupe aujourd'hui cinq pays : la France, l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et l'Espagne. Désormais opérationnel, son effectif est actuellement de 50 800 hommes -dont 10 300 Français et 18 500 Allemands. Des unités nationales prédésignées lui sont affectées, bien que demeurant stationnées sur leur sol national d'origine. Il est probable que la professionnalisation de nos forces modifiera substantiellement la part française au Corps européen. A cet égard, il convient de souligner que le fait que la principale unité française affectée au Corps européen -la 1ère DB- soit essentiellement constituée d'appelés constituait une faiblesse opérationnelle de taille pour la participation de cette unité à des opérations de gestion de crises hors du territoire national. La professionnalisation doit ainsi conforter le caractère opérationnel du Corps européen, même si le format de la participation française est réduit.

Les missions assignées au Corps européen sont de trois ordres : les opérations humanitaires, les opérations de maintien ou de rétablissement de la paix et les opérations d'assistance mutuelle et de défense commune des alliés en application des articles 5 des traités de Washington (OTAN) et de Bruxelles (UEO).

L'Eurofor et l'Euromarfor : ces deux forces, l'une terrestre, l'autre maritime, on été créées le 15 mai 1995 par la France, l'Italie et l'Espagne, auxquelles s'est adjoint le Portugal, la Grande-Bretagne ayant en outre signifié son intérêt pour l'Euromarfor.

L'Eurofor, rassemblant en effectifs l'équivalent d'une division, aura une capacité d'action et de déploiement rapide. Apte à agir seule ou en liaison avec l'Euromarfor, elle ne dispose pas -contrairement à l'Eurocorps- d'unités permanentes, mais sera constituée d'unités préaffectées et professionnalisées, disponibles à bref délai (5 000 hommes, et éventuellement 10 000). Son commandement permanent et son état-major international sont installés à Florence.

L'Euromarfor, force maritime multinationale non permanente, est dotée de capacités aéronavales et amphibies : un porte-avions -français-associé à 4 ou 6 bâtiments d'escorte, une force de débarquement, des unités amphibies et un ravitailleur. Sans structures ni état-major permanents, l'Euromarfor sera commandée à tour de rôle par chaque pays participant.

Les missions de ces deux forces s'inscrivent dans les objectifs de la déclaration de Petersberg : gestion de crises, actions humanitaires, à l'exception, notable, des missions liées à la mise en oeuvre de l'article 5 UEO ou de l'article 5 OTAN.

Le groupe aérien européen franco-britannique : cette unité a été créée lors du 17e sommet franco-britannique de Chartres le 18 novembre 1994. Sa portée semble toutefois à ce jour plus politiquement symbolique -c'est l'un des premiers cas concrets de coopération franco-britannique dans ce domaine- que militaire. Il s'agit d'une cellule de planification et de coordination qui ne dispose pas d'appareils en permanence. Il lui reviendrait, en cas de crise, de désigner les escadrons de combat ou de transports les plus appropriés. Cette unité aura, comme les deux précédentes, la double dévolution OTAN-UEO.

2. Le concept de groupements de forces interarmées multinationaux (GFIM), né d'une proposition américaine, a été agréé lors du sommet de l'OTAN de Bruxelles en juin 1994. Son principe tend à résoudre la concurrence entre l'UEO et l'OTAN dans le lancement d'opérations militaires, en particulier dans l'hypothèse où les États-Unis ne souhaiteraient pas être partie à une coalition réunissant exclusivement des Européens, en permettant à ces derniers de recourir aux moyens OTAN.

Les quartiers généraux de GFIM doivent être des structures légères de quelques dizaines d'officiers, chargés de préparer des missions de gestion de crises. Ils doivent être constitués en temps normal de « noyaux » complétés, en cas de besoin, par des « modules » de spécialistes. Noyaux et modules formeront l'état-major de la force GFIM déployée sur le théâtre.

A partir des états-majors des GFIM situés dans des quartiers généraux de l'OTAN, les Européens devraient ainsi pouvoir conduire des missions en recourant aux moyens de l'Alliance. Symétriquement, certains états-majors européens multinationaux (Eurocorps) ou nationaux pourraient héberger des quartiers généraux de GFIM.

Le récent sommet de Berlin (3 juin 1996) a précisé certaines modalités de mises en oeuvre de ces GFIM, en évitant la duplication des structures qui aurait abouti à reproduire, au sein de l'UEO, la totalité d'une chaîne de commandement et en maintenant une structure militaire unique, mais allégée et assouplie.

3. Une ambition européenne plus forte reste toutefois, aux yeux de votre rapporteur, nécessaire.

Les intérêts français seront, en tout état de cause, préservés dans le cadre de la future Alliance atlantique :

- aucune force française ne pourra naturellement être engagée dans une opération militaire quelconque sans l'accord des autorités françaises ;

- si l'accord se fait sur une réforme satisfaisante de l'Alliance et sur l'affirmation de l'identité européenne en son sein, la France devra y participer pleinement ;

- si, en revanche, cette adaptation ne faisait pas une place suffisante à l'Europe, notre pays devrait s'en tenir aux décisions du 5 décembre 1995.

De manière générale, les relations à venir entre la France et l'OTAN seront très largement dépendantes de l'évolution des structures et des procédures de l'Alliance elle-même.

Il reste que le risque existe que la rénovation de l'Alliance -et

notamment la formule des GFIM- si elle marie heureusement l'OTAN et des ambitions européennes minimales, coupe court à une véritable ambition propre à promouvoir une défense européenne reposant sur des moyens proprement européens, mais qui comporterait, pour beaucoup de nos partenaires le risque d'affaiblir l'Alliance.

C'est pourquoi votre rapporteur croit nécessaire une ambition forte :

- sur le plan opérationnel, pour renforcer fortement des capacités de l'UEO encore balbutiantes (coordination des forces multinationales existantes, chaîne de commandement crédible...)

- et sur le plan politique : l'UEO est aujourd'hui, à travers notamment un format incertain, en mal d'identité : 10 membres « pleins », 27 si l'on y ajoute les membres associés, les observateurs et les partenaires, sans oublier la figure intermédiaire à 18. Comme le soulignait le ministre français de la défense le 19 décembre 1995 : « la tâche la plus urgente est donc de rendre à l'UEO son rôle de référence politique en valorisant les 10 États qui souscrivent aux engagements les plus contraignants et qui sont membres de l'Union européenne ». La conférence intergouvernementale actuelle constitue à cet égard une occasion qu'il ne faut pas laisser passer.

DEUXIÈME PARTIE : LE PASSAGE À L'ARMÉE PROFESSIONNELLE

En incluant l'ensemble des crédits du titre III, auxquels seront consacrés chaque année 99 milliards de francs soit 53,51 % de l'enveloppe totale, le projet de loi de programmation souligne le nécessaire cohérence entre dépenses d'équipement et dépenses de fonctionnement. Cette nécessité est renforcée par l'évolution vers un modèle d'armée professionnelle, qui aura des conséquences majeures sur les personnels et sur le fonctionnement courant des armées.

La professionnalisation implique un aménagement substantiel des ressources humaines de la Défense. Cette adaptation est liée notamment à la réforme du service national qui sera progressivement engagée pendant la période 1997-2002, et à la densification du format des armées.

Dans cette perspective, qui constitue une véritable rupture pour l'ensemble des personnels de la Défense, le projet de loi de programmation prévoit des mesures d'accompagnement économiques et sociales, destinées à atténuer tant les conséquences de la professionnalisation que de la restructuration des implantations militaires.

A. L'ADAPTATION DES RESSOURCES HUMAINES DE LA DÉFENSE

Le passage à l'armée professionnelle induira, d'une part, une modification des parts respectives des différentes composantes de nos forces : militaires de carrière ou sous contrat, personnels civils, réservistes et « appelés ». Ce terme est toutefois voué à disparaître dans la perspective de l'instauration d'un service national volontaire, conformément à la formule proposée par le Président de la République le 27 mai dernier, et que le rapport d'information présenté par le Sénat sur L'avenir du service national avait préconisé.

Mis en forme à un moment où l'avenir du service national, incertain, pouvait obéir à deux logiques distinctes -celle de l'obligation et celle du volontariat- le rapport annexé à la loi de programmation se référait aux deux hypothèses envisagées, le terme de « jeunes du service national » ayant été retenu pour ménager les scénarios en concurrence.

C'est néanmoins d'un projet de loi de programmation fondé sur un service national volontaire qu'est saisi le Sénat, du fait de l'amendement déposé par le Gouvernement et voté par l'Assemblée nationale pour tirer les conséquences de la proposition du Chef de l'État. Votre rapporteur rappellera toutefois, dans son analyse des effectifs de la Défense, l'incidence qu'aurait pu avoir le maintien de l'obligation de service si cette solution avait été retenue.

D'autre part, le volume de nos forces sera considérablement réduit, puisque les effectifs de la défense diminuent de 24 % entre 1996 et 2002. Cette contraction aurait été de 23 % si l'hypothèse du maintien d'un service obligatoire l'avait emporté. Cette diminution affectera toutefois dans des proportions variables les trois armées et la gendarmerie.

1. Les composantes de l'armée professionnelle

Les parts respectives, au sein de la future armée professionnelle, des différentes catégories de personnels -militaires de carrière et sous contrat, civils, « jeunes du service national » et réservistes- connaîtront une évolution sensible par rapport à la situation actuelle. De manière générale, l'armée professionnelle comptera, comme le montre le tableau suivant, plus de civils et d'engagés et moins de cadres militaires. La part du service national sera substantiellement réduite.

1996

2002

Volontariat

(Obligation)

Effectifs

Part dans le total

Effectifs

Part dans le
total

Officiers

38 456

6,71 %

38 189

(38 324)

8,67 %

(8,58 %)

Sous-officier s

214 828

37,48 %

199 296

(199 130)

45,27 %

(44,59 %)

Total cadres

253 284

44,19%

237 485

(237 454)

53,94 %

(53,18 %)

Militaires du rang engagé s

44 552

7,77 %

92 527

(92 252)

21 %

(20,66 %)

Total de militaires de carrière ou sous contrat

297 836

51,97 %

330 012

(329 706)

74,96 %

(73,84 %)

Civils

73 747

12,86 %

83 023

(77 218)

18,86 %

(17,29 %)

« Jeunes du service national »

201 498

35,16 %

27 171

(39 575)

6,17 %

(8,86 %)

Total

573 081

-

440 206

(446 499)

-

Evolution des différentes composantes de l'armée (trois armées, gendarmerie, services communs), compte non tenu des réserves.

a) Les deux options relatives à l'avenir du service national

En annonçant sa volonté de passer à l'armée professionnelle, le Chef de l'État a, le 22 février dernier, exclu la suppression de toute forme de service, en s'inspirant, par exemple, du modèle britannique. En effet, si la professionnalisation des forces paraît aujourd'hui inéluctable eu égard aux besoins opérationnels actuels, en revanche mettre fin à toute forme de service, militaire ou civil, ne semble pas correspondre aux spécificités de notre société.

(1) Les données du débat

La professionnalisation des armées pose donc le problème de l'avenir du service national et du contenu de la réforme susceptible de donner un souffle nouveau à une institution dont le rapport d'information adopté par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat 2 ( * ) a mis en évidence le caractère désormais dépassé.

Rappelons que le futur service national pourrait s'appuyer sur trois formes (sécurité-défense, solidarité-cohésion sociale, coopération-action humanitaire), le service militaire devenant une modalité résiduelle d'un service à dominante civile.

Les grandes tendances qui se sont dégagées de la réflexion conduite dans tout le pays et au Parlement sur l'avenir du service national ont fait apparaître les différentes options envisageables :

- le nouveau service national aurait pu s'appuyer sur le maintien du principe de conscription obligatoire, qui se serait appliqué soit à un service militaire de courte durée ou à un « service civique » à dominante civile ;

- la formule du volontariat préconisée par le rapport sénatorial précité, et proposée par le Président de la République le 28 mai dernier, implique la suppression de l'obligation légale actuellement prévue par le code du service national, mais pas celle du recensement et du principe de conscription, qui pourraient être maintenues à travers un système inspiré des « trois jours ».

L'amendement introduit par le Gouvernement dans le projet de loi de programmation, et adopté par l'Assemblée nationale, vise à tirer les conséquences des orientations proposées par le Chef de l'Etat à l'issue du débat sur le service national.

(2) Quelle place pour les « jeunes du service national » ?

Le service militaire volontaire occupera une place réduite au sein des composantes de l'armée professionnelle à l'échéance de 2002.

De 201 498 appelés (trois armées et gendarmerie) en 1996, le nombre de « jeunes du service national » sera réduit à 27 171 volontaires en 2002. Dans l'hypothèse de l'obligation, la cible retenue à l'égard du service national était de 39 575 jeunes gens, ces effectifs ayant été définis à coût bernique. De 35,16 % en 1996, la part du service militaire dans les effectifs de la défense devrait donc passer à 6,2 % avec un service volontaire.

Notons que le maintien de l'obligation aurait également conduit à une diminution très substantielle de la part du service militaire dans l'ensemble des effectifs de la défense, puisque les « jeunes du service national » auraient représenté 8,86 % du total.

La différence de quelque 12 404 « jeunes du service national » prévue par le projet de loi de programmation dans sa rédaction initiale (27 171 volontaires et 39 575 jeunes dans le cadre de l'obligation) s'explique :

- non seulement par l'incertitude qui caractérise le nombre de futurs Volontaires éventuels, rendant plus prudente la définition d'objectifs Modérément ambitieux,

- mais aussi par les coûts attendus du volontariat, en raison des incitations qui devront être proposées aux volontaires pour susciter des vocations.

En effet, le coût unitaire d'un volontaire du futur service national Pourrait, selon certaines estimations, s'élever à 70 000 F (à rapprocher des 19 824 F qui constituent le coût annuel, dans le cadre du système actuel, d'un appelé soldat de deuxième classe). Quelle que soit la fiabilité de cette estimation, la rémunération servie aux futurs volontaires devrait être plus élevée. C'est pourquoi un montant de 1 700 F par mois, soit le triple de l'actuel « prêt des appelés » servant sous les drapeaux (550 F) a été évoqué. Dans l'hypothèse du maintien de l'obligation, assurer aux appelés une rémunération attractive n'aurait pas été indispensable. C'est pourquoi, à coût identique, la formule du service obligatoire aurait permis d'incorporer dans les armées et dans la gendarmerie plus de jeunes gens que dans le cas du volontariat.

En dépit d'un coût moyen quelque peu élevé, le coût global du service militaire volontaire est très comparable à celui du service militaire dans le cadre du service civique obligatoire : 2,9 milliards de francs pour le service militaire volontaire et 2,8 milliards pour le service militaire si l'avait emporté le maintien de l'obligation. Notons que ces estimations n'incluent pas le coût de la Direction nationale du service national, et donc ne tiennent pas compte du coût du « rendez-vous citoyen » envisagé par le Sénat et l'Assemblée nationale, et proposé par le Président de la République le 28 mai 1996. Par ailleurs, le coût global du service militaire volontaire pourrait être soumis à des fluctuations liées aux incertitudes sur les effectifs.

Notons, de surcroît, l'incidence du choix retenu en matière de service national sur les effectifs qui caractériseront les différentes composantes de l'armée professionnelle à l'échéance de 2002.

L'armée professionnelle aurait compté, si le principe de l'obligation avait été maintenu, 8 693 personnels de plus que dans le cas du volontariat, soit :

- 135 officiers de plus,

- 166 sous-officiers de moins,

- 925 militaires du rang engagés de plus,

- 4 605 civils de moins,

- 12 404 « jeunes du service national » de plus.

En revanche, le volontariat induit une augmentation du nombre de personnels civils, destinée à compenser la place réduite du service militaire dans la future armée professionnelle. On remarque néanmoins que la différence entre les deux formules à l'égard des effectifs de cadres des trois armées et de la gendarmerie est relativement modeste.

(3) L'incidence du « rendez-vous citoyen » sur la programmation 1997-2002

Tant le Sénat que l'Assemblée nationale ont conclu leurs travaux en exprimant le souci que la professionnalisation ne se traduise pas par la suppression pure et simple du principe de conscription, mais que celle-ci soit maintenue à travers un système de recensement et de sélection inspiré des « trois jours ».

Le rapport consacré par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à L'avenir du service national montre que ces « trois jours » rénovés pourraient notamment être l'occasion de présenter à la jeunesse les perspectives offertes par les différentes formes de service volontaires, les carrières de l'armée et de la gendarmerie, ainsi que les possibilités d'accès aux forces de réserve.

Il convient donc de préciser l'incidence budgétaire de ces opérations de sélection, sachant que leur coût sera d'autant plus difficile à faire tenir dans l'enveloppe annuelle de 185 milliards de francs prévus par la loi de programmation que la durée en sera plus importante. Différentes questions peuvent d'ores et déjà être posées :

- quelles seront les parts respectives du ministère de la défense et des autres ministères dans le financement de ces « trois jours », sachant que le coût actuel de la DCSN (soit un milliard de francs) est imputé sur le budget de la Défense, mais que cette solution pourrait éventuellement être remise en cause dans le cadre du futur service national où le service militaire n'occuperait qu'une place marginale ?

- quels effectifs devront être consacrés par les armées à l'accueil et à l'encadrement des jeunes, sachant que 80 % de l'encadrement incomberont au ministère de la Défense et que la part de l'armée de terre devrait être comparable à la proportion de ses cadres au sein de la Défense, soit 28 % en 2002 ?

- quelle sera l'incidence de cette formule en matière d'infrastructures ? Ne permettra-t-elle pas de maintenir en fonctionnement des casernements appelés à disparaître du fait des restructurations ?

b) Une nette augmentation des effectifs de militaires de carrière et sous contrat

Véritable socle de l'armée professionnelle, la catégorie des carrières-contrat verra ses effectifs passer de 297 836 en 1996 à 330 012 en 2002 (329 706 si l'obligation l'avait emporté). Cette augmentation en valeur absolue ira de pair avec un redressement très net de la part des carrières-contrat dans l'ensemble des effectifs de la défense (trois armées, gendarmerie et services communs). Cette catégorie représentera plus de 74 % des effectifs globaux (cette proportion aurait été la même si l'obligation du service national avait été maintenue), alors que les carrières-contrat représentent en 1996 51,97 % des effectifs de la défense.

(1) Officiers et sous-officiers

Les effectifs d'officiers diminueront relativement peu (- 267 postes, -132 dans l'hypothèse de l'obligation), pour passer de 38 456 en 1996 à 38 189 en 2002 (38 324 si le maintien de l'obligation avait été retenu). Cette quasi-stabilité recouvre en fait des évolutions plus contrastées selon les armées, comme votre rapporteur le montrera ci-après. Par ailleurs, la part des officiers dans le total des effectifs de la défense augmentera avec la professionnalisation. De 6,71 % en 1996, la proportion d'officiers sera supérieure à 8,6 % en 2002.

Les effectifs de sous-officiers seront réduits de 7,2 % (- 7,3 % si l'obligation avait été maintenue). L'armée professionnelle comptera en 2002 199 296 sous-officiers. Cet effectif aurait été très proche (199 130) si l'obligation l'avait emporté.

(2) Militaires du rang engagés

Conséquence directe de la professionnalisation, le nombre d'engagés augmentera très sensiblement à mesure que les effectifs d'appelés décroîtront, jusqu'à atteindre 92 527 hommes (92 300 si l'obligation avait été préservée), ce qui représente plus du double des effectifs actuels de militaires du rang (44 552 en 1996).

Cette évolution suppose que les armées recrutent, non pas 12 % de chaque classe d'âge, mais 12 % de ceux qui, dans chaque classe d'âge, sont aptes physiquement et pourraient être considérés, par leur niveau scolaire inférieur au baccalauréat, comme « clientèle potentielle » à ce niveau d'engagement. Cette proportion pourrait être toutefois réduite si la durée d'engagement moyenne était allongée.

Votre rapporteur reviendra ci-après sur les mesures destinées à favoriser des vocations nombreuses d'engagés de qualité.

c) Le renforcement de la part des personnels civils

La réduction de la part du service national se traduira par un renforcement du rôle des civils au sein de la Défense. Les personnels militaires étant affectés prioritairement aux emplois opérationnels, les soutiens et les postes à vocation générale seront confiés aux personnels civils.

Notons toutefois une augmentation différenciée des effectifs civils selon les catégories, le nombre d'ouvriers étant appelé à se contracter du fait des restructurations industrielles en cours, tandis que la professionnalisation induira un appel accru aux cadres de catégorie A et aux fonctionnaires de niveau B.

Enfin, l'augmentation des effectifs des civils est étroitement liée à l'avenir du service national.

Dans la perspective de l'instauration d'un service militaire volontaire, la limitation à 27 171 du nombre de « jeunes du service national » (soit 6,2 % des effectifs de la Défense) aura pour corollaire un nombre relativement important de 83 023 civils (+ 12,57 % par rapport aux effectifs de 1996), ceux-ci représentant 18,86 % des personnels de la Défense.

Si le maintien de l'obligation l'avait emporté, les 39 575 appelés auraient représenté 8,86 % des effectifs de la Défense. La part des civils, au nombre de 77 218, soit une hausse de 4,7 % seulement par rapport à la situation actuelle, aurait été de 17,29 % des personnels de la Défense.

Par ailleurs, la variation des effectifs civils diffère également en fonction des armées et des services. On prévoit en effet :

- une augmentation substantielle des civils affectés à la gendarmerie (+ 79,65 %), à la Marine (+ 78,5 %) et, dans une moindre mesure, à l'Armée de l'air (+ 37,19 %) ;

- une augmentation moins nette des civils affectés à l'Armée de terre (+ 6,4 %) ;

- la stabilité des civils employés dans l'administration centrale, soit 2 517 ;

- la diminution des civils affectés à la Délégation générale pour l'armement (- 10,88 %, soit environ 13 000 personnes en 2002 au lieu de 14 769 en 1996) ;

- la faible diminution des civils (- 2,42 %) employés par les services communs (Service de santé, Service des essences ...) : cette réduction aurait été de - 0,6 % si la formule du maintien de l'obligation avait été retenue.

En revanche, les prévisions relatives aux effectifs civils affectés à l'Armée de terre sont liées à l'avenir du service national (obligation : stabilité, soit 31 946 civils en 1996 comme en 2002, volontariat : + 6,4 %).

Répartition des personnels civils entre les armées,

la gendarmerie et les services communs 1996-2002

1996

2002

Variation 2002-1996

Armée de terre

31 946

34 000

+ 6,4 %

Armée de l'air

4 906

6 731

+ 37,19 %

Marine

6 495

11 594

+ 78,55 %

Gendarmerie

1258

2 260

+ 79,65 %

Services communs

29 142

28 438

- 2,42 %

Total

73 747

83 023

+ 12,57 %

d) L'apport des réservistes

. Corollaire indispensable de l'armée professionnelle, le recours aux forces de réserves est prévu dans le cadre du plan « Réserves 2015 » dont les orientations ont été exposées par le ministre de la Défense le 10 avril 1996. L'objectif est d'associer plus étroitement les réserves aux missions de l'armée d'active, notamment en leur confiant des tâches de substitution sur le territoire national -en complément des forces professionnelles appelées à participer à dés opérations extérieures. La mise en oeuvre du plan « Réserves 2015 » s'appuiera sur un format encore plus concentré par rapport aux objectifs de la précédente loi de programmation.

. La loi de programmation 1995-2000 prévoyait en effet, à l'échéance de l'an 2000, un effectif total de 504 600 réservistes, ainsi réparti entre les différentes affectations :

Réserves. Effectifs par armée ou service à l'échéance de l'an 2000
(loi de programmation 1995-2000)

Armée de terre

195 500

Armée de l'air

40 000

Marine

100 000

Gendarmerie

135 000

Service des essences

5 100

Service de santé

27 000

Délégation générale pour l'armement

2 000

TOTAL

504 600

Sur ces 504 600 réservistes, on relève aujourd'hui :

- 2 100 « spécialistes » qui peuvent être employés par la Défense sans formation complémentaire, car leurs fonctions dans la vie civile sont identiques à celles qui sont susceptibles de leur être confiées dans la réserve (linguistes, médecins ...) ;

- 80 750 réservistes constituent la « réserve sélectionnée » , qui souscrivent un contrat de réserve active et disposent de qualifications militaires ou professionnelles permettant à la Défense de les affecter à des postes de responsabilité ;

- 159 350 réservistes forment la « réserve générale », en instance d'affectation, et destinés à suppléer en cas de besoin les deux catégories ci-dessus ;

- 262 400 réservistes constituent la réserve disponible, prolongement légal du service national. L'article L 67 du Code du service national fixe à cinq ans la durée de service actif et de disponibilité. La réserve disponible est donc composée des appelés du service militaire libérés depuis moins de cinq ans, ce qui signifie qu'un appelé ayant servi sous les drapeaux pendant la durée légale du service militaire (10 mois) fait partie de la disponibilité pendant quatre ans et deux mois à compter de sa libération.

. Le projet de loi de programmation 1997-2002 vise un effectif de réservistes nettement concentré, puisqu'il prévoit un volume de 100 000 réservistes environ, à raison de 50 000 pour la gendarmerie et 50 000 pour les trois armées. Ces 100 000 réservistes, sélectionnés pour leurs compétences et leur disponibilité, formeront la première réserve, destinée à permettre de rassembler des effectifs rapidement opérationnels. Ces nouvelles forces de réserve seront recrutées à partir des anciens militaires professionnels, de volontaires et des « jeunes du service national ».

Le projet de loi de programmation 1997-2002 renvoie en outre à une deuxième réserve, composée de ceux -et de celles- qui, anciens de la première réserve ou ne remplissant pas les conditions de disponibilité et de compétences définies pour y accéder, seront néanmoins soucieux de « contribuer sous des formes nouvelles et adaptées au maintien du lien armées-Nation ».

2. L'évolution du format des forces

La réduction du format des armées et de la gendarmerie recouvre des situations contrastées en fonction des spécificités qui caractériseront la montée en puissance de la professionnalisation de chacune.

Evolution des effectifs par armée ou service et par catégorie entre 1996 et 2002

1996

2002

Terre

Officiers

17461

16 080

Sous-officiers

56 644

50 365

MDR engagés

30 202

66 681

Appelés et volontaires

132 319

5 500

Civils

31 946

34 000

Total

268 572

172 626

Marine

Officiers

4 844

4 961

Sous-officiers

32 530

30 136

MDR engagés

8 103

7 998_

Appelés et volontaires

17 906

1 775

Civils

6 495

11 594

Total

69 878

56 464

Air

Officiers

7 277

6 974

Sous-officiers

42 813

38 392

MDR engagés

5 882

16 758

Appelés et volontaires

32 674

2 225

Civils

4 906

6 731

Total

93 552

71 080

Gendarmerie

Officiers

2 666

4 055

Sous-officiers

77 728

75 337

dont : sous-officicrs gendarmerie

77 079

71 302

autres sous-officiers

649

4 035

Appelés et volontaires

12 017

16 232

Civils

1 258

2 260

Total

93 669

97 884

Services communs

Officiers

6 208

6 119

Sous-officiers

5 113

5 066

MDR engagés

365

1 090

Appelés et volontaires

6 582

1 439

Civils

29 142

28 438

Total

47 410

42 152

Totaux

Officiers

38 456

38 189

Sous-officiers

214 828

199 296

MDR engagés

44 552

92 527

Appelés et volontaires

201 498

27 171

Civils

73 747

83 023

Total

573 081

440 206

a) Une Armée de terre au format réduit

D'un total de 268 572 hommes en 1996 (personnels civils compris), L'Armée de terre devra atteindre en 2002 un effectif de 172 626 hommes, soit une contraction de 36 % répartie sur six années. Notons que la cible envisagée pour 2015 sera atteinte par l'Armée de terre dès la fin de la période de la programmation. Si le maintien de l'obligation du service national l'avait emporté, la cible aurait été de 174 872 hommes, soit une diminution de format de 34,89 %. Outre cette contraction d'effectifs, liée à la professionnalisation, la mise en oeuvre du projet de loi de programmation se traduira, pour l'Armée de terre, par une modification profonde de son dispositif et de ses structures.

(1) Les effectifs de l'Armée de terre professionnelle

L'évolution de l'Armée de terre pendant la période 1997-2002 est étroitement liée à la disparition du service national dans ses formes actuelles.

. Les effectifs de militaires d'active augmenteront de 27,6 %. Cette hausse recouvre une diminution des effectifs d'officiers (réduits d'environ 200 par an jusqu'à une contraction de 7,9 %), de sous-officiers (- 11,09 % entre 1996 et 2002), alors que les effectifs de militaires du rang engagés seront plus que doublés : 30 202 en 1996, 66 681 en 2002.

. Les incertitudes sur l'avenir du service national ont induit certaines nuances à l'égard des personnels civils. Si leur effectif aurait été stable dans l'hypothèse du maintien de l'obligation (31 946 postes civils de 1996 à 2002), on note, dans le cadre du volontariat, une hausse annuelle régulière de 340 postes environ entre 1996 et 2002, soit une augmentation de 6,4 % concernant cette catégorie pendant la période, leur part dans l'ensemble des effectifs passant de 11,89 % en 1996 à 19,7 %.

. La contraction du format de l'Armée de terre (- 95 946 hommes dans le contexte issu du choix d'un service volontaire, - 93 700 si le maintien de l'obligation avait été retenu) est donc liée à la disparition de la formule actuelle du service national. La part du service national dans l'ensemble des effectifs de l'Armée de terre passera de 132 319 appelés en 1996, soit 49 % des effectifs, à 5 500 volontaires qui ne représenteront plus que 3,2 % de l'ensemble des forces terrestres. Dans l'hypothèse du maintien de l'obligation, les 11 000 « jeunes du service national » auraient représenté 6,29 % des effectifs.

. L'évolution du format et la professionnalisation de l'Armée de terre se traduisent par un fort accroissement du taux d'encadrement, qui devrait s'élever à terme à 49 % au lieu de 31 % actuellement.

(2) Des restructurations accélérées

L'armée de terre ralliera au plus vite son format futur en procédant à la quasi-totalité des dissolutions de régiments pendant les trois premières années d'application de la loi de programmation. L'adaptation des fonctions de soutien, de formation et de commandement interviendra à partir de 1999, le maintien de ces fonctions étant indispensable à la conduite de restructurations. Rappelons que l'armée de terre procède à de nombreuses restructurations depuis 1993, qui ont conduit à la dissolution de 19 états-majors, de 54 régiments et de 86 organismes de soutien. Après la pause intervenue en 1995, les restructurations prévues pour 1996 ont concerné la dissolution de six centres mobilisateurs, de quatre commissariats, du centre d'entraînement commando de Pont Saint-Vincent, du centre de traitement de l'information de Lyon et de deux régiments : le 72e Régiment de génie de Mourmelon et le 20e Régiment d'artillerie de Poitiers. Cette dernière mesure est compensée par le transfert, de Vannes à Poitiers, du Régiment d'infanterie et chars de marine (RICM), entièrement professionnalisé.

A l'échéance de 2002, l'armée de terre devrait donc perdre une quarantaine de régiments et dissoudre plusieurs dizaines de formations.

Ces restructurations devraient être annoncées par tranches biannuelles, de manière à permettre aux intéressés (personnels concernés et leurs familles, collectivités locales) de prendre leurs dispositions. La première tranche, qui couvrira au minimum la période 1997-1998, sera connue dès juillet 1996.

La réorganisation du commandement et du soutien, qui débutera en 1999, pourrait se fonder sur cinq circonscriptions ou régions au lieu de neuf actuellement, représentées par un commandement organique. Le commandement opérationnel comprendra un état-major des forces terrestres projetables ainsi que quatre états-majors polyvalents.

b) L'Armée de l'air à l'échéance de 2002

La professionnalisation n'est pas censée remettre en cause en profondeur l'organisation générale et les structures de l'armée de l'air, dont les unités projetables sont déjà très largement professionnalisées. La professionnalisation affectera, en revanche, très sensiblement le fonctionnement des bases aériennes et la répartition des fonctions entre militaires et civils.

(1) Un format réduit

. Pendant la période 1997-2005, l'Armée de l'air verra ses effectifs décroître de 24 % . Cette diminution aurait été de 22,35 % si l'obligation du service national l'avait emporté : de 93 555 en 1996, les personnels de l'Armée de l'air (militaires et civils) devront passer à 71 080 en 2002. L'objectif aurait été de 72 652 dans le contexte issu d'un service national obligatoire. Contrairement à l'armée de terre, qui ralliera dès 2002 la cible prévue pour 2015, l'armée de l'air devra, après la période de programmation, resserrer ses effectifs pour parvenir aux 70 683 hommes qui constitueront son format en 2015 (71 578 avaient été prévus dans l'hypothèse du maintien de l'obligation).

. Comme dans le cas de l'armée de terre, cette contraction d'effectifs se traduira par une augmentation du nombre de personnels d'active et de civils.

- Les effectifs civils, de 4 906 en 1996 soit 5,24 % de l'ensemble, passeront à 6 731 en 2002 avec un service volontaire. Ils représenteront alors 9,46 % du total. Leur nombre augmentera donc de 37,19 %, entre 1996 et 2002. Après la période de transition, leur effectif est appelé à une légère réduction (6 576 en 2015), sans que cette évolution affecte la part des civils dans l'ensemble des effectifs de l'armée de l'air, qui s'établira alors à 9,3 %.

Dans l'hypothèse du maintien d'une forme de service obligatoire, le nombre de civils aurait été de 5 848 en 2002, soit une hausse de 18,64 % par rapport à l'effectif de 1996. A l'échéance de 2015, les 6 436 civils auraient toutefois représenté 8,99 % du total des personnels de l'armée de l'air.

- Le nombre de militaires d'active, de 42 813 en 1996, passera à 62 124 en 2002, soit une hausse de 45,1 % qui aurait été de 45,64 % si l'obligation du service national l'avait emporté. Les évolutions retenues à l'égard des officiers et des sous-officiers n'ont pas été affectées par les scénarios en concurrence à l'égard du service national. De 7 277 en 1996, le nombre d'officiers serait passé, dans l'une et l'autre hypothèses, à 6 974 en 2002 (puis à 6 814 en 2015), et les effectifs de sous-officiers, de 42 813 en 1996 à 38 392 en 2002, soit une baisse de 4,17 % pour les officiers et de 10,3 % pour les sous-officiers.

Le nombre de militaires du rang engagés est appelé à une hausse sensible. Cette évolution n'aurait pas été affectée par les incertitudes relatives au service national. De 5 882 en 1996, ces effectifs passeront à 16 758 en 2002, soit un quasi-triplement à l'échéance de 2015 (17 746 militaires du rang engagés ou « militaires techniciens de l'air » en 2015). Si une forme d'obligation du service national avait été maintenue, les effectifs des militaires du rang engagés seraient passés à 16 988 en 2002 (16 556 en 2015).

La catégorie des militaires du rang engagés représentera donc, en 2002, 23,57 % des effectifs de l'armée de l'air (25,1 % en 2015), au lieu de 6,63 % en 1996.

- La réduction de la part du service national dans les effectifs de l'armée de l'air sera progressive, et passera de 34,92 % de l'ensemble en 1996 (avec 32 674 appelés) à 3,13 % en 2002 avec 2 225 volontaires (même cible pour 2015).

Le maintien de l'obligation du service national se serait traduit par un effectif de 4 450 "jeunes du service national", qui auraient représenté 6,12 % du total des personnels de l'armée de l'air.

. Les restructurations mises en oeuvre par l'armée de l'air depuis 1993 ont eu pour objectif un resserrement de son dispositif pour obtenir une meilleure adéquation entre les lieux de stationnement de ses avions de combat, de transport et d'avions-école, et la contraction du dispositif de soutien des matériels.

C'est ainsi qu'en 1994 ont été fermées la base aérienne de Strasbourg-Entzheim, ainsi que, dans le domaine des soutiens, la base de Toulon-Balma, celle de Limoges ayant fait l'objet d'une restructuration. En 1997, les restructurations concerneront le regroupement des organismes implantés à Bordeaux sur le site de Mérignac, la création d'un pôle "Infrastructure et génie de l'air" sur la base de Toul-Rosières, à partir de transferts de services de Chartres, de Compiègne et de Toul-Thouvenot, et, enfin, la dissolution de la base aérienne de Limoges ainsi que la fermeture de l'entrepôt, dont les missions seront transférées à Romorantin, Ambérieu et Cinq-Mars-la Pile, près de Tours.

De 44 bases en 1993, le format de l'armée de l'air passera à 39 en 1997, et à 32 en 2002. Les mesures de restructuration qui seront décidées dans le cadre de la programmation 1997-2002 constituent donc la poursuite d'un processus déjà bien entamé, destiné à rationaliser les implantations tout en limitant les dépenses en infrastructures, dont les coûts, très élevés, ne sont rentables qu'à l'échéance de 15 à 20 ans.

(2) Une nouvelle organisation fondée sur une nouvelle répartition des fonctions entre militaires et civils

Pendant la période de transition, l'armée de l'air devra adapter l'organisation de ses unités à la décroissance progressive des effectifs appelés. Rappelons que l'armée de l'air compte peu d'unités à prédominance d'appelés, sauf dans les domaines de la protection et de l'infrastructure.

- Les 2 225 volontaires du service militaire dans l'Armée de l'air en 2002 occuperont, comme dans le système actuel, des postes de support général ou technique. Le concept d'emploi aurait été le même si l'obligation du service national avait été maintenue. Dès 1997, les bases de Cognac,

Ambérieu et Colmar expérimenteront les formules envisagées pour procéder au remplacement des appelés par un nombre réduit d'engagés.

- Les civils occuperont les postes dont les caractéristiques ne justifient pas qu'ils soient confiés à des militaires. En règle générale, les postes de soutien n'impliquant pas une grande mobilité seront transférés à des personnels civils.

- Les militaires du rang engagés (« militaires techniciens de l'air » ou MTA) occuperont les emplois de support opérationnel, technique ou général, dont les caractéristiques (disponibilité, horaires, opérations extérieures ...) requièrent du personnel militaire. Les activités du personnel militaire devront, de manière générale, être recentrées sur les fonctions opérationnelles.

c) La réorganisation de la Marine

La professionnalisation affectera directement l'organisation générale de la Marine, mais n'induira pas de restructurations majeures. En effet, le plan Optimar 95 a déjà permis de procéder à l'essentiel des mesures nécessaires en vue de la réorganisation des structures de la Marine.

(1) Principes guidant la professionnalisation de la Marine

. De manière générale, les appelés embarqués seront remplacés, nombre pour nombre, par des militaires d'active, le recours à des personnels civils étant exclu à bord des bâtiments, où chaque homme est considéré comme un combattant, quelles que soient sa spécialité ou ses fonctions. Les appelés en poste à terre seront remplacés par des professionnels, militaires ou civils, à proportion de 0,8 professionnel pour un appelé. Ce ratio tient compte de la productivité supérieure des professionnels.

Dans les cas où des postes de militaires professionnels se substitueront à des postes d'appelés, le recours à des engagés de longue durée (contrat de huit ans) sera privilégié. Les emplois de faible qualification devraient toutefois être confiés à des engagés pour un contrat court (deux ans éventuellement renouvelables une fois).

. L'emploi de personnels civils est privilégié essentiellement pour des raisons budgétaires. En effet, le coût relatif des personnels militaires est plus élevé que celui des personnels civils. Cette situation tient aux spécificités de rémunération liées aux contraintes du statut militaire, et aux incitations matérielles proposées dans le cadre de la professionnalisation pour recruter des militaires de qualité.

C'est pourquoi seront de préférence confiés à des civils les postes n'ayant pas de lien direct avec le service des armes, ne comportant pas d'exigences particulières de disponibilité ou de mobilité, et ne relevant pas d'une spécialité dans laquelle il est impossible de dissocier emplois à terre et emplois embarqués.

(2) La disparition des appelés compensée par une augmentation de personnels civils

. Les effectifs de la Marine passeront de 69 878 en 1996 à 56 464 en 2002, soit une contraction de 19,2 % (cette baisse aurait été de - 17,36 % dans le cas du maintien de l'obligation, les effectifs globaux de la Marine s'élevant, dans cette hypothèse, à 57 753 hommes).

. A la différence de l'armée de l'air et des forces terrestres, la Marine ne compensera pas la suppression des postes d'appelés par une augmentation des effectifs de militaires d'active, mais par une augmentation des effectifs civils.

- La réduction des effectifs de militaires d'active sera de - 5,24 % (43 095 hommes en 2002 au lieu de 45 477 en 1996), et portera, pour l'essentiel, sur la catégorie des sous-officiers (- 7,36 %), la baisse des effectifs de militaires du rang engagés se limitant à - 1,3 %. En revanche, les effectifs d'officiers augmenteront de 2,41 %, passant de 4 844 en 1996 à 4 961 en 2002. En dépit de cette baisse globale des effectifs de militaires d'active, la part de ceux-ci dans le total des personnels de la Marine augmentera très sensiblement, et passera de 65 % en 1996 à 76,32 % en 2002.

Le maintien de l'obligation du service national aurait été sans conséquences sur les officiers et sous-officiers, mais les effectifs de militaires du rang engagés auraient augmenté de 7,28 % dans cette hypothèse, ce qui aurait limité la diminution du nombre de militaires d'active à - 3,71 %.

- Les personnels civils de la Marine augmenteront de 78,5 % (11 594 en 2002 au lieu de 6 495 en 1996). Leur part dans l'ensemble des personnels de la Marine sera, en 2002, de 20,53 % (9,29 % en 1996). Cette hausse aurait été de 60,32 % dans le cas de maintien de l'obligation. La proportion de civils dans le total des effectifs de la Marine se serait limitée à 18 % dans cette hypothèse.

. La part du service national diminuera très sensiblement à l'échéance 2002 : alors que les appelés représentent en 1996 25,63 % des effectifs de la Marine, les 1 775 volontaires que comptera celle-ci en 2002 ne représenteront que 3,14 % de l'ensemble. Si le maintien de l'obligation du service national l'avait emporté, les 3 550 "jeunes du service national" auraient, en 2002, été l'équivalent de 6,14 % des personnels.

Pendant la période de transition, les besoins en appelés diminueront de manière linéaire sur cinq années. La professionnalisation des unités à terre sera menée parallèlement à celle des unités navigantes. Des appelés volontaires pour de telles affectations pourront, pendant cette période, être affectés à des unités navigantes qui ne sont pas destinées à être déployées en opérations extérieurs. D'autres pourront recevoir des affectations à terre en environnement opérationnel.

(3) Peu de restructurations à venir dans la Marine

Du fait de la mise en oeuvre du plan Optimar 95, la marine a déjà procédé à l'adaptation de ses structures territoriales.

Le plan Optimar 95 prévoit, en effet, le regroupement des principales unités et les soutiens associés dans les deux ports de Brest et de Toulon, ainsi que la fermeture de la base aéronavale de Fréjus et de la base de Keroman. En 1996, les restructurations ont concerné le transfert de l'École d'initiation au pilotage de Rochefort à Lanveoc-Poulmic en 1997, dans le cadre d'un regroupement des organismes de formation.

L'anticipation qu'a constituée la mise en oeuvre du plan Optimar 95 limite les incidences de la professionnalisation sur les restructurations dans la Marine. Celles-ci pourraient se borner à la dissolution éventuelle du centre de formation maritime d'Hourtin, dont le maintien ne serait pas nécessaire avec l'incorporation de 1 775 volontaires seulement.

d) L'importance croissante de la gendarmerie

La gendarmerie est la seule force dont le format soit appelé à augmenter pendant la période de programmation. Cette spécificité est liée à un besoin croissant de sécurité, susceptible d'affecter directement l'ampleur des missions confiées à la gendarmerie.

(1) Un besoin croissant de sécurité

. La mission traditionnelle de sécurité intérieure passe par l'accomplissement des responsabilités de la gendarmerie en matière de police administrative et judiciaire. Ces responsabilités sont aujourd'hui renforcées par l'extension du réseau autoroutier et des voies rapides, et par l'augmentation prévisible de la population placée sous la surveillance de la gendarmerie (zones périurbaines et en développement résidentiel), à hauteur de 6 millions d'habitants à l'échéance de 2015. Enfin, la création de centres de rétention judiciaire et administrative entraînera l'emploi d'unités de gendarmerie mobile en nombre plus important.

Par ailleurs, la gendarmerie participera de manière croissante, à travers sa mission de sécurité intérieure, à des tâches relevant de la protection du territoire : lutte contre les trafics internationaux, notamment de stupéfiants, contre le terrorisme, les violences urbaines ... Rappelons que la mise en oeuvre du plan Vigipirate a mobilisé dans sa période renforcée jusqu'à 15 000 gendarmes chaque jour.

. L'autre champ d'action de la gendarmerie tient à la participation de celle-ci à des actions de coopération policière transfrontalière dans le cadre européen et, plus particulièrement, dans le cadre de la convention d'application des accords de Schengen et du titre VI du Traité de l'Union européenne.

(2) L'adaptation des ressources humaines de la gendarmerie

Pour faire face à l'accroissement de ses misions, la gendarmerie connaîtra, entre 1996 et 2002, une augmentation de ses effectifs de 4,5 % qui tient, pour l'essentiel, à la hausse des personnels civils et, surtout, à celle de la part du service national. Il s'agit donc d'une évolution originale par rapport à celle des trois armées, et qui tient à un taux déjà très élevé de professionnalisation.

. L'augmentation des effectifs civils, qui passeront de 1 258 en 1996 à 2 260 en 2002, soit une hausse de 79,65 %, est liée à la nécessité de limiter le nombre de gendarmes chargés des postes de soutien non opérationnel. Les personnels civils ne représenteront pourtant en 2002, malgré cette hausse, que 2,3 % du total (1,34 % en 1996).

. La diminution du nombre de militaires d'active (officiers et sous-officiers) portera, entre 1996 et 2002, sur 1 002 postes, soit une réduction légère de - 1,25 % (79 392 officiers et sous-officiers en 2002 au lieu de 80 394 en 1996). Notons que la cible retenue à l'égard de cet ensemble aurait été la même dans l'hypothèse du maintien de l'obligation. Les militaires d'active représenteront en 2002 81,1 % de l'ensemble des effectifs de la gendarmerie (85,82 % en 1996).

Cette baisse recouvre toutefois des évolutions contrastées :

- le nombre d'officiers augmentera de 52 %, passant de 2 666 à 4 055,

- les effectifs de sous-officiers seront réduits de 3 % (75 337 en 2002 au lieu de 77 728 en 1996), mais le nombre de sous-officiers de gendarmerie diminuera de 7,5 %, passant de 77 079 en 1996 à 71 302 en 2002, tandis que le nombre de sous-officiers régis par des statuts différents augmentera substantiellement, de 649 en 1996 à 4 035 en 2002.

Ces 4 169 officiers et sous-officiers d'emploi technique et administratif représenteront, en 2002, 5,25 % des personnels militaires d'active.

La création de nombreux emplois militaires à caractère administratif et technique, dont le statut est à l'étude, permettra de maintenir les effectifs des unités opérationnelles. Dans cette perspective, la gendarmerie pourra intégrer des personnels par voie de changement d'armée, ce qui lui permettra de disposer de cadres qualifiés et expérimentés dans les emplois techniques, et d'affecter prioritairement les gendarmes aux postes opérationnels.

. Notons que l'ensemble formé par les effectifs professionnels (civils, officiers, sous-officiers) restera stable entre 1996 et 2002, avec 81 652 personnels en tout, soit 83,41 % des effectifs retenus pour 2002 (87,17 % des effectifs de 1996).

. L'augmentation de la composante « service national » est importante (+ 35 % entre 1996 et 2002). Avec 16 232 postes en 2002, les volontaires du service national représenteront 16,58 % des effectifs. Leur part sera donc accrue par rapport aux 12 017 gendarmes-auxiliaires servant en 1996 (soit 12,82 % du total).

Il est probable que les hypothèses d'emploi des futurs volontaires du service national différeraient par rapport à celles des gendarmes auxiliaires actuels (dont 72 % sont affectés en unités opérationnelles). Recrutés pour deux ans au plus, les volontaires recevraient une formation leur permettant éventuellement de recevoir une capacité juridique équivalant à celle d'agent de police judiciaire adjoint selon l'article 21 du code de procédure pénale. Cette formation plus longue serait mieux rentabilisée par une présence prolongée « sous les drapeaux ». Dans cette hypothèse, les futurs volontaires du service national pourraient donc être étroitement associés aux missions de protection des personnes et des biens. Les effectifs supplémentaires de volontaires seraient prioritairement affectés au renforcement des brigades territoriales les plus chargées, notamment en zone périurbaine, et des pelotons de surveillance et d'intervention les plus sollicités.

(3) L'incidence mineure de la programmation sur les restructurations de la gendarmerie

Le plan de restructuration de la gendarmerie mis en oeuvre en 1995 est, pour l'essentiel, destiné à tirer les conséquences de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 relative à la sécurité. La nouvelle législation a, en effet, nécessité un réaménagement du dispositif de la gendarmerie en zone de police d'État, qui a conduit à des transferts d'effectifs vers des zones de compétences exclusives de la gendarmerie. Ces redéploiements ont, en 1995, concerné trente-deux unités (un centre d'instruction et trente et une brigades). Par ailleurs, la rationalisation du maillage territorial de la gendarmerie préservera l'implantation de celle-ci en milieu rural.

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B. LES MESURES D'ACCOMPAGNEMENT ÉCONOMIQUE ET SOCIAL

La réussite de la professionnalisation et de la réorganisation de nos forces exige qu'une attention particulière soit portée aux conséquences économiques et sociales de ces évolutions. Des moyens spécifiques sont donc consacrés par le projet de loi de programmation à la prise en compte des restructurations militaires et de l'incidence, pour les personnels, de l'adaptation des ressources humaines des armées.

1. L'accompagnement de la professionnalisation

La loi de programmation prévoit de consacrer 9,1 milliards de francs à la professionnalisation et à la réorganisation des forces. Ce « fonds d'accompagnement de la professionnalisation » regroupera des crédits répartis sur différentes lignes budgétaires du titre III. Ces crédits financeront des mesures destinées aux personnels civils et militaires, afin de compenser le surcoût de mobilité dû aux restructurations, de favoriser le départ des cadres, de revaloriser la condition militaire, de financer certaines adaptations liées à la professionnalisation et, notamment, le développement du recours à la sous-traitance, et de conserver des moyens croissants aux forces de réserves.

La répartition annuelle de ce fonds est la suivante :

MF 95

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Total

716

1 256

1 487

1 729

1 921

2 042

9 150


• 5,3 milliards de francs seront destinés à compenser le surcroît de mobilité imposé par les restructurations et à favoriser le départ des cadres militaires.


• 1,6 milliard de francs seront affectés à la revalorisation de la condition militaire et au recrutement des engagés (augmentation de la rémunération initiale, actions de formation et de reconversion).


• 1,3 milliard de francs serviront à financer les adaptations liées à la professionnalisation. Ces crédits permettront de mieux prendre en compte l'accroissement de la technicité nécessaire à une armée professionnelle dont le taux d'encadrement va être accru : ils seront également destinés à développer le recours à la sous-traitance, afin que les militaires puissent pleinement se consacrer aux missions qui leur sont spécifiques et être déchargés d'une partie des tâches non opérationnelles qu'ils effectuent aujourd'hui.


• 850 millions de francs seront destinés aux réserves : ces crédits viendront s'ajouter aux moyens qui leur sont actuellement consacrés, compte tenu de leurs nouvelles conditions d'emploi

a) Mesures destinées à compenser la mobilité des personnels

La fréquence des dissolutions et de regroupements d'unités et d'organismes de la Défense, conjuguée aux restructurations des implantations militaires et aux réductions d'effectifs, entraînera une sur mobilité importante, tant des militaires que des personnels civils.

. Les mesures destinées aux militaires concernent, d'une part, la revalorisation des frais de changement de résidence pour les catégories les moins bien indemnisées (militaires du rang et sous-officiers subalternes). D'autre part, les conditions de reconnaissance de la nouvelle garnison d'affectation en cas de mutation seront améliorées. L'autorisation d'absence en régime de mission consentie aux militaires chargés de famille passera, en effet, de trois à six jours en vue de l'accomplissement des formalités nécessaires. Enfin, il est prévu d'autoriser le cumul des compléments et suppléments d'indemnité pour charges militaires (ICM) en cas de suppression ou de délocalisation de l'unité d'affectation.

. Les mesures destinées aux civils prévoient l'harmonisation des règles d'indemnisation applicables aux fonctionnaires et aux ouvriers (les seuils de versement diffèrent actuellement en fonction de la catégorie). Les régimes indemnitaires (indemnité de conversion et complément pour les ouvriers, indemnité exceptionnelle de mutation et complément pour les non-ouvriers) seront améliorés pour que soient appliquées des dispositions similaires aux mesures en vigueur dans les autres ministères civils. Un effort spécifique devrait, par ailleurs, être consenti à l'égard des conjoints.

b) Mesures d'incitation au départ


• En ce qui concerne les militaires, l'adaptation du format des forces passe non seulement par une réduction globale des effectifs de cadres, en dépit des spécificités précédemment relevées par votre rapporteur selon les armées, mais aussi par un rajeunissement des personnels, motivé par les missions imparties aux forces professionnelles, et qui s'accommodent mal d'une ancienneté trop importante dans le service des armes.

Pendant la période 1997-2002, le nombre de départs à la retraite anticipée devra s'élever, pour l'ensemble des officiers et des sous-officiers, à 17 418 (soit une moyenne annuelle de 2 903), conformément au tableau ci-après :

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Total général

Officiers

238

298

305

291

330

321

1 783

Sous-officiers

2 386

2 587

2 523

2 783

2 683

2 673

15 635

Total

2 624

2 885

2 828

3 074

3 013

2 994

17 418

Entre 1991 et 1994, le nombre total des départs a la retraite des officiers et sous-officiers s'était élevé à 34 340, avec des variations sensibles entre les années, que rappelle le tableau ci-joint.

1991

1992

1993

1994

Total général

Officiers

1 940

2 011

1 751

1 643

7 345

Sous-officiers

8 885

6 906

5 875

5 329

26 995

Total

10 825

8 917

7 626

6 972

34 340

Les objectifs retenus pour la loi de programmation en matière de départs anticipés ne semblent donc pas impossibles à atteindre, compte tenu des mesures d'incitation prévues. Au total, entre 1997 et 2002, le nombre total de départs (départs naturels et départs résultant des mesures d'incitation) devrait concerner :

- 13 000 officiers

- 52 000 sous-officiers,

soit un total de 65 000 cadres qui ne représente pas même le double de ce que l'on avait constaté, sur quatre années seulement (de 1991 à 1994), sans les mesures d'incitation prévues par le projet de loi de programmation.


Le statut actuel des militaires prévoit d'ores et déjà des mesures d'incitation au départ.

Il s'agit du pécule (articles 71 et 71.1 de la loi n° 72.662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires) : l'officier ayant entre 15 et 18 ans de services effectifs, mis à la retraite avec le bénéfice d'une pension différée, qu'il percevra à 50 ans, et appartenant aux armes et corps combattants des armées, peut recevoir un pécule équivalent à 42 mois de la solde budgétaire (à laquelle s'ajoute l'indemnité de résidence). Ce pécule doit être compris dans les limites d'un contingent annuel. Le montant moyen des pécules susceptible d'être versés au titre de l'exercice dernier s'élève à 662 270 F (662 550 F pour un commandant) ;

- La disponibilité (art. 62 et 62-1 du statut général des fonctionnaires) permet à l'officier de carrière, jusqu'au grade de colonel inclus, sous certaines conditions d'ancienneté, de percevoir une solde réduite des 2/3 pendant cinq ans au maximum (renouvelable une fois), tout en conservant ses droits à pension de retraite ;

- La pension de retraite à jouissance différée (art. 69-c du statut général des militaires) est accessible à partir de 15 ans d'ancienneté (jusqu'à 25 ans de services effectifs) et permet à l' officier qui bénéficie de cette position de percevoir sa retraite à partir de l'âge de 50 ans.

- D'autres dispositions sont communes aux officiers et sous-officiers :

. Le congé sans solde pour convenance personnelle (art. 61 du statut général des militaires), renouvelable une fois, est compris entre six mois et cinq ans. Il n'ouvre de droits ni en matière d'avancement, ni en matière de droits à pension de retraite. Cette position permet aux intéressés de tenter une reconversion dans le secteur public ou privé, avec possibilité de réintégration dans l'armée en cas d'échec.

. Le congé du personnel navigant (art. 63 et 64 du statut général des militaires) est accordé au titre de services aériens exceptionnels ou d'une invalidité d'au moins 40 % résultant de services aériens commandés. L'intéressé est mis à la retraite à l'expiration de ce congé. Celui-ci ne compte ni pour l'avancement, ni pour les droits à pension de retraite.

. Le recul de la limite d'âge pour les concours de recrutement dans la fonction publique (art. 1 de la loi 70-L du 2 janvier 1970, art. 96 du statut général des militaires), d'un temps égal à celui passé sous les drapeaux (dans une limite toutefois de 10 ans), est assorti de la prise en compte des diplômes et qualifications militaires qui se substituent aux titres et diplômes exigés par les statuts des corps d'accueil.

. La bonification d'ancienneté dans la fonction publique (art. 47-1 et 97 du statut général des militaires) consiste en la prise en compte du temps passé sous les drapeaux pour le calcul de l'ancienneté dans un emploi public, jusqu'à 10 ans pour les emplois de catégorie C et jusqu'à 5 ans pour les emplois de catégorie B. Par ailleurs, l'article 1er et l'article 2 de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970 permettent la prise en compte, dans certaines limites, des services militaires pour le calcul de l'ancienneté dans certains emplois de l'État, des collectivités locales, des établissements publics ou des entreprises publiques dont le personnel est soumis à un statut réglementaire.

. Les emplois réservés (art. 47-1 et 95 du statut général des militaires et art. 397 du Code des pensions) ouvrent aux sous-officiers l'accès aux corps de la fonction publique et parapublique par la voie de concours ou d'examens spécifiques avec un certain nombre de places réservées.


Le statut actuel des militaires prévoit aussi des mesures temporaires, en vigueur jusqu'à la fin de l'année 1998, et dont la professionnalisation justifie la prorogation jusqu'en 2002.

Cette reconduction interviendra à travers un dispositif législatif spécifique, qui devrait être proposé à l'automne au Parlement simultanément aux projets de loi relatifs, d'une part, à la réforme du code du service national et, d'autre part, au statut des réservistes :

- La retraite au grade supérieur (art. 5 et 6 de la loi n° 75-1000 du 30 octobre 1975) s'adresse aux officiers jusqu'au grade de colonel, qui ont acquis des droits à pension de retraite (25 ans de service) et qui se trouvent à plus de quatre ans de la limite d'âge de leur grade. Cette mesure est acquise de plein droit pour les officiers dont le niveau d'ancienneté dans leur grade ne permet plus la promotion au grade supérieur. Depuis 1992, les droits ouverts pour l'ensemble des armées sont de 700 postes (600 officiers environ demandent à bénéficier de ces mesures).

- Le congé spécial (art. 7 du statut général des militaires), d'une durée maximum de cinq ans, concerne une cinquantaine de postes chaque année. Il est ouvert aux officiers généraux d'une ancienneté en tant que général de division de deux ans, et aux colonels ayant une ancienneté de grade de quatre ans, et se trouvant à plus de deux ans de la limite d'âge de leur grade. La rémunération servie pendant le congé spécial est réduite d'un tiers, si l'intéressé exerce une activité privée lucrative lui procurant un revenu supérieur de moitié à sa rémunération. La réduction est de 50 %, si ce revenu est supérieur de deux tiers à sa rémunération. En 1995, 130 officiers se trouvaient en congé spécial en même temps (200 en 1994).

- L'intégration directe dans un corps de fonctionnaire (art. 3 de la loi n° 70-2 du 2 janvier 1970) vise le recrutement de militaires dans des emplois civils de l'État. Cette faculté concerne les officiers de carrière, des grades de capitaine à colonel, et les sous-officiers de carrière, des grades de major, d'adjudant chef ou assimilés, sous réserve de certaines conditions d'ancienneté. Après un stage probatoire de deux mois, les intéressés peuvent être placés en position de service détaché pour occuper un emploi vacant dans les administrations de l'État ou des collectivités locales, ou dans des établissements publics à caractère administratif. Après une année dans leur nouvel emploi, ces militaires peuvent être intégrés dans le corps d'accueil, où ils sont reclassés à un indice égal ou immédiatement supérieur à celui qu'ils détenaient dans les armées. Une centaine de sous-officiers sont, chaque année, concernés par cette disposition du statut militaire, qui s'applique également à soixante officiers par an. La variété des postes proposés sera accrue dans les années à venir.


• Enfin, d'autres dispositions destinées à encourager les départs de militaires sont prévues par le projet de loi de programmation. Il s'agit notamment du congé de reconversion et de l'attribution d'un pécule plus incitatif que celui que prévoit le régime actuel :

- Le congé de reconversion devrait rendre l'engagement dans les armées plus attractif. D'une durée comprise entre six et douze mois, ce congé ouvrira droit à la perception de la solde indiciaire nette, de la prime de qualification, de l'indemnité de résidence et des suppléments pour charges de famille. Le temps passé en congé comptera pour l'avancement et pour les droits à pension de retraite. Les bénéficiaires seront mis d'office en position de retraite à l'expiration de ce congé.

En 1995, plus de 2 300 militaires ont bénéficié de stages de reconversion, d'une durée moyenne de six mois. Ce nouveau congé de conversion pourrait concerner environ 8 800 militaires par an. La rémunération des bénéficiaires sera imputée sur les crédits des personnels d'active.

- Le pécule est destiné à inciter les militaires les plus anciens à quitter le service. Contrairement au pécule prévu, dans le système actuel, par la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972, le nouveau pécule s'adressera non plus seulement aux officiers, mais aussi aux sous-officiers. Sur la durée de la loi de programmation, cette mesure concernera 1 100 officiers et 10 500 officiers, qui accepteront de quitter le service actif au moins trois ans avant la limite d'âge de leur grade. Pour le cadre qui quittera les armées à plus de dix ans de sa limite d'âge, le pécule s'élèvera à 45 mois de solde (calculés en référence à la solde de base), et sera ensuite dégressif en fonction de la durée des services à accomplir avant la limite d'âge. Ce dispositif, auquel 4,8 milliards de francs seront consacrés entre 1997 et 2002, est donc destiné à favoriser le rajeunissement des personnels militaires.

- La revalorisation de l'indemnité de départ des sous-officiers subalternes et des caporaux-chefs devrait encourager les carrières courtes pour les militaires qui servent dans des fonctions opérationnelles contraignantes ne pouvant être exercées que pendant une période relativement brève. Les bénéficiaires devront accepter de quitter le service entre 8 et 11 ans d'ancienneté, sans droit à pension.


• Quant aux mesures d'incitation au départ des civils, elles concerneront :

- la revalorisation de l'indemnité de départ volontaire des ouvriers,

- et l'adaptation du dispositif actuel de dégagement des cadres concernant les ouvriers, qui sera étendu à tous les établissements du ministère de la Défense. Cette mesure permettra le départ à la retraite, dès 55 ans, des ouvriers d'État en poste au sein de la délégation générale pour l'armement ou dans les armées.

Ces aménagements peuvent paraître quelque peu paradoxaux, eu égard à l'augmentation des effectifs civils prévue par la loi de programmation (+ 9 276 postes entre 1996 et 2002). Néanmoins les fermetures de sites qu'impliqueront les restructurations militaires entraîneront des déplacements de personnels qu'il convient d'anticiper. Des mesures alternatives à la mobilité devront, en effet, être proposées à ceux qui préféreraient quitter le service.

c) Mesures destinées à revaloriser la condition militaire et à favoriser le recrutement des engagés

. Une armée professionnelle se doit de proposer des conditions de rémunération attractives aux engagés militaires du rang, dont les effectifs devront augmenter très substantiellement parallèlement à la disparition progressive de la ressource appelée. Rappelons que les trois armées devront, pendant la période 1997-2002, attirer 47 975 engagés supplémentaires, le nombre total d'engagés militaires du rang devant s'élever, en 2002, à quelque 92 527 (66 681 dans l'Armée de terre, 7 998 dans la Marine, 16 758 dans l'Armée de l'air et 1 090 dans les services communs). C'est pourquoi la solde des engagés, sur la base de l'indice majoré 226, s'élèvera approximativement au niveau du Smic, cette rémunération étant appelée à progresser avec le niveau de qualification et l'ancienneté de service. D'autre part, les militaires relevant du régime de la solde spéciale progressive verront leur rémunération mensualisée.

. Dans le même temps, le statut des engagés devra prévoir des garanties en matière de reconversion dans le civil, afin de favoriser une « seconde carrière » de militaires dont la mission au sein des armées exige un temps de service relativement bref.

Rappelons, à cet égard, que les engagés n'ont pas vocation à faire carrière, mais que les meilleurs militaires du rang peuvent être nommés sous-officiers, servant sous contrat, puis demander leur admission au statut de sous-officiers de carrière.

La durée de service des engagés est comprise entre trois et dix années. Ceux qui possèdent la qualification exigée pour être promus au grade de caporal peuvent souscrire un contrat long leur permettant de servir pendant quinze ans, voire, en fonction de leur notation et des besoins exprimés dans leur spécialité, de prolonger leur position d'activité par contrats successifs jusqu'à vingt-deux ans de service.

. La nécessité de prévoir des mesures d'accompagnement du retour à la vie civile pour ces personnels au temps de service réduit est prise en compte par la loi de programmation.

Le dispositif existant s'appuie sur :

- une intégration privilégiée dans les emplois publics (emplois réservés, conditions particulières d'accès),

- une indemnité de départ (décret du 27 juin 1991) équivalant à 14 mois de solde brute,

- des aides à la reconversion (stages de formation professionnelle, période d'essai en entreprise sous statut militaire, aide à la création d'entreprise, homologation des qualifications acquises sous les drapeaux).

Le projet de loi de programmation prévoit :

- la revalorisation de l'indemnité de départ (qui passera de 14 à 24 mois de solde brute),

- la création d'un congé de formation de six mois en position d'activité, renouvelable jusqu'à douze mois en position de non-activité.

Notons, qu'en 1994, 50 % des militaires du rang engagés ayant le droit de bénéficier des aides à la reconversion proposées par les armées, soit 1 388 hommes, ont profité de ce dispositif destiné à faciliter le retour à la vie civile de cette catégorie. Il est probable que, dans la perspective d'une augmentation des flux d'engagements et de départs de militaires du rang, cette proportion soit appelée à augmenter. Dans la future armée professionnelle, les engagés devront être informés suffisamment à l'avance par leurs cadres (comme ils le sont d'ailleurs actuellement) des opportunités qui leur seront offertes par l'institution militaire en matière de reconversion.

d) L'augmentation des moyens consacrés aux réserves

Des moyens accrus seront consacrés dans les prochaines années à la constitution de forces de réserve adaptées à la professionnalisation.

Crédits programmés pour assurer le passage au nouveau régime

(1997-2002)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

240

270

309

368

466

584

(en millions de francs 1993)

Ces crédits, dont le total s'élèvera à 2,23 milliards de francs 1995, seront en nette progression par rapport aux dotations des réserves entre 1994 et 1996.

1994 : 232 MF

1995: 265 MF

1996 : 234 MF

En 2002, les crédits consacrés aux forces de réserves représenteront plus du double de la dotation de 1996.

Après 2002 et à l'échéance de 2015, 870 millions de francs, soit 9,56 % du fonds d'accompagnement de la professionnalisation, permettront de poursuivre l'effort financier requis par l'adaptation des forces de réserve à leurs nouvelles missions et au statut social des réservistes qui sera prochainement défini.

2. L'accompagnement des restructurations militaires

Votre rapporteur a évoqué ci-dessus, à l'occasion de la réduction de format des armées, l'ampleur des restructurations militaires auxquelles il faudra procéder pendant la période de programmation. Ces restructurations toucheront essentiellement l'Armée de terre et, dans une moindre mesure, l'Armée de l'air. Elles induiront, pour les personnels concernés, une sur mobilité dont les effets ont été pris en compte dans le cadre de l'enveloppe de 9,1 milliards qui sera consacrée à l'accompagnement de la professionnalisation.

Les conséquences des restructurations militaires dépassent toutefois très largement le cas des personnels soumis à une mobilité accrue. De nombreuses collectivités locales souffriront de la réorganisation et des dissolutions d'unités militaires.

Afin d'atténuer les effets économiques et sociaux de la réorganisation territoriale des armées en permettant aux collectivités concernées de s'y préparer, il est prévu d'accroître le délai entre l'annonce des mesures de restructuration et leur mise en application, par rapport aux délais pratiqués entre 1991 et 1994.

Notons qu'aucune procédure ni aucun guichet spécifiques ne seront mis en place à l'égard des restructurations militaires par rapport aux restructurations industrielles. Toutefois, les premières ne donneront lieu, de manière logique, qu'à des mesures d'accompagnement économique, destinées à limiter les déséquilibres économiques sur les bassins d'emplois concernés, alors que des mesures d'accompagnement tant économique que social viseront à atténuer les effets des restructurations industrielles.

a) L'incidence économique des restructurations militaires

Les conséquences des réorganisations ou dissolutions d'unités militaires sur l'environnement économique local sont considérables.

Ainsi l'étude d'impact du projet de loi de programmation 1977-2002 élaborée par le ministère de la Défense mentionne-t-elle que la dissolution d'un régiment représente le départ de quelque 2 000 personnes, familles comprises.

On mesure les effets directs d'une telle évolution pour tous ceux -commerçants, artisans et entrepreneurs- qui effectuaient des travaux au profit de l'unité dissoute ou transférée, ou qui comptaient ses membres parmi leur clientèle.

Les effets indirects sont liés notamment à la baisse des impôts locaux perçus par les collectivités locales concernées par les restructurations militaires, et à la diminution de la fréquentation des infrastructures locales (transports, établissements scolaires ...). Enfin, la surabondance de logements rapidement libérés peut avoir des conséquences négatives sur le marché immobilier local.

Il importe donc de mettre en place des mesures d'accompagnement pour favoriser, dans les bassins d'emplois concernés, la reconversion des sites désaffectés en conséquence du départ des unités militaires, afin de renforcer l'activité des petites et moyennes entreprises pour lesquelles les restructurations militaires équivalent à des pertes de commandes.

b) L'intensification des instruments existants

. Les mesures d'accompagnement qui viseront à atténuer les effets économiques des restructurations militaires impliqueront la coordination des acteurs locaux dans chaque région concernée, à partir de conventions passées entre l'État et les conseils régionaux qui le souhaiteront. Les restructurations militaires feront, par ailleurs, appel aux interventions de l'État, des collectivités locales et de l'Union européenne.

. De manière générale, la plupart des intervenants et des moyens rassemblés en vue de l'accompagnement économique des restructurations militaires sont déjà en place, et ont même participé à la prise en charge des restructurations mises en oeuvre depuis 1993. Votre rapporteur se félicite de cette décision d'utiliser les structures existantes par rapport à la formule consistant à créer de nouvelles modalités d'intervention, solution qui aurait pris plus de temps et qui aurait probablement induit un coût plus important.

- La Délégation aux restructurations, placée auprès du secrétaire général pour l'administration du ministère de la Défense, agit en étroite collaboration avec la DATAR (Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale) ainsi qu'avec la Délégation à l'emploi. La Délégation aux restructurations a donc pour mission l'application des diverses mesures d'accompagnement économique, suivies par le comité interministériel pour les restructurations de défense qui, quant à lui, est de création récente (décret n° 96-261 du 28 mars 1996).

- Le Fonds pour les restructurations de la Défense (FRED) est un fonds budgétaire spécialisé, géré par la Délégation aux restructurations et délégué aux préfets des départements où se trouvent les localités concernées. Le FRED permet d'attribuer des aides à l'investissement de PME-PMI destinées à faciliter la création, l'installation ou le développement de ce type d'entreprise dans les bassins d'emploi touchés par les restructurations. Le Fonds pour les restructurations de la Défense favorise également les actions collectives (zones d'entreprises, etc..) menées par des opérateurs locaux concourant au renforcement des PME-PMI dans le bassin d'emploi.

La commission des Communautés européennes a donné son accord à la création du FRED, à condition que les subventions aux investissements des PME-PMI soient limitées à 200 000 Ecus. L'utilisation du FRED n'exclut pas le recours à d'autres aides, dans la mesure où la réglementation européenne sur le cumul des aides est respectée.

Le FRED permet donc de contribuer à la revitalisation des bassins d'emploi où l'activité économique est centrée autour de la présence de garnisons, et où il faut procéder à une diversification des activités, voire à la création d'activités industrielles jusqu'alors souvent inexistantes.

- Le système des sociétés de conversion a été mis en place par les grands groupes industriels (Usinor-Sacilor, Charbonnages de France) afin d'encourager la création d'activités économiques dans les sites dont ils se désengagent, et pour que leur départ ne se solde pas par un "désert économique". Les sociétés de conversion aident à la création d'emplois dans les PME-PMI locales qui souhaitent se développer, en expertisant leurs projets et en leur apportant un financement complémentaire sous forme de prises de participation, de prêts à taux réduit ou de subventions. La Défense a déjà eu recours à des sociétés de conversion dans les bassins d'Angoulême, Bergerac, Bourges, Cherbourg, Tarbes et Valence.

- Enfin, la cession des emprises foncières résultant des restructurations militaires peut constituer un élément du développement économique des collectivités locales concernées. Celles-ci peuvent bénéficier d'une certaine priorité, dans le cadre d'aliénations de gré à gré de préférence à la procédure d'adjudication publique. Le ministère de la Défense contribue financièrement à des études de réaménagement du site (mission pour la réalisation des actifs immobiliers - MRAI).

. Dans le cadre de la programmation 1997-2002, les divers instruments destinés à limiter les effets économiques des restructurations militaires verront leurs moyens substantiellement accrus.

- La loi de finances initiale pour 1996 affectait 130 millions de francs aux mesures d'accompagnement économique des restructurations militaires. Le rapport annexé au projet de loi de programmation prévoit de porter ces crédits très prochainement, par redéploiement interne au sein du budget de la Défense, à 295 millions de francs.

- Pendant la période de programmation, les moyens affectés par le FRED à la seule reconversion des emprises militaires s'élèveront à 942 millions de francs 1995, en fonction de la répartition annuelle suivante :

Crédits affectés au FRED (MF 1995)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Total

132

162

162

162

162

162

942

Notons que 160 millions de francs avaient été consacrés par le FRED à l'accompagnement économique des restructurations de la Défense (emprises militaires et industries de Défense) en 1994. Les 942 millions de francs prévus par le projet de loi de programmation, soit 162 millions de francs par an à partir de 1998, qui ne s'adressent qu'aux restructurations militaires , attestent donc un effort particulier par rapport aux moyens consacrés par le passé à l'accompagnement économique de ces restructurations.

- Il sera, d'autre part, procédé à la recapitalisation des sociétés de conversion chargées de créer des activités de substitution dans les bassins d'emploi touchés par les restructurations. Au total, 1 285 millions de francs 1995 leur seront consacrés entre 1997 et 2002, soit 214 millions de francs 1995 en moyenne annuelle.

Crédits alloués aux sociétés de conversion

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Total

186

195

226

226

226

226

1 285

- Le cumul des moyens transitant par le FRED et par les sociétés de conversion s'élèvera, pendant la période de programmation, à 370 millions de francs 1995 par an, et au total à 2 227 millions de francs 1995, soit un triplement des moyens financiers mis en place par l'État. Le calendrier d'engagement de ces crédits pourrait être le suivant :

MF 1995

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Total

FRED

132

162

162

162

162

162

942

Sociétés de conversion

186

195

226

226

226

226

1 285

Total

318

357

388

388

388

388

2 227

Notons que, si les crédits alloués par le FRED seront imputés sur le budget du ministère de la Défense, les crédits apportés aux sociétés de conversion relèveront du ministère de l'Économie, des Finances et du Budget.

- Rappelons qu'aux moyens transitant par le Fonds pour les restructurations de la Défense et par les sociétés de conversion s'ajouteront des aides du Fonds national pour l'emploi (FNE) et de la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR). Outre les crédits consacrés par l'État à l'accompagnement économique des restructurations militaires, l'intervention des fonds européens doit être prise en compte (et, plus spécifiquement, des crédits KONVER), bien que ces moyens soient, à ce jour, très difficiles à prévoir.

c) L'indispensable programmation des restructurations

Les restructurations militaires induiront un surcoût non négligeable en matière de rémunérations puisque, sur les 9,1 milliards de francs qu'il est prévu d'affecter aux mesures d'accompagnement de la professionnalisation, 500 millions de francs viseront à compenser les contraintes résultant, pour les personnels, de la sur mobilité inévitable pendant la période de transition. Pour la seule Armée de terre, qui sera la plus touchée par les restructurations militaires, la dépense supplémentaire s'élèvera à 115 millions de francs en 1997, et diminuera progressivement jusqu'à un montant de 25 millions de francs en 2002.

Rappelons que les dépenses liées à la sur mobilité des personnels concernent notamment l'amélioration des règles de calcul de l'indemnité pour charges militaires dans un sens plus favorable, et l'augmentation du nombre de jours (de trois à six) pendant lesquels le militaire est considéré en « mission » pour reconnaître sa nouvelle affectation et effectuer les démarches nécessaires à son installation. La dépense militaire est évaluée à 30 000 F par mutation.

Ces mesures sont, certes, indispensables pour les personnels, et plus particulièrement pour ceux de l'Armée de terre, qui ont déjà, ces dernières années, supporté les conséquences d'un rythme de mutations accéléré par les restructurations conduites dans les forces terrestres depuis le début des années 1990.

Il convient néanmoins, par une planification rationnelle des restructurations, d'éviter tout dérapage des dépenses liées aux compensations pour les personnels. Notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se souvient, en effet, des modalités du rapatriement des Forces françaises en Allemagne, certains personnels étant mutés dans des unités dissoutes au bout d'un an. Eu égard au coût des mesures indemnitaires -par ailleurs parfaitement justifiées- prévues par le projet de loi de programmation, toute défaillance dans la prévision comparable à ce qui s'est produit dans les FFA entre 1990 et 1992 serait particulièrement regrettable.

C'est pourquoi votre rapporteur suggère que les restructurations militaires fassent l'objet d'une programmation de plus long terme que ce qui est prévu par la projet de loi de programmation, et que les transferts ou dissolutions d'unités soient annoncés trois ans à l'avance au lieu de deux. Ainsi en juillet 1996 devraient être annoncées les restructurations militaires des années 1997-1998 et 1999.

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C. LA COHÉRENCE DU TITRE III EN QUESTION

L'intégration de la totalité des moyens de fonctionnement dans la programmation, nécessaire pour organiser la professionnalisation, constitue cependant un pari. On peut, en effet, se demander si les 99 milliards de francs 1995 attribués annuellement au titre III du ministère de la Défense permettront de financer les dépenses supplémentaires qui incomberont à celui-ci entre 1997 et 2002, sachant que la professionnalisation pèsera inéluctablement sur le poste rémunérations et charges sociales, et que la réussite des réformes à venir est de ce fait subordonnée à une réduction drastique des crédits de fonctionnement courant.

1. L'inéluctable augmentation des rémunérations et charges sociales

. La professionnalisation se traduira par une augmentation des rémunérations et charges sociales, qui passeront de 73,39 à 76,91 milliards de francs, soit une hausse de 5 %.

Cette augmentation est liée à une modification substantielle des effectifs des armées, de la gendarmerie et des services communs. Le tableau ci-joint rappelle que les personnels de la Défense prévus pour 2002 compteront, certes, moins de cadres d'active (237 485 au lieu de 259 380) et de « jeunes du service national » (27 171 volontaires au lieu de 201 498 appelés), mais plus de civils et de militaires du rang engagés.

Evolution des effectifs de la Défense par catégorie

1996

2002

2002-1996

Officiers

38 456

38 189

- 267

Sous-officiers

214 828

199 296

- 15 532

MDR engagés

44 552

92 527

+ 47 975

Appelés et volontaires

201 498

27 171

- 174 327

Civils

73 747

83 023

+ 9 276

Total

573 081

440 206

- 132 875

La diminution de quelque 24 % des effectifs de la Défense ne peut susciter d'économies sur les rémunérations, car elle porte essentiellement sur les appelés dont le coût n'est pas le plus important en rémunérations (ainsi le « prêt des appelés » est-il limité à 550 F par mois), et s'accompagne d'une nouvelle répartition entre les catégories au profit des engagés et des personnels civils, dont les rémunérations sont plus élevées. Les économies dégagées sur les rémunérations et charges sociales par la diminution progressive du nombre d'appelés et par la baisse des effectifs de cadres d'active ne compenseront donc pas le coût résultant de l'augmentation, d'une part, du nombre d'engagés (+ 47 975 entre 1996 et 2002) et, d'autre part, du nombre de civils (+ 9 276 entre 1996 et 2002).

. Cette hausse de 5 % recouvre des situations différentes selon les armées :

- + 8 % dans l'Armée de terre,

- + 7 % dans la Gendarmerie,

- + 5 % dans l'Armée de l'air,

- stabilité au niveau actuel dans la Marine.

L'augmentation relativement plus importante des rémunérations et charges sociales dans la dotation de l'Armée de terre s'explique par le fait que c'est dans les forces terrestres que devront être recrutés le plus de militaires du rang engagés. En effet, cette catégorie augmentera de 36 479 postes dans l'Armée de terre, et de 10 876 postes dans l'Armée de l'air, tandis que les effectifs de la Marine perdront 105 postes d'engagés militaires du rang entre 1996 et 2002.

. On remarque donc, ainsi que le confirme le tableau ci-après, la part croissante des rémunérations et charges sociales au sein du titre III : 74 % en 1996, 77,68% en 2002.

LFI 1996

Budget prévu pour
2002

Evolution 2002/1996

Rémunérations et charges sociales (en milliards de francs 1995)

73,39

76,91

+ 5%

Part dans le titre III

74 %

77,68 %

-

Total titre III (en milliards de francs 1995)

98,77

99

+ 0,22 %

Le poste rémunérations et charges sociales constituera donc un élément de rigidité dans les dépenses de fonctionnement, réduisant d'autant toute marge de manoeuvre sur le titre III au moment où celui-ci devra faire face à des charges supplémentaires, alors même que son montant ne sera que maintenu, en francs constants, au niveau de 1996.

2. Les dépenses supplémentaires à imputer sur le titre III

Sur l'enveloppe de 99 milliards de francs prévue sur le titre III par le projet de loi de programmation, le ministère de la défense devra financer certains surcoûts imputables non seulement à certaines opérations extérieures, mais aussi à la professionnalisation et aux restructurations militaires.

a) Les surcoûts imputables aux opérations extérieures

. Les orientations suivantes ont été -rappelons-le- arrêtées par le Président de la République à l'égard du financement des opérations extérieures. Celles-ci seront classées en deux catégories, qui relèvent de modalités de financement différentes.

- Les opérations extérieures dites courantes , qui revêtent un caractère permanent (présence de compagnies tournantes au Tchad et en Centrafrique), seront financées, sous enveloppe, par le ministère de la Défense.

- En vue du financement des opérations extérieures dites exceptionnelles (telles que la participation de la France aux opérations conduites en Yougoslavie), le budget de la Défense sera abondé par des crédits supplémentaires.

Le partage entre les deux catégories sera décidé, au cas par cas, par le gouvernement avec l'accord du Chef de l'État.

. En 1993, les dépenses supplémentaires imputables sur le titre III et liées aux opérations extérieures se sont élevées à 4,4 milliards de francs (3 milliards de francs en 1995). Les compensations budgétaires, intervenues en cours d'année ont représenté 3,9 milliards de francs en 1993, et 2,9 milliards de francs en 1995.

En 1995, les dépenses supplémentaires en crédits de fonctionnement liées à la présence française au Tchad et en Centrafrique, qui pourraient entrer dans la nouvelle catégorie des opérations extérieures « courantes », se sont élevées à 728 millions de francs.

. Or les dépenses supplémentaires liées aux opérations extérieures sont, pour l'essentiel, liées aux rémunérations. Celles-ci ont représenté, en 1993, 57,7 % du surcoût en crédits de fonctionnement lié aux opérations extérieures, soit 2 556 millions de francs sur un total de 4 427. La proportion était, en 1994, de 53,38 % (2 166 millions de francs sur 4 057) et, en 1995, de 69,7 % environ (2 163 millions de francs sur 3 099).

Il est donc envisagé, pour limiter la charge budgétaire qui résultera de l'imputation des dépenses supplémentaires dues aux opérations extérieures courantes sur un titre III limité à 99 milliards de francs, de réaménager le régime de la solde à l'étranger servie aux militaires en opérations.

b) Les surcoûts liés à la professionnalisation et aux restructurations

Votre rapporteur a évoqué plus haut la création, dans le cadre du projet de loi de programmation, d'un fonds d'accompagnement de la professionnalisation, doté de 9,1 milliards de francs entre 1997 et 2002. Ce « fonds » regroupera les crédits répartis sur plusieurs lignes budgétaires du titre III, et qui seront destinés à financer les mesures transitoires en faveur des personnels civils et militaires pour réussir la professionnalisation et les restructurations.

Les moyens affectés à ce fonds permettront :

- de compenser le surcoût de mobilité imposé aux personnels par les restructurations,

- d'encourager les départs des cadres d'active (indemnités de départ, pécules),

- de favoriser le recrutement des engagés (revalorisation des rémunérations, aides à la reconversion dans le civil),

- de développer le recours à la sous-traitance,

- de financer la montée en puissance des réserves.

Les moyens destinés à accompagner la professionnalisation représentent, en moyenne annuelle, un prélèvement de 1,5 milliard de francs 1995 sur le titre III (de 1,256 milliard en 1997 à 2,042 en 2002), qui couvrira l'ensemble des dépenses consacrées à la professionnalisation pendant la période de transition.

Sur les 99 milliards de francs, qui constituent l'enveloppe annuelle du titre III, il convient donc de déduire une somme variable -qui pourrait être en partie compensée par les fonds de concours- au titre du surcoût des opérations extérieures dites courantes, et 1,5 milliard en moyenne (selon les années, entre 1,2 et 2 milliards) au titre de l'accompagnement de la professionnalisation pendant la période de transition.

Eu égard aux prélèvements sur le titre III qui résulteront de la professionnalisation et des opérations extérieures, et à l'inévitable augmentation du poste rémunérations-charges sociales, c'est sur les économies réalisées dans le domaine du fonctionnement courant que repose le succès des réformes prévues par le projet de loi de programmation.

c) Un pari audacieux : la réduction des moyens consacrés au fonctionnement courant

Le projet de loi de programmation prévoit, entre 1996 et 2002, une réduction de quelque 20 % des crédits consacrés au fonctionnement courant. Ces économies paraissent indispensables pour faire face aux lourdes charges qui pèseront à l'avenir sur le titre III, que celles-ci soient transitoires (il s'agit des moyens consacrés à l'accompagnement de la professionnalisation), structurelles (c'est le cas des rémunérations et charges sociales), ou liées aux aléas de la situation internationale (comme les surcoûts dus aux opérations extérieures).

. L'effort portant sur le fonctionnement courant sera d'ampleur différente selon les armées :

. - 29 % dans l'Armée de terre,

. - 21 % dans l'Armée de l'air,

. - 13 % dans la Marine,

. - 3 % dans la Gendarmerie.

. La baisse des moyens affectés au fonctionnement courant est donc li ée à l'évolution du format, la réduction des effectifs induisant des besoins limités sur les postes alimentation et indemnité compensatrice à la SNCF, ainsi que dans le domaine des activités opérationnelles. Dans le même ordre d'idée, d'autres dépenses de fonctionnement courant (entretien programmé des matériels, titre III, carburants) sont liées au nombre d'équipements à entretenir et à servir. Or, la Marine procédera au retrait de 22 bâtiments pendant la période de programmation, le nombre d'avions de combat en ligne devant passer de 405 à 360 à l'échéance de 2002. Ces réductions affecteront nécessairement à la baisse les besoins en carburants et en entretien programmé des matériels. Enfin, la réduction du format des armées se traduira par des fermetures de casernements, qui permettront, à terme, de réduire le poste « entretien des casernements ».

. Dans ce contexte, la modeste réduction des crédits consacrés au fonctionnement courant de la Gendarmerie (- 3 %), comparée aux efforts qui pèsent, à des degrés divers, sur les trois armées, s'explique par une évolution des effectifs particulière (+ 4,5 % pendant la période de programmation, à rapporter aux réductions qui caractériseront les trois armées à l'échéance de 2002).

Dans la Marine , les gains de productivité attendus du remplacement des appelés par un nombre moins important de professionnels, ainsi que les économies en combustibles et entretien programmé des matériels devant résulter de la réduction du format, devraient permettre de faire face à cet effort sans préjudice excessif.

Dans l'Armée de l'air , la réduction des moyens consacrés au fonctionnement courant résultera non pas d'une baisse de l'activité opérationnelle, mais des diminutions de charges attendues de la réduction des effectifs.

Dans l'Armée de terre , les rémunérations et charges sociales passeront de 78,5 % du titre III à 84,8 % en 2002, ce qui est lié à l'accroissement sensible du nombre d'engagés volontaires de l'Armée de terre (EVAT). L'impérative baisse du fonctionnement courant est donc une contrainte majeure pour l'Armée de terre, où doivent être trouvés de nombreux gisements de productivité, alors même que la professionnalisation oblige à consacrer des moyens croissants à la sous-traitance (alimentation, entretien des locaux, gardiennage, remplacement des appelés occupant des emplois spécifiques). Ce besoin pourrait, en effet, passer de 80 millions de francs en 1997 à 300 millions de francs en 2002.

. Hors rémunérations et charges sociales, le nouveau format des armées permettra donc de réduire les dépenses de fonctionnement courant.

- Ainsi le poste alimentation passera-t-il de 3,15 milliards de francs en 1996 à 1,85 en 2002, soit une baisse de - 41,27 % ;

- La même remarque vaut pour les compensations versées à la SNCF : 0,75 milliard de francs en 2002 au lieu de 1,56 en 1996 (- 51,9 %) ;

- De même, les crédits consacrés aux activités passeront de 14,81 milliards de francs en 1996 à 12,72 en 2002, soit une baisse de - 14,11 % ;

- L'économie réalisée sur l'entretien programmé des matériels (titre III) entre 1996 et 2002 s'élèvera à 520 millions de francs, ces crédits devant passer de 3,15 milliards à 2,63 milliards de francs entre ces deux dates (- 16,5 %) ;

- Sur les produits pétroliers, l'économie prévue est de 631 millions de francs, soit 2,068 milliards de francs en 2002 au lieu de 2,69 en 1996.

A elles seules, les économies réalisées en 2002 sur l'alimentation et l'indemnité compensatrice versée à la SNCF représenteront 2,11 milliards de francs et couvriront la tranche 2002 du fonds d'accompagnement de la professionnalisation, ce qui paraît attester que le pari consistant à financer la professionnalisation par la baisse du fonctionnement courant peut être gagné.

Dans le même ordre d'idée, on remarque une quasi-adéquation entre, d'une part, les économies qui seront réalisées, à l'échéance de 2002, sur le fonctionnement courant, et, d'autre part, les dépenses supplémentaires qui incomberont au titre III en matière de rémunérations et d'accompagnement de la professionnalisation.

Dépenses supplémentaires :

- rémunérations : + 3,51 milliards de francs entre 1996 (73,369 milliards de francs) et 2002 (76,91 milliards de francs)

- accompagnement de la professionnalisation : + 2,04 milliards de francs en 2002.

Total : 5,55 milliards de francs en 2002.

Économies réalisées sur le fonctionnement courant : 5,34 milliards de francs en 2002 (20,04 milliards en 2002 au lieu de 25,38 en 1996).

A l'échéance de 2002, les dépenses supplémentaires qui seront imputées sur le titre III devraient ainsi équilibrer les économies réalisées sur le fonctionnement courant.

Cette constatation ne doit toutefois pas occulter les difficultés financières qui se poseront pendant la période de transition, quand les armées devront faire face aux dépenses de fonctionnement courant (alimentation, compensatrice SNCF, activités) liées à des effectifs importants (en 1998, les effectifs de la défense s'élèveront encore à 524 026 personnels), tout en honorant les dépenses imputables aux restructurations et à la professionnalisation, auxquelles s'ajoutera le surcoût des opérations extérieures.

Si donc le pari du financement de la professionnalisation par la réduction du fonctionnement courant peut être gagné à terme, il n'est pas exclu que des tensions graves apparaissent tant que les armées n'auront pas rallié leur format.

d) Une cohérence incertaine, qui risque d'être remise en cause par un « rendez-vous citoyen » trop ambitieux

Les tensions qui pèseront très probablement sur le titre III incitent à la plus grande prudence dans la définition des contours du « rendez-vous citoyen » destiné à se substituer au système actuel des « trois jours », car la mise en oeuvre de ces opérations de sélection et de recensement, étendues aux jeunes filles, à partir de 2002, pèsera sur un titre III au montant d'ores et déjà très fortement contraint.

Il est clair que les dépenses de fonctionnement qui résulteront du « rendez-vous citoyen » devront « entrer » dans l'enveloppe de 99 milliards de francs annuels prévus par le projet de loi de programmation. Or l'équilibre sera d'autant plus difficile à atteindre que la durée de ces « trois jours » sera plus longue.

Compte tenu des dépenses qui pèseront sur le titre III du budget de la Défense du fait du « rendez-vous citoyen » (entretien des infrastructures, alimentation, rémunération et charges sociales des cadres militaires qui contribuent à l'accueil, à l'encadrement et à l'information des jeunes) 3 ( * ) , votre rapporteur doute qu'il soit très réaliste de prévoir une durée supérieure à quelques jours. De surcroît, au-delà de cette durée, il est probable que le coût marginal de la journée supplémentaire excède très largement la valeur ajoutée susceptible d'en résulter en termes d'information de la jeunesse et d'éducation civique.

*

* *

Il est indispensable que les économies réalisées sur les moyens de fonctionnement, domaine dans lequel les besoins diminueront en relation avec la diminution du format des armées, suffisent à financer la professionnalisation. Contenir les dépenses de fonctionnement dans l'enveloppe annuelle de 99 milliards de francs allouée par le projet de loi de programmation est primordial pour que puissent être consacrés aux équipements les moyens substantiels qu'exigent les programmes majeurs. Il convient, en effet, de ne pas renouveler la dérive des crédits de fonctionnement constatée au Royaume-Uni aux dépens des dépenses d'équipement, jusqu'à ce qu'une réduction de format drastique permette, au début de la présente décennie, de revenir à un certain équilibre entre les deux catégories de dépenses.

TROISIÈME PARTIE : L'ÉQUIPEMENT DES FORCES

A. LES FORCES NUCLÉAIRES

1. La dissuasion aujourd'hui : l'adaptation au deuxième âge de l'ère nucléaire

a) La dissuasion nucléaire reste l'élément central de notre stratégie

La dissuasion nucléaire reste l'ultime garantie contre toute menace sur nos intérêts vitaux. Ainsi que l'a solennellement réaffirmé le Président de la République le 23 février dernier : "la dissuasion nucléaire garde toute son impérieuse nécessité. Elle seule peut éviter le scénario du pire. Elle est encore aujourd'hui un facteur déterminant de paix en Europe et pour l'Europe".

Trois raisons majeures imposent en effet de garantir la pérennité de notre force de dissuasion :

- d'abord, l'existence des arsenaux nucléaires hérités de la guerre froide ; des milliers d'armes nucléaires, produits de la course aux armements, continueront d'exister dans l'avenir prévisible ; la réduction de ces arsenaux au plus bas niveau possible prendra, dans la meilleure des hypothèses, beaucoup de temps ; l'idée d'une dénucléarisation totale et universelle reste, à l'évidence, une chimère ; le monde dans lequel nous devons organiser notre défense reste donc un monde nucléaire, où la dissuasion conserve toute sa pertinence ;

- en second lieu, si la menace massive mais quasi exclusive qui prévalait au temps de l'affrontement est-ouest s'est effacée, nul ne saurait exclure totalement, sur le long terme- et c'est bien à cette échéance qu'il convient de raisonner-, la résurgence d'une menace majeure contre l'Europe occidentale ;

- en troisième lieu, le nouveau contexte géostratégique fait apparaître de nouveaux dangers, en Europe ou sur d'autres continents, susceptibles de mettre en cause nos intérêts vitaux ; en particulier, la prolifération des armements de destruction massive accroît les risques auxquels la dissuasion peut répondre, tandis que les crises dans lesquelles nos intérêts peuvent être mis en cause se multiplient.

Pour toutes ces raisons, la dissuasion nucléaire demeure pour l'avenir une assurance irremplaçable contre les périls extrêmes, quelles qu'en soient l'origine et l'ampleur. Elle continuera à apporter une réponse adéquate aux menaces ou aux incertitudes qui subsistent.

Sur le plan militaire, la dissuasion nucléaire demeure donc la garantie ultime de notre sécurité et le coeur de notre système de défense. Si on ne peut jurer de rien sur le long terme, aucun élément ne rend aujourd'hui plausible l'apparition de moyens de destruction massive dont l'efficacité pourrait rendre l'arme nucléaire obsolète. Selon la formule désormais consacrée, "on ne désinventera pas l'atome" et ce serait irresponsable que de passer hâtivement la dissuasion par pertes et profits.

Il faut enfin ajouter, sur le plan politique, que la possession de l'arme nucléaire demeure encore un élément majeur du statut international de la France. Certes, l'arme nucléaire n'a plus aujourd'hui la même valeur d'étalon des rapports de puissance dans le monde -ainsi que l'illustre l'influence d'États comme le Japon ou l'Allemagne. Il demeure que la possession de l'arme nucléaire reste un des attributs essentiels du rang de la France dans le monde, en même temps, il est vrai, que son quatrième ou cinquième rang au palmarès industriel mondial et l'héritage historique et culturel qu'elle représente. Il ne faut pas non plus ignorer l'impact économique du nucléaire civil qui favorise l'indépendance énergétique et réduit fortement notre dépendance à l'égard des pays producteurs de pétrole.

La France ne saurait envisager de renoncer à cet atout essentiel dans un monde qui restera nucléaire pour l'avenir prévisible.

b) Un nouveau contexte international permettant de repenser notre posture nucléaire

Le concept français de dissuasion demeure ainsi pertinent et fondé sur la capacité d'infliger des dommages insupportables, au regard de l'enjeu d'une agression, à tout État qui s'en prendrait à nos intérêts vitaux. Mais il est clair aussi que les éléments positifs du nouveau contexte international conduisent à ce que l'on peut appeler le "deuxième âge" de l'ère nucléaire, dans lequel nous pouvons repenser -en les réduisant- les éléments de notre posture nucléaire.

Deux points essentiels doivent être à cet égard soulignés.

- La volonté de la France de participer pleinement au processus de désarmement et de lutte contre la prolifération lui impose d'abord de rendre complémentaires dissuasion et non-prolifération. L'une et l'autre, sans être contradictoires, répondent en effet à des ressorts différents. Mais elles sont aussi fondamentalement compatibles dans la mesure où elles reposent l'une et l'autre sur la prévention des conflits d'un côté, et la prévention de la dissémination des armes de l'autre. Essentiellement préventives, dissuasion et non-prolifération apparaissent à cet égard complémentaires, la sécurité française étant assurée par la combinaison de l'une et de l'autre.

Il y faut une cohérence absolue entre le discours français relatif à la dissuasion et les engagements internationaux pris. Il y faut aussi la participation de la France au processus de désarmement nucléaire, et c'est dans ce cadre que doivent être notamment appréciés -et approuvés- l'abandon de la composante terrestre et le démantèlement des missiles Hadès.

La France apparaît, de ce point de vue, doublement exemplaire :

- d'une part, parce que la dissuasion française s'est toujours appuyée sur un arsenal de stricte suffisance, aussi réduit que possible ;

- d'autre part, parce que, en s'engageant à signer un traité d'interdiction générale des essais fondé sur "l'option zéro", la France peut être à juste titre considérée comme la plus responsable des puissances nucléaires, alors même que cette "option zéro" va poser inévitablement à notre pays des problèmes techniques importants au regard de ses forces nucléaires.

- Plus généralement, la dissuasion nucléaire doit faire face à des défis nouveaux pour conserver son efficacité dans le monde de l'après-guerre froide. Il faut en particulier s'interroger sur une éventuelle redéfinition de nos "intérêts vitaux". Certes, l'efficacité même de la dissuasion suppose de ne pas définir ces intérêts vitaux avec trop de précision. Certes, l'intégralité territoriale et l'indépendance nationale figurent au coeur de ces intérêts vitaux. Mais ils peuvent aujourd'hui être également mis en cause par certaines formes d'instabilité internationale. Ne peuvent-ils pas aussi impliquer de garantir la sécurité de nos alliés, compte tenu de l'incertitude quant à l'avenir de la garantie américaine et dans la perspective d'une véritable Union politique européenne ?

C'est dans ce cadre qu'a été évoquée -et est à nouveau avancée dans le présent projet de loi- l'idée d'une "dissuasion nucléaire concertée". Une telle perspective prendra nécessairement du temps et doit répondre à une démarche pragmatique et progressive, fondée sur l'idée que la concertation renforce la dissuasion.

On ne saurait, bien sûr, ignorer que la décision, en matière nucléaire, ne se partage pas. Il reste que, si une telle évolution ne s'inscrit pas dans le court terme, une future défense européenne ne se construira pas sans que, d'une manière à définir, les forces de dissuasion françaises et britanniques n'y jouent un rôle. D'ores et déjà, la concertation franco-britannique en la matière a permis de mettre en évidence une forte similitude de vues entre les deux puissances nucléaires européennes. Votre rapporteur, pour sa part, estime que cette concertation sur une future dissuasion nucléaire européenne suppose une approche essentiellement politique de la dissuasion ; il ne s'agit pas de stationner des armes nucléaires sur le territoire de nos partenaires, ni d'étendre de manière unilatérale la garantie nucléaire française ; il s'agit de prendre en considération le fait que nos intérêts vitaux ont désormais un horizon plus politique que géographique et que la France et ses partenaires européens les plus proches -notamment l'Allemagne- peuvent former un espace stratégique commun.

2. L'abandon de la composante terrestre et la réduction du format de nos forces nucléaires

a) Le renoncement à la triade nucléaire

Dans ce contexte, et après l'achèvement de notre ultime campagne d'essais nucléaires qui a conforté la crédibilité et garanti la fiabilité de notre dissuasion, l'adaptation de notre posture dissuasive au nouveau contexte international se traduit d'abord par la réduction de trois à deux du nombre de nos composantes nucléaires. Après l'avoir envisagé dès le mois de juin 1995, le Chef de l'État a ainsi décidé, en février dernier, "le retrait du service de la composante sol-sol du plateau d'Albion dont les missions ne se justifient plus dans le contexte actuel et dont la modernisation aurait été, en tout état de cause, très coûteuse".

Cette décision, dont le projet de loi de programmation tire les conséquences, appelle deux séries d'observations de votre rapporteur.

- L'abandon de la composante terrestre correspond aujourd'hui à une quadruple logique politique, stratégique, technique et financière.

Sur le plan politique, le retrait du service des 18 missiles sol-sol S3D manifeste spectaculairement le souci de la France de participer au processus actuel de désarmement nucléaire. Son "effet d'annonce" est d'autant plus fort qu'il est allé de pair avec l'arrêt définitif des essais nucléaires français. Il s'inscrit plus largement dans le cadre d'une réduction significative du nombre de nos armes et des ressources affectées au nucléaire qui se traduit par une réduction sensible du format de nos forces nucléaires.

Sur le plan stratégique, les missiles balistiques sol-sol continuaient à valoriser, du point de vue doctrinal, la composante extrême de notre potentiel de dissuasion conçue pour faire face à la menace majeure de la guerre froide. Les charges mégatonniques très puissantes des missiles d'Albion pouvaient ainsi apparaître peu crédibles dans le nouveau contexte géostratégique, tandis que leur portée -de l'ordre de 3 500 km- correspondait également aux menaces de la guerre froide, alors que l'évolution du contexte international invite à privilégier la notion de dissuasion "tous azimuts" impliquant des capacités à toute distance.

Sur le plan technique, l'arrivée en fin de vie des missiles actuels d'Albion imposait une décision rapide. Cette décision ne pouvait être reculée dans la mesure où les missiles S3D actuels, rénovés en 1983, étaient appelés à être frappés d' obsolescence dans quelques années. Par ailleurs, aucune des deux solutions de remplacement envisagées ne paraissait aujourd'hui convaincante :

- notre commission avait déjà, lors de l'examen de la précédente loi de programmation, exprimé les plus vives réserves à l'égard de la solution envisagée d'une version sol-sol des missiles M4-M45, jugeant cette hypothèse doctrinalement peu pertinente, techniquement délicate, financièrement coûteuse, et surtout peu efficace dans la mesure où elle n'aurait pas remédié fondamentalement à la vulnérabilité du site d'Albion à des actions préemptives ;

- une autre solution, plus satisfaisante, avait été envisagée il y a quelques années, à travers un vecteur sol-sol de type S45 déplaçable, mono-tête, à tir tendu, très précis et qui aurait pu de surcroît être à énergie variable ; présentant de nombreux avantages, en premier lieu celui de répondre à l'évolution de la menace et à la vulnérabilité d'un site fixe, ce projet a été caricaturé - "le missile à roulettes"- et le programme a été officiellement abandonné en juillet 1991.

Sur le plan financier, enfin, tout indiquait que le renouvellement des missiles du plateau d'Albion -qui pouvait être évalué entre 10 et 20 milliards de francs- était aujourd'hui hors de portée. Le coût d'aménagement des silos, s'ajoutant à celui de l'adaptation des missiles et des transmissions, a contribué à souligner le caractère exorbitant du remplacement envisagé.

- Ce renoncement à la triade nucléaire n'en constitue pas moins une innovation stratégique majeure dont les conséquences doivent être précisément évaluées.

Il convient de prendre en compte la disparition ou l'atténuation des principaux avantages liés à la possession d'une composante nucléaire terrestre : la sanctuarisation du territoire national, obligeant l'adversaire éventuel à "signer" une agression sur le territoire national et justifiant le jeu de la dissuasion ; et une capacité instantanée et permanente de riposte supérieure à celle des autres composantes et favorisée par l'extrême sûreté des transmissions.

Dès lors, plusieurs questions se trouvaient posées : dans quelle mesure fallait-il, dans ces conditions, réviser la conception que l'on peut avoir des deux autres composantes, sous-marine et aéroportée ? Comment compenser, du fait de la réduction de l'arsenal nucléaire à deux composantes, sa moindre diversification ? Comment concilier enfin cette réduction des forces nucléaires françaises avec l'éventuel élargissement, le moment venu, à l'Europe de la dissuasion qui pourrait alors supposer une diversification de moyens crédibles ?

Il était en tout cas indispensable, aux yeux de votre rapporteur, d'éviter une dépendance totale à l'égard de la seule composante sous-marine. Il faut donc se féliciter de la décision prise d'assurer, le moment venu et contrairement à certaines spéculations, le renouvellement des deux composantes sous-marine et aéroportée.

S'agissant enfin de la mise en oeuvre de l'abandon de la composante terrestre, trois points méritent d'être soulignés :

- le démantèlement des missiles actuels, qui seront désactivés à partir du mois de septembre prochain, durera environ deux ans et demi et constitue une opération toujours délicate et onéreuse, de l'ordre de 500 millions de francs ;

- il convient toutefois de rappeler que la décision prise permettra, à terme, non seulement l'économie du renouvellement des missiles actuels (de l'ordre d'une quinzaine de milliards) mais aussi celle du maintien en condition opérationnelle du plateau d'Albion, évalué à environ 400 millions par an ;

- la dissolution du 1er GMS (groupement de missiles stratégiques) pose ensuite la question, très importante localement, de la reconversion du site d'Albion lui-même ; la base actuelle, qui représente avec les familles concernées environ 3 000 personnes, constitue aujourd'hui l'activité dominante du pays d'Apt ; si le gouvernement étudie la possibilité de maintenir une activité militaire sur le site, la situation est devenue à la fois plus urgente et plus difficile à gérer compte tenu de la décision prise de désactiver très rapidement les missiles et de la nécessité d'inscrire désormais la reconversion du site dans le cadre de l'ensemble des restructurations militaires à venir.

b) Le démantèlement des missiles Hadès et la réduction du format de nos forces nucléaires

L'abandon de la composante terrestre s'inscrit, plus généralement, dans le cadre de plusieurs décisions se traduisant par la réduction du format de nos forces nucléaires dans le strict respect des principes de suffisance et de crédibilité.

- Le démantèlement décidé des missiles Hadès, d'ici juin 1997, s'ajoutant à celui des missiles sol-sol d'Albion, est une décision dont l'importance n'a sans doute pas été assez soulignée.

Cette décision est l'aboutissement d'une démarche entreprise depuis plusieurs années, lorsqu'il avait été décidé, en 1991, de réduire à 30 le nombre de ces missiles puis, en 1992, de les placer "sous cocon". Leur démantèlement conduit la logique suivie jusqu'à son terme, alors que le simple stockage des missiles avait un coût élevé et mobilisait des effectifs importants. Elle répond à un double souci politique : réduire significativement le nombre de nos armes et, surtout, apaiser le sentiment d'inquiétude que ce système engendrait chez nos voisins allemands, bien que le lanceur du système Hadès puisse se déplacer d'environ 1 000 km en 24 heures.

Cette démarche politique s'appuie sur l'évolution de la situation géostratégique en Europe, alors que le Hadès avait été conçu pendant la guerre froide pour participer à la manoeuvre dissuasive.

Indépendamment même du coût élevé de ce programme, de l'ordre de 10 milliards de francs, la destruction des missiles Hadès nous prive cependant, il faut le rappeler :

- d'un outil qui aurait pu être très utile dans la perspective d'une dissuasion européenne,

- et d'un argument de négociation dans le cadre de futures négociations sur les armements nucléaires auxquelles la France pourrait être conduite, le moment venu, à participer.

- La logique politique l'a également emporté pour la fermeture, décidée, du centre d'essais du Pacifique, qui devrait normalement se terminer en 1998 en même temps que disparaîtrait la DIRCEN (direction des centres d'expérimentations nucléaires).

Là encore, la décision prise constitue l'aboutissement d'un processus parfaitement cohérent : après l'achèvement de la dernière campagne d'essais nucléaires français, la France a confirmé son intention de signer, sans réserve, un traité général d'interdiction des essais ( CTBT ) fondé sur « l'option zéro ». Elle a également décidé d'adhérer au traité de Rarotonga de dénucléarisation du Pacifique Sud. La fermeture du centre d'expérimentations était, dès lors, inéluctable.

On ne saurait, pour autant, mésestimer les conséquences qui résultent de cette décision, dont votre rapporteur regrette la précipitation :

- alors que les États-Unis, la Russie et la Chine conservent leurs sites respectifs, la France se trouvera privée de toute capacité matérielle d'expérimentation, quelle que soit l'attitude, dans l'avenir, des autres puissances nucléaires ;

- cette fermeture des sites sera, à l'évidence, définitive et chacun sait, même dans l'hypothèse d'un changement profond de la situation internationale, que la création d'un site de remplacement serait très difficile à envisager, ne serait-ce qu'en raison du coût exorbitant qu'elle représenterait ;

- c'est dire l'importance extrême que revêt désormais, pour la France, d'une part la conclusion d'un CTBT réellement universel et vérifiable, d'autre part l'aboutissement des travaux très ambitieux de modélisation et de simulation sur lesquels reposeront, à long terme, l'avenir et la crédibilité de notre force de dissuasion.

- Parmi les autres dispositions tendant à la nouvelle configuration de nos forces nucléaires, on ne saurait enfin manquer de souligner :

. la réduction du format de la FOST (force océanique stratégique) à quatre SNLE-NG ; il s'agit là, aux yeux de votre rapporteur, de la réduction maximale possible et il faut se réjouir que l'hypothèse, longtemps envisagée, de renoncer au 4e SNLE-NG ait été écartée ;

. enfin, la fermeture de l'usine de retraitement de Marcoule et de celle de l'usine haute de Pierrelatte -qui concourt à la production de matières fissiles- rendue possible à la fois par la réduction des besoins, par le niveau des stocks existants et par la capacité de réutiliser les matières des armes démantelées ; la durée de l'opération de démantèlement sera de l'ordre de cinq ans pour un coût d'environ 1 milliard de francs.

Dans ce contexte -qui respecte strictement le principe de suffisance attaché à notre politique de dissuasion-, il était impératif d'assurer le renouvellement, le moment venu, de la composante sous-marine et de la composante aéroportée sur lesquelles reposeront à l'avenir nos forces de dissuasion. C'est ce que prévoit le présent projet de loi de programmation.

3. La modernisation assurée de la composante balistique sous-marine

A l'horizon des vingt prochaines années, la composante balistique sous-marine demeurera le coeur de la force nucléaire française. Sa crédibilité et sa modernisation constituent donc une priorité absolue. Elles sont assurées jusqu'aux années 2010-2015 par les missiles M45 (dont la tête nucléaire TN 75 vient d'être définitivement validée) et les SNLE de nouvelle génération qui seront progressivement mis en service à partir de 1996.

Deux questions majeures restaient posées, auxquelles le présent projet de loi apporte des réponses satisfaisantes : celle du quatrième SNLE-NG et celle du successeur des missiles M45.

a) Les SNLE-NG : un programme exceptionnel comportant quatre bâtiments

Il faut d'abord rappeler le caractère exceptionnel du programme des SNLE-NG dont une délégation importante de notre commission a pu prendre la mesure en effectuant, le 29 mars dernier, à Brest, une visite du « Triomphant » qui sera admis au service actif dans quelques mois. Ces SNLE-NG représentent un saut technologique remarquable par leurs caractéristiques techniques radicalement nouvelles, notamment au niveau de la discrétion acoustique -et donc de l'indétectabilité des sous-marins et de la capacité d'écoute.

Il s'agit d'un programme extrêmement complexe (100 000 plans, 75 000 objets à bord), pour lequel l'erreur n'est pas permise (pas de prototype). Il s'agit aussi d'une oeuvre de longue haleine et pour le long terme puisque « le Triomphant » n'aura pas exigé moins de 10 ans d'études (1983-1993), 7 ans de construction (1987-1994) et 2 ans d'essais (1995-1996).

« Le Triomphant » sera retiré du service actif en 2025 et le dernier bâtiment de cette classe restera pour sa part en service jusqu'aux environs de 2035.

Il s'agit enfin d'un programme extrêmement onéreux, dont le coût est estimé à 86,5 milliards pour quatre bâtiments (dont 17 milliards de recherche et développement et 12,5 milliards par sous-marin). Environ seize milliards de francs seront consacrés à ce programme durant la période de programmation.

L'échéancier du programme prévoit l'admission au service actif :

- du « Triomphant » en septembre 1996,

- du second bâtiment, « le Téméraire » en avril 1999,

- et du troisième, « le Vigilant » , repoussé d'un an, en décembre 2002.

Restait à trancher la question du 4e SNLE-NG, qui devait être initialement commandé en 1996 pour une mise en service en 2005 ou 2006 mais dont il n'était pas question dans le budget 1996. Cette hypothèque est heureusement levée et la commande du 4e SNLE-NG est prévue en l'an 2000 dans le projet de loi de programmation qui nous est proposé. Cette décision, très opportune, appelle trois observations :

- elle était indispensable pour maintenir, si nécessaire, deux SNLE à la mer ; quatre bâtiments sont en effet indispensables, compte tenu des indisponibilités périodiques de tels sous-marins, pour en avoir trois dans le cycle opérationnel -le quatrième étant en grand carénage- et, donc, éventuellement deux à la mer ; et cet objectif constituait, selon votre rapporteur, un impératif pour garantir l'efficacité de notre composante sous-marine ; compte tenu en effet des risques inhérents à tout sous-marin et des règles statistiques relatives au « pistage » des SNLE, n'avoir la possibilité que de mettre un seul bâtiment à la mer accroît considérablement les risques et inviterait un agresseur potentiel à investir en moyens de lutte anti-sous-marine avec l'espoir d'aboutir un jour ;

- la date de la commande et de la livraison du 4e SNLE-NG constituait d'autre part un enjeu majeur pour le plan de charge de la DCN de Cherbourg qui en assure la construction ; de ce point de vue industriel, une commande en 2002 (et une livraison en 2010) aurait naturellement allégé l'effort financier à accomplir durant la prochaine programmation mais accentué dans des proportions difficilement supportables les surcapacités actuelles de la DCN Cherbourg ; la commande finalement prévue en l'an 2000 pour une admission au service actif en 2008 permettra d'assurer un plan de charge, encore très insuffisant, mais plus acceptable ;

- enfin, les crédits attribués au programme des SNLE-NG permettront normalement d'avoir en permanence au moins un SNLE de nouvelle génération à la mer dès la fin 1999.

b) Le renouvellement programmé des missiles M45 par des missiles M51

La seconde question majeure concernant la composante sous-marine a trait au renouvellement futur des missiles MSBS (mer-sol balistiques stratégiques).

Après la validation définitive de la tête nucléaire TN75, les missiles M45, résultant de la modernisation des missiles M4 -mais avec la même technologie remontant à 1975-, équiperont progressivement nos sous-marins à partir de cette année, chaque sous-marin étant -rappelons-le- équipé de 16 missiles à 6 têtes nucléaires chacun, soit 96 charges nucléaires par sous-marin. Les crédits résiduels inscrits dans le projet de loi pour ce programme s'élèvent à 252 millions pour le développement du M45 et l'adaptation au SNLE NG et à 781 millions pour la mise en place initiale.

La crédibilité de notre composante balistique sous-marine se trouve ainsi assurée jusqu'aux environs de 2010-2015. Il était cependant indispensable de prévoir, d'ores et déjà, le développement d'un successeur au programme M45, pour remplacer en fin de vie les missiles actuels. Tel était le problème posé par le programme de missiles M5, dont la mise en service avait été reportée de 2005 à 2010 par la dernière loi de programmation.

Dans ce contexte, rendu plus difficile encore par le coût du programme M5 et par la nécessité de préserver les compétences industrielles et technologiques de ce secteur de l'armement, le présent projet de loi de programmation prévoit le développement d'un missile M51, dérivé du programme M5, et qui commencerait à être déployé à partir de 2010. Cette solution présente, selon votre rapporteur, cinq caractéristiques principales :

- elle assure le développement, le moment venu, d'un successeur au programme M45, ce qui est indispensable pour notre composante sous-marine -dans la mesure où les missiles M45 auront en 2015 une technologie, celle du M4, vieille de 40 ans- et pour la sauvegarde de nos capacités industrielles dans ce domaine ultra-sensible ;

- elle préserve l'essentiel des progrès attendus du programme M5 : d'une part, une portée fortement accrue, de l'ordre de 6 000 km avec chargement complet et donc très supérieure à celle du M45, « donnant de l'eau » supplémentaire aux SNLE, leur permettant d'élargir leurs zones de patrouille et pouvant ainsi mettre en oeuvre une dissuasion « tous azimuts » ; d'autre part, une amélioration sensible de la précision et un durcissement vis-à-vis des agressions nucléaires ; enfin un volume supérieur pour la charge utile, permettant de recourir à des têtes nucléaires plus lourdes et plus volumineuses du fait de l'interdiction des essais nucléaires ;

- mais l e missile M51 doit permettre, au prix notamment d'une simplification des spécifications, une réduction de coût d'environ 22 % du programme M5 : tout en sauvegardant l'architecture générale du M5, le M51 constitue une réorientation du M5 dans un sens moins ambitieux en performances, en distance et en charge à emporter ; cette réduction de certaines spécifications est de surcroît accompagnée de l'allégement de la logique de développement (notamment du nombre d'essais) et d'efforts de productivité importants des industriels concernés ;

- il en résulte un coût du programme M51 de l'ordre de 30 milliards (hors production en série et mise au point de la charge nucléaire) qui correspond aux impératifs de réduction des coûts qui s'imposent aujourd'hui ; le cumul des crédits de paiement prévus en programmation pour la période 1997-2002 est de 10,588 milliards ;

- enfin, du point de vue de l'échéancier du programme, il est prévu, afin d'assurer le renouvellement de l'actuelle composante sous-marine, de mettre en service le missile M51 en 2010 avec la tête nucléaire (TN75) actuelle, puis en 2015 avec la tête nucléaire nouvelle (TNN) lorsque les têtes actuelles arriveront en fin de vie.

4. Une composante aéroportée confortée, dont le renouvellement est programmé

Compte tenu du renoncement à la composante terrestre, il était essentiel d'assurer la pérennité d'une seconde composante aérobie crédible, évitant une dépendance excessive à l'égard de la seule composante balistique sous-marine. Cette composante de complémentarité devait disposer d'un lanceur, d'un milieu d'évolution, d'un mode de pénétration et de caractéristiques de trajectoire différents de ceux du missile MSBS.

a) La nécessité d'une composante aérobie souple d'emploi

Notre force de dissuasion reposera ainsi à l'avenir, à côté de la composante balistique sous-marine, d'une composante aérobie, emportée par des aéronefs et complémentaire de la précédente, offrant au pouvoir politique une souplesse d'emploi maximale.

Sans mésestimer ses éléments de vulnérabilité -au sol et en vol-, une composante nucléaire pilotée crédible présente des avantages incontestables en raison notamment :

- de sa souplesse d'emploi qui la rend particulièrement adaptée sur le plan opérationnel et sur le plan politique -grâce aux possibilités de « gesticulation » offertes par un tel système- à l'évolution des menaces internationales ;

- et de nombreux éléments techniques qui plaident dans le même sens : son indétectabilité à basse altitude ; sa capacité à agir de jour comme de nuit, à distance de sécurité par rapport à l'objectif.

La question posée était donc celle de l'avenir du couple actuel ASMP-Mirage 2000N (ou Super-Etendard) et de sa succession. Si le Rafale doit s'imposer comme successeur des avions porteurs actuels, le problème du remplacement, en fin de vie, vers 2008, du missile ASMP, mis en service en 1986 et fondé sur la technologie particulière du statoréacteur, devait être encore résolue puisque la dernière loi de programmation se contentait de prévoir l'étude du remplaçant de l'ASMP.

b) Le choix du missile ASMP amélioré

C'est dans ces conditions que le Président de la République a annoncé, en février dernier, sa décision « d'équiper la composante aérienne de l'ASMP amélioré qui représente, a-t-il précisé, le meilleur compromis possible entre les besoins opérationnels, les contraintes industrielles et les impératifs de maîtrise des dépenses publiques » .

Cette décision, confirmée par le présent projet de loi, appelle deux observations de votre rapporteur.

- Elle traduit d'abord le choix maintenu d'un missile supersonique dérivé de l'ASMP au détriment de l'hypothèse d'un missile subsonique tiré de l'Apache, une sorte de Tomahawk à la française.

Trois raisons principales justifient ce choix :

- sur le plan opérationnel, le missile supersonique, qui ne nécessite pas de recalage de navigation, est apparu plus souple d'emploi, notamment pour la préparation des missions ; il présente également des avantages en termes de pénétration (faible vulnérabilité en phase de croisière, efficacité unitaire compatible avec un nombre réduit de missiles et d'avions porteurs) ; il permet enfin un rayon d'action supérieur du couple avion-missile ;

- sur le plan technique, une nouvelle génération d'ASMP bénéficiera d'une technologie connue et éprouvée, puisque l'ASMP est déjà en service opérationnel dans les forces françaises depuis 1986 ;

- enfin, sur le plan financier, la poursuite d'une filière éprouvée offre, là encore, une garantie supérieure de conduite maîtrisée du programme du point de vue budgétaire.

- Cette décision traduit ensuite, une fois l'option supersonique retenue, le choix de l'ASMP amélioré au détriment de l'ASLP (air sol longue portée).

Il faut à cet égard rappeler que le programme ASLP devait permettre de disposer d'un missile d'une portée accrue -environ 1000 km-ainsi que d'une précision, d'une furtivité et d'une capacité de pénétration terminales améliorées. Le coût de ce programme était toutefois de l'ordre de 10 milliards de francs, ce qui constituait une difficulté d'autant plus grande que la Grande-Bretagne a, comme on le sait, renoncé au projet de construire ce missile en coopération.

Dans ces conditions, le programme ASMP amélioré -dont le développement sera lancé en 1997- est apparu comme la solution de compromis à la fois la moins coûteuse et la plus sûre. Son coût sera environ deux fois moindre, soit environ 4,3 milliards de francs, dont 1 993 millions au titre de la période 1997-2002. Il bénéficiera néanmoins d'une portée -de plus de 500 km- près de deux fois supérieure à celle des missiles actuels. Il sera doté d'une capacité de pénétration accrue et d'une charge nucléaire nouvelle. Pour un coût réduit -sans commune mesure, il faut le relever, avec les missiles de la composante sous-marine-, il permettra à la France d'assurer la pérennité de sa composante nucléaire pilotée, avec un missile interopérable avec l'ASMP actuel et pouvant être emporté aussi bien par le Mirage 2000N, lors de sa mise en service opérationnel en 2008, que par le Rafale, ultérieurement.

5. L'importance majeure des programmes de modélisation et de simulation pour l'avenir de la dissuasion française

Votre rapporteur ne reviendra pas ici sur la dernière campagne d'essais nucléaires français, qu'il jugeait pour sa part particulièrement nécessaire, et dont le Chef de l'État a estimé qu'elle avait fourni les meilleurs résultats possibles, qu'elle garantissait la fiabilité et la sûreté de notre force de dissuasion, et qu'elle permettrait à la France de signer sans réserve le traité en cours de négociation d'interdiction définitive des essais (CTBT).

Notre commission aura l'occasion d'examiner précisément le contenu exact, les modalités d'application et les conséquences de la mise en oeuvre du CTBT. Parallèlement, la signature par la France du traité de dénucléarisation du Pacifique Sud et la fermeture décidée du Centre d'expérimentations du Pacifique soulignent l'impératif pour notre pays d'assurer à l'avenir sa capacité de dissuasion sans essais.

Cette exigence majeure souligne l'extrême importance que revêtent aujourd'hui le bon déroulement et l'aboutissement des programmes de modélisation et de simulation, dont il est important de noter qu'il ne s'agit pas de simuler véritablement des essais nucléaires mais de leur substituer une mosaïque d'outils palliant l'absence d'essais en vraie grandeur.

a) La simulation : un défi nécessaire pour mettre au point les armes futures sans essais

La question majeure posée peut être formulée brutalement : l'arrêt définitif des essais met-il en danger la capacité de dissuasion nucléaire française ? La réponse à cette question doit être et sera négative, mais à plusieurs conditions.

Il est en effet indispensable de prévoir le renouvellement des armes actuelles, qui ne peuvent être maintenues en service plus d'une vingtaine d'années (d'où les décisions pour le remplacement des missiles M45 et ASMP actuels). Mais ce renouvellement des armes actuelles ne pourra -pour des raisons techniques- s'effectuer à l'identique et devra être opéré à partir de concepts testés en grandeur réelle dans le passé. Des modifications seront néanmoins inévitables (compositions des matériaux, adaptation aux nouveaux vecteurs...) et les garanties indispensables devront être apportées par le calcul. Il en résulte trois conséquences essentielles :

- les modifications devront être limitées par rapport aux têtes nucléaires actuelles ; il ne sera donc pas possible de mettre au point des armes très différentes des concepts déjà testés ;

- il faudra utiliser ce que les experts appellent « des concepts robustes » évitant de se trouver aux limites des phénomènes physiques qui interviennent dans le fonctionnement d'une arme nucléaire : un concept robuste est ainsi un peu moins performant mais peu sensible aux petites perturbations ;

- enfin, la troisième condition est précisément le développement de la simulation ; pour pouvoir apporter les garanties nécessaires, il est indispensable d'améliorer la modélisation physique et les performances des outils numériques et de se doter de moyens de validation complémentaires. Tel est l'objet du programme PALEN.

b) Le programme PALEN : un pari qu'il est indispensable de relever

Les moyens de simulation et de modélisation feront, une fois le CTBT mis en oeuvre, intégralement partie de la panoplie de la dissuasion nucléaire.

- Il s'agit d'abord d'un défi technologique majeur et d'un pari sans précédent. Tenter de le relever supposait en premier lieu des essais réels de référence : pour apporter les garanties nécessaires, les résultats de la simulation doivent pouvoir être confrontés aux calculs d'engins expérimentés en grandeur réelle. C'est pourquoi l'essentiel de la dernière campagne de tirs a porté sur les mécanismes de simulation. Ceux-ci pourront ainsi être calés sur les résultats de ces essais et les données qu'ils ont permis d'acquérir.

Mais la réussite de cette gageure technologique dépendra aussi des progrès techniques qui seront enregistrés dans les prochaines années.

Ainsi, les ordinateurs les plus puissants aujourd'hui disponibles sont encore largement insuffisants pour permettre la description détaillée du fonctionnement d'une arme nucléaire. Des gains de performances considérables sont donc attendus de la prochaine génération d'ordinateurs pour disposer des moyens nécessaires.

- La simulation numérique constitue ainsi, à elle seule, une aventure scientifique et technologique difficile. Il est de surcroît indispensable de confronter ses résultats, non seulement aux résultats des essais passés, mais aussi aux résultats d'expériences de laboratoires les plus représentatives des phénomènes mis en jeu.

Deux équipements de grande ampleur doivent contribuer à cette validation.

- d'abord, une très puissante machine de radiographie, baptisée AIRIX, qui doit fournir des images détaillées des mouvements de matière lors de « tirs froids » (avec de l'explosif chimique mais sans matières nucléaires) ; cette installation est en cours de construction à Moronvilliers ; le premier axe de radiographie doit être prêt en 1998 ;

- ensuite, le laser mégajoule (LMJ) qui doit permettre de simuler les réactions thermonucléaires ; sa construction a commencé dès cette année sur le site du Barp, en Aquitaine, en vue d'une mise en oeuvre opérationnelle progressive au cours de la prochaine décennie. Cette réalisation tout à fait exceptionnelle -qui commencera à fonctionner à partir de 2006 et sera totalement opérationnelle en 2012- appelle trois observations complémentaires :

- le gigantisme et la précision sont les deux caractéristiques majeures du LMJ ; la mise au point, particulièrement complexe, de cet outil de physique nucléaire vise à porter la matière à des conditions extrêmes, tout en ne dégageant qu'une énergie infime ; il s'agira d'obtenir une impulsion en quelques milliardièmes de seconde, cette énergie de 1,8 million de joules étant produite par 240 faisceaux lasers de cent mètres qui vont concentrer l'énergie sur une cible minuscule d'un millimètre de diamètre ;

- le laser mégajoule constituera une réalisation unique au monde ; le seul outil comparable doit être réalisé aux États-Unis par le « National Ignition Facility » (NIF) ; c'est la raison pour laquelle le CEA a conclu, en juin 1994, un accord décennal avec le département américain de l'énergie

pour la construction en parallèle des deux super-lasers ; suite logique d'une collaboration engagée dès 1981, cet accord évitera la duplication de certaines études, tout en laissant chaque partenaire maître de la conception de son laser, du choix des fournisseurs, et surtout de l'élaboration des expériences ;

- enfin, dans une première phase, le lancement d'une ligne d'intégration laser (LIL) devrait permettre, dès l'an 2000, la mise en marche d'un laser à huit faisceaux ; cette première étape fournira au CEA un laser d'une puissance près de dix fois supérieure à celle du laser « Phébus », actuellement installé à Limeil.

Il est, pour toutes ces raisons, indispensable, malgré les contraintes financières actuelles, que le programme PALEN dispose des ressources financières nécessaires à son bon déroulement, ainsi que le Chef de l'État s'y est engagé, en vue de la mise au point des futures armes nucléaires pour les années 2015. C'est là, aux yeux de votre rapporteur, l'une des priorités de la programmation.

Le coût des seuls équipements lourds du laser mégajoule est estimé à environ 6,5 milliards de francs. Il faudra y ajouter environ un milliard par an pendant toute la durée du programme.

Sur la période de programmation, les dépenses prévues par le programme PALEN s'élèvent à 6 551 millions de francs. Les investissements prévus concernent le LMJ à hauteur de 2 468 millions et les autres investissements (AIRIX, ordinateurs) à hauteur de 835 millions.

6. La poursuite de l'évolution à la baisse des crédits consacrés au nucléaire

L'importance des programmes en cours et l'adaptation nécessaire de nos forces nucléaires permettaient-elles de réduire fortement la masse des crédits consacrés au nucléaire ? C'est l'une des questions essentielles auxquelles devait répondre la loi de programmation pour les années 1997-2002.

a) Une forte réduction des crédits au cours des dernières années

Il convient d'abord de rappeler l'importance de la diminution des crédits consacrés au nucléaire qui a déjà été opérée au cours de la dernière période.

La part des crédits du titre V consacrée au nucléaire est déjà passée, depuis la fin de la guerre froide, de 32,6 % en 1988 à 21,5 % aujourd'hui. Si l'on compare les années extrêmes en raisonnant en francs constants 1996 (c'est-à-dire à pouvoir d'achat égal), il apparaît même que les crédits nucléaires sont passés de près de 39 milliards en 1990 à environ 20,5 milliards en 1996, soit une diminution de près de moitié en six ans.

En 1996, les crédits disponibles consacrés au nucléaire devraient s'élever à 20 451 millions. La part des crédits budgétaires du titre V consacrée au nucléaire s'élèverait en 1996 à 20,8 % en autorisations de programme et à 21,9 % en crédits de paiement. La part des crédits disponibles consacrée à la dissuasion serait de 21,5 % .

La loi de programmation pour les années 1995-2000 avait à cet égard -il faut le rappeler- prévu une légère réduction des dépenses nucléaires dans le budget de la défense puisqu'elles devaient passer de 23 % des crédits du titre V en 1994 à 21 % pour l'ensemble de la période 1995-2000. La précédente loi de programmation prévoyait ainsi de consacrer, en six ans, 129,8 milliards à nos forces de dissuasion.

Pouvait-on aller beaucoup plus loin dans les prochaines années dans la réduction des crédits consacrés au nucléaire ?

b) Une marge de manoeuvre financière réelle mais très limitée

Cette question appelle les observations suivantes de votre rapporteur :

- Il doit d'abord être clair, comme l'avait excellemment résumé notre collègue Jean Faure, rapporteur de notre commission sur les questions nucléaires, à l'occasion du dernier budget que : « de même que le budget de la Défense ne saurait être la variable d'ajustement du budget de l'État, de même le nucléaire ne saurait être, à son tour, la variable d'ajustement du budget de la défense » .

En effet, plus encore peut-être que pour les autres équipements militaires, l'évolution des crédits militaires consacrés aux armes nucléaires doit être envisagée sur le moyen et le long terme, compte tenu à la fois de la durée nécessaire aux programmes concernés, de leur coût financier élevé, et de la nécessité que les systèmes développés correspondent effectivement, le moment venu, aux menaces auxquelles notre force de dissuasion devra faire face.

Le plus grande prudence s'impose donc en la matière. Et la marge de manoeuvre financière apparaît désormais, non pas inexistante, mais limitée : l'avenir de nos composantes, sous-marine et aéroportée, doit être impérativement préservé avec la mise au point des armes qui, à l'horizon 2010-2015, devront remplacer la génération d'armes actuelles. Par ailleurs, les programmes en cours continueront à peser lourdement sur le budget, qu'il s'agisse des SNLE de nouvelle génération ou des programmes de modélisation et de simulation. Le budget de la direction des applications militaires du CEA devra, lui aussi, être préservé -en dépit de sa réduction de format- car il y va du maintien de notre potentiel scientifique et technique dans le domaine du nucléaire.

Mais il s'agit aussi de trouver le meilleur compromis possible

entre ces dépenses nécessaires et les très lourdes contraintes budgétaires actuelles, sans compromettre l'impératif du renforcement, dans les prochaines années, de la capacité d'action de nos forces conventionnelles qui doivent être renouvelées et adaptées à la nouvelle donne internationale.

C'est pourquoi il faut approuver les efforts d'économies substantiels décidés, notamment dans la perspective du renouvellement des composantes actuelles (programmes M51 et ASMP amélioré). Des économies supplémentaires importantes résulteront aussi -même si ce n'est pas dans l'immédiat- des mesures de réduction du nombre d'armes ou de fermeture de sites décidés par la France : abandon de composante terrestre, démantèlement des missiles Hadès, fermeture du centre d'essais du Pacifique, fermeture des usines de Pierrelatte et de Marcoule.

Il paraît, dans ce contexte, raisonnable de réduire dans les prochaines années d'environ 3 milliards de francs le flux annuel des crédits consacrés au nucléaire militaire.

Le présent projet de loi prévoit ainsi de consacrer à la dissuasion, sur la durée de la programmation, une enveloppe financière de 105,8 milliards de francs 1995 -ce qui correspond à une moyenne annuelle de 17 550 millions de francs pour chacune des six années de 1997 à 2002.

Comparée aux 516 milliards de crédits d'équipement prévus sur la période, la part consacrée aux forces nucléaires représente ainsi 20,5 % du titre V . Elle s'établira même, précise le projet de loi, en fin de période à un niveau inférieur à 20 % du titre V au sein d'un budget d'équipement lui-même en diminution, au terme de l'évolution précisée dans le tableau ci-dessous :

MF 95

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Crédits nucléaires

18361

18103

17789

17447

17142

16943

% nucléaire/TV-VI

21,35 %

21,05 %

20,68 %

20,68 %

19,93 %

19,70 %

Votre rapporteur estime cette enveloppe financière calculée au plus juste mais conforme à l'évolution de la donne internationale et aux impératifs financiers. Elle doit permettre, au prix d'efforts de gestion et de productivité considérables, le bon déroulement des programmes indispensables à notre force de dissuasion.

Mais le respect des décisions prises sera là, plus qu'ailleurs, impératif car nous atteindrons alors un seuil strictement incompressible.

o

o o

B. LES CAPACITÉS DE COHÉRENCE INTERARMÉES

1. Les moyens de renseignement, de commandement et de communications : une priorité maintenue

Le projet de loi de programmation qui nous est proposé maintient, en dépit des très lourdes contraintes financières, une priorité relative forte en faveur des capacités interarmées de renseignement, de commandement et de communications.

"Il s'agit d'abord -précise le rapport annexé- de conférer à notre pays l'autonomie stratégique nécessaire. Il faut d'autre part doter nos forces, lorsqu'elles seront engagées au sein de grands ensembles multinationaux, des moyens leur permettant de contribuer à la conduite et au commandement d'une opération, à un niveau correspondant à notre engagement politique et militaire".

L'efficacité opérationnelle de nos forces reposera en effet à l'avenir de manière croissante, compte tenu des risques actuels et des conflits qu'ils engendrent, sur la maîtrise des fonctions interarmées. Il est donc indispensable d'apporter une attention particulière aux fonctions de renseignement, de commandement et de communications et de poursuivre la réalisation des systèmes "multiplicateurs de forces" dans ces domaines.

Cette priorité avait d'ailleurs été soulignée par le Livre blanc et la loi de programmation votée en 1994. Elle se trouve heureusement confirmée dans le présent projet de loi, dans le cadre de la réforme d'ensemble de notre appareil de défense qui est entreprise.

a) L'effort accompli dans le domaine du renseignement et de l'espace

Cet effort répond à l'objectif de prévention présenté par le projet de loi comme l'une des quatre grandes missions assignées à nos forces armées dans le nouveau contexte géostratégique.

Cette stratégie de prévention -qui prend progressivement une plus grande dimension européenne et continuera à s'appuyer sur notre dispositif, qui devra être rationalisé, de forces prépositionnées, notamment en Afrique-doit éviter ou anticiper le développement de situations de crise susceptibles de mettre en cause notre sécurité ou nos intérêts. Elle doit faciliter l'adaptation permanente des moyens de notre défense et permettre la résolution des crises au plus bas niveau possible d'engagement des forces.

L'efficacité de la prévention requiert l'intelligence des situations qui repose sur des moyens de renseignement, à la fois humains et spatiaux.

- Dans le domaine du renseignement humain, un effort particulier sera poursuivi pour disposer de l'autonomie stratégique et de la compréhension des situations qui permettent de détenir une capacité propre d'anticipation.

Les crédits spécifiques consacrés au renseignement durant la période de programmation s'élèvent à 27,2 milliards de francs 1995, représentant 5,3 % des crédits inscrits au titre V.

C'est dans ce cadre que les services de renseignement, en particulier la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure) et la DRM (direction du renseignement militaire) bénéficieront d'un "accroissement significatif de leurs effectifs". Cette orientation s'inscrit dans la stricte continuité de la loi de programmation votée en 1994, qui prévoyait le renforcement des effectifs de la DGSE de 500 emplois civils et de 200 postes de militaires, et de la montée en puissance prévue de la DRM qui devrait passer, d'ici l'an 2002, de 1 600 à 1 900 personnes -par transfert de postes au sein du ministère de la défense.

Les services de renseignement n'échapperont pas pour autant à l'effort général d'économies et de rigueur dans la gestion. C'est dans cet esprit qu'il a été renoncé au transfert de la DGSE sur le site de Noisy-le-Sec -opération financièrement très lourde, d'un coût global supérieur au milliard de francs.

- Dans le domaine des moyens spatiaux de renseignement -dont bénéficieront notamment les grandes directions du renseignement-, la prévention appelle la réalisation et l'exploitation en commun de systèmes modernes avec nos partenaires européens.

Cette dimension européenne du renseignement prend la forme d'une coopération poursuivie et élargie sur les systèmes Hélios d'observation optique et, demain, Horus d'observation radar.

Globalement, en incluant les programmes Syracuse (de télécommunications par satellites) et SSE (de surveillance de l'espace à partir du sol), les crédits d'équipement consacrés à l'espace s'élèveront sur la période de programmation à 20,7 milliards de francs 1995, ainsi répartis : 78 % pour les réalisations, 11 % pour l'entretien programmé et les lancements, et 11 % pour les études.

Ces crédits représenteront 4 % des crédits inscrits au titre V et seront répartis annuellement comme suit :

MF 95

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Espace

3 256

3 342

3 401

3 471

3 530

3 726

A titre de comparaison, les crédits cumulés consacrés à l'espace pour la période 1989-1994 se sont élevés à 20,2 milliards. Et la loi de programmation 1995-2000 prévoyait 22,8 milliards sur la période.

b) L'évolution positive des moyens de commandement et de communications

Elle s'inscrit pour sa part essentiellement dans la stratégie de projection, qui rend crédible l'objectif de prévention et qui constitue l'une des priorités pour nos forces classiques.

L'importance des moyens de commandement et de communications a été démontrée dans les conflits récents et sera déterminante, souligne le projet de loi, dans les engagements futurs.

La constitution des capacités de projection requises suppose une articulation souple du commandement et des forces dont la nature et le volume doivent être adaptables à chaque cas. Elle suppose aussi de disposer de moyens de commandement et de communications projetables, interarmées et interopérables avec nos alliés.

C'est pourquoi le présent projet de loi prévoit le développement des différents programmes de commandement et de communications et, notamment, le système d'information et de commandement des armées SICA. C'est dans le même esprit que s'inscrit, dans le domaine des télécommunications, la poursuite du programme spatial Syracuse.

2. L'évolution des principaux programmes

a) Le domaine du renseignement

Dans le domaine du renseignement, le tableau ci-dessous récapitule l'évolution des principaux programmes prévue par le projet de loi :

Programmes

HELIOS I

HELIOS II

HORUS

2 satellites d'observation optique, livrés en 1995 et 1996

3 satellites d'observation optique de 2ème génération Lancement du premier satellite en 2001

Développement du système satellitaire d'observation radar Lancement de 3 satellites à partir de 2005

SARIGUE-NG

MINREM

Mise en service du système aéroporté d'écoute électromagnétique en 1999

Réalisation de la charge utile du navire d'écoute électromagnétique à partir de 2001

Les programmes spatiaux Hélios et Horus traduisent une volonté clairement affirmée, de la part de la France, de renforcer la dimension européenne du renseignement :

- le programme Hélios I d'observation optique a été réalisé et exploité en commun avec l'Italie (à hauteur de 14,1 %) et avec l'Espagne (à hauteur de 7 %) à due concurrence de leur participation au programme ; il repose sur deux satellites, livrés en 1995 et 1996, dont le premier a été lancé à Kourou le 7 juillet 1995 et dont le second sera stocké en attendant d'assurer la relève ; 750 millions sont prévus pour la période de programmation au titre de ce programme dont le coût total pour la France devrait être de 9 320 millions ;

- le programme Hélios II d'observation optique et infrarouge traduit un élargissement de la coopération européenne spatiale à l'Allemagne, conformément aux décisions prises à Baden-Baden en décembre 1995 et confirmé en mai dernier par le Président de la République et le Chancelier Kohl ; il vise à la fois à assurer la continuité du service rendu par Hélios I lorsque celui-ci arrivera en fin de vie et à améliorer les performances d'Hélios (capacité infrarouge permettant l'observation nocturne, résolution des images améliorée, nombre de prises de vue accru) ; il reposera sur trois satellites d'observation optique de seconde génération, le lancement du premier satellite étant prévu en 2001 ; le coût prévisionnel du programme est estimé à 11,5 milliards 1995 dans l'hypothèse d'un taux de coopération de 20 % ; les crédits de paiement prévus à ce titre sur la période 1997-2002 s'élèvent à 6 380 millions de francs ;

- le programme Horus (ex-Osiris) d'observation radar sera également développé avec l'Allemagne -et éventuellement d'autres partenaires européens ; l'aboutissement de cette coopération avec l'Allemagne est particulièrement important alors que le renseignement demeurait jusqu'ici un domaine privilégié de la coopération entre les États-Unis et l'Allemagne et que des propositions en ce domaine avaient été faites aux Allemands par des groupes américains ; complément de l'observation optique et infrarouge, l'observation radar permettra l'accès au renseignement tout temps ; le programme Horus, qui sera développé dans les années à venir, reposera sur le lancement de trois satellites à partir de 2005.

Dans l'hypothèse d'une participation française au programme Horus d'environ un tiers et d'une participation italienne de l'ordre de 20 %, le coût total prévisionnel pour la France est estimé à 6,3 milliards 1995. Le cumul des crédits prévus dans le projet de programmation s'élève à 2,4 milliards. Le démarrage des études de faisabilité est prévu fin 1996-début 1997.

La période de la programmation verra également le renouvellement et l'accroissement de nos capacités d'écoute électronique à travers deux programmes principaux :

- le programme Sarigue de nouvelle génération, lancé en 1993, doit déboucher sur la mise en service de ce système aéroporté d'écoute électronique à la fin du siècle ; intégré sur un DC8 de l'armée de l'air, ce système a pour mission la recherche électromagnétique du renseignement ; les montants financiers sur la période 1997-2002 s'élèvent à 785 millions pour un coût total du programme de 1 505 millions ;

- le programme MINREM (moyen interarmées navalisé de recherche électromagnétique) doit d'autre part aboutir à partir de 2001 à la réalisation de la charge utile du navire d'écoute électromagnétique ; il permettra la mise en service du successeur du bâtiment actuel, le Berry, en 2004.

b) Le domaine du commandement et des communications

Les principaux programmes inscrits dans la programmation figurent dans le tableau suivant :

Programmes

SICA

Système d'information et de commandement des armées. 1 ère tranche en service en 2000. 2ème tranche en 2005.

SYRACUSE III

Poursuite du développement en vue d'un premier lancement en 2005.

SOCRATE

Raccordement au réseau de transmissions national des armée à compter de 1997 (air) et 1998 (terre et marine)

MIDS

Liaisons de données militaires très protégées. Mise en service en 2001.

Ces programmes appellent les précisions suivantes :

- le programme Syracuse III de télécommunications militaires spatiales devra succéder à l'horizon 2005 au système Syracuse II qui continuera pendant la période de programmation à assurer les besoins en télécommunications vers les théâtres d'opérations extérieures (coût total du programme : 12 700 millions 1995, crédits inscrits en programmation : 2 311 millions) ; Syracuse III devra en outre assurer une couverture mondiale, garantir une meilleure cohérence interarmées et l'interopérabilité avec les systèmes des pays alliés ; cette échéance fournit une occasion particulièrement importante de coopération, source d'économies, de performances et d'interopérabilité accrues, qui ne doit pas être manquée, mais dont les modalités ne sont pas encore arrêtées ; le cumul des crédits de paiement prévus dans le projet de programmation est de 3 797 millions ;

- le programme SICA d'information et de commandement des armées de première génération permettra de disposer, en 2000, d'un outil moderne d'informatique de commandement et de gestion des situations, prolongé par les systèmes compatibles de chacune des armées, notamment SICF/SIR (Terre) et SCCOA (Air) ; la réalisation de la deuxième génération, comportant des fonctions complémentaires de commandement et de communications, commencera en 1999. Un poste de commandement interarmées de théâtre (PCIAT), équipé du SICA et interopérable avec nos alliés, sera disponible en l'an 2000 ;

- ces différents moyens interarmées, enfin, viendront naturellement s'ajouter aux moyens de commandement et de communications propres à chaque armée parmi lesquels doivent être notamment soulignés :

. pour l'armée de terre : le réseau d'information tactique RITA qui sera valorisé, de même que le système de guerre électronique de l'avant (SGEA) ; la poursuite de l'acquisition de 20 000 postes de 4e génération (PR4G) qui sera achevée en 2002 ; et le système Horizon héliporté de renseignement de théâtre, dont le second système sera livré en 1998 ;

. pour la marine : les avions de guet embarqués Hawkeye, dont deux seront livrés en 1998 et un troisième commandé ; et les Falcon 50 de surveillance maritime (quatre livraisons durant la période de programmation) ;

. enfin, pour l'armée de l'air : la valorisation des quatre avions Awacs pour améliorer la sécurité des appareils et assurer une meilleure interopérabilité avec nos alliés ; et la modernisation du réseau de transmissions des bases aériennes qui sera rattaché au réseau interarmées Socrate.

3. Les observations de votre rapporteur

Les crédits, globalement préservés, consacrés par le présent projet de loi aux systèmes interarmées, notamment de renseignement et de commandement, qui accroissent la cohérence et les performances des forces appellent trois observations principales de votre rapporteur.

- Première observation : les capacités interarmées échappent, au moins pour partie, aux contraintes financières et il faut s'en féliciter.

Le Livre blanc sur la défense et la dernière loi de programmation avaient déjà fait de ces moyens multiplicateurs de forces, et notamment du renseignement, une priorité essentielle. Il ne pouvait en aller autrement dans la programmation proposée qui vise précisément, dans le cadre de la réforme engagée, à privilégier les fonctions de prévention et de projection auxquelles les moyens de renseignement, de commandement et de communications apportent une contribution majeure.

Cette priorité relative semble aujourd'hui une évidence au regard des misions qui incombent à ces systèmes dans le nouveau paysage géopolitique qui fait apparaître de nouvelles menaces et de nouveaux défis. Ces nouveaux dangers valorisent les fonctions envisagées, à l'exemple du renseignement qui doit s'étendre davantage à l'intelligence économique en raison de l'intégration croissante des appareils économiques et financiers mondiaux.

De même, l'utilisation militaire de l'espace constitue aujourd'hui un enjeu de première importance pour des Européens qui ont accumulé en la matière un retard important par rapport aux États-Unis et à la Russie. Or, la maîtrise des technologies spatiales -qui offre la capacité de savoir et donc d'anticiper- revêt aujourd'hui une importance stratégique, comparable à celle du nucléaire il y a trente ans. Ces systèmes revêtent une importance décisive dans le nouveau contexte géostratégique où les crises se multiplient et se diversifient, exigeant la connaissance en temps réel des évolutions politiques et militaires.

- Deuxième observation : si l'effort français dans le domaine militaire spatial est particulièrement méritoire, son succès suppose l'édification d'une Europe militaire spatiale encore incertaine. Plusieurs rappels doivent être à cet égard formulés :

- s'ils sont les plus importants en Europe, les moyens militaires spatiaux français restent très modestes par rapport aux réalisations américaines ou russes : à titre de comparaison, le budget militaire spatial français est de l'ordre de 3,5 milliards de francs par an tandis que le budget américain est d'environ 18 milliards de dollars ;

- il est bien clair aussi que la situation actuelle des finances publiques ne permettra pas à la France de financer seule de nouveaux programmes spatiaux, alors que le domaine spatial se caractérise par la nécessité de concilier le lancement d'un nouveau programme avec la continuité, voire l'amélioration, des capacités acquises dont l'abandon ne serait plus guère envisageable ; l'ensemble des contraintes financières inhérentes à tout nouveau programme spatial doit donc être soigneusement apprécié ;

- c'est dire le caractère décisif de la construction d'une Europe spatiale militaire pour la réalisation des systèmes futurs ; cette coopération européenne permettra à la fois de réduire les coûts, de doter l'Europe d'une capacité clé dans le domaine de la défense, et de ne pas se laisser définitivement distancer par les deux grandes puissances spatiales mondiales. Or, l'espace, pour des raisons opérationnelles, constitue un domaine particulièrement privilégié de coopération européenne, tant au niveau de l'élaboration que de l'exploitation des systèmes.

La France -qui réalise aujourd'hui la moitié des dépenses européennes dans le domaine de l'espace militaire- a un rôle majeur à jouer pour convaincre ses partenaires de l'enjeu pour la sécurité à venir de l'Europe. Les décisions de coopération franco-allemande en matière d'observation optique et radar, les projets en matière de télécommunications constituent à cet égard un événement stratégique de première importance qui doit être impérativement concrétisé. Car l'Europe militaire spatiale est encore balbutiante et se trouve aujourd'hui à un tournant décisif de son évolution.

- Troisième observation : la question de l'alerte avancée et de la défense antimissile.

La priorité donnée aux programmes d'observation optique et radar -sans lesquels la détection de tirs de missiles perdrait beaucoup de son sens puisque l'observation permet d'identifier, en amont, les installations de tir au sol- est, aux yeux de votre rapporteur, légitime et bien fondée.

Les contraintes financières empêchent aujourd'hui d'envisager le lancement de nouveaux programmes lourds. C'est ainsi que le coût envisagé du programme MEADS (medium exteded areas défense system) -environ 55 milliards de francs, dont 20 % pour la France, 20 % pour l'Allemagne, 10 % pour l'Italie, et 50 % pour les États-Unis- est apparu d'autant plus déraisonnable que l'efficacité d'un tel système de missile antiaérien est très partielle -notamment géographiquement- et discutable d'un point de vue stratégique.

Il reste que la prolifération balistique -entre 20 et 30 pays seraient dotés d'une telle capacité, en particulier sur le pourtour méditerranéen-constitue une menace que l'on ne saurait ignorer et dont la guerre du Golfe a souligné l'actualité.

Il reste aussi que l '"alerte avancée" pourrait constituer une arme très importante dans la prévention et la gestion des crises et que la possibilité d'identifier l'origine d'un tir de missile viendrait conforter l'efficacité de la dissuasion.

Il reste encore que des études importantes ont été entreprises dans ce domaine en France -notamment par l'Aérospatiale avec le missile Aster dans le cadre du programme FSAF (famille de systèmes sol-air futurs à capacité antimissile), à bien des égards concurrent à la fois technique et budgétaire du projet MEADS.

II reste surtout que les États-Unis paraissent à nouveau décidés à développer un important programme de défense antimissile avec deux priorités : la surveillance plus précise des départs de missiles ennemis et des capacités d'interception supérieures aux capacités démontrées par les "Patriot".

Les questions posées sont ainsi d'une grande ampleur :

- quel sera l'avenir du traité ABM (antibalistic missile) de 1972 ?

- quelle sera l'envergure -protection de troupes ou protection du territoire national- d'un futur système américain ?

- quelle serait l'influence du passage éventuel d'une riposte stratégique -l'alerte spatiale devant déclencher le mécanisme de la dissuasion nucléaire- à une riposte tactique de défense sur le théâtre d'opérations face à une menace ou une agression balistique ?

Ces questions ne sauraient, selon votre rapporteur, être éludées. Il est clair, ne serait-ce que pour des raisons financières, qu'elles ne pourront trouver une réponse purement nationale. Votre rapporteur souhaite cependant que des initiatives soient prises pour examiner avec nos partenaires européens la possibilité pour l'Europe d'apporter une réponse commune aux défis lancés par la menace des missiles balistiques.

o

o o

C. L'ÉQUIPEMENT DES FORCES TERRESTRES

Pour la période 1997-2002, l'armée de terre recevra, pour ses équipements, 113,1 milliards de francs 1995 en crédits de paiement, 114,9 milliards en autorisations de programme.

Il convient de relever que l'évolution sur six ans de la dotation globale du titre V fait une part croissante aux crédits de fabrication, au détriment de la part études et développements qui conditionne l'avenir, et de la part environnement opérationnel : entretien du personnel et des matériels, munitions et infrastructures qui conditionne le niveau de disponibilité opérationnelle des forces.

La part "fabrications" passera de 41,8 % à 49,8 % entre 1996 (loi de finances initiale) et 2002 ; la part études et développements de 15,2 % à 10,7 % ; la part "environnement opérationnel" de 43 % à 39,4 %.

Cette dotation concrétise le resserrement général du format de "armée de terre -effectifs en réduction de 36 %- qui aboutit à une diminution de cible d'acquisition des matériels. Par delà cet ajustement quantitatif qui affecte de nombreux programmes, dont le char Leclerc, la réduction de la dotation financière entraîne la modification ou l'annulation de deux programmes -lance-roquette multiple phase 3 (LRM) et l'avion sans pilote Brevel- ainsi que le décalage du programme d'hélicoptères Tigre et du programme SAMP/Terre. Enfin le programme de véhicule blindé modulaire (VBM) fait l'objet d'un aménagement en devenant véhicule blindé de combat d'infanterie (VBCI).

L'équipement de l'armée de terre en fonction des missions prioritaires à l'horizon 2015

Dissuasion

Prévention

Projection

Protection

Soutien conventionnel

Forces pré positionnées Commandement des opérations spéciales Brigades de renseignement et de guerre électronique Participation aux organismes de renseignement

420 chars lourds 350 engins blindés roues-canon

VAB et VBCI

Appuis

180 hélicoptères

Artillerie dont LRM

Unités et moyens projetables pour missions de sécurité intérieure et de service public

Forces de souveraineté

Evolution de l'équipement de l'armée de terre

1996

2002 4 ( * )

Modèle de référence (2015)

927 chars lourds

420 chars lourds dont 250 Leclerc

420 chars lourds

350 chars légers

350 chars légers (120 reconstruits)

350 chars légers

800 VTT

500 VTT

500 VBCI

2 000 VAB

1235 VAB

1235 VAB reconstruits

302 canons

208 canons

208 canons

48 LRM

48 LRM

48 LRM

340 hélicoptères

168 hélicoptères en ligne

168 hélicoptères

480 sol-air

380 sol-air

380 sol-air

1. Vers une armée de terre allégée et plus mobile

a) La réduction de cible de chars Leclerc

Apte au combat mobile antichar et anti blindé et doté d'armement secondaire capable d'assurer son autodéfense, le char Leclerc bénéficie d'une haute mobilité tout terrain et d'un système informatique adapté à l'intégration dans un système de commandement. Sur une dotation globale actuelle de 927 chars lourds, l'armée de terre ne disposera plus, à partir de 2002, que de 420 chars lourds, dont 307 Leclerc, effectif porté à 406 Leclerc en 2015, à comparer à la cible antérieure, et déjà réduite par rapport à la cible initiale de 650 chars.

Pour un coût global du programme qui s'élève à 33,223 milliards de francs 1995, près de la moitié (14,48 milliards) a déjà été dépensée. La programmation 1997-2002 comporte pour sa part 12,34 milliards de francs en crédits de paiement, qui sont répartis comme suit :

Crédits de paiement

Autorisations de programme

Développement

6 millions de francs 1

-

Fabrications

12 381 millions de francs

7 679 millions de francs

1 en francs constants 1995

Au 1er janvier 1996, les commandes et livraisons constatées s'élevaient respectivement à 222 et 76. L'année 1996 prévoit l'autorisation de 44 commandes pour 33 livraisons. Enfin, sur la période 1997-2002, 140 commandes et 198 livraisons sont prévues, soit 33 livraisons par an. La mise en service opérationnelle devrait intervenir à la fin de 1996, le premier régiment de 80 chars et les écoles de formation étant équipés à la fin de 1997. Au total, 307 chars seront livrés à la fin de la période de programmation et 406 en 2015.

Cette nouvelle cadence annuelle de production, 33 engins -elle était de 44 initialement- risque d'avoir une incidence sensible sur les coûts, en dépit des gains de productivité recherchés, et obtenus en partie, par le constructeur.

b) Le véhicule blindé de combat d'infanterie VBCI

Le programme VBCI résulte d'une redéfinition substantielle de la conception, du calendrier et des cibles du programme de véhicule blindé modulaire (VBM). Celui-ci reposait sur une approche globale prévoyant le développement d'une famille complète de véhicules blindés, approche à laquelle se substitue désormais une démarche séquentielle, impliquant des développements successifs. Le VBCI est le produit des réorientations, proposées par le comité stratégique quant aux spécifications des VBM, dont il reprend les caractéristiques en version transport de troupes.

Ainsi dans un premier temps, le VBCI a-t-il pour objet le remplacement de l'AMX 10P. Le VBCI sera un véhicule blindé à roues, armé d'une tourelle monoplace à canon de moyen calibre (au moins 20 mm), capable de transporter un groupe de combat équipé avec un niveau de protection significatif. Il s'agit d'un programme franco-allemand. Pour la France, GIAT-Industries, Panhard et RVI ont participé aux études de faisabilité. Côté allemand, le maître d'oeuvre n'est pas encore choisi.

La cible pour la France serait de 600 unités. Les cibles allemandes (programme GTK) demeurent encore théoriques à ce jour ; de même celles de la Grande-Bretagne intéressée à s'engager, sous conditions, dans le projet pour satisfaire son besoin en MRAV (Multirole Armoured Vehicle).

Ultérieurement, les véhicules de la famille AMX 10P seraient complétés par le VBAD (véhicule blindé d'appui direct). Dérivé du VBCI, il serait doté d'une tourelle, de deux hommes, mais ses performances demeureraient inférieures à celles du projet VBAD initial, par abandon du canon de moyen calibre futur de 45 mm.

Le coût total du programme, actuellement en phase de faisabilité n'est pas connu à ce jour. La programmation prévoit 747 millions de francs de crédits de paiement pour la période 1997-2002. Le lancement du développement interviendrait en 1998 et la première commande de série en 2002.

c) L'armement antichar

- Missile antichar à courte portée Eryx

L'ACCP-Eryx est un armement de courte portée (600 m) mis en oeuvre par l'infanterie. C'est un système portable dont la munition est équipée d'une charge creuse double, guidée par alignement sur la ligne de visée. Il comprend une lunette thermique permettant le tir de nuit.

Le projet de loi de programmation prévoit, entre 1997 et 2002, la livraison de 200 postes de tir et de 6 400 missiles.

La cible est de 700 postes de tir et lunettes thermiques, et 12 000 munitions, en réduction de 40 % par rapport aux cibles envisagées au début de la production.

Le montant des crédits de paiement prévus en programmation pour la période 1997-2002 est de 1 080 millions de francs en 1995. L'échéancier commandes/livraisons est le suivant :

postes de tir

commandes

Avant 1997

1997-2002

Total

700

0

700

livraisons

500

200

700

munitions

commandes

9 600

2 400

12 000

livraisons

5 600

6 400

12 000

D'ores et déjà plusieurs pays ont passé commande de systèmes ERYX : Norvège, Brésil, Malaisie, Canada.

- Missile antichar de 3e génération à moyenne portée AC3GMP

L'AC3GMP a vocation à succéder au Milan. Il équipera les formations d'infanterie et certaines formations de l'arme blindée cavalerie. Sa portée est d'environ 2 000 mètres. Il s'agit d'un système portable composé d'une lunette thermique, d'un poste de tir et d'un missile guidé par alignement sur un faisceau directeur laser.

Il apportera une meilleure efficacité terminale que son prédécesseur et présentera une meilleure résistance aux contre-mesures. C'est un programme en coopération avec l'Allemagne, la Belgique, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Dix postes de tir et 500 missiles seront livrés en 2002.

La phase de production interviendrait en 1996, les premières livraisons intervenant en 1998 pour l'Allemagne et en 2002 pour la France.

La phase de développement atteint un coût total pour la France de 1,5 milliard de francs 1995, sachant que ce développement est essentiellement (90 %) financé à part égale par la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, le reste pour la Belgique et les Pays-Bas.

La cible retenue pour la France est de 600 postes de tir et 8 000 missiles. La programmation prévoit 270 millions de francs pour le développement et 661 millions de francs pour la production.

L'échéancier des commandes et des livraisons est le suivant :

Commandes postes de tir

1997-2002

Post-2002

200

400

Livraisons postes de tir

10

590

Commandes missiles

3 500

4 500

Livraisons missiles

500

7 500

- Le système antichar de 3e génération de longue portée. Ce système est destiné à remplacer le système d'arme Hot et constituera l'armement principal de l'hélicoptère Tigre en version antichar et en version polyvalente allemande, programme en coopération tripartite (Grande-Bretagne, France, Allemagne) pour des livraisons de Tigre dès 2001. Son industrialisation est prévue à partir de 1997, soit avec un retard d'une année, qui décalera les premières livraisons d'installations de tir, prévues dès 1999, au-delà de la programmation.

Opérant à une portée pratique de 4 500 m, le système AC3GLP se compose d'un poste de tir incluant un viseur multi senseurs, et de missiles à autodirecteur infrarouge.

Le concept d'emploi « tire et oublie » réduit la vulnérabilité du porteur (véhicule terrestre ou hélicoptère), en limitant son temps d'exposition face aux systèmes sol-air adverses.

Plusieurs difficultés majeures ont affecté le programme, depuis son lancement en 1988 :

- en septembre 1991, réduction de la participation britannique

- fin 1992 l'évolution du concept allemand d'hélicoptères d'attaque, privilégiant l'hélicoptère polyvalent (UHU) à l'hélicoptère spécifiquement antichar.

Le choix britannique à l'été 1995 de l'hélicoptère américain Apache a conduit au retrait du Royaume-Uni de l'industrialisation et de la série, sa participation financière au développement étant toutefois maintenue.

La cible pour la France s'élève à 1 800 missiles . Le montant des crédits de paiement inscrits dans le projet de programmation 1997-2002 est de 755 millions de francs pour le développement et de 547 millions de francs pour la production.

2. Une amélioration différée de l'aéromobilité : les hélicoptères de l'armée de terre

Le modèle d'armée 2002-2015, pour l'équipement de l'armée de terre, fait apparaître une réduction de moitié de sa dotation globale d'hélicoptères, passant de 340 à 168 hélicoptères en ligne dès 2002.

C'est donc dans ce contexte de réduction de cible que se situent les deux programmes importants sur ce sujet : le Tigre HAP/HAC et le NH90.

a) L'hélicoptère Tigre : antichar et appui-feu

Destiné à remplacer l'hélicoptère Gazelle mis en service en 1971, l'hélicoptère antichar (HAC) et appui-protection (HAP) Tigre est un programme mené en coopération avec l'Allemagne.

Deux versions sont prévues :

- une version appui-protection équipée de missiles Mistral d'un canon de 30 mm et d'une capacité de roquettes

- une version antichar équipée du missile antichar de 3e génération longue portée (AC3GLP) ou du Hot.

La programmation a privilégié dans un premier temps la version appui-protection du Tigre : 25 commandes seront passées entre 2000 et 2002, les livraisons interviendraient à compter de 2003. A ce stade, la cible intermédiaire pour la France s'établirait à un total de 120 appareils : 70 appuis-protection livrables à partir de 2003, et 50 antichars livrables à compter de 2011. En effet, l'armée de terre, en matière d'hélicoptères antichar bénéficie encore des Gazelle améliorés (capacité de vol nocturne), ce qui permet de décaler la mise à disposition des Tigre version antichar. La présente programmation consacrera les montants suivants au programme Tigre :

en millions de francs

Autorisations de programme

Crédits de paiement

Développement

443

1 844

Fabrications

6 279

3 095

Les contraintes financières ont conduit à l'abandon de certaines spécifications pour la version HAP : détecteur d'alerte et de veille, détecteur d'obstacles, système de pilotage de nuit, conduite de tir air-air de deuxième génération.

Il reste que le décalage du programme pose un problème industriel en fragilisant les capacités d'exportation. Celles-ci, déjà affectées en 1995 par les choix britannique et néerlandais en faveur de l'hélicoptère américain Apache, risquent de pâtir de l'absence d'équipements de présérie dans les forces françaises pendant la période de programmation, qui conditionne souvent les décisions d'acquisition des armées étrangères. D'autant plus qu'à partir de 2005 les Américains seront en mesure de produire l'hélicoptère multi rôles « Comanche » successeur de l'Apache, qui rivalisera directement avec le Tigre. Les commandes de version antichar interviendraient ultérieurement. Ce délai supplémentaire imposé pour la version antichar ne sera pas neutre quant aux systèmes d'armements associés au Tigre HAC, en particulier le missile AC3GLP (voir supra).

b) L'hélicoptère NH 90 : transport et mobilité

Hélicoptère de transport tactique, le NH 90 sera à même de transporter soit de 14 à 20 commandos, soit 2 tonnes de charge utile, soit un véhicule de combat léger. Capable de voler de jour et de nuit par tout temps sur 700 km, il présente des performances significativement supérieures au Super-Puma qu'il a vocation à remplacer.

Son coût initialement élevé, aux alentours de 130 millions de francs l'unité, a incité l'EMAT à demander au constructeur (Eurocopter France en coopération avec Eurocopter Allemagne et Agusta, Italie) une réduction des spécificités (au niveau des commandes électriques en particulier) permettant une diminution sensible (environ 30 %) du coût unitaire.

Rappelons que ce programme intéresse l'armée de terre mais aussi la Marine, pour laquelle la cible de NH90 a été réduite de 60 à 27 appareils.

La loi de programmation prévoit la fin du développement du NH90 en 2002. Les commandes interviendraient après la programmation et les livraisons à partir de 2011, pour une cible finale de 68 hélicoptères. Toutefois, un financement à hauteur de 2,4 milliards est prévu dans la présente programmation pour l'Armée de terre (2,2 milliards pour la Marine).

3. L'artillerie et la défense sol-air

a) L'artillerie

- Une roquette nouvelle génération

La programmation prévoit la modification du programme de LRM Phase 3. Cette ultime phase consistait initialement en une roquette-cargo emportant 3 sous-munitions antichars largables qui recherchent puis attaquent leur cible. Cette procédure de tir à distance de sécurité retarde, voire évite l'engagement des forces de mêlée.

Après les retraits successifs de nos partenaires à ce projet -américains, allemands et britanniques- la France s'était, depuis 1994, retrouvée seule dans un programme où ne figurait plus que la sous-munition.

La programmation prévoit de remplacer ce programme par une roquette de nouvelle génération au coût moins élevé, capable de maintenir une capacité d'interdiction de zone dans la profondeur. Sa portée serait allongée à 60 km et elle serait plus précise que l'actuelle roquette arrivant en fin de vie vers 2005.

Rappelons que le véhicule lanceur -57 ont été livrés au titre de la phase 1 du programme avec 22 680 roquettes de guerre-, est constitué d'un véhicule-porteur blindé à chenilles équipé d'un module oscillo-pivotant de chargement et de tir pouvant recevoir 2 conteneurs de 6 roquettes.

Sur le plan financier, le coût pour la France de la phase de production de la phase 1 s'est élevé à 4,7 milliards de francs 1995 et celui du développement de la phase 3, à 1,5 milliard.

Pour la période de programmation, le cumul des annuités prévues en programmation s'élèverait à 646 millions de francs 1995 pour la roquette de nouvelle génération.

- Le radar de contrebatterie Cobra

Ce programme, en coopération avec la RFA et le Royaume-Uni, -qui permet la localisation rapide de batteries ennemies (40 batteries en 2 mn)- fait l'objet d'une réduction de cible, de 5 unités (15 à 10). Le coût total du développement -la production n'est pas lancée- s'élève à 832 millions de francs. La programmation y consacre 1 527 millions de francs en autorisations de programmes et 1 060 millions de francs en crédits de paiement.

b) La défense sol-air

La défense antiaérienne pour l'armée de terre sera assurée principalement par trois systèmes : le système SAMP/T (sol air moyenne portée /terrestre) ; le système courte portée Roland « valorisé » et le SATCP Mistral (sol air très courte portée).

- Le SAMP/T

Destiné à remplacer le système Hawk en service dans l'armée de terre depuis 1965, le SAMP/T réalisé en coopération avec l'Italie, est un élément du programme « Famille de systèmes sol air futurs » (FSAF).

La programmation, dotée pour ce programme de 2 milliards de francs, prévoit la poursuite du développement de ce système, avec, en 2002, la commande de 2 postes de tir et de 50 missiles Aster, pour une cible finale de 8 systèmes et de 400 missiles, les livraisons intervenant au-delà de la période de programmation, à partir de 2006.

- Le système Roland « valorisé »

Ce système de défense antiaérienne contre des avions attaquant à basse ou très basse altitude se compose d'une tourelle montée sur châssis AMX 30. Il dispose d'un radar de veille d'une portée de 16 km et de 10 missiles de 6 km de portée.

La programmation prévoit la « valorisation » de la version Roland II tout temps, à poursuite radar, consistant en l'implantation d'un viseur infrarouge, d'un nouveau calculateur et d'une console chef de pièces multifonctions. 40 systèmes valorisés, soit le restant de la cible, initialement fixée à 98, seront livrés entre 1999 et 2002, un financement de 2,6 milliards étant prévu sur la période.

- Le Mistral très courte portée -SATCP-

La cible pour ce système sol-air à très courte portée restera inchangée à 380 postes de tir qui auront été livrés à l'armée de terre en 1997, avec 1970 missiles. D'ici 2002, 630 missiles supplémentaires seront livrés, sur une cible finale établie à 3000. Rappelons que le missile peut être tiré depuis un système portable, depuis un hélicoptère, à partir d'un véhicule terrestre ou d'un navire (Marine).

Pour l'armée de terre, la programmation prévoit 1 073 millions de francs en autorisations de programmes et 1 148 millions de francs en crédits de paiement.

4. Les observations de votre rapporteur

L'armée de terre aura, au cours des six années à venir, à effectuer l'adaptation la plus profonde qui lui ait jamais été demandée. Compte tenu de ses effectifs et du nombre d'appelés qui la composent, la professionnalisation la concernera plus que les autres armées ; par ailleurs, sur le plan opérationnel, ses structures, ses équipements, tendront à en faire essentiellement une force projetable sur les théâtres de crises où la France, seule ou plus vraisemblablement en coopération avec ses alliés, choisirait d'intervenir.

Compte tenu de ces orientations, l'armée de terre ainsi reconfigurée sera en mesure, à l'horizon du modèle de référence, de répondre avec une plus forte disponibilité, en temps et en hommes, aux missions qui lui sont demandées.

Inévitablement, ce reformatage, ajouté à la contrainte financière, entraîne corrélativement une réduction du nombre de ses équipements. A cet égard, la diminution considérable de la dotation en blindés lourds et donc en chars Leclerc, cohérente avec le nouvel environnement, n'est pas sans incidence pour l'industrie. De même, les reports de livraisons ou la réduction de cibles en ce qui concerne les hélicoptères Tigre et NH 90, vont lourdement peser, sur les perspectives industrielles et, à terme, sociales, ouvertes au constructeur Eurocopter. Le fait que ces programmes soient l'objet d'une coopération notamment avec l'Allemagne, notre principal partenaire politique et militaire dans le cheminement vers une industrie de défense européenne, pourrait également peser pour l'avenir.

Il conviendra enfin, dans la prochaine loi de programmation, de rétablir un meilleur équilibre entre la part fabrications et celles liées à la recherche et à l'environnement opérationnel, ce dernier ayant une incidence directe sur la capacité d'utilisation des matériels et la disponibilité des hommes.

o

o o

D. L'ÉQUIPEMENT DE L'ARMÉE DE L'AIR

1. Les données générales et le contexte financier

Les forces aériennes tiendront une place essentielle dans le cadre des quatre missions prioritaires confiées à nos forces -dissuasion, projection prévention, protection-. Après la fermeture du plateau d'Albion, l'armée de l'air continuera d'assurer la mise en oeuvre d'une de nos deux composantes, la composante aéroportée qui apporte souplesse, visibilité et diversification des modes de pénétration grâce, en particulier, au missile aérobie qui sera renouvelé lorsque l'ASMP arrivera au terme de sa vie opérationnelle. Elle conservera un rôle-clé dans le mécanisme de projection de forces, développera ses capacités de projection de puissance et devra continuer d'assurer les tâches de prévention par la collecte du renseignement et le pré positionnement, ainsi que la protection et la surveillance de l'espace aérien.

L'armée de l'air, autour de son état-major, continuera d'être articulée en cinq principaux commandements opérationnels et organiques : les forces aériennes stratégiques (FAS), le commandement et la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), la Force aérienne de combat (FAC), la force aérienne de projection (FAP), le commandement air des systèmes de surveillance, d'informations et de communications (CASSIC).

Dans ce cadre d'utilisation, les équipements dont sera dotée l'armée de l'air s'établiront de la façon suivante, au terme de la phase de planification (2015)

Dissuasion

Prévention

Projection

Protection

Avions de combat à capacité nucléaire.

Ravitailleurs KC135

Cl 60 Astarté

Avions de Transport

Hélicoptères

Moyens Sol/Air

Avions de reconnaissance

Systèmes AWACS-SDCA

Avions ROEM (écoute électromagnétique)

Avions de transport

Hélicoptères + Moyens

Sol/Air

C.O.S.

Participation aux organismes de renseignement

220 avions de combat

modernes de type

Rafale (l)

Ravitailleurs KC 135

Avions de transport à

Long rayon d'action

Avions de transport

tactique

Hélicoptères

SAR de combat

Avions de combat

Avions de transport

Hélicoptères

Système de commandement et de conduite des opérations

aériennes (SCCOA)

Moyens Sol/Air

(1) Dont 60 de transformation opérationnelle .

Respectivement à l'horizon 2002 puis 2015, les équipements de l'armée de l'Air évolueront selon le tableau suivant :

1996

2002

2015

405 avions de combat (Mirage

FI, Mirage 2000, Jaguar,

Mirage IV)

360 avions de combat (Mirage

FI, Jaguar, Mirage IV, Mirage

2000, Mirage 2000-5)

300 avions de combat modernes

80 avions de transport tactique

80 avions de transport tactique

50 avions de transport modernes type ATF

6TCRA

4TLRA

2 TLRA modernes

11 avions ravitailleurs

14 avions ravitailleurs

16 avions ravitailleurs

6 C 160 spécialisés

6 C 160 spécialisés

2 C 160 spécialisés

4SDCA

4 SDCA (Awacs)

4 SDCA AWACS

1 DC 8 Sarigue

1 DC8 Sarigue

1 DC 8 Sarigue

101 hélicoptères

86 hélicoptères

84 hélicoptères

SCCOA

SCCOA (phase 2)

SCCOA

Comme pour les autres armées, l'armée de l'air est conduite à adopter un nouveau format dont l'élément le plus visible est la réduction de son effectif d'avions de combat en ligne de 405 à 360, à la fin de la période de programmation, puis progressivement au modèle de référence à 300 à l'issue de la planification (2015).

Sur le plan financier, la présente loi consacre à l'équipement de l'armée de l'air quelque 20 milliards de francs 1995 par an. Globalement, l'ajustement financier opéré par rapport au précédent dispositif est de moins 20 % pour l'armée de l'air (- 17 % pour l'ensemble de la défense). Sur l'ensemble de la période, l'Armée de l'air recevra 120,7 milliards de francs 1995 en crédits de paiement et 116,9 milliards en autorisations de programme.

Sur ce total, de 1996 à 2002, la part annuelle respective des crédits de fabrications passera de 45,8 % à 41,4 %, celle des crédits "Études et développements" de 23,6 à 19,5 %, enfin celle des crédits "environnement opérationnel" de 30,6 à 39,1 %.

2. La transition vers une aviation de combat plus compacte

a) La réalisation des programmes d'attente du Rafale

- Le Mirage 2000 D

Appareil de pénétration et d'attaque au sol, le Mirage 2000 D est capable de délivrer des armements conventionnels air-sol par tous les temps, de jour comme de nuit. Ce programme de substitution a pris une importance considérable compte tenu de l'étalement du programme Rafale (prévu initialement pour équiper les unités à partir de 1992). La loi de programmation prévoit entre 1997 et 2002 la livraison des 41 derniers appareils -sur une cible finale réduite à 86 appareils-. La cadence annuelle de livraison est toutefois revue à la baisse : 9 en 1996, 6 en 1997 et 1998. Le présent projet de loi ne comporte plus la remise au standard R 3 des contre-mesures. Ultérieurement et en fonction des ressources financières, des développements sur des fonctionnalités complémentaires concerneraient la reconnaissance ainsi que l'intégration de nouveaux armements air-sol (Armement Air-Sol Modulaire et Apache emploi général/SCALP). Les montants financiers prévus pour la période de programmation s'élèvent à 436 millions de francs 1995 en développement et 6,6 milliards en production. Le coût total du programme pour 86 avions s'élève à 27 milliards.

- Le Mirage 2000-5

Le Mirage 2000-5 est le résultat d'une transformation du Mirage 2000 de défense et supériorité aérienne (Mirage 2000 DA). Il est doté d'un radar RDY qui lui procure une capacité de tir multi cible des missiles air-air MICA, d'une cabine de pilotage améliorée et dispose d'une autonomie en carburant et munitions accrue.

Conformément aux prévisions, l'armée de l'air recevra ses premiers appareils à partir de 1997, les 37 exemplaires prévus étant livrés avant la fin de la période de programmation. Le coût total du programme s'élève à 4,58 milliards de francs 1995 et le projet de loi de programmation prévoit un financement de 153 millions de francs 1995 pour le développement et 3,23 milliards pour la fabrication.

b) Le Rafale

Mettant un terme à un débat récurrent quant à l'éventuel abandon du programme, le projet de programmation prévoit opportunément la poursuite de la réalisation de ce programme majeur pour la modernisation de notre flotte de combat et la pérennisation de la capacité de notre outil industriel en ce domaine. En regard du coût élevé de ce programme -36,6 milliards à la charge de l'État pour le développement des standards initiaux et du moteur M88 et 157 milliards de francs 1995 pour la production dont 114 pour la version air-, les performances attendues de cet appareil ont pesé favorablement :

- sa polyvalence qui lui confère une souplesse d'emploi décisive et qui lui permettra, à terme, de relever 5 types d'appareil différents pour l'armée de l'air : les avions d'assaut Jaguar, Mirage FI CT puis 2000 N et les avions de défense aérienne FI C puis Mirage 2000 DA ;

- ses performances tirées de son radar multi cible de ses capacités d'emport, de son autonomie et de son rayon d'action ;

- sa forte capacité de survie, par la combinaison de la furtivité et des systèmes de guerre électronique intégrés ;

- sa capacité d'évolution, grâce à l'utilisation de ses techniques numériques les plus évoluées et la durée de vie de sa cellule portée à 30 ans.

Pour l'armée de l'air, la programmation prévoit la commande de 33 Rafale sur la période et la livraison de 2 appareils seulement. Cela entraîne un retard dans la constitution du premier escadron de 20 appareils en 2005.

Encore faudra-t-il, pour être en mesure d'appliquer ce calendrier, prendre en compte la contrainte financière qu'il entraînera au début de la prochaine programmation. D'ores et déjà, sur la période 1997-2002, le Rafale coûtera à l'armée de l'air en moyenne annuelle 4 milliards de francs. La hausse du flux annuel de livraisons à partir de 2004-2005 nécessitera un abondement substantiel de la dotation Air, sachant que pour le seul Rafale, il faut miser, entre 2003 et 2010, sur un besoin de 57 milliards, soit de 7 milliards annuels. D'autant qu'à cette époque se posera également la question du nécessaire renouvellement de la flotte d'avions de transport (voir infra). Le cumul de ces deux programmes, incontournables, entraînera une charge financière telle que la date de 2005 pour le premier escadron de Rafale risque de s'avérer théorique.

Sur le plan industriel, votre rapporteur regrette qu'il n'ait pas été possible de fournir à l'armée de l'air, avant la fin de la programmation, un nombre de Rafale plus significatif que les deux appareils qu'elle recevra d'ici à 2002, ne serait-ce que pour conforter les chances des Rafale à l'exportation. Ces chances sont réelles pour les dix ans à venir mais au fur et à mesure que le temps passe, la concurrence, longtemps tenue en lisière, se reconstitue. Même si elle demeure aujourd'hui limitée aux dernières versions de F16 et F18 américains, elle s'articulera demain autour de l'EF 2000 et plus tard du projet américain JAST.

La configuration de l'aviation de combat en ligne évoluera de la façon suivante sur la période 1997-2015.

1997

2002

2005

2010

2015

Rafale

0

0

20

80

140

Mirage 2000 C/B

115

80

80

60

40

Mirage 2000-5 F

0

30

30

30

20

Mirage 2000 N

65

60

60

40

40

Mirage 2000 D

45

60

60

60

60

Mirage FICR

40

40

30

20

-

Mirage FICT

40

40

40

20

-

Mirage FIC/B

20

20

20

10

-

Jaguar A

50

25

-

-

-

Mirage IVP

5

5

-

-

-

Total

380

360

340

320

300

Ainsi, par rapport au modèle de référence, ce format ne comportera-t-il, sur 300 avions de combat en ligne, que 140 avions Rafale en dotation.

c) Le ravitaillement en vol

Dans les années 60, la mise en service des Mirage IV de la force nucléaire stratégique avait nécessité l'achat de 12 avions ravitailleurs C 135. La capacité de ravitaillement en vol est devenue désormais indissociable de la capacité de projection de puissance sur les théâtres d'opération, impliquant davantage d'appareils d'un type nouveau.

Dans un premier temps, la modernisation des C 135 -au niveau des moteurs, des structures de l'appareil, et par l'adjonction de pods de ravitaillement supplémentaires- a permis de répondre au besoin. A partir de 1992, des appareils de ce type furent loués et la dernière loi de programmation avait envisagé l'achat de 5 C135 d'occasion, remotorisés avec des réacteurs CFM 56 fabriqués par la SNECMA.

La présente programmation réduit de 5 à 3 le nombre des appareils qui seront acquis. Disponibles rapidement, ils porteront à 14 le nombre d'appareils ravitailleurs. Pour le plus long terme, il faudra, pour atteindre la cible de référence fixée à 16 et compte tenu de l'arrêt de la fabrication des KC 135, acquérir deux autres appareils d'un autre type, éventuellement une version dérivée d'Airbus.

3. La persistance d'incertitudes quant à la flotte d'avions de transport

La capacité de projection de forces constitue l'un des axes de la réforme des armées, aussi bien pour leurs missions futures que, corrélativement, pour leurs équipements. L'armée de l'air est placée au premier rang en ce domaine, en particulier par sa capacité à projeter rapidement et en tout point du globe, des éléments d'intervention.

Pour se faire, la programmation prévoit une modernisation des appareils existants, dans le cadre d'un simple maintien global de ses capacités de projection.

a) La situation actuelle de la flotte de projection

Pour les missions de transport tactique (intra-théâtre), l'armée de l'air dispose aujourd'hui de 68 C 160 Transall et de 12 C 130 Hercules. Pour le transport à Très Long Rayon d'Action (TLRA), elle dispose de 3 DC8 et 2 Airbus A 310.

L'évolution des capacités globalement maintenues de cette flotte a l'horizon 2002 devrait être la suivante :

Flotte

Capacité tactique

instantanée sur 1 000

km

Capacité logistique

par jour sur 5 500

km

1996

3 DC 8

2 A 310

12 C 130 H

68 C 160 Transall

8 CN 235

680 T

355 T

2002

2 DC 8

2 A 310

12 C 130 H

68 C 160 Transall

8 CN 235

680 T

305 T

C'est à partir de 2003 que se pose la question du renouvellement de 48 Transall de 1ère génération qui, à partir de cette date et sur une période de 6 ans, seront retirés du service.

Pour les remplacer, la solution européenne de l'Avion de Transport Futur présente un triple avantage : celui de la coopération industrielle européenne dans l'aéronautique ; celui de l'autonomie et de la souveraineté européenne en matière de transport enfin et, c'est évidemment essentiel, celui des capacités techniques proprement dites.

b) Le programme A TF

L'ATF est un projet en coopération développé au sein du groupe d'armement de l'Europe occidentale (GAEO) entre la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Turquie, la Grande-Bretagne et la Belgique.

La version de l'ESR (l'European Staff Requirement) représentant les spécifications communes des 8 pays a été approuvée par les États en avril 1996 et devait être signée par les 8 chefs d'état-major en juin 1996.

Les besoins exprimés par les pays participants sont les suivants :

Pays

Nombre d'avions

Livraison 1er avion

France

50

2004

Allemagne

75

2008

Italie

44

2005

Espagne

36

2005

Turquie

20

2005-2007

Portugal

9

2004-2005

Belgique

12

2010

Grande-Bretagne

45

2003

La loi de programmation ne comporte aucune inscription relative à l'ATF dans la liste des programmes qu'elle engage ou qu'elle poursuit. En effet, aucun financement n'est prévu pour le développement de l'ATF

Pendant la période. Le ministre de la défense avait d'ailleurs posé un certain nombre de conditions à la participation de la France au programme -notamment en termes de coût-.

En mars 1996, la société Aérospatiale a soumis des propositions nouvelles combinant :

- un engagement de l'industriel sur un prix ferme,

- une spécification opérationnelle minimale préservant les exigences opérationnelles prioritaires,

- une avance par l'industriel de 50 % du coût du développement, remboursée par les paiements du contrat d'acquisition, afin de réduire la charge financière sur la période de programmation.

Sur cette base, le coût de l'acquisition des 50 premiers ATF (y compris les VRD), s'élèverait à 30,6 milliards de francs 1996 dans l'hypothèse d'une participation française à hauteur de 20 %. Cela placerait le coût unitaire (hors VRD mais amortissement du développement inclus) à 484 millions de francs 1996 -pour des livraisons entre 2004 et 2014-.

Le gouvernement français, rejoint en cela par le gouvernement allemand, n'a pas souhaité modifier sa position tendant à ne pas prévoir de financement pour le développement de l'ATF. Il reviendrait à l'industriel d'en assurer la charge, en contrepartie, le moment venu, de l'engagement ferme pour un nombre déterminé de commandes.

c) La configuration attendue de la flotte de projection

L'objectif assigné à l'armée de l'air dans le cadre de la planification 1997-2015 est de pouvoir projeter une base autonome et deux ensembles modulaires, à même de s'intégrer dans une base interalliée. Outre qu'il lui reviendrait d'être en mesure de déployer simultanément 100 avions de combat, elle devrait offrir à l'ensemble des armées une capacité de transport équivalente en charge utile à celle dont elle dispose actuellement mais mieux adaptée au format des matériels emportés, notamment de l'armée de terre.

A l'horizon 2015, la configuration du transport aérien militaire se déclinerait ainsi, sur la base d'une capacité de projection maintenue.

1997

2015

Cargos moyens tactiques

C160

68

20

C130

12

12

Appareils à capacité logistique

A 310-300

2

2

DC 8

3

0

Appareils polyvalents

Avion de transport Nouvelle génération

0

à définir

La solution alternative à l'ATF, pour une capacité comparable, impliquerait, par exemple, l'acquisition de 80 C 130 J -version nouvelle de l'Hercules C 130 fabriqué aux États-Unis par Lockheed-Martin, dont les premiers exemplaires seront prochainement livrés à la Grande-Bretagne ainsi que celle de 2 gros porteurs type A340. La combinaison A340/C130J permettrait le transport sur longue distance d'une quantité de matériel significative, suivi d'une répartition (brouettage), au plus près des sites de positionnement des forces. Mais elle ne résoudrait pas la question du sous-dimensionnement de la soute du C 130, qui ne permet pas l'emport de la moyenne portée des systèmes d'arme modernes (hélicoptères Tigrer et NH 90,

VBCI, LRM, SAMP...).

Cette solution, outre le fait qu'elle ne prend pas en compte les différences notables entre le C 130 J et l'ATF risquerait de sonner le glas des espérances industrielles européennes dans ce secteur essentiel de l'aéronautique militaire. Son incidence à terme sur le plan industriel serait donc significative ; en outre, le fait de laisser à l'industrie d un seul pays le monopole de tels outils aura des incidences évidentes en termes de prix -bien qu'aujourd'hui, le C 130 J, confronté précisément à l'option ATF soit l'objet de prix d'appel particulièrement attractifs-.

Votre rapporteur ne peut que recommander vivement, suivant en cela les conclusions réitérées de notre commission sur ce sujet, que tout soit mis en oeuvre pour la réalisation effective de ce projet.

La loi de programmation prévoit des crédits de 645 millions de francs 1995 pour la commande, en fin de période, de quelques appareils disponibles -si possible européens- livrables en 2003-2004.

4. Les autres programmes concernant l'armée de l'air

a) L'amélioration des communications et du renseignement

- Le système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA).

Ce programme a pour mission le recueil, la gestion, le traitement et la diffusion de l'information concernant l'ensemble des missions opérationnelles conventionnelles de l'armée de l'air et contribue ainsi à la réalisation des objectifs de dissuasion, de prévention, de protection et de projection.

Constitué d'un ensemble de radars, de centres d'opérations et de moyens de transmission, le SCCOA forme un réseau de fonctions automatisées interconnectées : surveillance, contrôle, gestion des forces, des moyens, de l'espace et du renseignement. A terme, le SCCOA s'avérera cohérent avec le système ACCS de l'OTAN.

Le programme SCCOA comporte 3 phases consécutives : la première étape est en cours de réalisation pour un coût de 5,2 milliards. La programmation 1997-2002 lui affecte 3,14 milliards de francs 1995, ce qui entraîne son étalement. Elle permet d'envisager un lancement de l'étape 2 en 1997 puis de l'étape 3 à partir de 2000. La dernière livraison de radar pour l'étape 1 interviendra en 1998, les livraisons concernant les centres de commandement opérationnel se dérouleront jusqu'en 2002.

- La valorisation du Système de détection et de commandement aéroporté (SDCA)

Les 4 SDCA-AWACS en dotation recevront, pendant la période, l'installation d'un système de détection passive qui permettra d'améliorer la sécurité de l'appareil et une meilleure interopérabilité au sein de l'Alliance atlantique. Sur la période de programmation, 510 millions de francs 1995 sont consacrés à ce programme.

b) Le développement des armements de nouvelle génération

- SCALP emploi général - Apache anti piste

Le missile SCALP/EG a pour mission la destruction d'une gamme étendue d'objectifs d'infrastructures dans la profondeur d'un territoire ou d'un dispositif adverse. Il équipera le Mirage 2000 D et le Rafale en configuration air-sol. D'une portée supérieure à 200 km, il est capable de voler à très basse altitude en suivi de terrain programmé. Le SCALP-Emploi général est dérivé de la version anti piste du missile Apache, lui-même en phase de développement et dont il reprend plusieurs caractéristiques : formes, masse, chaîne propulsive, système de pilotage, etc....

Le coût prévisionnel du programme en développement est de 4,35 milliards de francs développement et production. Le projet de loi prévoit 1,72 milliard pour le développement et 419 millions de francs pour la production -100 missiles emploi-général seront commandés en 2001 pour un début de livraison en 2002-.

- L'Armement Air-Sol Modulaire (l'AASM)

Le programme d'AASM, qui n'est qu'au début de la phase de définition, consiste à adapter, sur des bombes classiques, de 250 kg, un propulseur lui conférant une portée de 15 (basse altitude) à 60 km (haute altitude), et un kit de guidage -laser, infrarouge ou centrale inertielle- qui permet une précision d'impact de quelques mètres.

Le fait, pour ce projet, de s'appliquer sur des matériels existants, réduit le coût unitaire de l'AASM estimé à environ 500 000 francs. En outre, le fait de réutiliser des armements standard OTAN permet de rendre l'arme interopérable sur des appareils alliés. La programmation consacre 600 millions de francs 1995 à ce programme, en développement et production.

c) L'acquisition d'hélicoptères Couguar Mark II "RESCO" (recherche et sauvetage au combat)

Il revient à l'Armée de l'air de conduire les opérations de recherche et de sauvetage en zone de combat. On se rappelle qu'à l'automne 1995 deux pilotes français étaient tombés en zone de combat en Bosnie. Cet épisode a démontré la nécessité de disposer des matériels performants nécessaires à la récupération d'équipages.

C'est pourquoi l'Armée de l'air fera progressivement évoluer sa flotte d'hélicoptères à partir du retrait des Alouette III -en service depuis 1972- et par l'acquisition de 4 Couguar Mark II spécialisés dans la recherche et le sauvetage au combat (RESCO).

La configuration de la flotte d'hélicoptères de l'Armée de l'air évoluera selon le tableau suivant :

Hélicoptères

1997

2002

2005

2010

2015

Fennec/Écureuil

45

45

45

45

45

Super Puma

7

7

7

7

7

Couguar Mark 1

3

3

3

3

3

Puma

27

27

25

25

15

Alouette III

13

0

0

0

0

Couguar Mark II

1

4

4

4

14

5. Les observations de votre rapporteur

La présente programmation, pour l'Armée de l'air, entérine son reformatage autour d'une force d'avions de combat sensiblement plus compacte qui nous placera à un rang inférieur à celui de nos principaux alliés, et une capacité de transport seulement maintenue.

Ce reformatage est général aux trois armées, il s'inscrit dans la logique de la professionnalisation et de la modernisation des équipements. Toutefois, l'Armée de l'air, pour ses deux programmes majeurs -le Rafale et l'ATF-, est contrainte à l'attentisme et à l'incertitude.

En effet, l'effort budgétaire nécessaire à la constitution du premier escadron de Rafale en 2005 et à la production annuelle qui suivra, soit en moyenne quelque 6 à 7 milliards de francs supplémentaires par an à partir de 2003, paraît bien ambitieux et il est permis de nourrir de fortes inquiétudes quant à la tenue de ce pari. Il y va cependant de la relève d'une flotte de combat qui sera alors vieillissante et dont la réduction quantitative devra être compensée par une amélioration de la qualité des appareils en ligne. Au demeurant, à l'horizon 2015 où ne subsisteront plus que 300 avions de combat en ligne « type Rafale », ce dernier ne constituera que moins de la moitié du parc.

Par ailleurs, si le principe est posé du maintien de la capacité de transport, en dépit de la mise à disposition à terme, de davantage de forces terrestres projetables, l'incertitude persiste, à 6 ans du retrait des premiers Transall, quant à l'appareil qui lui succédera, son coût et ses performances. Il faut enfin là aussi prendre en compte l'impact financier, au début de la prochaine programmation, de la réalisation du programme de transport aérien.

A ces dates, les reports de décision, ou les décalages de livraisons sur ces deux types d'équipement, auraient des incidences particulièrement graves.

o

o o

E. L'ÉQUIPEMENT DE LA MARINE

La présente programmation et la planification à 2015 entendent articuler la Marine autour de trois pôles : une Force océanique stratégique, un groupe aéronaval doté de ses moyens d'accompagnement, une force de sous-marins nucléaires d'attaque. Une force de guerre des mines et l'aéronautique navale compléteront ce dispositif.

Le programme d'équipement de la Marine pour les années 1997-2002 intègre donc les conséquences de la démarche liant la professionnalisation des forces et la réduction de leur format. Il bénéficiera, pour la période 1997-2002, de 128,9 milliards de francs 1995. Hors force océanique stratégique, ces crédits s'élèveront à 99,4 milliards, soit 77 % du titre V.

L'évolution 1996 à 2002 de la dotation entre les fabrications, les études et l'environnement est la suivante :

Dotation 1996

Dotation 2002

en MF

En%

En MF

En%

Fabrications

11 021

52,7

9 269

42

Etudes et développements

3 205

15,3

4 342

20

Environnement opérationnel

6 669

32

8 058

38

1 Total

20 895

100

21 669

100

1. Un format réduit pour des missions confirmées

En matière d'équipements, et afin d'intégrer au mieux la contrainte financière, la Marine aura atteint dès la fin de la période de programmation 1997-2002 la nouvelle configuration qui lui est demandée. Elle aura à cette date perdu, en net, 22 bâtiments, soit la résultante du retrait du service actif de 28 bâtiments, compensés par l'admission en service actif de six bâtiments nouveaux. La Marine disposera alors de 80 bâtiments contre un peu plus de 100 aujourd'hui.

L'équilibre entre les retraits du service et les admissions s'établira donc comme suit. Les 22 bâtiments désarmés seront :

- un porte-avions,

- six sous-marins d'attaque,

- trois frégates de premier rang,

- sept avisos,

- deux chasseurs de mines,

- un pétrolier ravitailleur,

- deux bâtiments de soutien.

Ainsi reformatée, la Marine sera appelée à participer activement a chacune des quatre missions principales confiées aux armées : la dissuasion, la prévention, la projection et la protection. Le tableau suivant explicite la répartition des équipements de la Marine à l'horizon 2015, en fonction de chacune de ces quatre priorités.

Dissuasion

Prévention

Projection

Protection

SNLE

4 SNA - 4 frégates anti-sous-marines

Autres frégates et bâtiments antimines

16 patrouilles maritimes Hélicoptères

Frégates de surveillance

Frégates de 2e rang Pétrolier ravitailleur

6 patrouilles maritimes

1 bâtiment Min rem

Hélicoptères

C.O.S.

Participation au renseignement

1 ou 2 porte-avions + Rafale

3 Hawkeye

2 SNA

4 frégates anti-sous-marines,

4 frégates anti-aériennes,

bâtiments antimines

TCD

Pétroliers ravitailleurs

Hélicoptères

Frégates 2e rang

Bâtiments antimines et transport léger, Patrouilleurs-.

Avions de surveillance

Hélicoptères

2. Le groupe aéronaval et la capacité de projection

a) Le porte-avions nucléaire Charles de Gaulle

Le groupe aéronaval (GAN) constitue pour la Marine l'ossature de sa capacité de projection de forces et de prévention de crises au service de la diplomatie.

Au-delà, il est l'instrument privilégié de protection des intérêts nationaux. Grâce à la capacité de ses avions à délivrer une frappe d'ultime avertissement, il constitue également, avant le recours à la force stratégique, un élément de notre dissuasion.

La présente programmation prévoit la mise en service opérationnelle du Charles de Gaulle en 1999, sachant que le Clemenceau sera retiré du service actif en 1997. Le coût total du programme porte-avions nucléaire, développement inclus, devrait s'élever à 18,6 milliards ; 4,9 milliards sont inscrits dans le projet de programmation 1997-2002.

L'incertitude concerne le deuxième porte-avions de nouvelle génération, destiné à remplacer le Foch. Les documents annexés au projet de loi de programmation militaire n'évoquent, à la fin de la période de planification en 2015, que l'éventualité d'un second porte-avions en fonction de la situation économique. Le principe de deux porte-avions "en parc", qui conditionne la disponibilité du groupe aéronaval aux sollicitations du pouvoir politique, ne trouve sa traduction que par la "mise en sommeil" du Foch, ce dernier étant susceptible de remplacer le porte-avions Charles de Gaulle pendant la première indisponibilité programmée de ce dernier, aux alentours de 2004. Qu'en sera-t-il lors de la deuxième indisponibilité du porte-avions nucléaire, vers 2010-2011, date à laquelle le Foch ne sera plus opérationnel ? On peut s'interroger également sur les délais nécessaires à la mise en oeuvre du groupe aéronaval, autour du Foch, en cas d'indisponibilité accidentelle du Charles de Gaulle.

Il convient de rappeler que le pouvoir politique a fait appareiller le GAN en moins de trois jours pour des missions opérationnelles sept fois en huit ans. Une telle disponibilité peut-elle s'accommoder de la notion de quasi-permanence du groupe aéronaval ?

b) L'aéronautique embarquée : les difficultés de la transition

La composition actuelle de l'aviation embarquée est la suivante :

Aviation embarquée

En parc

En ligne

Age moyen

Date de retrait du service

Crusader

15

7

27 ans

1998-1999

Super Etendard

54

34

13 ans

2007-2010

Etendard IVP

9

6

28 ans

1998-1999

Alizé

24

16

32 ans

2003-2005

. Le programme Rafale

L'avion Rafale polyvalent aura pour mission : l'assaut contre les objectifs terrestres ou navals, l'interception et la reconnaissance. Il sera doté du missile antinavire AM39 (Exocet) puis de son successeur, de l'ASMP (nucléaire d'ultime avertissement), du Magic 2, du MICA et des armements guidés laser (missiles ou bombes).

La présente loi de programmation ne permettra à la Marine de disposer de sa première flottille de Rafale (12 appareils) qu'au début 2002 sur la base d'une cible finale de 60 appareils au lieu des 86 prévus. Si ce calendrier doit permettre la relève des Super Etendard (modernisés, voir infra), entre 2004 et 2010, il crée un retard de 2 ans dans le remplacement des Crusader qui seront retirés du service en 1999. Deux années pendant lesquelles le groupe aéronaval souffrira d'une vulnérabilité dans sa protection antiaérienne, surtout si l'on y ajoute le décalage d'un an dans la livraison du stock complet de missiles SAAM de défense antiaérienne (2001).

Sur le plan financier, 11,9 milliards sont inscrits pour ce programme, sur un total de 35,9 milliards consacrés au programme Rafale -Air et Marine-, dans la présente programmation.

. La modernisation du Super Etendard

Les missions principales du Super Etendard sont l'attaque d'objectifs maritimes et terrestres et la frappe nucléaire d'ultime avertissement. Elles en font un élément principal de la capacité de projection de puissance depuis la mer.

La modernisation de cet appareil consiste en une rénovation de son système d'arme : nouveau radar « anémone » de Dassault électronique, deux points d'emport supplémentaires, meilleure autoprotection et nouveaux armements guidés laser. Sur un part total de 54 appareils, 36 Super Etendard modernisés ont été livrés, les 18 derniers seront livrés à la Marine d'ici à 1998.

. L'aviation de guet embarquée

Pour permettre de renforcer ses capacités, la Marine bénéficiera du programme Hawkeye. Si les projections initiales prévoyaient 4 appareils, la cible a finalement été réduite à trois à l'horizon 2015 (2 en 1998 et le troisième en fin de programmation).

Le Hawkeye est un avion américain (produit par Grumman) doté de moyens de détections lointaines qui lui permettront d'assurer une triple mission : celle de guidage des aéronefs, du contrôle des avions d'interception et de sûreté de la force navale. Il concourt en priorité à la protection du groupe aéronaval.

Sur ce programme, deux problèmes se posent : sur le plan opérationnel, la réduction de cible de 4 à 3 est susceptible d'affecter la permanence de guet aérien lors d'opérations d'une durée significative ; sur le plan financier, la dotation a été évaluée au plus juste avec une parité prévisionnelle de 5 francs pour un dollar. La programmation y consacre 2,9 milliards de francs pour un coût total du programme estimé à 4,5 milliards. La livraison des deux premiers avions devrait intervenir à partir de 1998. La commande du troisième est prévue en 2001.

. Les hélicoptères embarqués

La flotte d'hélicoptères embarqués est aujourd'hui la suivante :

HÉLICOPTÈRES EMBARQUÉS

En parc

En ligne

Age moyen

Année de retrait du service

Super Frelon

16 + 2

12 + 2

24 ans

2004-2007

Lynx

34

26

14 ans

2004-2010

Dauphin

6

6

6 ans

2012-2022

Alouette III

37

31

20 ans

1999-2002

Alouette II

12

12

34 ans

1999-2002

Panther

2

2

1 an

Un effort considérable a été engagé par la Marine pour accroître la capacité de ses bâtiments les plus modernes en les équipant en hélicoptères de combat (Super Frelon et Lynx). Ceux-ci ont vocation à exécuter des missions de lutte antinavire et anti-sous-marins, des missions de transport ou de service public. Tous les bâtiments, à partir de la taille de la frégate disposent d'hélicoptères de combat. Les bâtiments de soutien logistique peuvent également recevoir des hélicoptères légers ou un hélicoptère moyen lourd. Tous types d'appareils confondus, la Marine dispose de 109 appareils en parc, dont 52 hélicoptères de combat. Le présent projet de loi et les prospectives de planification 2015 n'accordent respectivement à la Marine qu'un parc de 40 et 38 hélicoptères de combat.

- Le développement du programme NH 90-Marine

Le NH 90 remplacera les hélicoptères Lynx de lutte anti-sous-marine ainsi que les hélicoptères de transport Super Frelon. Il équipera les frégates, le porte-avions et les TCD. La cible initiale de 60 appareils -40 en version combat et 20 en version transport- a été globalement réduite à 27. La France a été à l'origine d'une demande de réduction de 30 % du coût, qui serait obtenue au prix d'une baisse des spécifications. Il faut rappeler qu'il s'agit d'un programme en coopération quadripartite : Allemagne, France, Italie, Pays-Bas. La phase de développement subit un surcoût considérable dû à l'absence d'exemptions de TVA sur la part française du programme. Le cumul des paiements s'élève pour la Marine à 2,18 milliards pour la période 1997-2002. Pendant cette période, 11 commandes interviendront ; à raison de 3 en 1999, 4 en 2000 et 4 en 2001.

c) L'amélioration de la capacité de projection : le transport de chalands de débarquement

Le TCD (transport de chalands de débarquement) est un bateau de 12 100 tonnes réellement polyvalent : il assure des missions de transport opérationnel ; il participe à la projection de puissance à partir de la mer, à côté des porte-avions, en transportant puis en mettant à terre les éléments lourds d'une force d'intervention. Pendant la période de programmation, un 2e TCD type Foudre sera livré (le Siroco 1998), l'admission en service actif des deux autres (n°s 3 et 4) est décalée de 3 ans, respectivement en 2004 et 2006. La programmation 1997-2002 y consacre 2 150 millions de francs en crédits de paiement. Le coût total du programme s'élève à 7,2 milliards.

3. Les bâtiments de surface et l'aviation de patrouille maritime

a) Les frégates

A ce jour, la Marine est dotée de 4 frégates antiaériennes, 11 frégates anti-sous-marine, 17 frégates de 2e rang. L'effectif net de ces deux derniers types de bâtiments sera amputé au total de 6 bâtiments (3 et 3), dans le cadre de la programmation à l'horizon 2002.

- Le programme de frégates type La Fayette

C'est un programme de fabrication de navires de combat (3 600 T) aptes à la gestion des crises et à la défense des intérêts nationaux. A ce jour deux exemplaires ont été livrés à la Marine : le La Fayette, le Surcouf. Le troisième bâtiment, le Courbet effectue actuellement ses essais. La cible, initialement fixée à 6 a été réduite à 5. Les 2 dernières livraisons concerneront le Jauguiberry (1999) et le Guépratte (2002). Le cumul des crédits de paiement pour la période de programmation s'élève à 2,4 milliards pour un coût total de 9,3 milliards.

- Le programme en coopération de la frégate Horizon

Les frégates antiaériennes Horizon sont notamment destinées à accompagner le porte-avions nucléaire. Elles remplaceront les actuelles frégates de type Suffren et Duquesne. Ces grands bâtiments de combat (5-6 000 tonnes) disposeront d'importantes capacités militaires et mettront en oeuvre un hélicoptère moyen-lourd. Elles seront équipées d'un système d'armes antiaériennes, autour des missiles Aster 15 et Aster 30.

Si ce programme, en phase de développement et mené en coopération franco-anglo-italienne, est maintenu, -5 235 millions de francs y sont consacrés pendant la période de programmation-, la cible, pour l'équipement de la Marine, a été arrêtée à 2 pendant la période de programmation contre 4 initialement. Les commandes seront passées en 1998 et 2000 et l'admission en service actif de la première frégate, décalé d'un an, interviendra en 2005.

b) L'aviation de patrouille maritime

Les 7 derniers Atlantique 1 dont l'âge moyen était de 25 ans ont été retirés du service en 1996. Pour les remplacer le programme Atlantic 2 est arrivé à échéance en 1996 avec la livraison des trois derniers appareils sur un total de 28. Avion bi turbopropulseur, l'Atlantic 2 possède un système de détection, de traitement et de visualisation des informations à base de calculateur numérique. Il est armé de missiles AM39 en soute, de torpilles MK46 ou de grenades anti-sous-marines. Il dispose d'une autonomie de l'ordre de 16 heures et une distance maximale franchissable de 7 400 km.

Le coût total du programme est de 25,5 milliards dont 20,5 pour la production. La présente programmation prévoit 56 millions de francs en développement, et 1 872 millions de francs en production. La programmation prévoit de réduire le parc de 28 à 22. Les 6 appareils « excédentaires » seront soit mis sous cocon, soit vendus.

Enfin, pour la surveillance maritime, la Marine recevra 4 Falcon 50 d'occasion dont la livraison sera étalée sur l'ensemble de la période.

4. La poursuite des programmes de système de défense

Deux programmes s'inscrivent dans l'ensemble « Famille sol-air futur ».


Le système de défense de zone P.A.A.M.S. (Principal Anti Air Missile Système) est développé par trois pays, compte tenu de sa vocation à équiper les frégates antiaériennes Horizon (Italie, France, Grande-Bretagne). Ses missions sont l'autodéfense et la défense locale contre des attaques de missiles, et la défense de zone à moyenne portée contre missiles et aéronefs.

Le système comprend :

. pour la France et l'Italie : un radar de conduite de tir Empar associé a des missiles Aster 15 et 30.

. pour le Royaume-Uni : un radar de conduite tir Sampson associé aux 8 missiles Aster 15 et 30.

40 missiles seront commandés en 2002, dernière année de la programmation. Deux systèmes équiperont chacun une des deux frégates Horizon, la cible en missiles étant de 80 Aster 15 et 160 Aster 30. Le coût de la phase de développement s'élève à 2 480 millions de francs. 1 835 millions de francs sont inscrits en crédits de paiement dans la loi de programmation.


Le système d'autodéfense antiaérienne, version nasalisée S.A.A.M. Il s'agit d'un système d'arme à courte portée pour l'autodéfense antiaérienne des bâtiments de surface d'un tonnage supérieur à 2 000 tonnes. C'est un programme en coopération franco-italien regroupant Alenia (50 %), Thomson-CSF (25 %) et aérospatiale (25 %). Il comprend une conduite de tir basée sur le radar multifonctions Arabel, un système de lancement initial et des missiles Aster 15.

Sur un total de 40 munitions à l'horizon 2002, 24 seront livrés en 2001, 16 en 2002. Déjà équipé d'un poste de tir, le PAN CDG ne disposera de son stock complet de missiles qu'en 2001.


La torpille MU 90

Le programme -dérivé de la Murène- a été lancé en 1991 en coopération avec l'Italie. La torpille MU 90 sera en mesure de détruire des sous-marins nucléaires et conventionnels des années 2000, quelles que soient les zones dans lesquelles ils évoluent. Elle pourra être lancée par différents porteurs : avions, hélicoptères, frégates ASM et missiles porte-torpilles MIL AS.

La présente programmation qui prévoit 2 100 millions de francs en crédits de paiement (coût total évalué à 5 milliards) verra la commande de 300 torpilles à raison de 50 chaque année, les livraisons seront effectuées à partir de 2000, à raison de 50 en 2000, 50 en 2001 et 50 en 2002.


Le programme antinavire futur (ANF)

Le missile antinavire futur devra équiper les bâtiments de surface d'un tonnage supérieur à 1 200 tonnes, les aéronefs et les sous-marins construits ou modernisés après 2000 : frégates Horizon, Rafale marine, Atlantic 2, sous-marins d'attaque futur.

Les marines allemande et française se sont accordées, en 1994, pour établir leurs spécifications principales :

- portée maximale supérieure à 150 km (300 km souhaité)

- concept « tire et oublie »

- capacité accrue de pénétration des défenses adverses.

Trois phases de conception et de développement sont prévues :

- l'ANF mer-mer : coût global de 1 380 millions de francs pour une cible de 200 unités, version développée paritairement avec l'Allemagne ;

- l'ANF air-mer : 600 millions de francs pour une cible de 160 missiles ;

- l'ANF sous-marin : 1 000 millions de francs, pour une cible de 120 missiles.

Le cumul des crédits de paiement pour la période de programmation ne s'élève toutefois qu'à 996 millions de francs.

5. La flotte sous-marine

La programmation et la planification 2015 prévoient, dès 2002, une réduction de moitié de notre flotte de sous-marins d'attaque, composée aujourd'hui de 6 sous-marins nucléaires d'attaque et de 6 sous-marins d'attaque à propulsion classique. Ces 6 derniers retirés du service actif au cours des cinq années à venir, font partie des 28 bâtiments dont la Marine va se séparer dans le cadre de son reformatage.

Il est clair que cette réduction va peser sur la disponibilité de notre flotte sous-marine à exécuter ses missions dont les principales, il convient de le rappeler, sont de participer aux deux axes majeurs de notre marine : la sûreté de la FOST et la protection du GAN, sans préjuger des missions propres qui peuvent lui être confiées.

Pour l'avenir, le programme du sous-marin d'attaque futur (SMAF) en est au stade des études pour la définition de ses missions et de ses caractéristiques techniques. La commande d'un premier exemplaire est décalée de trois ans (2001) pour une relève des unités actuelles à l'horizon 2010. Le coût prévisionnel du programme pourrait s'élever à 35 milliards de francs. Le projet de programmation y consacre 2 795 millions de francs en crédits de paiement cumulés.

6. Les observations de votre rapporteur

La Marine, en termes purement financiers, n'est pas la plus affectée par la réduction budgétaire liée à la réduction du format des forces. Il reste que certains décalages de programmes posent des problèmes de cohérence en particulier en ce qui concerne le groupe aéronaval. Celui-ci est l'instrument de projection privilégié de la Marine au service du pouvoir politique pour la gestion des crises. La réalisation de la présente programmation ne risque-t-elle pas d'entraîner une double réduction : celle de la capacité de permanence du groupe aéronaval ainsi que, pendant un temps, celle de sa capacité défensive ?

En effet, le Clemenceau étant retiré du service actif en 1997, le Foch sera mis en sommeil en 1999, lors de l'admission en service actif du PAN Charles de Gaulle. Lors de la première révision programmée du Charles de Gaulle (vers 2004), le Foch sera remis en service pendant une année. Au-delà, il est à craindre qu'une indisponibilité non programmée du PAN ne puisse être compensée par une mise en condition opérationnelle du Foch dans les délais requis pour une intervention en temps de crise.

Par ailleurs, le délai qui sépare le retrait des Crusader de l'arrivée de la première flottille Rafale, affectera, pendant un peu plus d'une année, la protection du groupe aéronaval, sachant par ailleurs que le Foch ne sera pas en mesure d'accueillir les Rafale, version assaut, avec leurs systèmes d'armement.

Il semble à votre rapporteur que ces incertitudes qui, à travers la notion de quasi-permanence, pèsent sur la disponibilité de l'un des éléments essentiels de notre force maritime et sur les missions qui peuvent lui être confiées, doivent faire l'objet d'une vigilance particulière. D'autant que le groupe aéronaval, contrairement aux autres unités de la marine, n'intègre pas facilement la complémentarité européenne. Cette complémentarité sur le plan technique et opérationnel, comme le rappelait le chef d'état-major de la Marine, est aujourd'hui une réalité entre marines européennes. Elle permet d'ailleurs de considérer la réduction de format avec un certain recul, tant il est vrai que les habitudes de coopération, rodées et efficaces, permettent de compenser, si besoin est, la réduction du nombre d'unités nationales. Mais une telle perspective ne joue pas pour le groupe aéronaval, où la France se retrouve, en fait, seule.

Enfin, si la réduction du format de notre flotte entre dans la logique de modernisation de nos équipements et de professionnalisation de nos forces, la marine ainsi reconfigurée sera-t-elle en mesure d'exécuter, à l'identique et dans les mêmes conditions, les missions qui lui sont aujourd'hui confiées et auxquelles participent la totalité de ses bâtiments actuels ?

F. L'ÉQUIPEMENT DE LA GENDARMERIE

1. La place de la gendarmerie dans la réforme de nos forces

Dans le domaine de la protection du territoire, la fin d'une menace extérieure majeure contre le territoire national résultant de la nouvelle configuration géostratégique et qui avait fondé pendant des décennies le positionnement et la structure de nos forces armées, permet de substituer à la notion de défense des frontières, celle de sécurité intérieure. C'est à la gendarmerie nationale qu'il reviendra donc de continuer d'assurer la prévention et la protection de la population contre des menaces diversifiées : terrorisme, trafic de stupéfiants, criminalité organisée, etc.

C'est dans ce contexte que la gendarmerie bénéficiera, dans la présente programmation et contrairement aux autres armées, d'un accroissement significatif de ses effectifs.

La programmation et la planification à 2015 prévoient également une évolution sensible des équipements de la gendarmerie ; le tableau ci-dessous en récapitule les principaux éléments :

1996

2002

2015

- 304 véhicules blindés

- 280 véhicules dont 30 nouvelle génération

- 145 véhicules blindés nouvelle génération

- 40 vedettes

- 55 canots et 25 vedettes

- 80 canots rigides

- 42 hélicoptères

- 42 hélicoptères

- 38 hélicoptères

- 3 600 camionnettes tactiques

- 3 600 camionnettes tactiques

- 3 600 véhicules tactiques

- réseau Rubis : 29

- réseau Rubis : 97

- Réseau Rubis : 97

groupements équipés

groupements équipés

groupements équipés

Le titre V de la gendarmerie recevra, sur l'ensemble de la période 1997-2002, 13,3 milliards de francs. Les fabrications en représentent 56 % et les crédits d'infrastructure 44 %. Comparée à l'annuité 1996 dotée de 2 132 millions de francs, la dernière année de programmation 2002 recevra une dotation légèrement supérieure, 2 305 millions de francs, au profit, en particulier, de la part consacrée aux fabrications et à l'environnement opérationnel (+ 103 millions de francs).

La gendarmerie verra, pendant cette période, la poursuite de son programme essentiel Rubis dont l'achèvement est cependant reporté de 2000 à 2002 par rapport à la programmation précédente.

2. Les principaux programmes d'équipement

a) Les principales caractéristiques du programme Rubis

Ce programme, dont Matra communication est le maître d'oeuvre principal, est destiné à renouveler l'ensemble des moyens de radiotéléphonie des unités de gendarmerie départementale. Ces nouveaux réseaux sont capables d'assurer la sûreté et la rapidité d'aboutissement des appels, ils permettent d'importantes capacités de transmission, le chiffrement des communications, la gestion des priorités etc.

Le coût total du programme, comprenant les dépenses annexes liées à la mise en place, par la gendarmerie elle-même, des travaux d'ingénierie et d'infrastructure des sites, s'élève, pour la défense, à 3 276 millions de francs. Les crédits de paiement cumulés et consommés depuis l'origine s'élèvent à 1 250 millions de francs, et la programmation 1997-2002 prévoit 1 431 millions de francs pour la période.

Sur le plan physique, le système Rubis comporte plusieurs éléments : trois types de terminaux -pour abonnés mobiles, abonnés fixes et portables, des commutateurs principaux et secondaires, des relais radiaux, des artères techniques hertziennes et, en opération connexe au programme, des systèmes portatifs.

Fin 1995, 10 groupements départementaux étaient équipés et le présent projet de loi prévoit l'équipement complet des 97 groupements en 2002.

b) La réduction et le renouvellement du parc de véhicules blindés

Actuellement, la gendarmerie s'appuie sur un parc de 304 véhicules : 121 automitrailleuses légères Panhard, 155 véhicules blindés à roue de gendarmerie (VBRG) et 28 véhicules blindés canon de 900 mm (VBC). Ces équipements devront être remplacés après l'an 2000. La présente programmation prévoit, à l'échéance 2002, 30 véhicules de nouvelle génération sur un parc réduit à 280 véhicules, et à l'horizon 2015, la planification prévoit un parc total de 145 véhicules de nouvelle génération.

Le blindé susceptible de succéder à ces trois types de véhicules serait un blindé unique à roue et polyvalent, capable d'assurer les missions de défense opérationnelle du territoire (DOT) et de maintien de l'ordre.

La programmation 1997-2002 prévoit 423 millions de francs en autorisations de programme et 233 millions de francs en crédits de paiement pour ce programme, dont le développement n'est pas encore engagé.

Sa montée en puissance interviendrait à compter de 1997-2000 pour les quinze premières livraisons en 2001 et quinze autres en 2002.

c) Le futur remplacement des hélicoptères de la gendarmerie

Le projet de loi de programmation militaire 1997-2002 ne prévoit aucune dotation pour le renouvellement des hélicoptères de la gendarmerie. Son parc actuel est notamment constitué de 12 Alouette III de plus de 25 ans d'âge, utilisées principalement pour le sauvetage et l'intervention en zones de montagne.

Les premières réflexions conduites pour le renouvellement des Alouette ont conduit à privilégier le BK117, hélicoptère biturbine, fabriqué par Eurocopter-Allemagne. Le besoin minimal exprimé par la gendarmerie pour continuer d'assurer ces missions dans un contexte budgétaire contraint est de 8 appareils, soit un coût de 250 millions de francs sur la base de 30 millions de francs environ l'unité.

QUATRIÈME PARTIE : DES ORIENTATIONS DÉCISIVES POUR LES INDUSTRIES DE DÉFENSE

A. UNE INDUSTRIE DE HA UTE TECHNOLOGIE DANS LA TOURMENTE

L'industrie française -et européenne- de la défense est aujourd'hui dans la tourmente. Elle traverse depuis quelques années une crise sans précédent depuis l'après-guerre susceptible de mettre en cause sa survie elle-même si des mesures d'adaptation fortes et urgentes ne sont pas mises en oeuvre rapidement.

Les défis auxquels cette industrie est aujourd'hui confrontée sont multiples. Ils conjuguent les effets de la réduction des crédits d'équipement militaire, de la diminution de la demande mondiale d'armement et des débouchés à l'exportation, de l'accroissement des coûts de développement, des effets du cloisonnement des marchés nationaux d'armement, de l'insuffisance des restructurations industrielles, de la sous-évaluation du dollar et de l'agressivité de l'offensive commerciale d'une industrie américaine elle-même déjà fortement restructurée et rationalisée.

L'industrie française de la défense -ne serait-ce qu'en raison de son importance particulière : elle réalisait en 1994 plus du tiers du chiffre d'affaires de l'industrie européenne de l'armement- est particulièrement exposée à ces défis. Car, après avoir longtemps bénéficié d'un effort de défense national que la France a été la seule en Europe à maintenir à un niveau aussi élevé, elle affronte aujourd'hui des difficultés accentuées à la fois par le ralentissement brutal des dépenses d'équipement militaire et par la structure d'une industrie nationale encore trop morcelée et insuffisamment restructurée.

1. Les caractéristiques majeures de l'industrie de défense française

Les difficultés auxquelles l'industrie de défense française est aujourd'hui confrontée doivent être mesurées à l'aune de l'importance intrinsèque de cette industrie et de son poids dans l'économie nationale.

a) L'industrie de défense est d'abord -c'est sa première caractéristique- une industrie hautement stratégique, à un triple titre :

- elle doit assurer la pérennité et l'efficacité de notre défense ; sa compétitivité est à cet égard essentielle pour doter nos armées des équipements qui leur sont nécessaires, en qualité comme en quantité ;

- elle joue, par la part de ses ressources qu'elle consacre à la recherche et au développement (près de 30 % de son chiffre d'affaires), un rôle majeur pour la préparation de l'avenir et le maintien des compétences technologiques et scientifiques de notre pays ;

- elle contribue enfin à la place de la France sur la scène internationale, en particulier en raison de l'importance de ses exportations.

b) Ce caractère stratégique de l'industrie de défense explique -sans le justifier totalement- le rôle exceptionnel de l'État dans cette industrie : comme puissance publique définissant la politique de l'armement ; comme actionnaire des sociétés nationales ; parfois comme industriel lui-même (notamment à travers la DCN) ; comme client principal, représentant environ les trois-quarts des commandes ; enfin comme acteur majeur de la politique d'exportation à travers son activité d'assureur et le soutien politique indispensable en la matière.

Exceptionnellement important en France -pour des raisons historiques tenant notamment aux conditions du développement de l'industrie française de la défense au cours des dernières décennies et à la volonté d'indépendance nationale-, ce rôle capital de l'État ne saurait naturellement exonérer les industriels concernés de leurs responsabilités propres et des initiatives qu'ils doivent prendre pour rendre leurs groupes plus compétitifs pour affronter le choc actuel. Mais il justifie que les industriels attendent de l'État que le cap soit clairement fixé et qu'ils disposent de la « visibilité » indispensable à moyen terme pour prendre, en connaissance de cause, des décisions stratégiques qui peuvent être vitales. Tel n'a pas été le cas -et chacun en porte sa part de responsabilité- au cours des dernières années. Tel est l'un des enjeux majeurs de la loi de programmation pour les années 1997-2002.

c) Le poids considérable de l'industrie de défense dans l'économie française doit tout autant rester présent à l'esprit. Son chiffre d'affaires s'élevait fin 1994 à 96,9 milliards de francs (après avoir atteint, à son apogée, 124,5 milliards en 1990) ainsi que l'illustre le tableau suivant :

1989

1990

1991

1992

1993

1994

Chiffre d'affaires hors taxes (en milliards de francs)

Par export (en %)

120

31

124,5

31

115,6

25,2

113,1

25,6

103,1

20

96,9

17,3

Ces données font également apparaître que la part de ce chiffre d'affaires réalisée à l'exportation s'élevait à 17,3 % fin 1994, après avoir atteint plus de 30 % en 1990...

En Europe, l'industrie française de défense représente environ le tiers de l'industrie européenne de la défense, à un niveau proche de celui de l'industrie britannique et largement supérieur à l'industrie allemande. Mais le chiffre d'affaires de la seule industrie de défense américaine est, pour sa part, deux fois plus important que celui de l'ensemble des industries européennes...

d) En termes d'emplois, les industries de défense françaises rassemblaient au total fin 1994 environ 300 000 personnes, dont 200 000 emplois directs et environ 100 000 emplois indirects. L'ampleur de la chute des effectifs déjà subie est considérable puisque les emplois directs s'élevaient à plus de 290 000 il y a dix ans.

L'industrie française de la défense repose principalement sur quelques grandes entreprises puisque douze groupes (Aérospatiale, Alcatel, CEA, Dassault, DCN, Eurocopter, Giat-Industries, Matra, Sagem, Sextant avionique, SNECMA et Thomson CSF) réalisent plus de 80 % du chiffre d'affaires global. Mais cette concentration reste très insuffisante et la poursuite des restructurations entreprises s'impose pour éviter des concurrences internes pénalisantes face à la concurrence internationale et pour doter les groupes français de la taille critique indispensable.

La base industrielle de ce secteur repose d'autre part sur un vaste tissu de quelque 5 à 6 000 PME-PMI qui représentent plus du tiers de l'emploi du secteur industriel de la défense et qui sont, pour beaucoup d'entre elles, particulièrement exposées en cette période de crise.

2. Les données de la crise : le rétrécissement accéléré du marché de l'armement

Cette industrie française de l'armement, qui est le fruit d'un effort exceptionnel de notre pays depuis les années 1960 -en période de croissance économique- et qui est parvenue à se situer au plus haut niveau technologique, est aujourd'hui confrontée à une crise qui constitue un défi majeur qui engage les conditions de sa survie à long terme.

a) La baisse généralisée des dépenses militaires

Le facteur premier de la crise actuelle réside naturellement dans les conséquences de la fin de la guerre froide qui s'est traduite par une baisse internationale généralisée des budgets militaires.

Ce mouvement de décrue accélérée des dépenses de défense peut être considéré comme mondial. Si l'on fait une relative exception pour le marché asiatique -en raison à la fois d'une croissance économique exceptionnelle et de tensions internationales fortes et persistantes-, toutes les régions du monde ont été touchées. Ainsi la guerre du Golfe, coïncidant avec la chute des revenus pétroliers, a fortement affecté le pouvoir d'achat de cette zone où la demande d'armements est traditionnellement forte.

La France, elle-même, a d'abord maintenu, plus que les autres, et plus longtemps que les autres, un effort de défense relativement soutenu. Telle était encore la logique de la loi de programmation votée en juin 1994. Chacun sait que la situation très dégradée de nos finances publiques et les conséquences de la réduction du format de nos armées lui imposent désormais de réduire, à son tour, ses dépenses d'équipement militaire. Il s'agit d 'un nouveau choc -ainsi que l'a souligné le président de l'Aérospatiale, M. Louis Gallois, devant notre commission- pour notre industrie nationale encore sous le coup des précédents bouleversements.

La situation difficile de l'industrie de défense apparaît ainsi, non pas conjoncturelle, mais bien structurelle. D'autres secteurs industriels de haute technologie ont, certes, connu récemment ou connaissent des mutations importantes (comme l'électronique, l'informatique ou les télécommunications). Et, même si les conséquences sociales qui en résultent évoquent la sidérurgie des années 80, la situation est en l'espèce fondamentalement différente, s'agissant d'un secteur de haute technologie particulièrement performant.

b) Le durcissement extrême de la concurrence internationale

Le rétrécissement du marché mondial se traduit inévitablement par une exacerbation de la concurrence internationale et des difficultés accrues à l'exportation. Le tableau suivant illustre la très forte réduction du solde de la France dans le domaine des industries de défense au cours des dernières années :

EXPORTATIONS ET IMPORTATIONS DE MATÉRIELS MILITAIRES

(en millions de francs courants)

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

Exports Imports

38.200 4.100

31.204 4.815

33.697 9.256

40.720 13.496

35.010 6.680

20.594 5.838

20.807 4.381

14.560 3.953

11.633 4.107

Solde

34.100

26.389

24.441

27.224

28.330

14.756

16.426

10.607

7.526

Source : Comptes de la Nation pour 1994 - Annexe au Rapport économique et financier

- Le phénomène majeur réside en la matière dans la position dominante acquise par l'industrie d'armement américaine. Cinq points essentiels doivent être ici soulignés.

. Premier point : l'industrie américaine bénéficie d'une prime très importante grâce à la baisse du dollar qui lui procure un avantage monétaire considérable face auquel peu de parades paraissent efficaces. Sous-évaluée, selon la majorité des experts, d'au moins 15 % par rapport au franc, le dollar -monnaie dans laquelle sont libellés les contrats d'armement- conforte sans cesse la position des États-Unis.

. Deuxième point : l'industrie américaine de la défense a su s'adapter avec une exceptionnelle rapidité et une remarquable flexibilité à la nouvelle conjoncture du marché de l'armement. Elle s'est restructurée et concentrée à une vitesse infiniment plus grande que les industries européennes, sur la base d'opérations de fusions-acquisitions. Le groupe Lockheed-Martin-Loral représente ainsi, à lui seul, un chiffre d'affaires supérieur à la totalité de l'industrie française de défense...

. Troisième point : l'industrie américaine des armements a accru, dans des proportions considérables, la part de son chiffre d'affaires réalisé à l'exportation, passée en quelques années de 5 % à 25 %. Elle a bénéficié -et continue de bénéficier- pour y parvenir d'un très fort soutien politique et diplomatique des autorités américaines.

. Quatrième point : les États-Unis consacrent, dans le même temps, à la recherche militaire des budgets deux ou trois fois supérieurs au total des budgets européens correspondants. C'est là un facteur déterminant pour l'avenir, peut-être le plus préoccupant à long terme.

. Cinquième point : face à cette concurrence formidable, les industries françaises et européennes semblent encore chercher leur voie et courir après leur destin. Elles doivent surmonter au plus vite, pour éviter les phénomènes de sélection naturelle qui caractérisent les secteurs industriels en crise, deux handicaps majeurs : d'une part l'insuffisance et l'émiettement du marché européen de l'armement, d'autre part sa parcellisation et la quasi-absence de sociétés réellement européennes.

- La tâche sera d'autant plus rude que l'exacerbation de la concurrence internationale se traduit par deux autres phénomènes :

. d'une part, l'apparition de nouveaux compétiteurs dans le domaine du marché de l'armement ; cinq pays (États-Unis, Russie, Allemagne, France et Royaume-Uni) réalisent encore environ 85 % des exportations de matériels de défense dans le monde ; mais de nouveaux pays producteurs émergent désormais, à l'exemple de la Chine, d'Israël, de la République tchèque voire de l'Afrique du Sud, de l'Inde, de la Corée, du Japon et des pays d'Asie du Sud-Est. Si certains de ces pays sont encore dans une phase d'acquisitions de technologies, ils peuvent représenter, dans certains domaines, des concurrents redoutables grâce à des facteurs de compétitivité très supérieurs aux nôtres ;

. d'autre part, les conséquences de l'effondrement de l'Union soviétique et du Pacte de Varsovie ; les énormes capacités de productions de la Russie et des ex-pays de l'Est, compte tenu des difficultés de reconversion des industries de défense, se sont naturellement traduites par l'apparition de produits, à des prix défiant toute concurrence, sur le marché de l'armement.

3. Les enjeux de la crise : la réduction du format d'un appareil industriel surdimensionné

Ces différents facteurs font apparaître de fortes surcapacités de production d'un appareil industriel dimensionné en fonction de besoins nationaux plus importants et de capacités exportatrices très supérieures. Il en résulte des enjeux majeurs en matière d'emploi comme sur le plan de l'avenir de nos industries de défense en général.

a) Des enjeux majeurs en matière d'emploi

En matière d'emploi -qui constitue, à juste titre, la première des priorités de l'action gouvernementale-, cette situation appelle trois observations principales ;

- Première observation : l'adaptation indispensable des capacités industrielles françaises a déjà, sous la pression des événements, été fortement amorcée. Les effectifs directs de notre industrie de défense ont été réduits d'environ un tiers en une dizaine d'années : passés de près de 300 000 emplois en 1987, ils ont été réduits à 230 000 en 1993, avant de diminuer à nouveau d'environ 30 000 personnes au cours des années 1994-1995.

- Deuxième observation : cette diminution des effectifs devra nécessairement se poursuivre au cours des prochaines années, compte tenu en particulier de la diminution du budget d'équipement militaire français lui-même. Le ministre de la Défense lui-même a évoqué le ratio d'ensemble impitoyable selon lequel on peut estimer à 2 500 le nombre d'emplois supprimés pour un milliard de diminution du titre V du budget de la défense. Si ce ratio doit naturellement être affiné selon les entreprises et les secteurs d'activité concernés, il permet d'évaluer les lourdes conséquences sociales des décisions prises.

La diminution des effectifs dans l'industrie de défense tend de surcroît à être plus rapide que celle de son chiffre d'affaires en raison d'un double phénomène : d'une part, les gains de productivité qui supposent une croissance annuelle supérieure à 2 ou 2,5 % pour maintenir les emplois ; d'autre part, la nécessité pour les industriels d'anticiper les réductions d'effectifs pour s'adapter à leur plan de charge.

Ainsi peut-on expliquer les prévisions selon lesquelles l'industrie de défense pourrait voir à nouveau ses effectifs fondre d'environ 50 000 emplois supplémentaires dans les toutes prochaines années. En tout état de cause, l'industrie française de défense qui résultera des actuels bouleversements sera inéluctablement redimensionnée à la baisse.

- Troisième observation : le coût social de cette évolution sera de surcroît encore aggravé par la répartition régionale des emplois de l'industrie française de défense.

Si elle touche la plus grande partie du territoire national -avec environ les deux-tiers des emplois directs en province et un tiers en région parisienne-, l'industrie de défense est en effet aussi très inégalement répartie sur le plan régional. Sa présence est en effet très réduite dans les zones voisines des frontières de l'Est et du Nord, considérées historiquement comme les plus menacées. En revanche, dans certaines régions, cette industrie représente plus de 10 % des emplois industriels et joue un rôle prépondérant dans l'économie locale. Il en est ainsi pour les zones côtières (Bretagne, Normandie, Provence-Alpes-Côte d'Azur) avec les constructions navales, pour le Sud-ouest avec l'industrie aéronautique, pour la région parisienne avec l'industrie électronique et l'industrie aéronautique et pour la région Centre avec l'industrie de défense terrestre. Dans certains départements (Var, Finistère, Cher, Hautes-Pyrénées), c'est en fait plus d'un emploi industriel sur cinq qui dépend de l'armement.

C'est dire l'impact économique et social de l'industrie de défense dans bon nombre de nos régions, parfois peu favorisées. C'est dire aussi, au moment où le chômage atteint les proportions que nous connaissons, l'extrême importance des mesures d'accompagnement social prévues par le présent projet de loi et qui iront de pair avec l'indispensable adaptation de notre industrie de défense.

b) Des enjeux majeurs pour les capacités futures de notre industrie d'armement

Par delà leur coût économique et social, les nécessaires restructurations en cours posent trois questions déterminantes pour les capacités futures de notre industrie d'armement.

- La première concerne les choix technologiques et industriels indispensables. L'analyse du Livre blanc sur la défense conserve sur ce point toute sa pertinence : « Il n'est plus possible, ni d'ailleurs nécessaire, que la France possède et maintienne à elle seule l'ensemble de ces compétences (...). Le moment est venu de déterminer la stratégie à entreprendre vis-à-vis des différents secteurs de l'industrie de l'armement. Faire seuls, partager ou abandonner ? (...). Ces différentes orientations doivent permettre à l'avenir d'opérer des choix technologiques et industriels pour déterminer quelles productions, compétences et technologies la France doit conserver en propre, chercher à développer en coopération ou acquérir sur le marché mondial » .

Mais ces choix sont particulièrement délicats et difficiles à effectuer et, plus encore, à traduire dans les faits et les structures industrielles. Ils doivent de surcroît préserver de manière impérative la compétence nationale dans les secteurs stratégiques, à commencer par le nucléaire. Enfin, au niveau européen, aucune impasse ne serait acceptable pour les principaux systèmes nécessaires à la défense de ses intérêts communs.

- C'est dans ce cadre que doit être poursuivie -c'est une deuxième question essentielle- une politique ambitieuse de recherche et de développements exploratoires. Même si cette politique peut être menée en coopération avec nos partenaires européens, il s'agit là d'un impératif pour préparer l'avenir et faire face demain à la technologie et à la puissance industrielle américaine.

Mais cette nécessité se heurte -c'était déjà le problème majeur de la loi de programmation 1995-2000 et cela reste celui de la programmation 1997-2002- à l'immense problème financier de la masse des programmes actuellement lancés. .. Le présent projet de loi prévoit le maintien d'un effort de recherche « légèrement supérieur à 5 % du titre V » . Cet objectif sera-t-il respecté ? Et sera-t-il suffisant ?

- Une troisième question-clé réside enfin dans l'établissement de relations nouvelles entre l'État et l'industrie d'armement.

Là encore, le constat formulé il y a deux ans par le Livre blanc garde toute sa pertinence : « Les nouvelles conditions de l'environnement européen et international et les effets qu'elles ont eus sur l'évolution des budgets de la défense imposent une révision du cadre de discussion des acteurs étatiques et industriels. L'État ne pourra plus, comme par le passé, soutenir son industrie d'armement dans tous les domaines (...). L'État doit aujourd'hui, pour des raisons de compétitivité, inciter les entreprises à éliminer les surcapacités. Rien ne doit retarder cette adaptation dont le caractère douloureux ne peut que s'accroître avec le temps. Pour autant, les conséquences sociales de ces transformations appellent un esprit de partenariat entre l'État et les entreprises concernées ».

Le Livre blanc souligne en outre justement que « dans ce cadre, une attention plus grande devra être portée au tissu des entreprises souvent appelées de "deuxième niveau" (PME-PMI). Ces entreprises sont à la source d'innovations indispensables à la défense ; elles sont en outre à l'origine d'équipements et de composants nécessaires à la cohérence globale de nos systèmes d'armes. Leur fragilisation provoquerait celle de notre industrie de défense dans son ensemble et, à terme, pourrait mettre en cause notre indépendance ».

On ne saurait mieux dire. Il reste que, depuis deux ans, l'exactitude de ce constat ne s'était pas traduite dans les faits par des mesures assez profondes et assez rapides. Or, chacun le sait, cette adaptation inéluctable sera d'autant plus difficile et douloureuse qu'elle sera tardive. Il fallait désormais aller vite. Tel est l'un des objectifs majeurs du projet de loi qui nous est soumis.

Face à une situation de « spirale descendante » , l'objectif central doit être, aux yeux de votre rapporteur, l'organisation d'un véritable marche européen de l'armement (B). Mais il y faut aussi, simultanément, un ensemble de mesures nationales et complémentaires indispensables (C) : accompagnement des restructurations, soutien de l'État, notamment à l'exportation, et préparation de l'avenir.

o

o o

B. L'OBJECTIF CENTRAL : L'ORGANISATION D'UN VRAI MARCHÉ INTÉRIEUR EUROPÉEN DE L'ARMEMENT

1. La création d'un marché européen de l'offre

a) Une urgente nécessité

- L'Europe de l'armement, constituée d'industries essentiellement nationales, s'appuie sur des marchés intérieurs devenus à l'évidence trop étroits. Si d'importants regroupements ont déjà eu lieu -donnant naissance, dans la plupart des pays, à des leaders nationaux recevant l'essentiel du budget-, cette rationalisation s'est jusqu'ici effectuée dans un cadre qui est, le plus souvent, resté national.

Pour sa part, la coopération européenne, pourtant active depuis près de trente ans sur de nombreux programmes, a, pour l'essentiel, consisté à juxtaposer, programme par programme, des industries et des marchés nationaux. Ne visant pas à l'interdépendance, elle ne s'est pas traduite par la rationalisation nécessaire sur le plan européen.

- Au contraire, depuis la fin de la guerre froide, l'industrie américaine de la défense a -rappelons-le- démontré une exceptionnelle capacité de réaction aux nouvelles donnes internationales. Ainsi que l'avait souligné M. Alain Gomez, alors président du groupe Thomson, devant notre commission, « 35 milliards de dollars de chiffre d'affaires, soit plus que le chiffre d'affaires total des industries françaises de défense, ont changé de mains au cours des cinq dernières années ». Ces opérations se sont accompagnées d'importantes réductions d'emplois, les effectifs de l'industrie américaine étant réduits de moitié en dix ans (3,7 millions en 1987, 1,8 million attendu en 1997). Elles ont été favorisées par une politique très vigoureuse, impliquant notamment :

- le maintien des missions, quitte à remettre en cause la concurrence,

- un soutien massif à l'exportation, parallèlement au maintien d'une préférence nationale,

- un accompagnement efficace des restructurations,

- et le renforcement des crédits d'études et de recherche.

Ainsi, trois des cinq principaux groupes industriels mondiaux de l'armement (Lockheed-Martin-Loral, Northrop-Grumman-Westinghouse et Raytheon-Systems) sont nés de fusions réalisées très récemment. Le groupe Lockheed-Martin-Loral représente, à lui seul, 25 % des commandes du Pentagone, soit 13 % du marché mondial.

- Le défi majeur auquel doit faire face l'industrie de défense européenne vient donc d'outre-Atlantique. Pour le relever avec quelque chance de succès -et à défaut de pouvoir s'installer sur le marché américain lui-même- les entreprises européennes doivent se restructurer sans délai dans des ensembles de taille suffisante.

Cette reconfiguration indispensable du secteur industriel de la défense devra surmonter de nombreux obstacles que ne connaissent pas -ou pas au même degré- les Américains : problèmes de souveraineté, concepts militaires différents, multiplicité des acteurs sur un marché fragmenté, cultures d'entreprises différentes... Mais, sauf à laisser les industries européennes perdre leur potentiel technologique et se placer en position de vassalité, cette restructuration est impérative pour parvenir à l'établissement d'un marché intérieur européen de dimension suffisante.

Elle est aussi urgente, compte tenu de l'avance prise par les Américains, pour maintenir la compétitivité de l'industrie européenne. S'il va de soi que la préparation et l'accompagnement de cette politique d'ensemble doivent se faire au niveau national, son aboutissement doit se concevoir au plan européen.

b) La restructuration du tissu industriel de l'armement

- La création d'un véritable marché européen de l'offre doit être favorisée par les gouvernements et la commission de l'Union européenne. D'abord en les encourageant et en les soutenant politiquement. Mais aussi en prenant un certain nombre de dispositions qui seraient de nature à faciliter la restructuration du tissu industriel, telles que :

- l'élaboration d'un statut de société européenne, de la même façon qu'a été mis au point un statut de GIE (groupement d'intérêt économique) européen ;

- l'accompagnement financier, en dépassant les actuels programmes européens « Konver », de la reconversion des bassins d'emploi les plus touchés par la contraction des industries de défense ;

- et, enfin mais peut-être surtout, l'établissement de procédures juridiques et financières facilitant les regroupements transfrontières en Europe, dont l'absence contribue aux difficultés et à la lenteur des restructurations indispensables.

D'autres initiatives positives pourraient encore être prises par les institutions européennes, notamment l'harmonisation des tarifs douaniers concernant les matériels de défense applicables à l'égard des pays-tiers.

Il serait toutefois illusoire -ainsi que la CIDEF (conseil des industries de défense françaises) l'a récemment souligné à la suite d'une proposition de la commission européenne- de vouloir appliquer purement et simplement aux industries de défense, dans un secteur où le rôle de l'État est prépondérant, les règles et procédures applicables aux autres branches industrielles.

- La réalisation rapide des restructurations européennes peut prendre, selon les cas, des formes diverses : création de nouvelles entreprises ou filiales communes, alliances stratégiques, prise de contrôle de concurrents ou de fournisseurs, recentrage sur des métiers ou des secteurs d'activité... Elles doivent avoir un double effet positif : la création d'entreprises dépassant la « taille critique » , mais aussi l'apparition de véritables « produits européens » , ce qui serait très important dans les processus d'acquisition d'armements et favoriserait la coopération en matière d'armements.

Il va enfin de soi que c'est d'abord entre l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France que doivent être prises les initiatives, privées ou publiques, permettant l'élaboration d'un marché européen de l'armement.

- Comment faut-il, dans ce contexte, apprécier le débat entre restructurations françaises et européennes ? Les opinions émises par les principaux industriels français devant notre commission ont été, sur ce point, largement divergentes. Il s'agit d'ailleurs, dans une certaine mesure, d'un faux débat dans la mesure où la situation, les caractéristiques, les forces et les faiblesses de chaque entreprise sont naturellement différentes et où les rapprochements industriels les plus efficaces doivent être appréciés au cas par cas.

Cela étant, il faut rappeler que les autres pays européens ont déjà fédéré leur industrie de défense autour d'un ou deux pôles ; Dasa en Allemagne, British Aerospace et Gec-Marconi en Grande-Bretagne, Finmeccanica en Italie... La France, jusqu'à ces derniers mois, faisait exception, conservant en particulier deux avionneurs (Aérospatiale et Dassault), deux missiliers (Matra et Aérospatiale) et deux électroniciens de défense (Thomson et Dassault). Les entreprises françaises se sont d'abord orientées -au demeurant très lentement- vers des concentrations transfrontières : Eurocopter, Matra Marconi Space, la fusion des activités satellites et missiles de Dasa et de l'Aérospatiale, et tout récemment l'annonce de la constitution d'une société de missiles commune à Matra Défense et British Aerospace.

Sans faire disparaître une duplication et une concurrence franco-françaises pénalisantes et devenues inacceptables dans la conjoncture présente, cette situation aboutissait au résultat paradoxal que la France, qui prône une véritable politique industrielle face à des partenaires supposés plus libéraux, conservait l'industrie de défense la plus éclatée et la moins concentrée.

Il est tout aussi clair que, si restructurations françaises et européennes ne doivent pas s'opposer mais, au contraire, être complémentaires et menées de pair -puisqu'elles visent au même objectif de compétitivité pour résister à la concurrence internationale-, la position française sera naturellement plus forte -et souvent la plus forte- en cas de regroupements nationaux préalables.

C'est dans cet esprit que M. Noël Forgeard, président de Matra Défense Espace, a précisé, devant notre commission, les critères qui devaient, selon lui, guider notre stratégie de regroupements : « En premier lieu, il convenait de constituer des portefeuilles de produits cohérents et complémentaires ; en second lieu, de procéder à des regroupements sous contrôle français avant d'aborder des rapprochements métier par métier, avec des partenaires européens. A défaut d'une telle configuration, il en allait de la préservation de notre souveraineté. En troisième lieu, il fallait s'interdire tout « découpage » au sein de chaque société. A titre d'exemple, M. Noël Forgeard a estimé que, dans le cadre d'une prochaine privatisation de Thomson-CSF, toute solution qui consisterait à découper ce groupe par activité constituerait une grave faute de politique industrielle, dangereuse pour l'avenir ».

C'est dans cet esprit également qu'il convient d'apprécier -et, selon votre rapporteur, d'approuver- la double et importante décision, annoncée par le gouvernement le 21 février dernier, de privatiser le groupe Thomson et de rapprocher Aérospatiale et Dassault en vue de la fusion de ces deux sociétés d'ici deux ans (cf. C ci-dessous).

Il ne s'agit là, toutefois, que du début d'un processus indispensable qui devra notamment prendre en compte -si l'on met à part le pôle nucléaire, qui doit être impérativement préservé- d'autres situations difficiles et spécifiques, impliquant notamment l'avenir de la SNECMA, de la DCN et, bien sûr, de GIAT-Industries.

2. La création d'un marché européen de la demande

La restructuration de l'offre sur le marché européen de l'armement constitue aujourd'hui une priorité. On ne peut en effet que constater que le schéma théorique selon lequel l'offre n'aurait qu'à réagir à la création d'une demande européenne structurée qui résulterait elle-même d'une politique de défense commune n'est pas aujourd'hui réaliste. Il n'en reste pas moins nécessaire d'avancer parallèlement sur la voie, difficile, de la création d'un marché européen de la demande en matière d'armements.

a) L'adoption d'une politique européenne de l'armement : un besoin pressant

L'adoption d'une politique européenne de l'armement apparaît de plus en plus pressante. Sans abandonner les priorités nationales, une politique d'armement européenne doit progressivement être mise en place, en restant autosuffisante, c'est-à-dire en couvrant l'ensemble des besoins des pays européens dans le domaine de la défense.

Pour avancer sur cette voie, la Conférence intergouvemementale, qui s'est ouverte le 29 mars dernier, constitue une opportunité qu'il serait regrettable de laisser échapper pour créer les conditions d'une véritable PESC (politique étrangère et de sécurité commune). L'EDIG (European Défense Industries Group) a ainsi formulé, dans cette perspective, un ensemble de recommandations pertinentes où sont notamment soulignés :

- que la « base industrielle et technologique de défense » européenne est un atout stratégique vital dont le maintien constitue le préalable à l'établissement d'une véritable identité européenne de la sécurité et de la défense ;

- et qu'un marché intérieur européen de dimension suffisante constitue la base à partir de laquelle l'industrie européenne de défense pourra maintenir sa compétitivité.

Parmi les exigences qui en résultent, trois points méritent tout particulièrement d'être soulignés :

- Il serait d'abord très utile de promouvoir des priorités communes en matière d'équipements militaires, en commençant par un effort doctrinal qui pourrait se traduire par l'élaboration d'un Livre blanc européen. Contrairement à ce que l'on pense souvent a priori, un tel exercice -dont l'aboutissement constituerait un événement très important- n'est pas, selon votre rapporteur, hors d'atteinte si l'on en juge par les convergences que font apparaître les Livres blancs nationaux déjà publiés.

- L'indispensable convergence des besoins opérationnels et des équipements européens doit d'autre part être favorisée par l' existence de forces communes, telles que l'Eurocorps mais aussi l'Eurofor, l'Euromarfor, ou le groupe aérien franco-britannique. Leur efficacité opérationnelle repose en effet largement sur leur équipement en matériels communs ou compatibles. La dynamique liée à la mise en place de ces forces communes doit aussi favoriser la convergence sur des programmes prioritaires d'intérêt commun, déjà illustrée en matière d'observation par satellite (ainsi que l'illustrent les programmes Hélios 2 et Horus).

- Cette dynamique doit enfin être favorisée par la mise en place de procédures d'acquisition harmonisées. L'objectif -qui figure, rappelons-le, en annexe au traité de Maastricht- doit être la mise en place d'une Agence européenne des armements, dont le GAEO (Groupe armement de l'Europe occidentale) a été chargé d'élaborer les modalités de mise en place. On ne saurait toutefois mésestimer les difficultés d'y parvenir dans des délais rapides. C'est pourquoi, dans un premier temps, la mise en place concrète, amorcée dès le début 1996, d'une structure d'armement franco-allemande, dotée de la personnalité juridique et de la capacité de contracter, doit constituer une étape très utile pour la mise au point de principes communs d'acquisition, de conduite des programmes et de coopération industrielle. Elle doit favoriser, outre l'acquisition au meilleur coût des matériels nécessaires, l'établissement d'une base industrielle performante et adaptée. Préfigurant l'agence européenne à venir, elle est ouverte à d'autres partenaires et pourrait accueillir dès 1996 le Royaume-Uni et l'Italie.

b) Des difficultés persistantes à surmonter

Si certaines raisons d'optimisme existent, elles ne sauraient toutefois occulter l'ampleur des difficultés à surmonter. Votre rapporteur croit à cet égard utile de souligner deux questions particulièrement importantes : celle de la « préférence européenne » et celle de l'article 223 du traité de Rome.

- L'expression d'une préférence européenne à l'échelle du continent constituerait naturellement un atout extrêmement positif pour l'émergence d'une Europe de l'armement et, singulièrement, pour l'industrie française. Le CIDEF (conseil des industries de défense françaises) a ainsi légitimement plaidé pour « l'application, par tous les pays de l'Union européenne, tant qu'une éventuelle réciprocité n'aura pas été obtenue des États-Unis, d'une préférence européenne effective afin de garantir le maintien de la base industrielle nécessaire à une défense européenne indépendante ».

Mais il serait totalement illusoire de croire que cette préférence européenne -quel qu'en soit le bien fondé- puisse se décréter, ainsi que l'ont souligné devant notre commission MM. Louis Gallois, président d'Aérospatiale, et Noël Forgeard, président de Matra Défense Espace. Elle se heurte en effet à des divergences de fond difficiles à surmonter. Si la France et l'Allemagne font en la matière une analyse voisine, chacun sait en effet que certains pays anglo-saxons récusent par principe toute démarche volontariste obligatoire et que ceux qui n'ont pas d'industrie de défense puissante n'ont pas d'intérêt particulier à privilégier des fournisseurs européens par rapport à leurs concurrents américains.

Dans ce contexte, notre commission avait déjà recommandé en 1994 (cf rapport de M. Jacques Genton sur la loi de programmation 1995-2000, p. 213) d'examiner la possibilité d'élaborer pour le secteur de l'armement un dispositif européen équivalent au « Buy American Act » . Cette voie mérite encore, selon votre rapporteur, d'être explorée.

- La question de l'article 223 du traité de Rome justifie également un examen approfondi. Cet article, rappelons-le, définit les conditions dans lesquelles un État membre de l'Union européenne peut prendre, dans le domaine de l'armement, les mesures nécessaires à sa sécurité. La France -et d'autres pays européens- ont tenu, jusqu'ici, à préserver l'article 223 qui fait des questions industrielles de défense une prérogative souveraine des États. Plusieurs facteurs y contribuent : l'importance de la souveraineté nationale, la spécificité du secteur de l'industrie de l'armement, et les difficultés qu'engendrerait inévitablement une implication forte de la commission européenne dans ce domaine.

Il reste que la question ne doit pas, aux yeux de votre rapporteur, être considérée comme définitivement tranchée. S'il s'agit d'un domaine particulièrement sensible et si la convergence nécessaire entre les États et la commission est encore, pour l'heure, peu vraisemblable, il est clair que le maintien en l'état de l'article 223 empêche d'appréhender pleinement la dimension européenne indispensable du problème de l'armement, alors que sa base industrielle est aujourd'hui menacée.

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C. DES MESURES NATIONALES FORTES, COMPLÉMENTAIRES ET INDISPENSABLES

L'objectif européen est donc clairement fixé. La capacité de la France d'aborder les rendez-vous avec nos partenaires en position de force suppose toutefois simultanément des mesures nationales complémentaires forte qui constituent l'un des objectifs majeurs du présent projet de loi. Cinq ensembles de dispositifs doivent à cet égard être mis en place : un vigoureux effort de maîtrise des coûts, le renforcement de nos structures industrielles, l'accompagnement économique et social des restructurations, le soutien de l'État pour une meilleure visibilité des industriels, et la préparation indispensable de l'avenir par un effort de recherche suffisant.

1. L'indispensable réduction des coûts

Maîtriser l'augmentation des coûts des matériels militaires constitue le premier objectif vers lequel tous les efforts doivent converger. Il s'agit là d'une exigence, bien sûr renforcée par les contraintes financières conjoncturelles, mais qui repose surtout sur la nécessité d'échapper au « désarmement structurel » lié à la sophistication toujours plus poussée des équipements et, dans la traduction potentielle ultime de ce phénomène, à la « loi d'Augustine » -du nom d'un ancien président du groupe Martin-Marietta- aux termes de laquelle les États-Unis eux-mêmes ne fabriqueraient plus eux-mêmes, en 2040, qu'un seul avion de combat si les méthodes actuellement utilisées n'étaient pas radicalement modifiées.

Cette réforme en profondeur -qui relève d'une véritable révolution culturelle- est d'autant plus indispensable pour l'industrie française -et européenne- que ses coûts sont actuellement prohibitifs pour deux raisons majeures : une production des matériels dans des séries beaucoup trop réduites, et une surcapacité et une dispersion excessives de nos entreprises de défense.

De surcroît, les spécifications opérationnelles et techniques très ambitieuses émises par les états-majors entraînent des surcoûts très importants, dont les justifications opérationnelles peuvent parfois être discutées et qui aboutissent à des surcoûts devenus aujourd'hui inacceptables.

C'est dans cet esprit que doit être concrètement amélioré le « trilogue » (états-majors - DGA - industriels) pour parvenir, lors de l'expression d'un besoin militaire, à un meilleur rapport coût-efficacité. De même convient-il d'examiner plus systématiquement la possibilité de réaliser des économies substantielles en recourant, pour certains matériels, à des composants civils ou à des technologies duales.

Pour atteindre cet objectif de réduction des coûts, le présent projet de loi de programmation souligne que « des efforts substantiels de productivité sont attendus, tant à la délégation générale pour l'armement que dans les entreprises du secteur » et qu' « un recours systématique aux méthodes modernes d'analyse de la valeur permettra de limiter l'escalade des spécifications opérationnelles et techniques, réduisant d'autant les coûts ».

S'agissant de la DGA, le projet de loi prévoit une réduction de 14 % de ses effectifs budgétaires. Il lui est surtout demandé de diminuer de 30 %, sur la période de la programmation, ses coûts et ses délais d'interventions pour parvenir à une réduction équivalente des coûts et des délais des programmes.

Cet objectif très ambitieux appelle trois observations de votre rapporteur :

- il est très difficile à atteindre, en tout cas de manière systématique et uniforme, mais semble incontournable pour renverser les tendances antérieures et demeurer, à terme, en mesure d'équiper nos forces de matériels en quantité suffisante ; il y va du succès des programmations à venir et donc de la capacité d'atteindre le modèle d'armée retenu pour 2015,

- il suppose une réforme profonde de l'organisation, des moyens d'action de la DGA et de ses relations avec les industriels, qui doit se recentrer sur sa mission première : fournir aux armées les équipements dont elles ont besoin au moindre coût et dans les délais souhaités ; c'est dans cet esprit qu'une réforme de la DGA sera présentée en septembre prochain par le nouveau délégué général pour l'armement ;

- enfin et surtout, cette réduction des coûts de 30 % n'étant pas incluse dans les données chiffrées de la programmation, sa réalisation concrète constituerait pour le budget de la Défense, dans les prochaines années, et plus encore pour les futures programmations, une source d'économies et une marge de manoeuvre financière très substantielle et particulièrement bienvenue.

2. Le renforcement des structures industrielles

C'est le même objectif de compétitivité qui impose l'accélération du renforcement de nos structures industrielles de défense. Les difficultés rencontrées ne doivent pas conduire au repli sur soi ou à une attitude défensive -qui ne pourraient conduire qu'à l'échec- mais au contraire à une vision dynamique et une politique volontariste.

Ce projet doit comprendre -ainsi que le souligne à juste titre le projet de loi- le maintien et le développement des capacités d'innovation que représente le tissu des PME/PMI de haute technologie du secteur de l'armement : c'est là une condition nécessaire à la bonne santé de notre industrie de défense dans l'avenir.

S'agissant des grandes entreprises du secteur, la démarche retenue par le gouvernement repose sur la constitution de quatre grands pôles industriels : le nucléaire, l'aéronautique et l'espace, l'électronique et l'électromécanique.

Les deux décisions majeures d'ores et déjà annoncées, en février dernier et confirmées par le présent projet de loi, concernent l'industrie aéronautique et l'industrie électronique avec la privatisation de Thomson SA et le rapprochement d'Aérospatiale et de Dassault Aviation. Nos entreprises, qui disposent dans ces deux secteurs d'atouts considérables, doivent en effet impérativement se rapprocher dans tous les domaines où cela est possible économiquement et industriellement car il s'agit d'accroître leur compétitivité.

Les objectifs, dans les deux cas, sont clairs :

- préserver les intérêts de la défense nationale,

- maintenir l'intégrité du capital industriel, technologique et humain en développant les synergies indispensables,

- ouvrir des perspectives nouvelles de développement,

- et poursuivre la politique d'alliances, de rapprochements ou de fusions déjà entreprise au niveau européen, comme c'est en particulier le cas entre Aérospatiale et DASA et entre Matra-Défense et British Aerospace.


• La privatisation, d'ici la fin 1996, du groupe Thomson a pour objectif de permettre au groupe, aujourd'hui fortement endetté, de retrouver des marges de manoeuvre stratégiques comparables à celles de ses concurrents et d'assurer ainsi le développement de son potentiel industriel. Elle marque la volonté du Président de la République et du gouvernement de voir le groupe Thomson, réservoir exceptionnel de technologies, constituer dans le domaine de l'électronique, secteur hautement stratégique, un grand pôle capable de participer aux restructurations et aux regroupements nécessaires à l'échelle européenne pour préserver la compétitivité de notre industrie face à la concurrence américaine.

Si aucun schéma de privatisation n'a été arrêté a priori, et s'il n'appartient pas à votre rapporteur de manifester une quelconque préférence entre les différents candidats à cette privatisation -principalement Alcatel et Lagardère Groupe-, l'État doit veiller strictement à la préservation des intérêts essentiels de la défense nationale. Il devra assurer également les meilleures conditions pour que Thomson CSF et Thomson Multimédia puissent, tout au long du processus de privatisation, poursuivre leurs activités nationales et internationales.


• Dans le même esprit, le rapprochement de Dassault Aviation et d'Aérospatiale vise à la constitution d'un groupe aéronautique et spatial français, civil et militaire, capable de jouer un rôle fédérateur au niveau européen et de rivaliser avec les concurrents américains.

Ce ne sera pas, chacun le sait, chose aisée : ne s'agit-il pas ainsi des cinquièmes « fiançailles » annoncées, depuis vingt ans, entre les deux parties ? Mais la rationalisation indispensable, et urgente, du secteur est sans doute à ce prix. Dans cet esprit, des propositions devraient être formulées par un comité stratégique dès le 30 juin prochain. Ce rapprochement devra répondre aux principes suivants :

- sur le plan industriel, il doit procéder d'un véritable projet industriel ; il devra permettre le rapprochement des deux bureaux d'études et, à moyen terme, des capacités de production ; la rationalisation des moyens industriels, des politiques d'achat et de sous-traitance et des stratégies commerciales des deux constructeurs aéronautiques français est, en effet, de nature à doter l'aéronautique française d'une assise technologique, industrielle et commerciale suffisante face à la puissance et à l'agressivité des concurrents américains ;

- sur le plan financier, l'industrie aéronautique et spatiale se caractérise par des investissements technologiques particulièrement coûteux et des marchés fortement cycliques : dans ce contexte, le nouveau groupe industriel devra disposer d'une structure financière solide et pouvoir faire appel aux marchés financiers ;

- sur le plan juridique, enfin, le rapprochement doit aller au-delà d'un simple échange de participations capitalistiques, qui ne déboucherait pas sur la rationalisation industrielle indispensable.

Au-delà même de ces deux premières décisions de restructuration industrielle très importantes, deux questions majeures restent posées :


• es problèmes financiers très importants des entreprises du secteur public qui se traduisent par des demandes de recapitalisation très importantes, notamment pour Giat-Industries (en faible partie satisfaites), pour l'Aérospatiale et pour la SNECMA ; plus de vingt milliards de francs sont en jeu que l'État -c'est l'évidence- ne pourra satisfaire en totalité ; il est clair en tout cas -et le ministre de la défense l'a confirmé devant notre commission- que le financement de ces recapitalisations ne saurait peser sur le budget de la défense et être imputé sur l'enveloppe financière prévue p ar le présent projet de loi de programmation ;


• ensuite, l'avenir de Giat-Industries et de la direction des constructions navales (DCN) ; le gouvernement a accompli, dans les deux cas -au demeurant très différents- un travail, important et nécessaire, de clarification et de concertation ; les décisions qui s'imposent passent nécessairement par de profondes réformes et par des diminutions inévitables d'effectifs compte tenu des surcapacités actuelles.

S'agissant de Giat-Industries, l'objectif-souligne le rapport annexé au projet de loi- est « de retrouver l'équilibre de l'entreprise et d'assurer sa viabilité » en la recentrant et la réorganisant autour de ses métiers principaux (blindés, armes et munitions). Il est précisé que « les adaptations nécessaires seront conduites progressivement mais avec détermination ».

C'est dans cet esprit qu'après des pertes cumulées évaluées par un audit à 11,8 milliards pour les seules années 1990-1994 et une recapitalisation à hauteur de 3,4 milliards en mars dernier, un nouveau plan de restructuration, visant au retour à l'équilibre en 1998, a été annoncé à la fin du mois de mai : portant sur 2 570 suppressions d'emplois réparties sur douze sites sur un total de 11 130 salariés, ce plan vise à éliminer le sureffectif chronique dont souffre Giat-Industries depuis sa création. Il évite toutefois la fermeture de certains sites, souvent considérée comme inéluctable mais touchant des bassins d'emploi déjà fortement atteints, et doit se dérouler en dehors de tout licenciement sec.

S'agissant de la DCN, le projet de loi souligne que « les atouts du service industriel de la DCN seront valorisés par une amélioration de son mode de fonctionnement et par un effort soutenu de productivité et de restructuration ».

Surtout, le groupe de travail sur l'avenir de la DCN mis en place par le ministre de la défense doit préciser les modalités d'une séparation plus claire entre les activités étatiques -2 000 salariés- et les activités industrielles -environ 22 000 salariés- de la DCN et apporter des solutions nécessaires d'adaptation au plan de charge qui fait apparaître un sureffectif important et durable. Ces mesures d'adaptation doivent reposer sur des mesures d'âge, sur la reconversion et sur la mobilité, interne au ministère de la défense ou vers d'autres administrations. C'est dans la perspective de ces décisions, fortes et nécessaires, que le projet de loi prévoit un fonds d'adaptation industrielle pour financer les mesures d'accompagnement social destinées à faciliter l'évolution des effectifs. L'essentiel de ce fonds, d'un montant de 4,8 milliards de francs 1995, sera consacré à la DCN puisque 4,1 milliards -somme importante mais dont la ventilation n'est pas encore établie- y seront affectés. Le solde, soit 700 millions de francs, accompagnera la réduction du format de la direction des applications militaires (DAM) du CEA (qui se traduira notamment, en 1996 et 2000, et sans licenciements par la fermeture des sites de Vaujours et de Lime il).

3. L'accompagnement économique et social des restructurations

Une profonde restructuration de notre industrie de défense est ainsi entreprise. Ses conséquences économiques et sociales seront nécessairement très lourdes -même si l'objectif est d'éviter tout licenciement sec- et frapperont souvent des bassins d'emploi excentrés et peu diversifiés, qui ont bâti leur développement économique sur les productions d'armement.

Un vigoureux dispositif d'accompagnement économique et social était donc nécessaire, ainsi que l'expérience de la restructuration d'autres secteurs industriels dans le passé le soulignait. Les actions à entreprendre se différencient toutefois, à bien des égards, de celles conduites, il y a quelques années, dans le domaine de la sidérurgie en raison à la fois :

- de la haute qualification et de la diversité des métiers en cause,

- de la dispersion géographique des implantations concernées,

- de la variété des situations économiques des entreprises ou établissements industriels en question,

- et de la simultanéité entre ces restructurations industrielles et les restructurations militaires directement liées à la professionnalisation.

Ce dispositif indispensable figure logiquement dans le projet de loi de Programmation militaire dans la mesure où celle-ci précise le format à venir des forces et les équipements, revus à la baisse, dont elles devront disposer. Conformément aux engagements pris par le gouvernement il y a plusieurs mois, le projet de loi prévoit un ensemble de mesures substantielles qui devront aller de pair avec l'accompagnement des restructurations militaires.

a) Le dispositif d'accompagnement économique

Il vise à limiter les déséquilibres engendrés par les restructurations dans les bassins d'emploi concernés par des mesures d'aide au reclassement, par des actions en faveur des PME et de la reconversion des sites touchés.

Trois principes ont été retenus :

- la coordination des actions, dans chaque région, sur la base de conventions conclues entre l'État et la région ; ces conventions, dont plusieurs ont déjà été signées, sont déclinées en protocoles par des bassins d'emplois et animées par un délégué régional ;

- la mobilisation de l'ensemble des acteurs, publics et privés, locaux, nationaux et européens, en vue d'une répartition optimale du financement et la limitation des coûts, autant que possible, pour la collectivité ; un mécanisme de financement spécifique en faveur des PME doit leur permettre d'accéder à des prêts adaptés, en complément des subventions ou des crédits d'origine nationale ou européenne ;

- enfin, l'intervention accrue des sociétés de conversion chargées de créer des activités de substitution dans les bassins d'emplois concernés et qui disposeront de moyens financiers plus importants ; au cours des six années à venir, et compte tenu des moyens destinés à leur fonctionnement, ces sociétés de conversion disposeront au total de 1 285 millions de francs constants 1995.

La capacité d'aide des sociétés de conversion aux projets des PME créatrices d'emplois sera ainsi renforcée. Il faut rappeler que leur financement sera pris en charge par le ministre de l'économie et des finances (à l'inverse du FRED, doté sur les six ans de 942 millions de francs à la charge du ministère de la défense).

b) Le dispositif d'accompagnement social

Il doit s'adresser à la fois aux salariés de droit privé et à ceux qui relèvent du droit public (même lorsque ceux-ci sont, comme à Giat-Industries, employés dans des entreprises).

Pour les premiers, salariés de droit privé placés sous conventions collectives des entreprises concernées, les principales mesures proposées sont : l'aménagement ou la réduction du temps de travail -qui fera l'objet d'incitations renforcées-, les formations favorisant le reclassement interne, l'aide au reclassement externe et l'incitation à la mobilité professionnelle ou géographique.

Pour les seconds, personnels de droit public, trois dispositifs principaux sont proposés : l'application des dispositions existantes sur la cessation progressive d'activité et le dégagement des cadres applicables aux ouvriers d'État, l'extension des possibilités de reclassement, et l'amélioration de la mobilité (mesures d'incitation, gestion interarmées du personnel, ouvertures de postes dans d'autres administrations).

c) Les observations de votre rapporteur

La mise en place de ces dispositifs appelle trois séries d'observations :

La première porte sur l'action de l'État dans ce domaine. Le rôle central qui revient à l'État dans l'industrie de défense lui donne naturellement vocation à être l'animateur et le coordinateur, mais non le seul acteur, d'une stratégie globale d'accompagnement des restructurations. Dans cet esprit, et dans le cadre d'un dialogue permanent avec les élus et d'un processus de coordination interministérielle :

- le délégué interministériel aux restructurations de défense, placé auprès du ministre de la défense et nommé en avril dernier, devra jouer un rôle pivot dans l'indispensable coopération, tandis que la DATAR devra être davantage sensibilisée aux problèmes des industries de défense,

- au niveau régional, des délégués régionaux devront assurer la mise en oeuvre et la coordination des actions entreprises dans le cadre des conventions régionales et des protocoles de bassins d'emploi,

- enfin, des chargés de mission relaieront l'action des délégués régionaux, en liaison notamment avec les correspondants de la DATAR, sur les bassins d'emplois les plus touchés. Il est en effet indispensable que les mesures prises soient adaptées à chaque situation locale afin d'éviter au maximum l'improvisation et de faciliter l'action entreprise par entreprise et bassin d'emploi par bassin d'emploi.

S'agissant en deuxième lieu du calendrier de ces mesures d'accompagnement, il devra être, aux yeux de votre rapporteur, progressif. Aucun temps ne saurait être perdu, et il y a en effet urgence à effectuer la mutation nécessaire, et trop longtemps différée, de notre industrie de défense. Dès lors que les termes de la loi de programmation seront arrêtés et que ses conséquences pourront être précisément évaluées, tous les dispositifs adaptés devront être mis au point sans délai. Mais il est tout aussi clair que leur mise en oeuvre intégrale -et celle des restructurations elles-mêmes- exigera du temps, à la fois pour mettre en place une gestion prévisionnelle des effectifs garantissant le maintien des compétences, pour laisser le temps nécessaire à la concertation entre partenaires sociaux et au dialogue avec les élus locaux, et pour permettre la création effective d'activités nouvelles dans les bassins d'emploi concernés.

Enfin -et c'est naturellement le point le plus délicat- doit être résolue la question du coût global et de l'imputation budgétaire de ces mesures d'accompagnement économique et social.

Le coût est, en l'état actuel des choses, difficile à préciser. Mais il sera, en tout état de cause, très élevé. Les mesures prévues par le présent projet de loi sont très importantes. Leur montant total, pour la partie qui n'incombe pas au budget de la défense et qui relève des procédures de droit commun, reste toutefois difficile à évaluer. Il sera, en tout état de cause, considérable et appelle de votre rapporteur deux remarques :

- ces mesures de restructurations doivent être étalées sur une durée suffisamment longue : leur mise en oeuvre ne devra pas être trop brutale et le financement de l'accompagnement de ces restructurations devra lui-même être étalé sur la durée de six ans correspondant à la période couverte par la loi de programmation ;

- en second lieu, il va de soi que la charge financière de cet accompagnement économique et social ne peut évidemment être supportée par le seul ministère de la défense.

C'est pourquoi il est prévu que le ministère de la défense n'assurera que le financement des mesures destinées aux personnels de ses propres établissements et ne participera que pour partie, avec le FRED, à la reconversion des sites, à côté des collectivités locales, des autres ministères concernés et de l'Union européenne. Les autres mesures d'accompagnement économique et social devront être prises en charge, en ce qui concerne l'État, par les ministères civils compétents.

4. L'indispensable soutien de l'État

Plus généralement, et sans exonérer les industriels de la défense de leurs responsabilités propres, la mise en oeuvre d'une véritable stratégie industrielle de la défense suppose, aux yeux de votre rapporteur, un appui indispensable et vigoureux de l'État.

- Une programmation cohérente et respectée est sans doute, à cet égard, le principal apport que les pouvoirs publics peuvent apporter à l'industrie. Elle seule peut donner au secteur de la défense l'indispensable visibilité à moyen terme dont elle a besoin. Rien ne serait pire pour l'industrie de l'armement que la persistance de l'incertitude, qui demeure depuis de trop longues années, sur la politique suivie par le donneur d'ordre que constitue l'État et qui fait que l'application pure et simple des règles des marchés civils est inadaptée aux problèmes du secteur de l'armement.

C'est dire, une nouvelle fois, l'importance, non seulement du présent projet de loi et de l'enveloppe financière qu'il prévoit pour les dépenses d'équipement, mais aussi de son application fidèle, intégrale et scrupuleuse dans les six prochaines années, sous l'autorité du Président de la République, dans un domaine où les programmes s'étendent en moyenne sur trente à quarante ans.

Il faut, dans le même esprit, souligner et se féliciter de la volonté du gouvernement de développer les commandes pluriannuelles, conformément au voeu souvent exprimé au Parlement. De telles commandes, passées dans le cadre d'une loi de programmation, doivent constituer une garantie extrêmement importante pour les entreprises. Les protégeant contre la remise en cause, à tout moment et de façon unilatérale par l'État, des décisions prises, elles doivent apporter une sécurité nouvelle, et pourtant nécessaire, aux entreprises, à leurs plans de charge et aux emplois qui en dépendent. Elles doivent de surcroît constituer une source d'économies appréciable pour l'État. Les expériences en ce domaine font apparaître des gains se situant entre 5 % et 15 %, avec toutefois des écarts importants selon les types de matériels et la prise en compte du fait que les commandes pluriannuelles ne peuvent pas concerner l'ensemble des dépenses d'équipement des armées. D'après les estimations du ministère de la défense, en faisant l'hypothèse que la moitié des marchés peuvent être conclus sur une base pluriannuelle, plus d'un milliard de francs d'économies pourrait être dégagé de cette procédure. Ces gains ont été pris en compte dans les hypothèses retenues dans la construction de la programmation.

- Un dispositif cohérent d'aide à l'exportation constitue un autre aspect essentiel du soutien que l'État doit apporter aux industries liées à la défense.

Certes, les exportations ne sauraient servir de substitut aux adaptations et aux restructurations indispensables, qu'exigent à la fois la régression du marché mondial et l'impératif de compétitivité. Les grands contrats eux-mêmes ne constitueraient, dans cette hypothèse, que des facilités transitoires.

Il reste que ces exportations constituent une nécessité absolue pour les entreprises concernées et, de manière générale, un atout essentiel pour rendre moins douloureuse la période de transition actuelle.

L'attente, par les industriels, d'un soutien politique et diplomatique actif de l'État est, selon votre rapporteur, légitime. L'exportation d'armements est, en effet, par nature un acte hautement politique. L'attitude constante, et de plus en plus forte, de l'administration américaine en la matière illustre le poids que peuvent avoir les interventions politiques dans ce domaine, y compris auprès des pays européens.

C'est pourquoi les pouvoirs publics doivent afficher clairement un soutien sans faille aux industries de défense à l'exportation. Il doit mobiliser l'ensemble des acteurs concernés : au plus haut niveau de l'État, au ministère de la défense, au ministère des affaires étrangères, au ministère des finances...

Votre rapporteur suggère dans ce domaine l'élaboration d'un véritable plan d'accompagnement à l'exportation qui pourrait notamment inclure la création d'une cellule spécialisée au plus haut niveau pour en assurer la coordination, voire la création d'un poste de secrétaire d'État auprès du ministère de la défense dont le rôle actif à l'étranger permettait d'établir ou de maintenir les contacts politiques nécessaires et préparer notamment des visites à plus haut niveau.

5. La préparation de l'avenir par un effort de recherche-développement satisfaisant

La nécessité de surmonter les difficultés immédiates ne saurait enfin conduire à compromettre la préparation de l'avenir de notre industrie de l'armement et, par là, de notre défense elle-même.

Maintenir un effort de recherche-développement constitue à cet égard un objectif prioritaire car lui seul peut préserver les compétences et la compétitivité de notre industrie de défense à long terme.

Certes, la France doit aujourd'hui faire face à la réduction de ses crédits d'équipement et au développement simultané de très nombreux programmes d'armement. Des choix difficiles doivent donc être effectués pour trouver le plus juste équilibre entre crédits de fabrication et crédits de recherche.

Il reste que la priorité relative accordée depuis quelques années, et poursuivie dans le présent projet de loi, à la production d'armements, conduit à une réduction inquiétante de la part de la recherche dans le budget de la défense. Le financement des études amont, qui a déjà été réduit de 6,15 milliards de francs en 1992 à 5,1 milliards aujourd'hui, serait ainsi limité à 4,3 milliards en 2002, soit une diminution de plus de 15 %.

Plusieurs facteurs rendent cette évolution préoccupante :

- d'abord, parce que l'industrie française de la défense consacre environ 30 % de son chiffre d'affaires à la recherche et au développement et qu'environ les deux tiers de cet effort sont financés par l'État ;

- ensuite, parce que les États-Unis poursuivent un effort de recherche extrêmement important et apportent à leur industrie de défense un soutien financier considérable (de l'ordre de 30 milliards de dollars par an);

- enfin, parce que la recherche militaire permet de développer des technologies évoluées, des technologies critiques et des procédés de fabrication qui, après avoir été développés pour l'industrie d'armement, diffusent largement dans l'ensemble du tissu industriel français.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur souligne la nécessité de ne pas laisser notre effort de recherche-développement décroître en dessous du seuil critique malgré la rareté des ressources budgétaires ; une telle évolution compromettrait la capacité de notre industrie pour les futures générations de matériel et donc sa compétitivité par rapport à ses principaux concurrents, notamment américains.

Il faut, tout particulièrement, allouer aux PME-PMI de la défense qui développent de hautes technologies une proportion suffisante de l'effort de recherche national ; cette proportion est évaluée à environ 10 % du montant global de la recherche de défense alors qu'elle dépasse aujourd'hui à peine 5 %. Ces entreprises de petite taille (moins de 500 personnes) apportent en effet une très grande capacité d'innovation à moindre coût et à moindre délai et détiennent de nombreuses technologies clés qui conditionnent les performances des systèmes d'armes réalisés par les grands groupes.

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LES CONCLUSIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

Les difficultés de mise en oeuvre de la profonde réforme de notre défense qui nous est proposée ne doivent en aucune manière être mésestimées :

- la professionnalisation de nos forces, qui est parfaitement justifiée et, aux yeux de votre rapporteur, tout à fait nécessaire, constitue un bouleversement majeur pour nos armées, tout particulièrement pour l'armée de terre ; la réussite de la politique de recrutement des engagés nécessaires constitue ainsi un enjeu particulièrement important ; des efforts exceptionnels devront être consentis, tant pour l'organisation des forces que pour les personnels ; la période de transition sera, chacun le sait, particulièrement délicate à gérer ; il en résultera en particulier une limitation de nos possibilités d'engagements extérieurs dans les prochaines années dont nous devons être conscients ;

- la réduction des crédits d'équipement aura des conséquences lourdes sur de nombreux programmes et pour chacune des trois armées ; des efforts d'économies systématiques ont été faits et tout a été calculé au plus juste ; comme l'a souligné le général Douin devant votre commission, il ne sera plus possible de différer encore des programmes ou d'en réduire les cibles ;

- l'effort ne s'arrêtera donc pas en 2002 et devra être poursuivi au-delà de cette date pour atteindre le modèle cohérent retenu pour 2015 ; les prochaines programmations seront décisives pour financer des équipements majeurs, et très lourds, qui ont été reportés ; chacune de nos armées sera alors confrontée à de telles "bosses" financières :

- c'est avant tout le problème de la montée en puissance du Rafale et le financement simultané des avions de transport pour l'armée de l'air,

- c'est aussi, pour la Marine, le problème de la permanence de la cohérence du groupe aéronaval, avec la question du second porte-avions,

- c'est encore notamment, pour l'armée de terre, la question de l'aéromobilité dont la modernisation a été différée par le décalage des programmes d'hélicoptères Tigre et NH 90.

C'est dans ce cadre que doit être visé, à terme, l'objectif très ambitieux, et très difficile à atteindre, de réduction des coûts des programmes de 30 % , dont votre rapporteur rappelle qu'il n'est pas pris en compte dans les données chiffrées du projet de loi, en fin de programmation ;

- enfin l'adaptation des structures de notre industrie d'armement, vigoureusement engagée et impérative, n'ira pas non plus sans difficultés ; les conséquences économiques et sociales des restructurations industrielles, comme des restructurations militaires, seront douloureuses ; les mesures d'accompagnement prévues ne pourront qu'atténuer ces conséquences et ce sera, nous le savons, une rude épreuve sur le plan local.

Le pari est donc très ambitieux. Il doit cependant, selon votre rapporteur, être relevé car il s'agit à la fois d'un pari nécessaire -qui aurait d'ailleurs dû être engagé plus tôt- pour bâtir une défense efficace et adaptée pour aborder le XXIe siècle et d'un pari raisonné. Au moins à quatre titres :

- La réforme qui nous est proposée se caractérise d'abord par sa cohérence d'ensemble. La démarche entreprise a un caractère global pour tirer toutes les conséquences des bouleversements stratégiques récents. Elle prend en compte, pour la première fois, tous les aspects de notre défense, qu'il s'agisse du format et des effectifs, des équipements de nos forces, et de l'industrie de défense. C'est là un premier gage de réussite.

- Cette réforme est ensuite caractérisée par son réalisme. Adaptée à nos besoins, elle se veut aussi adaptée à nos moyens. Il aurait, certes, été aujourd'hui plus aisé d'adopter une loi de programmation ignorant les contraintes financières et le contexte de nos finances publiques. L'enveloppe financière qui nous est proposée -185 milliards de francs constants par an-exige, en effet, le report ou la révision à la baisse de nombreux programmes. Mais cet effort systématique d'économies constitue précisément le facteur essentiel de crédibilité de la programmation qui nous est soumise. Cette masse financière reste au demeurant ambitieuse puisqu'elle privilégie les crédits militaires -qui seront maintenus en francs constants- par rapport aux budgets civils et qu'elle vise à stopper la chute des crédits d'équipement constatée, dans les faits, depuis plusieurs années en les stabilisant tout au long des six prochaines années. C'est là un deuxième gage de réussite.

- La réforme qui nous est soumise se caractérise aussi par son caractère progressif. Cette progressivité est indispensable pour accompagner la professionnalisation et la réduction de format de nos armées. Elle est aussi nécessaire pour accompagner de façon satisfaisante l'adaptation de nos structures industrielles. Elle permettra de gérer dans le temps et de préparer avec tout le soin nécessaire les conséquences des restructurations, qu'elles soient militaires ou industrielles. C'est là un troisième gage de réussite.

- Enfin la réforme proposée s'inscrit fondamentalement dans une perspective européenne forte qui touche, là encore, tous les aspects du modèle de défense retenu. La nouvelle organisation de nos forces doit faciliter notre participation à une future défense européenne. Nos équipements s'inscriront également dans une stratégie européenne encore plus marquée, qu'il s'agisse de nos capacités de projection, de nos moyens d'observation ou des moyens de commandement qui doivent être par définition interopérables avec ceux de nos alliés. Enfin, notre stratégie industrielle a pour objectif que nos entreprises s'intègrent dans un véritable marché intérieur européen et que nos équipements soient, chaque fois que possible, réalisés par des entreprises européennes. Cette dimension européenne constitue, aux yeux de votre rapporteur, un autre gage de réussite, peut-être le plus important pour l'avenir.

Pour toutes ces raisons, cette réforme de notre appareil de défense, quelles qu'en soient les difficultés, apparaît à bien des égards exemplaire. La programmation qui nous est soumise, malgré tous les obstacles qu'il faudra surmonter, constitue la rampe de lancement indispensable de l'adaptation de notre défense.

Tel est bien l'enjeu. Nous n'avons dès lors pas le droit à l'erreur. L'échec n'est pas permis.

C'est la raison pour laquelle l'exécution fidèle et intégrale de cette programmation constituera un impératif auquel notre commission devra porter, tout au long des années à venir, la plus grande vigilance. Votre rapporteur est, à cet égard, moins pessimiste que pour les précédentes programmation, pour deux raisons majeures :

- l'enveloppe financière est d'abord, cette fois, raisonnable et réaliste,

- l'engagement personnel du Président de la République, dont le mandat correspond à la période de programmation, constitue ensuite un élément primordial de respect de la loi et un gage de crédibilité essentiel.

Sous le bénéfice de ces observations, votre rapporteur vous invite à approuver le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002.

EXAMEN EN COMMISSION

Votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 12 juin 1996.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Jean Clouet a estimé inapplicable le « rendez-vous citoyen » qu'il était envisagé de substituer à l'actuelle conscription. S'il s'agissait de vérifier l'état de santé des jeunes, la sécurité sociale s'y employait déjà et une nouvelle vérification constituait une dépense inutile. Il a considéré que l'expérience actuelle des » trois jours » démontrait bien les difficultés rencontrées qui justifiaient que ces trois jours aient été réduits progressivement à quelques heures. M. Jean Clouet s'est felicité de ce que l'Assemblée nationale ait substitué le mode conditionnel, en ce qui concernait l'avenir du service national, au futur qui figurait dans le projet de loi initial, reconnaissant ainsi qu'il reviendra à la représentation nationale de définir, à l'automne prochain, les nouvelles modalités du service national. M. Jean Clouet s'est également interrogé sur l'avenir et le rôle de nos porte-avions, compte tenu en particulier du décalage du programme Rafale.

M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que le futur projet de loi sur le service national fixerait la durée du « rendez-vous citoyen ». Il s'est déclaré, pour sa part, favorable à une période très brève. Ce « rendez-vous citoyen » serait utile pour vérifier l'état de santé des jeunes, mais aussi pour les informer sur les armées. Il permettrait ensuite de ne pas faire disparaître un instrument de recensement qui pourrait s'avérer utile dans un avenir toujours incertain.

M. Bertrand Delanoë a remercié le rapporteur d'avoir présenté clairement ses choix et son analyse sans recourir à de faux-fuyants, y compris sur la réforme du service national prise en compte par la présente programmation. Il s'est également félicité de l'importance accordée au spatial et au renseignement dans le projet de loi, en soulignant cet aspect indispensable à la modernisation de notre défense.

M. Bertrand Delanoë s'est toutefois déclaré en désaccord sur les finalités de cette programmation. A son avis, la modernisation de notre appareil de défense et sa professionnalisation n'étaient pas conduites comme il convenait ; ainsi, l'importance de la défense du territoire lui apparaissait-elle insuffisamment prise en compte eu égard aux risques à venir. Il a par ailleurs regretté que l'Allemagne soit appelée à être désormais le seul pays à disposer de véritables forces conventionnelles pour assurer la protection du territoire européen.

M. Bertrand Delanoë a déclaré partager les interrogations du rapporteur sur l'avion de transport européen. La suppression de tout crédit de développement sur ce projet n'était bonne ni pour la défense, ni pour l'industrie européenne. Il semblait dès lors probable qu'on achèterait des appareils C 130 J américains, ce qui serait grave pour l'indépendance politique et militaire de l'Europe. Par ailleurs, tout en se déclarant favorable au développement des aides à l'exportation pour les industries d'armement, M. Bertrand Delanoë a estimé que cette programmation aboutissait à affaiblir notre potentiel à l'exportation. M. Bertrand Delanoë a enfin estimé que cette loi constituerait un risque militaire important pour les six ans à venir. Il avait ainsi relevé, à l'occasion des auditions de la commission, que la France ne pourrait pas, pendant ces six années, jouer son rôle, notamment en Méditerranée. M. Bertrand Delanoë a conclu son propos en indiquant qu'il s'opposerait au présent projet de loi de programmation militaire.

En réponse au commissaire, M. Xavier de Villepin, président, a rappelé que les Allemands se posaient également des questions quant à l'avenir de leur système de défense et qu'ils devaient compter avec un nombre extrêmement élevé d'objecteurs de conscience. S'agissant de la Méditerranée, il a rappelé qu'avec la France, l'Italie et l'Espagne se préoccupaient de l'avenir géostratégique de cette zone, et fait observer que l'Eurofor et l'Euromarfor avaient été construites dans ce souci. Il a enfin estimé que, selon lui, le seul moyen constructif de s'opposer au projet de loi de programmation militaire aurait été de proposer un autre plan tenant compte des contraintes budgétaires actuelles.

M. Hubert Falco a regretté le retard dans la mise à disposition du premier escadron de Rafale pour l'armée de l'air. Il a estimé que ce retard risquerait de pénaliser nos capacités d'exportation. Il a attiré l'attention de la commission sur l'intérêt de l'article additionnel introduit par l'Assemblée nationale dans le projet de loi, tendant à étendre, au profit des petites et moyennes entreprises de l'industrie aéronautique militaire, le bénéfice de prêts Codevi à hauteur de 8,5 milliards de francs. Cette modalité de financement pourrait s'avérer très utile pour stimuler nos capacités d'exportation. M. Hubert Falco a souligné qu'il était possible que le ministère des finances soit hostile à cette mesure, ce qui nécessiterait une grande vigilance de la part de la commission.

M. Serge Vinçon a estimé qu'il s'agissait d'un projet de loi courageux qui faisait des choix importants. Il a rappelé que le principe même de toute programmation était essentiel non seulement pour les stratégies industrielles, mais aussi pour le moral de nos forces. Il importait désormais que cette loi soit fidèlement exécutée ; il a rappelé, à cet égard, que le gouvernement présenterait au Parlement un rapport annuel sur les conditions d'exécution de cette programmation, allant dans le sens des propositions formulées lors de l'examen de la précédente loi de programmation.

M. Yvon Bourges a tout d'abord indiqué qu'il suivrait les conclusions du rapporteur avec une conviction totale. Il a regretté que, dans le passé, on ait donné l'impression de poursuivre une politique immuable, alors que la disparition du bloc communiste avait créé une situation géostratégique totalement nouvelle. Il s'est par conséquent félicité de ce que le présent projet de loi soit l'occasion de prendre en compte cette nouvelle situation. Dans l'hypothèse d'un retour à une menace majeure en Europe, la France ne serait d'ailleurs pas seule ; elle aurait avec elle les forces importantes de ses partenaires européens. Il a souligné que cette loi se distinguait des précédentes en ce qu'elle couvrait tout à la fois les crédits du fonctionnement et les crédits d'équipement. Le Président de la République, en se portant garant du respect des crédits prévus dans cette loi, lui apportait toute sa crédibilité.

M. Yvon Bourges a estimé que l'intérêt du « rendez-vous citoyen », qui incluait en effet un bilan de santé de la jeunesse, n'était pas négligeable ; il permettrait également d'informer les jeunes et de les aider dans leur vie professionnelle. Il a estimé que, si notre force aéronavale devait être transitoirement affaiblie, son rôle consistait moins à assurer la défense du territoire qu'à permettre à la France de maintenir sa liberté d'action dans le monde. Evoquant les mesures destinées à aider les industries liées à l'armement, il a fait observer que les effectifs des industries d'armement en région Bretagne étaient équivalents à ceux employés dans le secteur agroalimentaire. Il s'est félicité de la désignation d'un délégué interministériel aux restructurations ainsi que de la signature de conventions entre l'État et les régions sur ce sujet.

M. Yvon Bourges a enfin estimé que cette loi constituait un minimum et que, si la situation économique le permettait, ce serait en premier lieu le budget de la défense qui devrait en bénéficier. M. Yvon Bourges a enfin souhaité une approbation massive du présent projet de loi par le Sénat.

M. Michel Caldaguès a souligné le caractère volontariste de la présente loi de programmation, compte tenu des très fortes contingences budgétaires auxquelles le gouvernement était confronté. Evoquant la perspective européenne de ce projet, M. Michel Caldaguès a estimé que le calendrier de la monnaie unique était notamment à l'origine du nivellement de notre spécificité militaire, compte tenu des contraintes budgétaires que ce calendrier faisait peser sur nos choix. Ce calendrier, selon lui, était un héritage du passé, comme l'était d'ailleurs également le « guêpier » de l'ex-Yougoslavie qui avait coûté à notre pays plus cher que le prix d'un second porte-avions. M. Michel Caldaguès a estimé qu'il ne serait plus possible, désormais, de s'engager dans une nouvelle aventure du type de l'ex-Yougoslavie.

M. Michel Caldaguès a enfin souhaité obtenir du gouvernement des précisions sur le coût du « rendez-vous citoyen », sachant qu'il reviendrait à la présente loi de programmation d'amortir toutes les dépenses nouvelles qui surviendraient du fait de l'organisation de ce « rendez-vous ».

M. Claude Estier, en réponse à M. Michel Caldaguès, qui évoquait « l'héritage » de la monnaie unique, a souligné que le Président de la République et le Premier ministre avaient déclaré que les efforts budgétaires étaient nécessaires en eux-mêmes, indépendamment du traité de Maastricht et du projet de monnaie unique. Il a confirmé que son groupe s'opposerait au présent projet de loi.

M. Jacques Genton a souligné que sa non-candidature au rapport sur la présente programmation ne signifiait évidemment pas un quelconque désintérêt de sa part sur les questions de défense. Il a estimé que cette loi confirmait le bien-fondé de toute loi de programmation. Il a souligné que celle-ci prenait pleinement en compte l'avenir de nos industries de défense, ce qui constituait une innovation importante. Il a indiqué qu'il voterait le présent projet de loi.

M. Xavier de Villepin, président, a indiqué qu'il avait décelé, au cours de ses différents entretiens, la ferme volonté des militaires de réussir l'adaptation qui leur était demandée, malgré les difficultés importantes qu'elle présentait ; il s'est déclaré par ailleurs optimiste sur la future coopération européenne dont l'accord entre le Président de la République et le Chancelier allemand dans le domaine spatial constituait un symbole particulièrement important.

La commission a alors adopté l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier - Approbation du rapport annexé sur les orientations de la politique de défense

L'article premier a pour objet d'approuver et de donner valeur législative au rapport annexé au projet de loi de programmation. Ce dernier a pour rôle de préciser les orientations de la politique de défense, au-delà du dispositif comme à l'accoutumée très limité du projet de loi de programmation proprement dit, en décrivant le contexte géostratégique dans lequel il s'inscrit, l'analyse qui en découle et en précisant les principales orientations et les dispositions chiffrées relatives aux choix opérés en matière de défense.

Le rapport annexé évoque successivement :

- en introduction : les grandes lignes de la réforme engagée pour la réorganisation et la redéfinition de nos moyens de défense ;

- la première partie est relative au cheminement vers un nouveau modèle d'armée : le nouvel environnement stratégique y est analysé ainsi que le cadre politique et les grands choix internationaux dans lesquels s'inscrira notre politique de défense. Les grandes fonctions opérationnelles de nos forces sont précisées ainsi que les conséquences qu'elles entraînent : la professionnalisation, la coopération internationale et le modèle de référence assigné à notre armée à l'horizon 2015 ;

- la deuxième partie décrit les principales caractéristiques de la programmation militaire 1997-2002 et en précise le contenu : programmation de l'ensemble des moyens de la défense ; passage à l'armée professionnelle ; adaptation de l'équipement de nos forces à leur nouveau format ; restructuration de notre outil industriel et mesures d'accompagnement économique et social.

Tous ces points, qui ont été analysés par votre rapporteur dans le rapport ci-dessus, n'appellent pas ici de commentaires supplémentaires.

Les principaux amendements adoptés par l'Assemblée nationale sur cet article premier -rapport annexé- ont notamment pour objet :

- de tirer les conséquences de la proposition du Président de la République concernant le nouveau service national : suppression du service militaire obligatoire, remplacé, dans des conditions à définir ultérieurement, par une période obligatoire courte et par des formes civiles et militaires de volontariat ;

- concernant notre capacité de dissuasion, de préciser que le format de la Force océanique stratégique serait ramené à au moins quatre SNLE ;

- que la Marine, en 2015, s'articulerait, notamment, autour d'un groupe aéronaval composé de 2 porte-avions « si les conditions économiques le permettent », et sera équipée de 3 avions de guet embarqués Hawkeye et de 60 Rafale ;

- de préciser que l'enveloppe financière de 185 milliards de francs constants 1995 allouée à la défense ne comprendrait :

. ni le financement des formes civiles du volontariat,

. ni la contribution du ministère de la défense au titre du budget civil de recherche et de développement (BCRD),

. ni les sommes nécessaires à la recapitalisation des entreprises publiques de défense,

. ni les crédits de reconversion des bassins d'emploi concernés par les restructurations, à l'exception des crédits du FRED -Fonds pour la restructuration de la défense,

- de préciser que les effectifs globaux futurs de la gendarmerie (97 880 en 2002) ne comprenaient pas les emplois dont la création est financée par les fonds de concours versés par les sociétés concessionnaires d'autoroutes,

- de confirmer le droit à la « seconde carrière des militaires »,

- d'inscrire dans le texte la poursuite du développement de l'hélicoptère NH90, du développement et des fabrications du Rafale, et enfin le développement du missile antinavire futur, destiné à remplacer l'Exocet,

- d'inscrire le principe du reclassement de fonctionnaires, d'ouvriers d'État et d'ouvriers sous décret de l'industrie sur une partie des postes libérés par des militaires au profit de civils,

- de prévoir l'association des organisations syndicales aux décisions sur l'utilisation des crédits consacrés aux restructurations.

Votre commission vous propose d'adopter le présent article.

Art. 2 - Fixation des moyens affectés à la défense pour les années 1997 à 2002

L'article 2 du projet de loi fixe, pour chacune des années de la programmation 1997-2002, le montant des dépenses ordinaires et des dépenses en capital, en autorisations de programme et en crédits de paiement, tels qu'ils seront inscrits en lois de finances initiales du ministère de la défense. Le montant annuel s'élèvera à 185 milliards de francs constants valeur 1995, à hauteur de 99 milliards pour le titre III et de 86 milliards pour les titres V et VI. Ces montants seront actualisés chaque année par application de l'indice du prix à la consommation hors tabac retenu par la loi de finances pour chacune des six années de la période.

Il convient de préciser que cette présentation innove en ce qu'elle définit, pour les trois titres de la programmation III, V et VI, des montants précis, en autorisations de programme et en crédits de paiement. Il s'agit par ailleurs de crédits budgétaires, indépendamment des crédits de reports ou des fonds de concours. Votre commission vous propose d'adopter le présent article.

Art. 2bis (nouveau) - Evolution des effectifs militaires de 1997 à 2002

Cet article, adopté par l'Assemblée nationale sur proposition du gouvernement, tire la conséquence de la double décision proposée par le Président de la République le 22 février, puis le 28 mai derniers, au vu des propositions de chacune des deux Assemblées et des résultats du débat national sur l'avenir du service national. Il s'agit de la professionnalisation de nos forces et du maintien d'un service volontaire pour les armées, qui entraînent notamment la réduction progressive sur six ans du nombre des jeunes du service national de 169 525 appelés à 27 171 volontaires. Il précise également, catégorie par catégorie, les étapes de la réduction du format général des armées, qui passera, en six ans, de 548 508 à 440 206 personnes, civiles et militaires.

Cet article précise par ailleurs l'effectif de 100 000 réservistes à l'horizon 2002.

Cet article essentiel propose donc de traduire sur le plan des effectifs la transformation d'un système de défense fondé sur la conscription, au profit d'une armée professionnelle, plus compacte mais plus disponible, en cohérence avec les nouveaux enjeux stratégiques. Votre commission vous propose d'adopter le présent article.

Art. 3 - Exécution de la loi de programmation

Cet article prévoit que, simultanément au dépôt du projet de loi de finances, le gouvernement présentera chaque année au Parlement un rapport sur l'exécution de la présente loi de programmation.

Cet article reprend une disposition très opportune insérée en 1994, à la suite d'un amendement parlementaire, dans la précédente loi de programmation en vue d'assurer un meilleur suivi de l'exécution de la programmation et une meilleure information du Parlement.

L'Assemblée nationale a élargi le contenu de ce rapport, au delà de l'exécution de la loi de programmation proprement dite, aux mesures d'accompagnement économique et social.

Elle a également précisé que ce rapport pourrait inclure une révision des échéanciers des programmes industriels et que, tous les deux ans, son dépôt serait l'occasion d'un débat au Parlement sur l'exécution de la loi de programmation militaire. Votre commission vous propose d'adopter le présent article.

Article 4 (nouveau) - Encouragement des exportations de l'industrie aéronautique militaire

L'Assemblée nationale a créé cet article additionnel après l'article 3 qui modifie le deuxième alinéa de l'article 7 de la loi n° 83-607 du 8 juillet 1983 portant diverses dispositions relatives à la fiscalité des entreprises et à l'épargne industrielle.

L'objectif de cette disposition est d'encourager, au profit des entreprises du secteur aéronautique, les investissements d'industrialisation, lorsqu'ils visent à l'exportation des matériels aéronautiques militaires et sont effectués au profit des PME.

Le financement serait assuré à partir des prêts Codevi, dans la limite de 8,5 milliards de francs, soit 5 % du montant total des dépôts réalisés au titre des Codevi (168 milliards de francs).

Votre commission ne peut qu'être favorable à l'objectif poursuivi qui tend à stimuler un secteur qui traverse une phase difficile. Sous réserve que les modalités retenues par l'Assemblée Nationale apparaissent les mieux adaptées techniquement, votre commission vous propose d'adopter le présent article.

Article 5 (nouveau) - Rapport sur les aides à l'exportation de matériels de défense

Par cet article, l'Assemblée nationale a prévu que le gouvernement présentera au Parlement, avant la fin de l'année 1996, un rapport sur les mesures d'aide et de soutien à l'exportation des matériels de défense.

Compte tenu de l'importance que représente pour nos entreprises le développement de leurs capacités d'exportation, la mise en place par le gouvernement de mesures propres à promouvoir l'exportation des matériels de défense est essentielle. Votre commission vous propose d'adopter le présent article.

Votre commission a adopté l'ensemble du projet de loi.

TABLEAU COMPARATIF Tableaux de la page 28/55

Texte du projet de loi

Tableau d'effectifs selon les deux hypothèses envisagées

Tableau d'effectifs selon les deux hypothèses envisagées

Texte adopté par l'Assemblée nationale

Evolution des effectifs par armée ou service et par catégorie

entre 1996 et 2002

Tableau de la page 29/55
Texte du projet de loi

Tableau d'effectifs annualisés et ventilés par catégorie

Hypothèse d'un service obligatoire

1997

1998

1999

2000

2001

2002

officiers sous-officiers militaires du rang

38 499

212 507

51 863

38 481

210 099

59 874

38 453

207 820

68 078

38 382

204 919

76 342

38 353

201 928

84 438

38 324 199130

92 252

total militaires de carrière ou sous contrat

302 869

308 454

314 351

319 643

324 719

329 706

civils

73 976

74 241

74 709

76 194

77 225

77 218

jeunes du service national

179419

154 619

112 595

70 871

49 182

39 575

total général

556 264

537 314

501 655

466 708

451 126

446 499

Hypothèse d'un volontariat

1997

1998

1999

2000

2001

2002

officiers sous-officiers militaires du rang

38 523

213 369

52 216

38 527

211 532

60 054

38 475

208 842

68 443

38 403

205 234

76 156

38 306

202 353

83 439

38 189

199 296

91 327

total militaires de carrière ou sous contrat

304 108

310 113

315 760

319 793

324 098

328 812

civils

74 875

76 241

77 729

79 514

80 996

81 823

jeunes du service national

169 525

137 672

103 496

74 577

47 107

27 171

total général

548 508

524 026

496 985

473 884

452 201

437 806

Texte adopté par l'Assemblée nationale

Evolution annuelle des effectifs par catégorie
entre 1996 et 2002

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

officiers sous-officiers militaires du rang

38 456

214 828

44 552

38 523

213 369

52 216

38 527

211 532

60 054

38 475

208 842

68 643

38 403

205 234

76 606

38 306

202 353

84 239

38 189

199 296

92 527

total des militaires de carrière ou sous contrat

297 836

304 108

310 113

315 960

320 243

324 898

330 012

civils

73 747

74 875

76 241

77 929

79 964

81 796

83 023

appelés et volontaires

201 498

169 525

137 672

103 496

74 577

47 107

27 171

total général

573 081

548 508

524 026

497 385

474 784

453 801

440 206

* 2 Serge Vinçon, L'avenir du service national, n° 349, 1995-1996.

* 3 Il est probable, en effet, que 80 % de l'encadrement du « rendez-vous citoyen » incombent à la Défense.

* 4 Matériels en ligne

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