C. LA CONDAMNATION DE LA FRANCE POUR SON RETARD À REMPLIR SES OBLIGATIONS EUROPÉENNES

1. La totalité des dispositions communautaires n'a pas encore été transposée en droit français

Les directives « travaux » et « recours secteurs classiques » sont totalement transposées, ainsi que la directive « opérateurs de réseaux », pour ce qui concerne les travaux et les fournitures.

Les directives « fournitures » et « recours opérateurs de réseaux » sont globalement transposées et le seront totalement après l'adoption des adaptations mineures contenues dans le présent projet de loi.

Seuls la directive « services » et les aspects de la directive « opérateurs de réseaux » qui concernent les services n'ont encore fait l'objet d'aucune transposition, bien que les dates limites de transposition (respectivement le 14 juin 1994 et le 14 juin 1993) soient déjà dépassées.

2. La France a fait l'objet d'une condamnation en manquement par la Cour de justice des Communautés européennes, le 2 mai 1996

a) L'article 169 du Traité instituant la Communauté européenne

Le Traité de Rome a donné aux instances communautaires les moyens de s'assurer de la bonne application par les États membres du droit communautaire.

Il s'agit des articles 169, 170 et 171 du Traité instituant la Communauté européenne.

En particulier, l'article 169 du traité dispose que :

« Si la Commission estime qu'un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité, elle émet un avis motivé à ce sujet après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations.

Si l'État ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice. »

Le déclenchement de la procédure

C'est à la Commission, en tant que gardienne des traités, que revient l'initiative de la procédure. Elle décide souverainement de l'opportunité des poursuites, mais dispose de plusieurs canaux pour détecter les infractions à la bonne application du droit communautaire :

- cas décelés d'office: les différentes directions générales de la Commission relèvent dans leur travail les infractions dont elles peuvent avoir à connaître (lecture de la presse nationale, des journaux officiels des États membres) ;

- les plaintes des particuliers qui peuvent dénoncer à la Commission les infractions dont ils sont victimes. La Commission a édité ainsi un modèle de « plainte auprès de la Commission des Communautés européennes pour non-respect du droit communautaire » ;

- les questions parlementaires et les pétitions au Parlement européen ;

- les rapports des commissions d'enquête parlementaires du Parlement européen ;

- les dénonciations officieuses des États membres.

La phase pré-contentieuse

Si elle suspecte une infraction, la Commission envoie à l'État membre une « lettre de mise en demeure » , identifiant la violation présumée et lui fixant un délai pour formuler ses observations (généralement deux mois). Dans la pratique, la mise en demeure prévue à l'article 169 est généralement précédée d'un échange de correspondances entre la Commission et l'État membre suspecté d'infraction ; ce n'est que si cet échange n'aboutit pas à un règlement amiable que la procédure de l'article 169 est formellement entamée.

Si l'État n'élimine pas le manquement ou si la Commission n'est pas convaincue par les explications fournies par l'État membre, la Commission lui envoie alors un « avis motivé » qui a pour objet de définir l'objet du litige. Il doit préciser les raisons de fait et de droit pour lesquelles la Commission estime qu'il y a manquement, indiquer les mesures que la Commission juge nécessaires pour y mettre fin et fixer un délai que la Commission impose à l'État membre pour se conformer à ses obligations (généralement deux mois).

La phase précontentieuse est, en général, efficace pour régler les litiges à l'amiable, puisque 70 % des avis motivés ne donnent pas lieu à un arrêt en manquement.

La phase contentieuse

Si l'État membre n'a pas éliminé l'infraction dans le délai fixé par l'avis motivé, la Commission peut saisir la Cour de justice d'un recours visant à la constatation juridictionnelle du manquement.

L'arrêt par lequel la Cour constate le manquement de l'État concerné a une autorité absolue, c'est-à-dire que les particuliers peuvent l'invoquer devant les tribunaux nationaux en vue de faire déclarer inapplicables les dispositions nationales qui seraient en opposition avec le droit communautaire.

b) La condamnation de la France pour non transposition des directives sur les marchés publics

La Commission européenne a engagé une procédure de recours en manquement sur le fondement de l'article 169 pour non transposition par la France des directives n° s 92-50 dite « services » et 93-38 dite « opérateurs de réseaux ».


En ce qui concerne la directive « services » , la France a été condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes, le 2 mai 1996.

La Cour a également constaté le manquement à transposer la directive « services » de la Grèce et de l'Allemagne.

Une procédure d'infraction est en cours contre le Royaume de Belgique.

La Commission vérifie actuellement les mesures de transposition opérées par l'Espagne, l'Irlande, l'Autriche, le Portugal, la Finlande, la Suède et la Grande-Bretagne.

En revanche, le Danemark, l'Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas ont, d'ores et déjà, satisfait à leurs obligations de transposition.


En ce qui concerne la directive « opérateurs de réseaux » , n° 93-38, la procédure du recours en manquement contre la France est en cours, au stade de « l'avis motivé » (phase pré-contentieuse). Un autre arrêt en manquement contre la France est donc probable.

3. La menace de la procédure de l'article 171

Si la France tardait encore trop à transposer la directive « services », la Commission pourrait engager contre elle une nouvelle procédure en manquement mais, cette fois, sur le fondement de l'article 171 du Traité instituant la Communauté européenne, tel qu'il a été modifié par le Traité de Maastricht sur l'Union européenne.

LE NOUVEL ARTICLE 171 DU TRAITÉ DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

- lorsqu'un État membre a été convaincu de manquement, il doit prendre les mesures pour faire cesser ce manquement ;

- la Commission peut lui adresser un avis motivé si elle estime qu'il n'a toujours pas rempli ses obligations, en lui fixant un délai pour se mettre en règle ;

- passé ce délai, la Commission peut saisir la Cour de justice en indiquant le montant de la somme forfaitaire ou de l'astreinte qu'elle estime devoir être payée par l'État membre concerné ;

- si la Cour de justice reconnaît que l'État membre concerné ne s'est pas conformé à son arrêt, elle peut lui infliger le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte.

La France pourrait donc se voir condamnée à verser une amende ou des astreintes si elle persistait à ne pas transposer la directive « services » n° 92-50.

Bien que cette procédure n'ait encore jamais été utilisée depuis son inscription dans le Traité en 1992 -ce qui d'ailleurs laisse le mystère entier quant au montant probable des sanctions financières infligées-, il ressort des informations fournies à votre rapporteur par le Gouvernement que la Commission européenne soit décidée à l'utiliser. Elle rédigerait actuellement sa lettre de « mise en demeure » à l'État français, première étape de la procédure de l'article 171.

Il importe donc de remplir enfin les obligations souscrites par la France lors de l'adoption des directives en 1992-1993. C'est l'objet du présent projet de loi.

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