2. La réforme des relations entre l'État et l'assurance maladie : dans l'attente d'une convention d'objectifs et de gestion

L'ordonnance n° 96-344 du 24 avril 1996 portant mesures relatives à l'organisation de la sécurité sociale a prévu deux grandes réformes.

D'une part, elle renforce les structures de l'assurance maladie afin de les rentre mieux à même de mettre en oeuvre la maîtrise des dépenses de santé. Il s'agit notamment de la création des unions de caisses régionales d'assurance maladie ainsi que du renforcement du contrôle médical 18 ( * ) et de l'autorité des directeurs de caisses locales.

D'autre part, elle réforme profondément les relations entre l'État et l'assurance maladie grâce à une clarification des rôles et des responsabilités.

L'analyse de la mise en oeuvre de cette ordonnance demeurera fort théorique. En effet, au sein du premier volet, seul le décret relatif au renforcement du contrôle médical a été publié. Et, pour le deuxième volet, l'ordonnance prévoit que les conventions d'objectifs et de gestion n'entreront en application qu'à compter du 1er janvier 1997. Une incertitude plane donc sur leur contenu, alors que le conseil d'administration de la CNAMTS vient d'interpeller le Gouvernement au sujet de propositions de réforme de la nomenclature.

a) L'assurance maladie devrait disposer de moyens nouveaux pour mieux garantir la maîtrise des dépenses.


Dans l'immédiat : le renforcement du contrôle médical

Ce renforcement a été prévu par le titre V de l'ordonnance n° 96-345 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins ; il est d'ores et déjà entré en vigueur, le décret n° 96-786 du 10 septembre 1996 étant venu préciser ses dispositions.

Celles-ci présentent deux avantages :

- d'une part, l'efficacité du contrôle est améliorée ;

- d'autre part, la procédure de sanction est médicalisée grâce à la création d'un comité médical régional.

L'article 10 de l'ordonnance prévoit que « le contrôle médical porte sur tous les éléments d'ordre médical qui commandent l'attribution et le service de l'ensemble des prestations de l'assurance maladie, maternité et invalidité ».

Il reçoit pour mission de procéder à l'analyse, sur le plan médical, de l'activité des établissements et professionnels de santé et de constater les abus en matière de soins, de prescriptions d'arrêts de travail et d'application de la tarification des actes et autres prestations.

Afin de donner toute garantie aux médecins concernés, la procédure de sanction est médicalisée : elle passe par un comité médical régional, saisi par le contrôle médical.

Ce comité est composé de deux représentants désignés par la section correspondante (généraliste ou spécialiste, selon l'activité du médecin concerné).

Il se prononce sur la matérialité des faits et les sanctions à prendre : son avis s'impose à la caisse d'assurance maladie.


• La nouvelle autorité du directeur de la caisse nationale

L'ordonnance n° 96-344 a prévu plusieurs mesures tendant à renforcer l'autorité des directeurs de caisses et la cohérence du réseau constitué par les caisses nationales et les caisses locales du régime général.

La disposition essentielle concerne le mode de nomination des directeurs des caisses locales.

Il appartient en effet désormais aux directeurs des caisses nationales de proposer aux conseils d'administration des caisses locales une liste de trois noms parmi lesquels devra choisir le conseil. De même, il peut être mis fin aux fonctions des directeurs des caisses locales par le directeur de la caisse nationale, le conseil d'administration local étant simplement consulté.

Un tel renforcement de l'autorité du directeur de la CNAM devrait notablement contribuer à améliorer la cohérence des politiques menées par la caisse nationale et améliorer ainsi la mise en oeuvre de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.


En 1998 : la création des unions régionales des caisses d'assurance maladie

Préfiguration des instances régionales d'une éventuelle assurance maladie universelle, les unions régionales des caisses d'assurance maladie seront créées avant le 1er janvier 1998. Ces unions seront chargées de définir une politique de gestion commune du risque au niveau régional et de coordonner l'activité des services du contrôle médical de l'ensemble des caisses des régimes obligatoires de base d'assurance maladie.

L'article 22 de l'ordonnance prévoit en outre que les unions pourront être chargées de la mise en oeuvre, dans le cadre régional, des dispositifs de régulation prévus par la convention médicale ou ses annexes, c'est-à-dire les références médicales opposables et l'objectif d'évolution des dépenses.

Des références professionnelles et des objectifs de dépenses existant ou devant exister prochainement pour d'autres professions (chirurgiens-dentistes, masseurs-kinésithérapeutes...), on comprend mal pourquoi la mission des unions régionales de caisses est ainsi limitée à l'activité des médecins.

Les mesures réglementaires nécessaires à la mise en place des unions n'ont pas été encore publiées. Compte tenu des délais d'installation prévus par l'ordonnance (1er janvier 1998), les unions ne pourront accomplir leur mission, notamment en ce qui concerne l'activité des médecins, au cours de l'année prochaine.

b) Une convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la CNAMTS entrera en application au 1er janvier 1997

La loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale avait fait un premier pas dans la direction d'une plus grande transparence des relations entre l'État et l'assurance maladie, en instituant notamment la séparation des branches du régime général et en posant le principe d'une compensation par l'État des conséquences financières des mesures prises en faveur de l'emploi.

L'ordonnance n° 96-344 approfondit cette démarche en contractualisant les relations entre l'État et l'assurance maladie.

Elle prévoit en effet que, dans le respect des lois de financement de la sécurité sociale, l'État conclut avec les caisses nationales d'assurance maladie (régime général, non salariés, professions agricoles) une convention d'objectifs et de gestion comportant des engagements réciproques des signataires pour une durée de trois ans.

Dans le respect des lois en vigueur, ces conventions détermineront, non seulement des objectifs pour la caisse (objectifs en matière de gestion du risque, de qualité du service rendu aux usagers...) mais aussi les moyens dont elle disposera pour les atteindre. Elle comprendra aussi la liste des orientations pluriannuelles du Gouvernement en matière de santé publique, de démographie médicale et de politique du médicament.

Cette convention sera complétée par un avenant annuel précisant, en fonction de l'objectif d'évolution des dépenses d'assurance maladie adopté par le Gouvernement et de l'arbitrage gouvernemental sur la répartition de cet objectif entre l'hospitalisation et la médecine de ville, l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses de soins de ville.

Cet objectif englobera les honoraires des médecins, des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes, la rémunération des directeurs de laboratoires et des auxiliaires médicaux. Il comprendra aussi la rémunération des soins dispensés dans les établissements privés et tarifés à l'acte ainsi que les honoraires des praticiens exerçant en secteur privé à l'hôpital public. Enfin, il englobera les prescriptions des professions médicales et les prestations en espèces de l'assurance maladie.

L'ordonnance prévoit que l'avenant fixera l'objectif « soins de ville » et « les modalités de sa mise en oeuvre ». Ceci n'ira pas jusqu'à la déclinaison de l'objectif pour chacune des professions concernées : celle-ci ressortira de la négociation conventionnelle entre les caisses et les professionnels.

La convention et ses avenants viendront clarifier et alléger l'exercice de la tutelle de l'État sur l'assurance maladie et améliorer ainsi l'efficacité du système de protection sociale dans le respect d'objectifs de politique de santé.

Elles permettront ainsi une évaluation périodique et contradictoire des résultats obtenus.

La prochaine entrée en vigueur de la convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la Caisse nationale maladie des travailleurs salariés devait conduire à éviter, à l'avenir, l'expression publique de malentendus comparables à ceux qui se sont manifestés à l'automne à la suite de réactions des professionnels de la santé au plan d'économies proposé par la CNAMTS à la suite d'une demande du Gouvernement.

L'affichage des intentions gouvernementales au sujet des transports sanitaires et des visites de nuit des médecins, suivi de la réaction du conseil d'administration de la CNAMTS a pu laisser à penser, dans l'opinion publique, qu'il existait des divergences importantes dans la manière de gérer la protection sociale.

Avec les conventions d'objectifs et de gestion, l'existence d'une ligne de partage de compétences négociée et exprimée clairement, dans le respect des dispositions constitutionnelles et législatives permettra au Gouvernement, à la CNAMTS et à l'opinion publique de disposer de repères fiables et durables.

* 18 Titre V de l'ordonnance n° 96-345

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