II. APPRÉCIATIONS

Le budget annexe de l'aviation civile a suscité au cours du temps de plus en plus de réserves qui se sont traduites par une succession de contentieux qu'une meilleure écoute des observations de la Cour des Comptes et du Parlement aurait peut-être permis de prévenir.

La très forte croissance du BAAC qui, depuis sa création a enregistré une augmentation de ses dépenses de 34,1 % , s'est produite dans le contexte d'un accroissement des difficultés traversées par ses "clients". Cela a engendré incompréhension et frustrations.

L'amalgame dans une même structure budgétaire de missions diverses dans leur nature dont les unes correspondent bien à ce pourquoi la formule du budget annexe fut inventée alors que d'autres, de nature régalienne, ne se trouvent rattachées au BAAC que pour des motifs contestables d'opportunité administrative n'a cessé de nourrir des suspicions.

L'exigence d'une meilleure maîtrise financière du budget annexe de l'aviation civile a constamment été rappelée par les rapporteurs successifs de la commission. Elle continue à l'évidence de s'imposer.

Quant à l'exigence de clarification financière, si elle continue à se manifester, votre rapporteur ne peut que se féliciter que l'amendement présenté par lui au nom de la commission des finances et voté par le Sénat au cours du débat sur le projet de loi de finances pour 1996, devenu article 99 de ladite loi de finances puisse contribuer à la satisfaire, même partiellement.

A. UN BESOIN DE CLARIFICATION FINANCIÈRE

Le BAAC regroupe les moyens financiers affectés à deux types de missions :


des missions de prestations de services qui peuvent donner lieu à paiement d'un prix ;


des missions d'intérêt général dont le financement doit être trouvé dans des ressources annexes et ne sauraient en tout état de cause être financées au moyen de redevances.

a) L'existence de ces deux types de missions dans le budget annexe de l'aviation civile pose d'abord le problème de la justification du recours à la formule du budget annexe pour retracer les opérations financières d'un certain nombre d'entre elles : les missions d'intérêt général.

L'article 20 de l'ordonnance 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances dispose :

"Les opérations financières des services de l'Etat que la loi n'a pas doté de la personnalité morale et dont l'activité tend essentiellement à produire des biens ou à rendre des services donnant lieu au paiement de prix, peuvent faire l'objet de budgets annexes".

S'il est bien vrai que la D.G.A.C. vise essentiellement à rendre des services fonctionnels donnant lieu au paiement de prix, il n'en reste pas moins que le découpage du budget annexe de la navigation aérienne correspondait mieux à la vocation de la formule du budget annexe.

De plus, l'accroissement observé et prévisible - v. infra- des dépenses d'intérêt général financées par le BAAC et de leur part dans ce budget altère la justification juridique du recours à la formule du budget annexe pour en retracer les opérations financières.

b) La coexistence des deux types de missions n'a cessé de nourrir des suspicions sur d'éventuels transferts de financement entre elles.

Deux questions distinctes mais liées ont pu être identifiées :

- Le montant des redevances de navigation aérienne trouve-t-il une contrepartie directe et proportionnelle dans les prestations fournies ?

- Les redevances ne sont-elles pas utilisées pour financer des missions d'intérêt général ?

La Cour des Comptes a pu observer que "la formule du BAAC, budget annexe "élargi" englobant d'autres tâches de nature régalienne antérieurement prises en compte dans le cadre du budget général de l'Etat, s'est effectuée dans des conditions qui ne respectent pas l'obligation de n'affecter le produit des redevances perçues qu'au seul financement des services rendus ".

Il en allait ainsi des dépenses de contrôle technique dont le financement au moyen d'une redevance a été jugé non conforme à la légalité par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 10 février 1995.

Sans préjuger des solutions juridictionnelles qui n'ont pas encore été sollicitées il est loisible de penser que les principes définis par le Conseil à cette occasion trouveraient à s'appliquer dans d'autres domaines d'activité de la D.G.A.C. et, en particulier, dans l'un dont le développement pourrait s'accélérer à l'avenir : la sûreté - v. infra-.

La question du niveau pris par les redevances légalement instituées se pose également au regard de l'exigence d'une stricte proportionnalité de leur tarif aux coûts des prestations -exigence rappelée par le Conseil d'Etat à l'occasion d'un contentieux portant sur la redevance d'approche-.

Face à ce qui est apparu au cours des dernières années comme une succession de faux-pas, le Parlement a su réagir.

C'est à l'initiative de la commission des finances du Sénat qu'a été voté l'article 99 de la loi de finances pour 1996 prescrivant que soit remis chaque année au Parlement un état récapitulatif présentant la répartition des coûts et des dépenses budgétaires en distinguant ceux afférents aux prestations de services rendus aux usagers par la direction générale et ceux résultant des missions d'intérêt général public assumées par elle".

Il faut d'emblée saluer les efforts entrepris par la DGAC pour se conformer au souhait du Parlement. Ils répondent largement au souci de transparence manifesté par lui au service de relations sinon apaisées au moins sincères entre l'administration et ceux à qui elle rend de très bons services.

Mais il ne faut pas dissimuler que le rapport examiné ne manque pas de confirmer quelques inquiétudes déjà exprimées.

Première observation

Les coûts des vols exemptés ou exonérés représentent une proportion significative -9,8 %- des coûts de navigation aérienne. Un examen rigoureux des cas d'exemption ou d'exonération s'impose car si ces coûts sont retranchés de l'assiette des redevances de navigation aérienne, comme c'est normal, il ne sont pas pour autant "gratuits" et doivent être financés par ailleurs.

Deuxième observation

La construction d'une comptabilité analytique n'est pas un exercice purement mécanique susceptible d'aboutir à une vérité arithmétiquement incontestable. En revanche, les erreurs manifestes peuvent être repérées et l'évolution des résultats de l'exercice au cours du temps permettra de mettre en valeur des comparaisons utiles.

Troisième observation

La cohérence entre certains principes faisant l'objet de simples recommandations édictées par des organismes internationaux (l'OACI et Eurocontrol principalement) et nos propres règles de droit ne va pas toujours de soi.

Quelques exemples peuvent être cités.

L'inclusion dans l'assiette des redevances du coût d'études qui, par nature, ne rendent pas de service immédiat aux usagers de la navigation aérienne ne va pas de soi.

De la même manière, les modalités d'intégration des coûts des organismes extérieurs dans l'assiette des redevances ne semblent pas entièrement satisfaisantes. Choisir de retenir le principe d'intégration de ces coûts posé par l'OACI et Eurocontrol selon lequel :

"Pour que les administrations de l'aviation civile puissent déterminer le coût intégral des installations et services de navigation aérienne, il faudra qu'elles prennent en compte, non seulement le coût de toutes les installations et de tous les services qu'elles fournissent, mais aussi de tous ceux qui sont fournis, en tout ou partie, par un autre département ou organisme de l'administration sans que les frais correspondants soient débités à l'administration de l'aviation civile."

est sans doute théoriquement justifié.

Mais c'est aussi pratiquement contestable car cela suppose, de la part des gestionnaires de la navigation aérienne, une vraie capacité d'évaluation de coûts externes dont ils n'ont pas la maîtrise et de la part de l'Etat l'acceptation de transferts financiers opaques entre budgets 35 ( * ) . On peut ajouter que cela est générateur de suspicion, l'évaluation de ces charges n'étant pas contrainte par l'existence de protocoles financiers.

Quatrième observation

La fixation des charges calculées pose une difficulté en raison de l'application à toutes les immobilisations d'un taux d'intérêt que ces immobilisations aient été autofinancées ou non.

Ce mécanisme n'est pas, par principe, contestable. Il est normal que les investissements de l'Etat soient rémunérés comme le sont ceux de toute entreprise. Mais, il est appliqué dans le cadre de l'exercice d'un monopole en recourant à un taux d'intérêt conventionnellement choisi. De plus, il ne décourage pas le recours à l'emprunt puisqu'il aboutit à un calcul des charges financières indifférent au taux d'autofinancement et il aboutit à priver les usagers des efforts entrepris pour améliorer la capacité de financement du BAAC.

Cinquième observation

La prise en compte des créances impayées dans les charges supplémentaires et donc dans l'assiette des redevances est déresponsabilisante pour l'administration et conduit à écarter le système de ses principes de base qui consiste à proportionner le tarif des redevances aux coûts d'un service donné et non à mutualiser le coût des services rendus par la navigation aérienne.

*

* *

D'autres observations pourraient être formulées. Elles viendront avec le temps. Il est à souhaiter et là est l'essentiel, que le débat qui va s'engager sur le document élaboré par le Gouvernement permette de progresser dans la sérénité vers plus de consensus.

Les outils du dialogue sont disponibles. Que chacun démontre sa capacité à faire de ce dialogue un instrument au service de l'intérêt général et du transport aérien !

* 35 En l'espèce, le BAAC aurait reçu une subvention implicite de 205 millions de francs du ministère de l'équipement et de la défense en 1995.

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