II. LE NOUVEAU PLAN DE REDRESSEMENT DE LA SNCF

La protestation des cheminots par le mouvement de grève de décembre 1995 a conduit le Gouvernement à abandonner l'idée de signer avec la SNCF un nouveau contrat de plan, du moins dans l'immédiat. Il est vrai que l'échec des deux précédents contrats de plan, ainsi que celui de la négociation du nouveau, permettent de penser que la formule n'était pas adaptée. Votre rapporteur rappelle néanmoins que la signature d'un contrat de plan est prévue par l'article 24 (I.) de la loi d'orientation des transports intérieurs ( ( * )6) , qui avait conféré à la SNCF son statut actuel d'établissement public.

Le nouveau plan comporte trois volets : la séparation des infrastructures et de l'exploitation ; la régionalisation des services régionaux de voyageurs et un projet industriel, de la compétence de la SNCF.

A LA SÉPARATION DES INFRASTRUCTURES ET DE L'EXPLOITATION

C'est l'aspect le plus important du plan de redressement et l'innovation majeure par rapport au projet de contrat de plan.

Un nouvel établissement public d'État, Réseau ferré national, est créé, qui devient responsable des infrastructures. Trois opérations sont ainsi réalisées en une :


• le nouvel établissement public reprend la dette qui peut être considérée comme ayant servi à financer les investissements en infrastructures depuis 1990, soit 125 milliards de francs. Le calcul de ce montant comporte probablement une part d'arbitraire, car il est difficile de l'établir avec précision. L'ancien président de la SNCF, M. Loïk Le Floch-Prigent, l'évaluait pour sa part à 145 milliards de francs ;


• le nouvel établissement public devient propriétaire des actifs constituant l'infrastructure, en contrepartie de la reprise de la dette ;


• il devient à l'avenir responsable du financement des infrastructures nouvelles et de leur entretien, ce qui devrait mettre fin à une des causes importantes du déficit structurel de la SNCF.

Cette pièce maîtresse du plan de redressement permet d'atteindre plusieurs objectifs. D'abord, elle donne satisfaction aux cheminots qui n'avaient pas accepté qu'une partie de la reprise de la dette soit liée aux efforts de l'entreprise comme le prévoyait le projet de contrat de plan ( ( * )7) . Ensuite, elle permet de préparer concrètement l'Europe ferroviaire, en satisfaisant une exigence de la directive n° 91-440. Les réseaux nationaux sont en effet amenés, à terme, à recevoir plusieurs entreprises de transports ferroviaires européennes. Enfin, elle devrait faciliter le retour de la SNCF à l'équilibre : d'une part, la reprise de cette dette éponge immédiatement 10 à 12 milliards de francs de déficit courant, et d'autre part, cette nouvelle modalité de financement réduira considérablement l'endettement à venir de l'entreprise.

Le fonctionnement du binôme SNCF/établissement public sera le suivant : la SNCF rémunérera l'établissement public par un péage représentatif du droit d'utilisation des infrastructures, l'établissement public paiera à la SNCF le prix de l'entretien et de la maintenance du réseau dans la mesure où elle assumera ces tâches.

Ce mécanisme n'a rien à voir avec la création d'une structure de cantonnement, destinée à liquider des actifs pour éponger une dette logée à part. De ce point de vue, rien n'est changé par rapport au projet de contrat de plan : la SNCF conserve ses actifs liquides, et elle devra s'efforcer de céder ceux qui ne sont pas indispensables à son coeur de métier afin d'éponger la dette dont elle conserve la charge et dont le montant demeure élevé (plus de 80 milliards de francs fin 1996).

Le nouvel établissement public recevra de l'État la contribution aux charges d'infrastructure actuellement versée à la SNCF, et devrait recevoir une somme correspondant à la prise en charge des intérêts de la dette.

Votre rapporteur se félicite de la clarification ainsi réalisée. Il considère néanmoins que deux étapes doivent être menées à bien : dans un premier temps, il ne faut pas hésiter à faire l'effort financier nécessaire à la réussite de la réforme ; dans un second temps, le nouvel établissement public ne doit pas avoir vocation à être éternellement déficitaire, mais à chercher une certaine rentabilité, à l'instar des sociétés d'autoroutes. Dans le cas contraire, si le problème financier de la SNCF serait certes résolu, celui du coût des transports ferroviaires pour la collectivité nationale ne le serait pas.

Le montage proposé ne conditionne pas seulement l'assainissement financier de la SNCF. Il conditionne aussi l'avenir du transport ferroviaire en France, le maintien du rang de la compagnie française parmi les premières d'Europe et celui de la technologie française parmi les premières du monde. En effet, les cheminots pourront désormais percevoir les résultats de leurs efforts, que le gouffre financier de l'endettement rendait vains En dernier ressort, c'est à eux que l'avenir de l'entreprise appartient, l'État ne pouvant que créer les conditions du redressement.

Le patrimoine de la SNCF (au 31/12/95)

Les infrastructures Voies

31.940 km de lignes

dont 13.853 km de lignes électrifiées

dont 1.122 km de lignes à grande vitesse

49.169 km de voies principales

dont 32.480 km armés de longs rails soudés

(22.344 km sur traverses en béton armé)

3.063 km de voies autorisant une vitesse égale ou supérieure à 220 km

Signalisation

1.172 km de lignes équipées en TVM (transmissions "voie-machine")

13.657 km de lignes équipées en blocks automatiques :

10.673 km en BAL (block automatique lumineux)

2.984 km en BAPR (block automatique à permissivité restreinte)

6.350 km de lignes équipées en blocks manuels

2.781 km de lignes équipées en CAPI

(cantonnement assisté par ordinateur)

2.290 postes d'aiguillages dont 1.065 postes électriques

Télécommunications


• Le réseau spécialisé pour l'organisation, la surveillance et la régulation du trafic comporte 93.600 terminaux fixes


• Le réseau de transmission de données comporte 260 commutateurs de paquets, 285 commutateurs locaux et 8.950 raccordements


• Le réseau de commutation automatique comporte 452 autocommutateurs et 123.000 usagers


• Le système radio-sol-train est opérationnel sur 13.230 km de lignes et 6.250 engins
•21.000 km de voie ferrée équipée de câbles (6.500 en fibre optique) et environ

880 équipements de transmission numérique (282 en fibre optique) sont nécessaires à la mise en oeuvre de ces systèmes d'exploitation


• 27.250 terminaux radio pour l'ensemble de la SNCF

Alimentation de la traction électrique


• 513 sous-stations


• 1.530 postes de sectionnements

Passages à niveau

18.270 dont 2.291 gardés et 11.827 automatiques

Ouvrages d'art

38.403 ponts et passerelles d'ouverture supérieure à 2 m 53.894 petits ouvrages situés sous les voies 1.520 tunnels dont 1.322 en service

Terrains

113.197 hectares de surface totale dont 26.834 hectares de surface hors plates-formes ferroviaires

Bâtiments

2.207 gares, non compris les points d'arrêts voyageurs

14,511 -- millions de m 2 de planchers

12,180 millions de m 2 couverts

3,182 millions de m 2 de halles marchandises

Le réseau exploité

Longueur en km

Au 31.12.94

Au 31.12.95

Lignes ouvertes :

- à la fois aux services voyageurs et marchandises

21.665

21.754

- au seul service marchandises

8.129

7.791

Total des lignes ouvertes

32.275

31.940

dont en exploitation ferroviaire

29.485

29.316

dont lignes électrifiées

13.742

13.799

Fermeture à tous trafics :

Lignes ou sections de ligne entre : Villeneuve-La-Lionne et Esternay, Fougerolles et Le Val d'Ajol, Montcornet et Rozoy-sur-Serre, Montdidier et Laboissière-Fescamps, Péronne-la-Chapelette et Péronne-Flamicourt, raccordement de Messei, Coutances et Sottevast, Carentan et Baupté, Randonnai-Irai et L'Aigle, Les Herbiers et Saint-Christophe-du-Bois, Coex et La Roche-sur-Yon, Oradour-sur-Vayres et Bussières-Galant, Souillac et St-Denis-Près-Martel.

Électrifications

Franois à Saint-Amour ; Châtelet à Paris Gare de Lyon (RER ligne D)

Sections de ligne sur lesquelles ne circulent que des trains de voyageurs

La différence entre le total des lignes ouvertes et celui des lignes en exploitation ferroviaire correspond aux sections de ligne sur lesquelles aucune circulation de train n'est assurée

Ouverture

Châtelet à Paris Gare de Lyon (RER ligne D)

Le matériel roulant

Trains à grande vitesse

108 rames TGV Sud-Est

105 rames TGV Atlantique

82 rames TGV Réseau

3 rames TGV postales

16 rames TGV Transmanche

Matériel de traction

2.213 locomotives électriques

1.869 locomotives diesel

1.221 locotracteurs

Matériel de grandes lignes

24 turbotrains (120 motrices et remorques)

5.173 voitures rapides et express

dont 3.789 Corail

et 1.086 voitures-couchettes (Corail ou autres)

161 voitures-lits

39 voitures-restaurant dont

18 grill-express

200 fourgons porte-automobiles

77 fourgons à bagages

Matériel de dessertes régionales

1.727 voitures dont 3 10 à deux niveaux

8 turbotrains (32 motrices et remorques)

568 automotrices électriques et remorques (240 éléments)

dont 168 éléments Z2 à deux unités

1.433 autorails et remorques

dont 712 autorails et éléments automoteurs diesel

Matériel des services régionaux d'Île-de-France

1.174 voitures dont 589 à deux niveaux

2.508 automotrices électriques et remorques (619 éléments)

dont 1.194 unités à deux niveaux (267 éléments)

Matériel fret

63.694 wagons exploités par la SNCF

dont 44.665 à bogies

- se décomposant en :

9.640 wagons couverts

34.226 wagons plats

12.266 wagons tombereaux

7.282 wagons à toit ouvrant

280 wagons spéciaux

- auxquels s'ajoutent : 68.191 wagons de particuliers

ou loués à des particuliers

Votre rapporteur considère que le report de l'examen du projet de loi créant le Réseau ferré national ne remettra pas en cause le mécanisme proposé, qui est le seul à même de tirer la SNCF de l'ornière où elle se trouve. Les modifications éventuelles ne porteront que sur les aspects juridiques du système, et peut-être sur les montants financiers en cause.

* (3) A raison de 281 millions de francs pour les voies navigables et 1.142 millions de francs pour le transport ferroviaire et le transport combiné.

* (4) Le report du projet de loi relatif au Réseau ferré national n'aura pas d'influence sur l'expérimentation. Lors de son dernier conseil d'administration, la SNCF a décidé d'engager l'expérimentation avec Rhône-Alpes.

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