CHAPITRE PREMIER - LA POLITIQUE FRANÇAISE D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT

L'année 1996 a vu se confirmer deux tendances déjà sensibles l'an passé.

D'une part, la situation économique des pays de l'Afrique sub-saharienne, qui reçoivent plus de 55 % de l'aide bilatérale française, s'améliore, notamment dans les pays de la zone franc. Cette amélioration est encourageante pour notre coopération, mais elle est également porteuse d'exigences nouvelles, liées à la nécessité d'accompagner et de soutenir le retour à la croissance encore fragile.

D'autre part, malgré la bonne mobilisation de la communauté financière internationale à la suite de la dévaluation du franc CFA, on constate un nouveau recul de l'aide publique au développement des pays industrialisés qui traduit, dans certains pays, une remise en cause profonde. Dans ce contexte international peu favorable, la France s'efforce de maintenir sa place parmi les principaux donateurs.

I. L'AMÉLIORATION DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE DES PAYS DU CHAMP

Les résultats économiques de l'Afrique sub-saharienne ont été globalement encourageants en 1994 et se sont sensiblement améliorés en 1995 et 1996. Parallèlement, les États ont engagé ou poursuivi des réformes de structures souvent courageuses qui doivent permettre de consolider ces premiers résultats.

A. DES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS

L'Afrique sub-saharienne a traversé au cours des années 80 une période particulièrement difficile sur le plan économique. La chute des cours des matières premières, notamment agricoles, et la baisse du cours du dollar ont entraîné une brutale chute des revenus d'exportation et du niveau de vie, alors que la croissance démographique se poursuivait à un rythme soutenu.

Les finances publiques des États se sont fortement dégradées, en raison de la baisse des recettes fiscales et douanières, mais aussi de l'absence de discipline en matière de dépenses publiques. L'endettement extérieur s'est accru, l'accumulation des arriérés de paiement conduisant les institutions financières internationales à rompre les accords d'ajustement et à suspendre leurs paiements.

Les dernières données disponibles montrent qu'une nette inflexion s'est opérée depuis 1994. La croissance, en Afrique sub-saharienne, a repris modestement en 1994, à hauteur de 1,5 %, puis elle s'est affirmée en 1995 avec 4,4 % et devrait se situer à un niveau encore plus élevé en 1996, à 4,6 %.

Trois éléments ont joué dans cette amélioration :

- la bonne tenue des cours des matières premières exportées, qui s'est traduite par une augmentation sensible des recettes d'exportation des pays concernés.

- les récoltes exceptionnelles, tant des produits vivriers que des produits agricoles d'exportation, grâce à un accroissement des productions et à une bonne pluviométrie.

- la dévaluation du franc CFA le 12 janvier 1994, qui a joué un rôle moteur dans le retour à la croissance des pays de la zone franc. Celle-ci a notamment permis, d'une part, la substitution des productions locales aux produits d'importation et, d'autre part, la revalorisation des prix à l'exportation exprimés en francs CFA.

Bien entendu, cette vision générale doit être tempérée par la prise en compte de situations encore très différenciées de pays à pays.

En ce qui concerne les pays de la zone franc, le bilan de la dévaluation du franc CFA, tel qu'on peut l'établir aujourd'hui, apparaît largement positif et se caractérise par un retour à la croissance, un redressement des comptes extérieurs et une maîtrise de l'inflation relativement satisfaisante.

Alors qu'au cours des deux années précédant la dévaluation, le taux de croissance réelle des pays de la zone franc était négatif (-0,7 % en 1992 et -1.8 % en 1993), le taux de croissance moyen a dépassé 1,5 % en 1994, 4,4 % en 1995, et devrait atteindre 5,6 % en 1996, les prévisions étant meilleures pour l'Afrique de l'ouest que pour l'Afrique centrale.

Si de telles prévisions se confirment, on assisterait en 1996 pour la deuxième année consécutive à un accroissement du revenu par habitant dans la zone franc, la croissance économique étant supérieure à celle de la population.

La dévaluation du franc CFA a été particulièrement bénéfique dans le secteur agricole qui emploie la plus large part de la population active.

Les cultures vivrières, grâce à de bonnes conditions climatiques et à l'effet de substitution aux importations du fait de la dévaluation, ont connu une évolution très favorable, mais c'est surtout dans les principales filières agricoles d'exportation que les résultats sont les plus sensibles en raison d'importants gains de compétitivité.

C'est le cas pour la production de café, qui devrait augmenter de 20 % au Cameroun et de 30 % en Côte d'Ivoire, et pour la production de coton (+ 15 % en moyenne au Tchad, en Centrafrique, au Mali, au Burkina Faso, au Togo et au Cameroun).

Dans le cas du cacao, la Côte d'Ivoire a profité de la dévaluation pour renforcer les recettes fiscales sous la forme de droits uniques de sortie (DUS).

Des pays comme le Burkina Faso, qui a doublé ses exportations de bétail en 1994 ou le Mali, ont su tirer parti de la dévaluation pour renforcer la rentabilité du secteur de l'élevage.

Dans le domaine forestier, les exportations ont sensiblement accru comme en Centrafrique ou au Gabon, dans un contexte mondial de forte demande.

Dans le secteur minier, le Sénégal et le Togo ont notablement augmenté leur production de phosphates.

Les effets de la dévaluation ont été plus contrastés dans le secteur industriel, les activités d'exportation étant favorisées alors que celles qui étaient orientées vers la consommation intérieure ont été pénalisées par le renchérissement de leurs consommations intermédiaires importées.

Le deuxième constat encourageant, près de deux ans après la dévaluation, concerne la relative maîtrise de l'inflation.

Malgré la diminution de moitié de la parité du franc CFA, l'inflation, qui s'est élevée à près de 30 % en 1994, est passée à 14,8 % en 1995 et devrait être nettement inférieure à 10 % en 1996. Cela signifie que les pays de la zone franc ont pu conserver l'essentiel du gain de compétitivité induit par la dévaluation.

Dans le même temps, les salaires ont été globalement maîtrisés si bien que le pouvoir d'achat des salariés a été fortement atteint. Cette diminution touche essentiellement les zones urbaines, le secteur rural ayant quant à lui pleinement profité de la bonne tenue sur les marchés des productions agricoles.

Troisième effet bénéfique de la dévaluation, le redressement des comptes extérieurs se traduit par la réapparition d'un excédent commercial dans la zone franc. Il faut toutefois noter que l'amélioration est surtout sensible au Gabon, en Côte d'Ivoire et, dans une moindre mesure, au Cameroun et au Congo, c'est-à-dire dans les pays à revenu intermédiaire. Il faut également signaler que pour une part non négligeable, la reprise des exportations reflète une intensification des échanges internes à la zone franc, qui constitue un facteur très positif pour la poursuite de l'intégration régionale.

Sur le plan des finances publiques, une nette amélioration a pu être constatée en 1994 et 1995, mais elle demeure insuffisante, le besoin de financement de l'ensemble de la zone franc s'élevant encore à environ 15 milliards de francs français.

La perception des recettes fiscales et douanières s'est dans l'ensemble améliorée mais se situe en deçà des prévisions établies par le Fonds monétaire international, mettant en évidence les faiblesses du système d'imposition et de recouvrement.

S'agissant de la dépense publique, malgré de notables efforts de rigueur, les budgets restent grevés par le poids des charges salariales et surtout de l'endettement extérieur, bien que des annulations ou des rééchelonnements aient été consentis par les créanciers.

La situation des finances publiques d'une part et l'attentisme des investisseurs qui hésitent à développer des activités industrielles, atténuent le bilan par ailleurs positif de la dévaluation du franc CFA.

C'est pourquoi le ministère de la coopération a entrepris avec la Caisse française de développement et d'autres partenaires ou bailleurs de fonds une réflexion sur les moyens de développer l'investissement privé en Afrique sub-saharienne.

De ce point de vue, les observations du rapport du député Yves Marchand, nommé parlementaire en mission par le Premier ministre sur ce sujet, sont d'un grand intérêt.

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