Rapport général n° 86 (1996-1997) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 décembre 1996

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N° 86

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES (Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 25

FONCTION PUBLIQUE ET RÉFORME DE L'ÉTAT

Rapporteur spécial : M. Philippe MARINI

1 Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et T.A. 590.

Sénat : 85 (1996-1997).

Lois de finances.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits de la fonction publique recouvrent deux entités bien différentes :

- l'ensemble des charges de personnel correspondant aux rémunérations, cotisations sociales et charges de pensions de la fonction publique d'État, dépenses transversales à l'ensemble des départements ministériels ;

-les crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation, rattaché aux services du Premier ministre, et individualisés dans le budget de ces services.

L'impératif de réduction du déficit budgétaire contribue fortement à relancer l'indispensable réforme de l'État, dans un souci de rationalisation de la gestion publique.

Le présent rapport s'attachera donc à resituer les dépenses de fonction publique au sein de la gestion de l'État employeur (chapitre premier), puis à retracer les moyens du ministère de la fonction publique au regard de ses nouvelles missions de réforme de l'État (chapitre II)

CHAPITRE PREMIER - L'ÉTAT EMPLOYEUR

Les charges de personnel du budget en 1997 doivent être placées dans le contexte de la gestion, par l'État "employeur", de quelques 2 millions d'agents.

I. UN CADRE TRES CONTRAIGNANT

A. LE POIDS DU PASSE

La gestion de l'État employeur n'a guère été rigoureuse au cours des dernières années, ce qui a beaucoup alourdi ses charges de personnel.

1. Les créations d'emplois

Entre 1980 et 1996, les effectifs budgétaires ont progressé, à champ constant, de 11 % -hors Défense- et de 7 % si l'on inclut la Défense.

À partir de 1989, la croissance des moyens en personnel des administrations de l'État a effacé les suppressions d'emplois intervenues entre 1984 et 1988 : cette progression a été de 72.300 emplois sur les budgets civils, entre 1988 et 1996.

Effectifs budgétaires par ministère en 1980, 1990, 1996
(en milliers d'agents)

(1) Total à champ constant, hors appelés

Sur la totalité de la période, l'Éducation nationale a connu une progression de 10,7 % de ses emplois, l'Enseignement supérieur de 60,3 %, la Culture de 45 %, la Justice de 36 %, l'Intérieur de 17 %.

2. Les revalorisations salariales et statutaires

Des progressions salariales ont été organisées par les accords de novembre 1991 et novembre 1993. La valeur moyenne par année du point d'indice de la fonction publique a évolué de la manière suivante :

Année

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Valeur du point fonction publique

290,82 F

298,54 F

306,68 F

310,19 F

318,10 F

322,44 F

Compte tenu des mesures catégorielles : accord Durafour pour 1990-1997, accord Jospin pour 1989-2009, mesures ministérielles..., la "rémunération moyenne des personnels en place" qui mesure l'évolution de la fiche de paye moyenne des fonctionnaires a permis des gains de pouvoir d'achat significatifs.

La rémunération moyenne des personnes en place

La "RMPP" est calculée à partir des effectifs présents sur deux exercices consécutifs. Elle intègre :

- l'effet en moyenne des mesures générales (revalorisation du point, attribution uniforme de points d'indice...), y compris l'effet report des mesures de l'exercice précédent ;

- les mesures catégorielles ;

- le glissement vieillissement technicité positif, qui est l'effet d'avancement d'échelons et des promotions de grades ou de corps.

Évolution de la rémunération moyenne des personnels en place

* Prévisions

** Compte tenu du calendrier différencié pour les agents doté d'un indice majoré inférieur ou égal à 275

Source : Direction du Budget

Pour l'année 1996, la progression de la RMPP résultant de la prise en compte des accords passés atteindrait 4,3 %, sous l'effet conjugué du report sur 1996 des mesures générales de mars et novembre 1995 (1,36 %) et d'un effet estimé à près de 3 % correspondant aux autres composantes de la RMPP (mesures catégorielles et individuelles), pour une hausse des prix hors tabac prévue, en moyenne, de 2,1 %. Cette évolution correspondra donc à une progression du pouvoir d'achat des fonctionnaires de plus de 2 %.

B. LA DÉPENSE INDUITE

L'ensemble des dépenses indexées sur les traitements des fonctionnaires va au-delà des rémunérations, pensions et charges sociales : les dépenses "induites" de la fonction publique comprennent également les subventions aux établissements d'enseignement privé, ainsi que les pensions et allocations aux anciens combattants 1 ( * ) .

Au total, la dépense induite de la fonction publique s'élève à 649 milliards de francs en 1996 (soit 41,8 % des dépenses du budget général de l'État) et devrait progresser de + 2,3 % en 1997 (soit un peu plus lentement que les charges de fonction publique stricto sensu du fait de l'évolution plus faible des pensions d'anciens combattants), son poids progressant de près d'un point dans les dépenses de l'État du fait de l'effort de maîtrise des charges réalisé en Les dépenses induites par la fonction publique de l'État de 1993 à 1996

(En milliards de francs)

(1) Y compris provisions et autres charges connexes (2) Y compris provisions

(3) Y compris provisions et Fonds de solidarité vieillesse en 1995 (6,731 milliards de francs) (4) Dont frais de personnel non ventilés, impôts et taxes

Source : Direction du Budget (lois de finances initiales)

La progression des dépenses induites par la fonction publique, de 10,3 % en francs courants entre 1993 et 1996 reflète :

- la progression des effectifs budgétaires ;

- l'augmentation structurelle du nombre de retraités ;

- les conséquences des mesures salariales et statutaires mises en oeuvre en faveur des fonctionnaires, et notamment :


• l'accord sur la rénovation de la grille de la fonction publique : protocole Durafour de 1990 d'une durée de sept ans,


• les autres mesures à caractère catégoriel : plan Jospin 1989-2009, mesures ministérielles...,

- les mesures de revalorisation de la valeur du point d'indice dans le cadre des accords salariaux de novembre 1991 et 1993.

C. LES PERSPECTIVES DES RETRAITES

Source : ministère du Budget

La pyramide des âges des fonctionnaires annonce un très fort alourdissement des charges de retraite au cours des années à venir, et une dégradation du rapport démographique (quotient du nombre de cotisants par le nombre des retraités).

Source : Ministère du budget

Le rapport démographique devrait quasiment être divisé par deux en vingt ans :

Évolution du rapport démographique

Années

1995

2000

2005

2010

2015

Taux de croissance

Retraités de droit direct

Cotisants (1)

Rapport démographique

828.308

2.081.689

2,51

956.711

2.081.689

2,18

1.126.718

2.081.689

1,85

1.318.503

2.081.689

1,58

1.491.840

2.081.689

1,40

+ 80,1 %

-

44,6 %

(1) Par convention la population active est considérée comme stable sur la période considérée, sans préjuger d'une politique volontariste des effectifs.

Source : Ministère du budget

Cette évolution démographique, combinée à la croissance de la pension moyenne, devrait conduire, au terme des dix prochaines années, à réglementation et effectifs constants, à un prélèvement supplémentaire sur le budget de l'État de près de 65 milliards de francs par an.

II. UNE GESTION ARCHAÏQUE

A. UNE ORGANISATION PEU RATIONNELLE

1. Une seule négociation salariale

Une seule négociation salariale est menée, avec l'ensemble des syndicats représentatifs, par le ministre chargé de la fonction publique : elle concerne la fonction publique d'État, mais aussi les fonctions publiques territoriale et hospitalière, dont les contraintes sont différentes, soit au total 4 millions et demi d'agents. Compte tenu des effectifs de retraités et pensionnés, ce sont près de 9 millions de personnes au total qui relèvent de la politique salariale de la fonction publique. D'une part, il est difficile d'imaginer qu'un accord rationnel puisse être adopté dans ces conditions, d'autre part les conséquences budgétaires -qui dépassent donc l'État- d'un tel accord sont par définition considérables.

2. Une gestion parisienne

La gestion des effectifs est très peu déconcentrée : la plupart des concours sont nationaux, les commissions paritaires se tiennent au niveau ministériel ; même des décisions qui pourraient apparaître mineures telles que l'approbation des demandes individuelles de temps partiel des agents remontent aux administrations centrales.

3. Un solide cloisonnement

Chaque ministère gère ses propres effectifs à partir des emplois budgétaires qui lui sont attribués : d'où une grande difficulté à organiser une mobilité des agents, même si certains corps (administrateurs civils, attachés d'administration centrale...) ont une vocation interministérielle théorique.

D'où, également, une absence d'affectation rationnelle des effectifs : des emplois d'ouvriers sont supprimés au ministère de la Défense, alors que d'autres ministères ouvrent des concours pour recruter des personnels ouvriers.

Ce cloisonnement s'exerce jusqu'au niveau territorial où il reste exceptionnel qu'un agent puisse effectuer une mobilité, sur demande, entre plusieurs services du même département.

Il a également pour conséquence l'absence d'une connaissance satisfaisante des effectifs réels et des régimes de primes, par le ministre chargé de la fonction publique.

B. LES CONTRAINTES DU STATUT DE LA FONCTION PUBLIQUE

1. Les obstacles à l'allocation des ressources humaines


• La gestion par corps

Le cloisonnement de la fonction publique est considérablement renforcé par la gestion par corps : il en existe 1.200, dont chacun a ses perspectives de carrière et son système indemnitaire propre, qui sont autant d'obstacles à une mobilité qui devrait pouvoir s'organiser à partir de détachements ou de mises à disposition.


• Les créations et suppressions d'emplois

Les suppressions d'emplois de fonctionnaires en cours de carrière ne pouvant être pratiquées -aucun licenciement ni aucune mobilité forcée n'étant compatible avec le statut de la fonction publique- les suppressions ne sauraient donc jouer que sur les départs à la retraite non remplacés : or le nombre de départs annuels est de 46.000, dont 30.000 pour la seule Éducation nationale. Cette marge de manoeuvre vint d'ailleurs d'être encore réduite par le dispositif conventionnel, approuvé par le législateur, relatif aux cessations anticipées d'activité.

Par ailleurs les créations d'emplois doivent être soigneusement maîtrisées, puisqu'elles représentent un engagement budgétaire aussi long que la vie d'un fonctionnaire, la carrière puis la pension étant prises en charge par l'État.

2. L'absence d'indicateurs de gestion

La connaissance des effectifs réels par ministère -les effectifs réels pouvant être moins élevés que les emplois budgétaires si certains sont vacants, ou plus élevés s'il y a rémunération en "surnombre"- est en général très lacunaire, la base de la gestion étant d'une part la grille d'emplois budgétaires du ministère, d'autre part la carrière individuelle des agents, sans qu'il y ait recoupement de ces informations, et encore moins gestion prévisionnelle.

III. LES CHARGES DE PERSONNEL EN 1997

En 1997, le poids des charges de personnel progresse de 2,68 % et atteint 581,9 milliards de francs, soit 37,5 % du total des dépenses du budget général.

Évolution des charges de personnel du budget général (1)

(En millions de francs)

LFI 1996

PLF 1997

Évolution 1997/1996 en %

Rémunérations d'activité

Totaux des budgets civils 2

Défense

Total budget général

288.888,16

67.500,74

356.388,90

294.376,21

70.433,18

364.809,39

1,90 %

4,34 %

2,36 %

Pensions

Totaux des budgets civils 2

Défense

Total budget général

87.132,90

51.849,78

138.982,67

90.303,77

52.415,91

142.719,68

3,63 %

1,09 %

2,69 %

Cotisations sociales

Totaux des budgets civils 2

Défense

Total budget général

64.065,34

7.284,46

71.349,80

67.126,09

7.284,46

74.410,55

4,78 %

-

4,29 %

Total des charges de personnel

Totaux des budgets civils 2

Défense

Total budget général

440.086,40

126.634,98

566.721,38

451.806,07

130.133,55

581.939,62

2,66 %

2,76 %

2,68 %

(1) Après neutralisation de l'impact de la budgétisation des charges de pensions de France Telecom en 1997 : 8.260 millions de francs en charges de pensions, 1.150 millions de francs en charges de compensation démographique

2. Hors budgets annexes

A. LES RÉMUNÉRATIONS D'ACTIVITÉ

La progression de 1,9 % des rémunérations sur les budgets civils (+ 5,5 milliards de francs) résulte :

- pour 1,9 milliard de francs de mesures catégorielles (7 ème et dernière tranche du plan Durafour, 8 ème tranche du plan Jospin 1989-2009...) ;

- pour 1,5 milliard de francs d'une provision inscrite au budget des charges communes pour des mesures "intéressant la fonction publique", aucune mesure de revalorisation générale n'étant toutefois annoncée pour 1997 ;

- pour - 0,8 milliard de francs des économies liées aux suppressions d'emplois dans les budgets civils.

L'évolution des effectifs en 1997

Les effectifs retracés par le budget sont ceux des agents de la fonction publique d'État, soit 1.687.145 emplois civils budgétaires en 1996, et 2.299.982 emplois au total (en comptant les personnels militaires et les appelés).

En 1997, et pour la première fois depuis 1988, le solde des créations et suppressions d'emplois dans les budgets civils est négatif : - 5.599.

Suppressions et créations d'emplois en 1997


• 9.283 emplois sont supprimés dans les budgets civils
dont l'essentiel est réparti
entre :

- l'Éducation nationale (enseignement scolaire) : - 5.290 emplois, ces suppressions accompagnant la décroissance du nombre d'élèves ;

- Les services financiers : - 1.400 emplois dans les services des directions générales des impôts


3.684 emplois sont créés, dont l'essentiel est réparti entre :

- l'enseignement supérieur : + 2.660 pour accompagner la croissance des effectifs étudiants ;

- la Justice : + 475 en application de la loi de programme de janvier 1995


À la défense : 4.708 emplois sont supprimés, 10.182 sont créés dans le cadre de la professionnalisation des armées.


Sur l'ensemble des personnels appelés (défense, intérieur et outre-mer) : 32.667 emplois sont supprimés, 194 sont créés.

- pour le solde, soit environ 2,8 milliards de francs, au coût des 3.684 créations d'emplois, à l'extension en année pleine des créations d'emplois de 1996 dans le secteur de l'enseignement, et au coût du glissement vieillesse technicité "solde".

Le glissement vieillissement technicité

Le glissement vieillissement technicité "positif" est l'effet sur les rémunérations des avancements d'échelons et des promotions de grades ou de corps. Il serait de + 2,2 % en 1997.

Le glissement vieillissement technicité "négatif", ou effet "entrées-sorties" est l'effet de la modification de la structure des rémunérations induit par les mouvements d'entrées et sorties, résultant de la différence de niveau de rémunération entre les agents qui quittent la fonction publique en fin de carrière et les agents qui débutent. Il serait de - 1,2 % en 1997.

Le gvt "solde" serait donc de 2,2 - 1,2 = + 1 % en 1997.

B. LES PENSIONS

Les charges de pensions civiles progressent de + 3,6 % : depuis plusieurs années, ces charges progressent plus vite que les rémunérations.

Influencées directement par la répercussion des mesures catégorielles et des mesures de revalorisation générale (non encore prévues pour 1997) des traitements, les charges de pensions subissent aussi un effet "glissement vieillissement technicité" résultant, notamment, de l'amélioration des grilles de carrière des agents, ou en sens contraire, du raccourcissement de la durée de carrière de certains.

Enfin, les charges de pensions reflètent évidemment la progression des effectifs de pensionnés. Les retraités de la fonction publique représentent actuellement près de 600.000 militaires et près de 1.200.000 pensionnés civils (droits directs et droits dérivés). Le nombre de militaires est à peu près stable, celui des pensionnés civils augmente de façon significative : plus de 92.000 pensions supplémentaires en cinq ans.

C. LES CHARGES SOCIALES

Les dépenses de charges sociales progressent en 1997 de 4,3 %, sous l'influence de deux facteurs :

1. L'apurement versé à la Caisse Nationale des Allocations Familiales

L'État verse à la CNAF la différence entre les cotisations dues sur les traitements de ses agents et les prestations qu'il verse lui-même. Le montant de ces prestations ayant tendance à diminuer, l'apurement versé à la CNAF augmente : en 1997, le versement à la CNAF progresse de 2,6 milliards de francs et atteint 9,2 milliards de francs.

2. La compensation démographique

L'État participe à la compensation des ressources et des charges des régimes de sécurité sociale, en tant qu'employeur de fonctionnaires civils et militaires et d'ouvriers de l'État.

En 1997, les crédits correspondants progressent de 1,4 milliard de francs.

Évolution du versement au titre de la compensation

(en millions de francs)

1992

1993

1994

1995

1996

1997 (PLF)

Versement de l'État (budget des charges communes)

9.908

13.188

13.907

15.357

16.461

18.975 (1)

(1) Y compris 1.150 millions de francs d'effet "France Télécom"

Source : Cour des comptes et PLF 1997

CHAPITRE II - VERS UNE RÉFORME DE L'ÉTAT ?

L'examen des crédits du ministère chargé de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation doit s'accompagner d'une réflexion sur ses missions : en effet le projet de réforme de l'État en modifie sensiblement les contours.

I. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU MINISTÈRE DE LA FONCTION PUBLIQUE, DE LA RÉFORME DE L'ÉTAT ET DE LA DÉCENTRALISATION

Les crédits du ministère constituent l'action "Fonction publique" au sein des services généraux du Premier ministre. En 1997, ils progressent de 14,2 % et atteignent 1.178 millions de francs.

Cette progression est due à la promotion des actions en faveur de la réforme de l'État, alors qu'un effort d'économie est pratiqué sur les dotations traditionnelles.

(En millions de francs)

A. UNE STABILITÉ GLOBALE DES DOTATIONS TRADITIONNELLES

Les moyens de la direction générale de l'administration et de la fonction publique progressent de 7,3 % et atteignent 1.062,7 millions de francs :

- les crédits de rémunérations progressent de 0,85 % et atteignent 23,99 millions de francs ;

- les crédits de fonctionnement (1,88 million de francs en 1996) ne sont plus individualisés au sein des services du Premier ministre en 1997 ;

- les dépenses d' action sociale interministérielle progressent de 4,6 % et atteignent 636,33 millions de francs, les crédits de formation et de modernisation diminuent de 35,6 % et s'établissent à 60 millions de francs :


• les dépenses de formation passent de 57 à 40 millions de francs,


• les dépenses de modernisation passent de 36,11 à 20 millions de francs ;

- les subventions aux écoles progressent de 5,9 % et atteignent 328,6 millions de francs, cette augmentation provenant d'une reconstitution de la subvention aux Instituts régionaux d'administration (142,4 millions de francs) après une baisse ponctuelle en 1996.

L'ENA (161.1 millions de francs), l'IIAP, le CEES, voient leurs subventions légèrement diminuées au titre de la contribution à la maîtrise des dépenses de l'État.

- enfin, le Fonds de délocalisations publiques n'est pas doté en crédits de paiement -de même qu'en 1996- : la totalité des crédits ouverts au titre des années précédentes n'est pas consommée, le montage d'opérations importantes accuse des retards, la libération de certains immeubles par des services déjà délocalisés est enfin attendue.

En 1997, seraient disponibles pour les opérations de délocalisations :

- 42,6 millions de francs en dépenses ordinaires, chapitre 37-07 "dépenses diverses liées aux réimplantations d'administrations" :

- 65,08 millions de francs en dépenses en capital, chapitre 57-01 "dépenses immobilières et d'équipement liées aux réimplantations d'administrations".

B. LA PROGRESSION DES CREDITS DE REFORME DE L'ÉTAT

1. Le commissariat à la réforme de l'état

Le Commissariat à la réforme de l'État a été créé en 1995, en tant que groupe de réflexion et de proposition sur la réforme de l'État placé auprès du Premier ministre. Ses moyens sont inscrits au sein des crédits du ministère de la Fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation.

2. Les moyens en personnel

En 1997 comme en 1996, le commissariat reste une équipe restreinte composée de :

- 1 commissaire ;

- 15 chargés de mission (niveau X, ENA) dont 5 mis à disposition ;

- 1 secrétaire général (attaché), mis à disposition ;

- 10 administratifs (1 B, 9 C) dont 4 mis à disposition.

3. Les moyens de fonctionnement

En 1997, les moyens restent fixés au niveau de 1996 :

(En millions de francs)

Matériel et informatique

Chapitre

Dotation

Informatique

34-04

0,2

Etudes

34-06

5

Moyens de fonctionnement

34-98

3

Vacations

31-02

1

Total général

9,2

4. Le fonds pour la réforme de l'État

Le fonds pour la réforme de l'État

Lors de sa réunion du 29 mai 1996, le comité interministériel pour la réforme de l'État a décidé la création d'un "fonds pour la réforme de l'État" destiné à accompagner la mise en oeuvre des chantiers de réforme qui devront être conduits dans les trois ans à venir.

Le fonds comprend deux sections : la première consacrée au financement des réformes "particulièrement importantes ou exemplaires" et la seconde consacrée à l'action territoriale de l'État.


En 1996, la première section est dotée de 20 millions de francs, la seconde de 30 millions de francs.

- Première section

Quatre types d'opérations sont éligibles :

- celles qui concourent à l'amélioration du service rendu aux citoyens ;

- les restructurations de service ;

- les actions de formation lourde ;

- le développement d'outils modernes de gestion.

Le comité permanent du comité interministériel pour la réforme de l'État s'est réuni le 4 septembre pour examiner 81 projets, présentés par 18 ministères et représentant une demande financière globale de 98,6 millions de francs.

Au vu des propositions du comité permanent, le cabinet du Premier ministre a retenu 38 projets pour un montant global de 15,7 millions de francs.

Ces projets se répartissent entre les quatre types d'opérations éligibles retenus par le Premier ministre. Ont été privilégiées les opérations présentant un fort caractère d'exemplarité au regard des objectifs de la réforme de l'État et susceptibles d'avoir un effet d'entraînement sur les autres administrations.

- Deuxième section

Les opérations éligibles à la seconde section sont de trois ordres :

- des actions d'amélioration des relations de l'administration avec ses usagers, notamment au travers de la création de maisons des services publics ;

- des opérations à caractère interministériel destinées à renforcer l'efficacité des services ;

- des actions d'évaluation, au niveau local, des politiques publiques.

Le comité permanent, dans sa formation compétente pour traiter des questions concernant l'administration déconcentrée, s'est réuni le 16 juillet pour examiner 60 projets, présentés par 23 préfets, et portant sur 21 millions de francs.

Le cabinet du Premier ministre a retenu 40 projets, émanant de 19 préfets et représentant une somme de 14,6 millions de francs.


Le Fonds pour la réforme de l'État en 1997

Dans le projet de loi de finances pour 1997, le Fonds pour la réforme de l'État est doté de 150 millions de francs, dont 50 millions de francs pour la première section et 100 millions de francs pour la seconde, qui bénéficiera à l'ensemble des départements. Il comporte à la fois des crédits de titre III (110 millions de francs) et des crédits de titre V (40 millions de francs).

Le commissariat va prochainement affiner, avec la direction du budget et la direction générale de l'administration et de la fonction publique, les critères d'éligibilité au Fonds pour la réforme de l'État afin d'éviter les doubles emplois possibles avec les autres fonds interministériels concernant la modernisation de l'administration.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, il envisagé de "cibler les crédits du Fonds pour la réforme de l'État de façon plus précise qu'en 1996, en utilisant la technique d'appels à projets sur des types d'opérations bien déterminées (ex. : les maisons de services publics, l'accompagnement des restructurations d'administrations centrales, les dispositifs de formations-mobilité) ".

II. LA RÉFORME DE L'ÉTAT : DES OBJECTIFS AUX REALISATIONS

A. LES OBJECTIFS

La circulaire du Premier ministre du 26 juillet 1995 assigne à l'action du Gouvernement cinq objectifs prioritaires.

1. Clarifier les missions de l'État et le champ des services publics

a) Le Gouvernement doit mieux préciser, "domaine par domaine", la frontière entre ce qui relève des personnes publiques, et des acteurs privés : marchés, entreprises, ou acteurs sociaux.

b) La répartition des compétences entre l'État et les collectivités territoriales doivent être clarifiées (un projet de loi devrait viser à modifier à cet effet les lois de décentralisation).

c) Le principe de subsidiarité reconnu par le traité de l'Union européenne devra acquérir une "véritable consistance".

"Les conséquences de ces trois chantiers (...) doivent être systématiquement et rapidement tirées, les redondances et les empilements administratifs actuels n'étant plus acceptables. "

2. Mieux prendre en compte les besoins et les attentes des citoyens

« La réforme de l'État n'a en vérité pas d'autre raison d'être... «

a) Une charte des citoyens et des services publics doit être élaborée.

b) Un programme d'amélioration des relations avec le public sera élaboré par chaque service concerné.

c) L'implantation et l'organisation des services publics devront être adaptés aux quartiers urbains comme à la désertification rurale.

3. Changer l'État central

« La dimension centrale de l'État moderne consiste essentiellement à prévoir, analyser, concevoir, légiférer et évaluer. Ces fonctions de régulation doivent être clairement distinguées du rôle d'opérateur qui consiste à gérer, appliquer des réglementations ou à servir des prestations. «

a) Les tâches de gestion doivent être transférées vers les services déconcentrés.

b) Les capacités de conception et de décision des administrations centrales doivent être développées.

c) Les textes législatifs et réglementaires doivent être simplifiés et rendus lisibles.

4. Déléguer les responsabilités

« La loi 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République a fait de la déconcentration le modèle d'organisation de droit commun de l'administration de l'État. «

a) Le schéma de réorganisation des services de l'État prévu par la loi du 4 février 1995 sur l'aménagement et le développement du territoire doit être bâti.

b) Le regroupement fonctionnel des services territoriaux de l'État devra être réalisé.

c) Les relations entre l'État central et ses opérateurs devront être profondément rénovées : au-delà des progrès effectués dans le cadre des centres de responsabilité, seront expérimentés des contrats de service qui disposeront d'un budget global.

5. Rénover la fonction publique

a) La modernisation des fonctions publiques doit être poursuivie et accélérée : réduction du nombre de corps, réforme de l'évaluation individuelle, diversification des carrières...

b) Les procédures financières et les règles de la comptabilité publique doivent être réformées : de la procédure de préparation du budget à la gestion du patrimoine de l'État.

B. LES REALISATIONS

Les « chantiers » les plus avancés de la réforme de l'État concernent :

1. L'amélioration des relations entre les administrations et les citoyens

Un projet de loi spécifique, relatif à des simplifications de procédures, et à la création des maisons de service public a été adopté en conseil des ministres le 11 septembre dernier.

Les maisons de services publics

« Une maison des services publics réunit des services publics relevant de l'État et de ses établissements publics, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, des organismes de sécurité sociale ou d'autres organismes chargés d'une mission de service public, afin de faciliter les démarches des usagers et d'améliorer la présence de ces services publics sur le territoire.

Elle peut, pour le compte des services publics qui y participent, recevoir les demandes des usagers, en accuser réception, les transmettre à l'autorité compétente, en faciliter ou en assurer l'instruction et, par délégation de l'autorité compétente, prendre les décisions ou délivrer les prestations correspondantes », (art. 9 du projet de loi relatif à l'amélioration des relations entre les administrations et le public).

2. La réorganisation des services


• Le Premier ministre doit se prononcer d'ici à la fin de l'année 1996 sur les projets de réorganisation de chaque ministère, mettant en oeuvre :

- la réduction de 10 % des effectifs réels des administrations centrales (- 7.000 agents) ;

- la réduction de 30 % du nombre de directions centrales ;

- le renforcement de fonctions défaillantes ayant un caractère stratégique.


• Des schémas de réorganisation seront expérimentés à la fin de l'année dans plusieurs départements et régions.

3. La modernisation de la gestion publique

a) La fonction publique


• À partir de 1997, seront mis en oeuvre les dispositifs :

- de regroupement et fusions de corps,

- de formation en vue de mobilité ;

- de notation et évaluation individuelle,

- de déconcentration de gestion des personnels,

- de réforme de l'encadrement supérieur.

La gestion prévisionnelle des effectifs

Un bilan de tous les systèmes de gestion des effectifs existants doit être réalisé d'ici à la fin de l'année 1996. Un guide de la gestion prévisionnelle sera édité au début de l'année 1997.

D'ici à la fin de l'année 1997, chaque ministère devra élaborer un plan de gestion prévisionnelle des effectifs, précisant :

- l'étendue exacte de ses missions ;

- ses besoins en effectifs par mission ;

- sa politique de recrutement, de formation.


• Des centres de responsabilité aux contrats de service

Le comité interministériel du 29 mai 1996 pour la réforme de l'État a décidé une expérimentation de contrats de service, permettant d'aller au-delà des progrès existant en matière de délégation des responsabilités.

En effet, certaines étapes ont déjà été franchies dans la délégation de la gestion :

- la globalisation des crédits de fonctionnement courant au sein d'une enveloppe unique ;

- un nouveau modèle de gestion des crédits a été expérimenté par les centres de responsabilité en 1995, permettant un examen global des dépenses de fonctionnement par le contrôle financier, avec la mise au point d'indicateurs de coût et d'efficacité relative du service.

Le contrat de service ira plus loin, en associant l'ensemble des parties prenantes à son fonctionnement, dans ce qui commencerait à ressembler à une logique d'entreprise. Les premiers contrats seront expérimentés aux Finances, à l'Éducation nationale, à l'Équipement.

Le contrat de service : un réel espoir de modernisation

1. La définition des objectifs, la mesure des résultats

Les objectifs des contrats de service seront très précisément spécifiés, leurs résultats mesurés et comparés si possible avec ceux de services du secteur commercial.

2. La consultation des usagers

Des enquêtes de satisfaction seront réalisées pour consulter les usagers.

3. Un nouveau mode de gestion

Le contrat de service doit permettre une autonomie plus grande des gestionnaires, en contrepartie d'un contrôle des résultats.

Les contours de ce nouveau mode de gestion sont très précisément décrits par la direction du Budget, fortement impliquée dans cette réforme :

"- La préparation du budget

"Les chefs de service négocieront chaque année au printemps avec leur administration centrale le budget global qui leur sera alloué l'année suivante, en personnels et en fonctionnement, pour exercer les missions qui leur seront confiées.

"Cette négociation se fera en parallèle avec la procédure d'élaboration du projet de loi de finances, aussitôt après le cadrage collégial des choix budgétaires que le Gouvernement effectuera désormais en avril, conformément à la rénovation de la procédure budgétaire décidée par le Premier ministre. Il appartiendra à l'administration centrale de veiller à ce que les dotations des services soient compatibles avec les orientations résultant de ce cadrage.

"Chaque service se verra ainsi indiqué une enveloppe globale de référence -addition d'une dotation globale de fonctionnement et de crédits de personnel calculés à partir des emplois prévus pour le service- au sein de laquelle il aura la possibilité de réallouer les moyens, soit en rendant des emplois d'une catégorie en échange d'emplois d'un profil plus adapté aux missions qui lui ont été assignées, soit en proposant des économies nettes de personnel et en demandant, le cas échéant, un renforcement d'autres dotations, soit, également en panachant l'ensemble de ces dispositions, sans toutefois proposer des créations nettes d'emplois au-delà de la dotation d'emplois communiquée par l'administration centrale. Il pourra, en optimisant son organisation, à la fois réduire ses coûts et améliorer le fonctionnement du service.

"Une fois arrêtées les décisions gouvernementales sur le projet de loi de finances, le service recevra notification définitive de son budget, en crédits et en emplois.

"- L'exécution du budget

La gestion des moyens de service en cours d'année se fera dans le respect de la spécialité des crédits, les dépenses de fonctionnement et de personnel étant imputées sur des chapitres distincts. La gestion des emplois se fera dans le respect des plafonds d'emplois du service. Toutefois, les crédits de fonctionnement seront gérés au sein d'une dotation globale pouvant inclure les vacations dès l'instant que le contrôleur financier local aura les moyens de vérifier que les vacataires n'occupent pas des emplois permanents. En ce cas les crédits de vacation pourront être regroupés sur le chapitre de fonctionnement à hauteur de la dotation des services sous contrat. En outre, les facilités de gestion d'ores et déjà consenties aux centres de responsabilité bénéficieront évidemment aux services sous contrat."

4. L'association des personnels à l'amélioration de la gestion et les retours financiers en leur faveur

Un intéressement financier des agents pourra être mis en oeuvre sur la base des économies réalisées.


• La modernisation de la gestion du patrimoine de l'État

Deux séries de travaux sont en cours :

- un comité d'experts présidé par M. André Giraud remettra son rapport en décembre 1996 ;

- une mission interne au ministère de l'économie et des finances, présidée par M. Guy Delorme, inspecteur général des finances, coordonne les travaux des différentes directions du ministère et remettra son rapport en novembre.

À moyen terme, la mise en place d'une comptabilité patrimoniale de l'État devrait permettre l'amélioration de la gestion publique, fondée sur la connaissance des coûts complets des services publics, rapportés à la mesure des services rendus.

CONCLUSION

Votre rapporteur estime que les chantiers de la réforme de l'État sont abordés par le Gouvernement dans un réel souci d'efficacité qui mériterait de connaître un plus grand retentissement dans l'opinion publique. Les perspectives ouvertes sont considérables : en effet, même si elle est relancée grâce à la contrainte budgétaire, la réforme de l'État devrait toutefois permettre de dépasser les considérations purement financières.


Une réforme « a minima » ?

Demeurant aujourd'hui limitée, la réforme de l'État pourra être considérée comme un véritable succès si elle permet de faire sauter quelques verrous :

- la réorganisation des administrations centrales, et la déconcentration du contrôle financier constituent deux véritables progrès si elles sont réellement menées jusqu'au bout, car ces réformes devraient tempérer les défauts les plus criants de la gestion parisienne ;

- le regroupement des corps et la formation à la mobilité devraient quant à eux permettre une "respiration" indispensable aux ressources humaines de la fonction publique, à condition de surmonter le corporatisme de certains départements ministériels tels que les Finances ou les Affaires étrangères, qui demeurent très réticents vis-à-vis de l'interministérialité, quand ils ne la refusent pas de facto...

- enfin, la réforme de la notation, et la possibilité de modulation des primes dans le cadre des contrats de service seraient un moyen de lutter contre la rigidité du statut de la fonction publique, incompatible avec une véritable motivation des agents.


Vers une réforme plus ambitieuse

Toutefois, la réforme de l'État pourrait permettre d'aller beaucoup plus loin en acceptant de raisonner différemment. Trois exemples peuvent en être donnés :

1) La négociation salariale devrait au minimum être scindée par fonction publique (État, territoriaux, hospitaliers); il est inconcevable, à l'heure de la décentralisation, qu'une seule négociation soit menée pour 4,5 millions d'agents.

2) À partir des contrats de service, la gestion des effectifs pourrait se faire à partir d'une enveloppe salariale, plutôt que de rester basée sur une grille d'emplois budgétaires.

3) Enfin, la notion de "métiers" devrait être promue dans l'administration, afin de permettre une véritable circulation des agents publics.

Ces trois réformes, sans remettre en cause le statut de la fonction publique, supposent un changement de mentalité : celui-ci est indispensable pour permettre à l'État employeur de retrouver des marges de manoeuvre dans un contexte de maîtrise des dépenses et pour permettre à ses agents de trouver naturellement leur place dans une société qui change profondément.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 19 novembre 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a procédé à l'examen des crédits de la fonction publique et de la réforme de l'État, sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur spécial et à l'audition de M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation, sur les crédits de son département ministériel.

I. EXAMEN DES CREDITS DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA RÉFORME DE L'ETAT, SUR LE RAPPORT DE M. PHILIPPE MARINI, RAPPORTEUR SPÉCIAL

Au cours d'une séance tenue le mardi 19 novembre 1996, la commission des Finances a examiné, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, les crédits de la fonction publique et de la réforme de l'État, sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur spécial.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a rappelé que les crédits de la fonction publique recouvraient deux entités bien différentes : d'une part, l'ensemble des charges de personnel correspondant aux rémunérations, cotisations sociales et charges de pensions de la fonction publique d'État, qui sont des dépenses transversales à l'ensemble des départements ministériels et, d'autre part, les crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation, rattachés aux services du Premier ministre, et individualisés dans le budget de ces services.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a d'abord présenté les charges de personnel de l'État, qui progressent de 2,68 % et atteignent 581,9 milliards de francs en 1997, soit 37,5 % du total des dépenses du budget général.

La progression de 1,9 % des rémunérations sur les budgets civils (+5,5 milliards de francs) résulte pour 1,9 milliard de francs de mesures catégorielles, pour 1,5 milliard de francs d'une provision inscrite au budget des charges communes pour des mesures intéressant la fonction publique, Pour - 0,8 milliard de francs des économies liées aux 9.283 suppressions d'emplois dans les budgets civils, et pour le solde, soit environ 2,8 milliards de francs, au coût des 3.684 créations d'emplois, à l'extension en année pleine des créations d'emplois de 1996 dans le secteur de l'enseignement, et au coût du "glissement vieillissement technicité".

Les charges de pensions civiles progressent de +3,6 % : depuis plusieurs années, ces charges progressent plus vite que les rémunérations, car elles reflètent la progression des effectifs de pensionnés, qui devrait aller s'amplifiant au cours des prochaines années.

Enfin, les dépenses de charges sociales progressent en 1997 de 4,3 %, sous l'influence d'une progression de 2,6 milliards de francs du versement à la caisse nationale d'allocations familiales, et d'une augmentation de 1,4 milliard de francs des crédits de compensation démographique entre régimes de sécurité sociale d'assurance vieillesse.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a ensuite rappelé que la politique de la fonction publique s'exerçait dans un cadre très contraignant, puisqu'après une période de progression de près de 12 % des emplois civils, entre 1980 et 1996, les suppressions d'emplois ne peuvent désormais s'effectuer que par un non-remplacement des fonctionnaires partant à la retraite.

Par ailleurs, le poids des effectifs conditionne les marges de revalorisation des traitements : ainsi, une augmentation de 1 % du "point fonction publique", unité de calcul de base des traitements (322,44 francs) coûterait plus de 6 milliards de francs au budget de l'État.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a ensuite souligné que la dépense induite de la fonction publique s'élèverait à 649 milliards de francs en 1996, soit 41,8 % des dépenses du budget général de l'État, et devrait progresser de + 2,3 % en 1997, son poids progressant de près d'un point dans les dépenses de l'État du fait de l'effort de maîtrise des charges réalisé en 1997.

Puis, le rapporteur spécial a précisé que les agents du secteur public comprenaient, au-delà des agents de l'État, ceux des établissements publics nationaux et des entreprises du secteur public, et que la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière comptaient respectivement 1,4 million et 843.000 agents. Il a souligné que si l'on tenait compte des effectifs d'agents bénéficiant d'une pension indexée sur la rémunération des fonctionnaires, c'étaient près de 9 millions de personnes au total qui relevaient de la politique salariale de la fonction publique.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a ensuite présenté les crédits du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation, chargé de la mise en oeuvre de la politique d'ensemble de la fonction publique, de la tutelle des établissements de formation des fonctionnaires (ENA, IRA...), de la coordination des actions engagées dans le cadre de la réforme de l'État, et de la modernisation de l'administration.

Le rapporteur spécial a indiqué qu'en 1997, les crédits progressaient de 14,2 % et atteignaient 1.178 millions de francs, notamment à cause de l'inscription de 150 millions de francs de crédits destinés au fonds pour la réforme de l'État, dont 40 millions de francs destinés à des dépenses en capital.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a ensuite évoqué les objectifs prioritaires de la réforme de l'État, définis par une circulaire du Premier ministre du 26 juillet 1995.

Actuellement, les réalisations les plus avancées concernent l'amélioration des relations entre les administrations et les citoyens, un projet de loi spécifique, relatif à des simplifications de procédures, et à la création des maisons de service public, ayant été adopté en conseil des ministres le 11 septembre dernier.

Par ailleurs, le Premier ministre doit se prononcer d'ici à la fin de l'année sur les projets de réorganisation de chaque ministère, mettant en oeuvre la réduction de 10 % des effectifs réels des administrations centrales, mais aussi la diminution de 30 % du nombre de directions centrales et le renforcement de fonctions défaillantes ayant un caractère stratégique, tandis que des schémas de réorganisation seront expérimentés à la fin de l'année dans plusieurs départements et régions.

Enfin, à partir de 1997, des dispositifs de regroupement et fusion de corps, de formation en vue de la mobilité, de notation et d'évaluation individuelle, de déconcentration de gestion des personnels, de réforme de l'encadrement supérieur, seront mis en oeuvre, des contrats de service seront expérimentés dans quelques ministères, et les propositions du rapport "Giraud" sur la gestion du patrimoine de l'État seront mises en application.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a ensuite souligné que l'examen des crédits de la fonction publique et de la réforme de l'État mettait en lumière les problèmes rencontrés par l'État employeur, aiguisés par une contrainte budgétaire qui l'amenaient, lentement, à chercher des solutions.

Ainsi, l'organisation de l'État employeur apparaît peu rationnelle, avec la tenue d'une seule négociation salariale menée avec l'ensemble des syndicats représentatifs, par le ministre chargé de la fonction publique, et concernant la fonction publique d'État, mais aussi les fonctions publiques territoriale et hospitalière, dont les contraintes sont différentes, soit au total 4 millions et demi d'agents. Par ailleurs, la gestion des effectifs est très peu déconcentrée : la plupart des concours sont nationaux, les commissions paritaires se tiennent au niveau ministériel, et chaque ministère gère ses propres effectifs à partir des emplois budgétaires qui lui sont attribués, ce qui explique une grande difficulté à organiser une mobilité des agents, même si certains corps ont une vocation interministérielle théorique, et en même temps, une absence d'affectation rationnelle des effectifs.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a insisté sur les contraintes du statut de la fonction publique, le cloisonnement de la fonction publique étant considérablement renforcé par la gestion par corps, dont chacun a ses perspectives de carrière et son système indemnitaire propre, qui sont autant d'obstacles à une mobilité qui devrait pouvoir s'organiser à partir de détachements ou de mises à disposition.

Par ailleurs, les suppressions d'emplois de fonctionnaires en cours de carrière ne pouvant être pratiquées -aucun licenciement ni aucune mobilité forcée n'étant compatible avec le statut de la fonction publique- les suppressions ne jouent donc que sur les départs à la retraite non remplacés ; parallèlement, alors que les créations d'emplois doivent être soigneusement maîtrisées, puisqu'elles représentent un engagement budgétaire aussi long que la vie d'un fonctionnaire.

Enfin, la connaissance des effectifs réels par ministère -les effectifs réels pouvant être moins élevés que les emplois budgétaires si certains sont vacants, ou plus élevés s'il y a rémunération en "surnombre"- est en général très lacunaire, la base de la gestion étant, d'une part, la grille d'emplois budgétaires du ministère et, d'autre part, la carrière individuelle des agents, sans qu'il y ait recoupement de ces informations, et encore moins gestion prévisionnelle.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a ensuite insisté sur la contrainte budgétaire qui devait s'imposer aux dépenses de fonction publique, cette contrainte devant inciter à la modernisation de la gestion des effectifs.

Le rapporteur spécial a estimé que la réforme de l'État pourrait être considérée comme un véritable succès si elle permettait de réaliser des opérations telles que la réorganisation des administrations centrales, une déconcentration du contrôle financier, la réforme de la notation, et enfin, la possibilité de modulation des primes dans le cadre des contrats de service.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial, a souligné enfin que la réforme de l'État pourrait permettre d'aller beaucoup plus loin en acceptant de raisonner différemment, et en a fourni trois exemples : la négociation salariale pourrait être scindée par fonction publique, la gestion des effectifs pourrait se faire à partir d'une enveloppe salariale, plutôt que de rester fondée sur une grille d'emplois budgétaires, et, enfin, la notion de "métiers" pourrait être promue dans l'administration, afin de permettre une véritable mobilité des agents publics.

À l'issue de cette présentation, un débat s'est ouvert au sein de la commission.

M. Jean Cluzel a souligné la contradiction qui risquait de naître entre la contrainte budgétaire et le rôle prééminent de l'État et de ses agents.

M. Alain Lambert, rapporteur général, a insisté sur l'enjeu que représentait la gestion des ressources humaines de l'État, et a exprimé le souhait de voir se tenir un débat spécifique au sein de la commission sur la réforme de l'État.

Répondant ensuite à Mme Maryse Bergé-Lavigne et Mme Marie-Claude Beaudeau ainsi qu'à M. Jean-Philippe Lachenaud, le rapporteur spécial, a souligné le caractère peu rationnel de la gestion de la fonction publique qui est subordonnée à une négociation entre chaque ministère dépensier et le ministère du budget, ce dernier poursuivant un objectif de réduction des dépenses de l'État. Le rapporteur spécial a rappelé que seule une réflexion sur la réforme de l'État, et la mise en place d'une gestion prévisionnelle des effectifs, permettraient de rationaliser la politique de la fonction publique et en même temps les arbitrages budgétaires.

La commission a décidé de réserver son vote sur les crédits jusqu'après l'audition de M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation.

II. AUDITION DE M. DOMINIQUE PERBEN, MINISTRE DE LA FONCTION PUBLIQUE, DE LA RÉFORME DE L'ÉTAT ET DE LA DÉCENTRALISATION, SUR LES CRÉDITS DE SON DÉPARTEMENT MINISTÉRIEL

M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation, a tout d'abord précisé que le budget dont il assure la gestion passait de 1,053 milliard de francs à 1,062 milliard de francs en 1997, cette évolution recouvrant une progression de l'action sociale interministérielle, un recentrage des crédits de formation et de modernisation sur les actions d'impulsion interministérielles, et, enfin, une remise à niveau des crédits nécessaires au fonctionnement des écoles sous tutelle du ministère.

Il a indiqué que l'augmentation de 28 millions de francs des crédits de l'action sociale permettrait d'accompagner la hausse prévisible du nombre de bénéficiaires en 1997. La globalisation des crédits déconcentrés de nombreux ministères et la mise en place du fonds pour la réforme de l'État, doté en 1997 de 150 millions de francs supplémentaires, autorisent une réduction des crédits des chapitres 34-94 et 37-04 consacrés à la formation et à la modernisation. Enfin, la progression de 13,9 millions de francs, par rapport à l'année en cours, du budget global consacré aux écoles sous tutelle du ministère de la fonction publique permettra la reconstitution en 1997 du montant de la subvention des instituts régionaux d'administration (IRA), qui avait été exceptionnellement réduite en 1996.

Détaillant ensuite le contenu du fonds de modernisation créé le 29 mai dernier par le Premier ministre, M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation, a précisé que l'enveloppe de 150 millions de francs prévue par le projet de loi de finances pour 1997 s'ajouterait aux 46 millions de francs dégagés en gestion pour 1996. Il a ajouté que la répartition des mesures nouvelles se ferait à hauteur de 50 millions de francs pour la première section du fonds consacrée au financement d'actions innovantes et de 100 millions de francs pour la seconde section affectée à l'action territoriale de l'État.

La première section vise à appuyer les actions qui concourent à l'amélioration du service rendu au citoyen, à la restructuration de services, à la formation lourde ou qui comportent le développement d'outils modernes de gestion, cependant que la seconde section doit financer des opérations d'amélioration des relations de l'administration avec les usagers, ainsi que des mesures de caractère interministériel et d'évaluation des politiques publiques.

Puis, le ministre a souhaité exposer le contenu de sa politique en matière de fonction publique. Il a indiqué que son objectif constant depuis son entrée en fonction avait été de créer un climat de dialogue propice à la restauration d'une politique contractuelle avec les syndicats.

Il a rappelé qu'il avait ainsi pu signer un accord sur la formation continue au mois de février dernier et que, depuis, deux autres accords, l'un sur la résorption de l'emploi précaire et l'autre sur la formation continue et le congé de fin d'activité, avaient été formalisés récemment dans un texte législatif.

Il a fait valoir que six organisations syndicales sur sept avaient signé ces deux derniers accords, preuve de la restauration d'un climat de confiance entre les collectivités publiques et leurs fonctionnaires.

Le ministre a estimé que la prochaine phase de cette activité contractuelle serait constituée par la sortie du gel de l'indice des traitements de la fonction publique décidée en 1995 pour l'exercice 1996. Il a précisé que les négociations débuteraient au mois de décembre prochain et a mis en exergue leur implication considérable pour l'état du climat social dans le pays ainsi que les conséquences financières lourdes, tant pour les hommes et leur famille que pour les collectivités publiques concernées, État, collectivités territoriales et hôpitaux.

Concluant son intervention liminaire, M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation, a indiqué qu'il travaillait également actuellement sur deux sujets de portée plus réduite : d'une part, le dossier de l'aménagement du temps de travail, l'administration paraissant avoir accumulé de ce point de vue un retard important par rapport au secteur privé et d'autre part, l'approfondissement du rôle de la fonction publique dans l'insertion des handicapés.

M. Philippe Marini, rapporteur spécial des crédits de la fonction publique et de la réforme de l'État, soulignant le fait que la diminution des effectifs de la fonction publique d'État était la première depuis 1988, a souhaité connaître selon quelles modalités les 5.600 emplois supprimés avaient été désignés. Dans le même ordre d'idées, il a demandé au ministre si des indicateurs quantitatifs et qualitatifs avaient été mis en place pour mesurer ce que devait être l'évolution du nombre de fonctionnaires dans la perspective d'une maîtrise pluriannuelle de la dépense publique.

Le rapporteur spécial a ensuite relevé qu'une provision de 1,5 milliard de francs représentant une fraction de point des traitements de la fonction publique avait été constituée dans le cadre du projet de budget pour 1997. Il a donc souhaité savoir si cette provision ferait ultérieurement l'objet d'une négociation entre l'État et les centrales syndicales des fonctionnaires.

Considérant enfin que la réforme de l'État progressait plus rapidement qu'on ne le pensait généralement, grâce notamment aux évolutions significatives engagées dans les domaines de la réduction du nombre des corps de fonctionnaires, de la réforme du système de notations, de la déconcentration de la gestion du personnel et d'une plus grande responsabilisation des gestionnaires au plan local, il a regretté la trop grande discrétion du Gouvernement sur ces avancées et a demandé au ministre de préciser les objectifs qu'il se donnait pour les prochaines années.

Répondant au rapporteur spécial, M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation, a tout d'abord rappelé que le débat d'orientation budgétaire tenu au printemps dernier dans les deux Assemblées avait permis au Parlement de poser la question de la réduction des effectifs dans la fonction publique de l'État et que c'est à la suite de ce débat qu'un travail d'analyse avait été conduit ministère par ministère.

Faisant observer que le résultat obtenu constituait un solde, avec notamment la création de 2.600 emplois dans le budget de l'enseignement supérieur, 327 emplois à celui de la justice, et 160 emplois à l'aviation civile, il a fait observer que la réduction constatée l'an prochain procédait d'une analyse technique et non d'un abattement forfaitaire imposé à l'ensemble des départements ministériels.

Il a également fait valoir que la logique mise en oeuvre était pluriannuelle et que 1997 ne constituait pas un exercice de réduction exceptionnelle.

Abordant ensuite la question de la provision d'1,5 milliard de francs, constituée pour la sortie du gel du point d'indice de la fonction publique, il a exprimé sa conviction que les syndicats, s'ils étaient attentifs à l'évolution des prix, étaient également conscients des contraintes financières auxquelles se trouvent exposées les collectivités publiques, État, collectivités territoriales et hôpitaux. Reconnaissant que la négociation serait certainement difficile, il s'est toutefois déclaré confiant quant aux perspectives d'aboutissement.

Abordant enfin la question du contenu de la réforme de l'État, M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation, a rappelé que des groupes de travail avaient été mis en place avec la direction de la fonction publique sur tous les sujets évoqués par le rapporteur spécial, et que la relative discrétion évoquée par celui-ci procédait de son refus d'aborder ces différents thèmes en termes idéologiques. Il a en effet plaidé le fait qu'il existait plusieurs cultures au sein de la fonction publique, et qu'il fallait en tenir compte si le Gouvernement souhaitait faire avancer concrètement ses dossiers.

Détaillant ensuite les principaux aspects de son action en ce domaine, le ministre a indiqué qu'il souhaitait opérer un rapprochement des corps, préalable à la déconcentration de leur gestion. Il s'est déclaré également favorable à une plus grande déconcentration des structures de dialogue entre l'État et les syndicats et a précisé qu'il avait prévu dans cette perspective d'accorder des crédits aux centrales syndicales pour les aider à former des responsables aptes à conduire des discussions au plan local.

Mme Maryse Bergé-Lavigne a demandé au ministre si, au-delà des économies directement induites par la réduction du nombre des emplois de fonctionnaires, l'État avait procédé à une évaluation du coût réel de ces disparitions d'emplois pour l'ensemble de l'activité dans un pays qui compte plus de trois millions de chômeurs.

Elle a ensuite regretté que les gisements d'emplois existant dans la fonction publique ne soient pas plus systématiquement mis en valeur, faisant observer à titre d'exemple que la loi sur l'aménagement du temps de travail récemment votée par le Parlement n'était pas mise en oeuvre dans le secteur hospitalier.

Elle s'est enfin inquiétée du dévoiement que constitue, dans de nombreux cas, le recours aux contrats emploi-solidarité (CES), qui permet à des collectivités d'alléger le coût de charges correspondant à des emplois qui devraient être occupés par des titulaires.

M. Denis Badré a demandé au ministre s'il avait une volonté forte d'aller de l'avant en matière de déconcentration, estimant qu'il était indispensable de progresser dans la voie d'une plus grande responsabilisation de ceux des échelons administratifs qui sont le plus en contact avec les citoyens.

M. Christian Poncelet, président, a tout d'abord souhaité obtenir du ministre la composition exacte des grands corps de l'État, avec notamment le nombre des personnes nommées au tour extérieur.

Il a ensuite demandé si le Gouvernement envisageait d'appliquer la règle en vigueur au Royaume-Uni selon laquelle tout fonctionnaire présentant sa candidature à une élection est réputé démissionnaire d'office.

Il a enfin exprimé son inquiétude face aux difficultés, semble-t-il de plus en plus nombreuses, rencontrées par les fonctionnaires de catégorie B pour accéder par la voie de la promotion interne aux corps relevant de la catégorie A.

En réponse aux différents intervenants, M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation, a tout d'abord rappelé que si le budget de l'État prévoyait une réduction de 5.600 emplois, 10.000 jeunes devraient être recrutés par l'ensemble des fonctions publiques l'année prochaine. Quant aux conséquences de cette réduction sur la globalité de la sphère économique, il a fait remarquer que c'est en allégeant les charges qui pèsent sur celle-ci que le Gouvernement estime pouvoir créer des emplois et que la réduction du déficit budgétaire, à laquelle participe la contraction des emplois de la fonction publique de l'État, est un instrument de cet allégement.

Le ministre a ensuite reconnu que l'esprit dans lequel avaient été conçus les contrats emploi-solidarité n'était pas suffisamment respecté, mais il a également fait valoir que dans certains cas c'étaient les intéressés eux-mêmes qui refusaient le volet formation prévu dans le cadre des CES. Il a estimé que les administrations devraient à l'avenir être plus attentives à l'aspect insertion du mécanisme des contrats emploi-solidarité, quitte à recruter moins de postulants afin de leur garantir une formation effective.

En réponse à M. Denis Badré, il a confirmé la volonté politique très forte exprimée en matière de déconcentration, au premier chef, par le Président de la République. À ce sujet, il a exprimé sa conviction que ce chantier, pour être mené à bien, devait reposer sur deux moyens trop peu utilisés à ce jour : d'une part la déconcentration et la globalisation des dotations budgétaires ; d'autre part, la déconcentration de la gestion des personnels. Il a cependant souligné le fait que cette démarche était entravée par la persistance du département comme échelon de droit commun de l'intervention déconcentrée de l'État, faisant observer que ce niveau d'intervention était parfaitement adapté au rôle joué par la puissance publique dans les années 1960, mais ne l'était plus dans les années 1990.

Il a ajouté que des progrès devraient donc encore être accomplis en ce domaine.

En réponse à M. Christian Poncelet, président, le ministre a indiqué qu'il lui ferait parvenir une note sur la composition des grands corps de l'État.

S'agissant de la démission d'office des fonctionnaires candidats à une fonction publique élective, il a estimé que la question soulevée par le président devait d'abord être soumise à l'examen des partis politiques et que le Gouvernement n'avait pas d'opinion en l'état de sa réflexion sur ce sujet.

Il a également convenu que si le passage des fonctionnaires d'un corps de catégorie C à un corps de catégorie B ne semblait pas poser de problèmes aujourd'hui, il n'en allait pas de même pour l'intégration dans un corps de catégorie A d'un agent provenant d'un corps de catégorie B. Estimant que des progrès réalisés en ce domaine dépend une grande partie de l'état du climat social au sein de l'administration, il a indiqué au président que son ministère travaillerait au règlement de cette question.

Réunie le mardi 19 novembre 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission des Finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la Fonction publique et de la réforme de l'État pour 1997, à l'issue de l'audition de M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'État et de la décentralisation.

Réunie le jeudi 21 novembre 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a procédé à l'examen définitif du projet de loi de finances pour 1997 adopté par l'Assemblée nationale et a confirmé la position précédemment arrêtée.

Réunie le mercredi 9 octobre 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission des Finances a décidé à la majorité des présents de proposer au Sénat d'adopter les crédits du ministère de l'Équipement, du Logement, des Transports et du Tourisme (V. Tourisme) pour 1997.

* 1 Ces dépenses ne comprennent pas les charges de rémunérations, pensions et charges sociales des emplois des établissements publics nationaux financées sur subventions budgétaires un travail d'inventaire de ces charges reste à faire pour ces emplois qui se multiplient et dont le nombre total s'élevait, au 31 décembre 1994, à 195.258 (dernier chiffre connu...).

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