B. LE FINANCEMENT DES CLUBS SPORTIFS

1. Le financement par les collectivités locales

Le sport est, avant tout, aidé par les collectivités locales.

En 1995 1 ( * ) , sur 72,83 milliards de francs, les ménages ont apporté 30,56 milliards, le secteur privé, 6,25 milliard, l'Etat, 8,44 milliards, soit 11,6 %, et les collectivités locales, 27,58 milliards, soit 37,86 %, dont 24,77 milliards pour les communes, qui constituent à elles seules plus du tiers des sources de financement du sport.

La décentralisation a conduit à une véritable « explosion » des budgets sportifs des départements et des régions.

De 1984 à 1992, les budgets départementaux consacrés au sport sont passés de 597 millions de francs à 2 484 millions, soit une multiplication de plus de 4, et les budgets régionaux consacrés au sport, de 47 millions à 775 millions de francs, soit une multiplication par 16 !

a) Le droit existant : l'article 19-3 de la loi du 13 juillet 1992

L'article 19-3 de la loi du 13 juillet 1992 est issu de la loi du 8 août 1994. Il vise à réglementer les concours financiers accordés par les collectivités territoriales aux clubs sportifs professionnels.

Les organisations concernées sont les clubs qui dépassent le double seuil (conditions cumulées) de 2.500.000 francs nets de recettes et de rémunérations hors charges versées aux sportifs, en partant d'une moyenne correspondant aux trois derniers exercices.

Dorénavant, ces structures ne pourront plus être subventionnées librement par les collectivités territoriales.

Afin d'aménager un régime transitoire, le législateur a prévu des assouplissements dont l'organisation a été précisée par un décret du 24 janvier 1996. Une période intermédiaire permet aux clubs concernés d'organiser leur autonomie financière en sollicitant surtout les financements privés. Le délai expire le 31 décembre 1999. D'ici cette échéance, et afin d'encadrer les rapports contractuels entre les collectivités territoriales et les clubs, les versements de subventions devront faire l'objet d'une convention.

Aux termes de ce décret, le montant total des subventions versées par la collectivité est régulé par deux plafonds.


• Le premier est constitué par un pourcentage des recettes du club, calculé par année sportive, en général de juillet à juillet, incluant aussi les subventions accordées au titre de l'année sportive précédente. Le pourcentage maximal de subventions accordé par une collectivité dans l'ensemble des recettes d'un club est déterminé à partir d'un barème figurant dans les tableaux ci-après :

Clubs de première division de championnat de France professionnel de la Fédération française de football

Clubs de deuxième division de championnat de France professionnel de la Fédération française de football et clubs de Pro A du Championnat de France de la Fédération française de basket-ball

Clubs de Pro B du championnat de France de la Fédération française de basket-ball et autres groupements sportifs mentionnés à l'article 11 de la loi du 16 juillet 1984 modifiée


• Le deuxième plafond vise le montant moyen des subventions reçues par le club au cours des trois derniers exercices connus.

Ce chiffre indicatif, qui est un taux moyen de référence, modère certains effets inflationnistes pour ensuite servir de base de calcul, tant aux clubs dont le niveau de championnat a changé d'une année sur l'autre, qu'aux clubs nouvellement constitués.

Ce taux moyen par championnat est fixé chaque année par le secrétariat d'Etat à la Jeunesse et aux Sports.

Une circulaire interministérielle en date du 9 mai 1995 a souligné que les collectivités locales peuvent accorder des aides indirectes aux groupements sportifs en légitimant leur démarche par application de l'article 4 de la loi du 7 janvier 1982 qui délimite la participation des communes à certains types d'actions.

Néanmoins les collectivités locales vont devoir faire preuve de méfiance et éviter d'attribuer une subvention qui correspondrait à un service rendu à son profit. Si c'était le cas, la TVA serait alors applicable. Les conventions seront donc rédigées de manière générale et les crédits accordés devront être globalisés.

La contractualisation obligatoire, depuis 1994, permet une plus grande cohérence dans les relations entre les clubs professionnels et les collectivités locales.

b) Une limitation difficile à mettre en oeuvre

Le problème des subventions accordées aux clubs sportifs professionnels par les collectivités locales mérite que l'on s'y attarde. Votre rapporteur ne pouvait pas faire l'impasse.

L'institution d'un seuil a des effets paradoxaux.

Une organisation fortement subventionnée par une municipalité même si elle ne développe qu'un faible volume financier ne sera pas concernée par cette loi parce qu'elle n'atteint pas le seuil fatidique. A l'opposé, une structure qui assure son propre financement tout en obtenant d'excellents résultats sera privée de subventions dans la mesure où elle dépasse les seuils indiqués. Enfin, et parce que les deux seuils doivent être cumulés, une association sportive qui n'enregistrera que de faibles recettes tout en distribuant en revanche d'importants salaires au-delà du seuil de 2.500.000 francs, pourra continuer d'être subventionnée.

Le principe même des seuils permet des stratégies de contournement et peut donc entraîner des effets pervers. En effet, un club n'atteignant pas les seuils indiqués précédemment mais utilisant des techniques commerciales (publicité aux tiers autres qu'à ses membres, prix pratiqués comparables à ceux du marché commercial, etc...) devra s'acquitter de sa dette fiscale et ne pourra pas être subventionné. Par contre, comme pour les organisations dépassant le seuil, il pourra bénéficier d'une aide économique accordée par la collectivité territoriale. Seules les associations sportives en mesure de préserver un fonctionnement à gestion désintéressée, pourront bénéficier de subventions publiques. On constate ainsi que ces mesures, particulièrement restrictives, constituent une rupture par rapport au régime de grande liberté qui existait auparavant.

c) Le problème de la TVA

Si le dispositif législatif est maintenu et si les subventions sont interdites à partir du 1er janvier 2000, les collectivités qui souhaiteront soutenir les clubs ne pourront que conclure des contrats de partenariat. Les prestations s'analysant comme une activité de publicité ou de promotion, les sommes allouées seront assujetties à la TVA.

La conséquence de cet assujettissement doit être nuancée, car les clubs sportifs sont déjà partiellement assujettis à la TVA, pour les publicités (sur les maillots des joueurs, sur les achats d'espaces publicitaire), leurs recettes de guichet étant, pour leur part, imposées à la taxe sur les spectacles. En outre, la taxe sur les salaires, qui découle d'assujettissement partiel à la TVA, est calculée à partir du contre-prorata assujettissement à la TVA. Le club dont le prorata de TVA augmentera verra corrélativement la taxe sur les salaires baisser.

Il existe, par ailleurs, plusieurs solutions permettant de maintenir l'aide des collectivités locales aux clubs sportifs :


L'achat de places ou les locations de loges lors des rencontres sportives, qui sont exonérées de TVA mais soumises à la taxe sur les spectacles.

Rappelons, en revanche, que l'achat d'espaces publicitaires dans un stade, sur les tenues des joueurs ou dans les revues, est assujettie à la TVA et les prestations de parrainage, qui sont des dépenses de fonctionnement, ne sont pas éligibles au FCTVA ; les collectivités ne peuvent se voir rembourser la TVA acquittée.

L'action de parrainage devra, par ailleurs, répondre à un intérêt local. Une subvention versée par un conseil général à une association pour lui permettre de participer à un Paris-Dakar a été annulée pour défaut d'intérêt local.


• Les subventions versées aux clubs sportifs pour participer à des actions d'animation locale dans des quartiers pourrait ne pas être considérée comme une prestation soumise à la TVA, l'incitation à la pratique sportive et la promotion du sport suscitées par cette prestation ne procurant pas un avantage individualisé à la collectivité et l'avantage retiré par celle-ci étant trop indirect pour que la subvention puisse être considérée comme le prix d'un service rendu.


• Les aides aux centres de formations, qui permettent de former de jeunes joueurs locaux, par la mise en place de sections sportives et de classes à horaires aménagés -qui entrent dans le champ de compétence des collectivités locales en matière d'éducation et de formation professionnelle -pourraient échapper au plafonnement des subventions locales.

d) Quelles ressources de remplacement ?

L'extinction progressive des subventions locales doit être compensée par de nouvelles sources de financement privé.

Or, compte tenu de l'importance de l'engagement des collectivités locales, on peut douter que cette compensation soit réalisable. Les collectivités locales ont consacré 7,8 milliards de francs au financement du sport en 1994. Cette somme est affectée, à hauteur de 16 % (1,3 milliards) aux équipes professionnelles. L'aide des collectivités représentait 17 % des recettes de D1 en football, 27 % en D2, 40 % pour les équipes de basket et 20 % pour le rugby.

Actuellement, aucun sport professionnel ne peut donc réellement vivre sans le soutien des collectivités locales. Pour autant, celles-ci ne peuvent assurer à elles seules le financement des clubs sportifs.

Le fait d'être assuré de ressources publiques a sans doute ralentit les efforts de diversification commerciale des clubs sportifs. On peut, en effet, s'étonner de la faiblesse des recettes procurées de la vente de produits dérivés, qui peut constituer un apport commercial non négligeable. La France est en retard dans ce domaine. Ainsi, lorsque le PSG engrange 12 millions de francs de recettes en produits dérivés, les clubs de football anglais de Newcastle et de Manchester bénéficient de plus de 150 millions de francs chacun !

La source alternative de financement des clubs professionnels la plus souvent citée est la télévision payante.

Votre rapporteur émet, à cet égard, les plus vives réserves.

Il est avéré que les clés du développement de la télévision numérique résident dans l'obtention, par les diffuseurs, des droits du sport et du cinéma. En conséquence, les droits de retransmissions des manifestations sportives ont très fortement augmenté, suite à la surenchère que se livre les opérateurs télévisuels.

1 franc par abonné. Tel semble être le prix payé par Canal + pour diffuser des matches de première division. Les matchs étaient payés 250 000 francs pour 250.000 abonnés en 1984. Les années précédentes les droits de diffusion étaient acquis par les chaînes publiques pour seulement 50 000 francs. La diffusion d'un match coûte, en 1996, à la chaîne cryptée 4,5 millions de francs pour 4,5 millions de téléspectateurs. Pour 38 matchs dans l'année, le coût de revient, y compris 1 million de francs de frais techniques pour la diffusion des matchs (chacun nécessite 18 caméra) s'élève à 209 millions de francs par an pour Canal +. Avec CanalSatellite, l'opérateur propose en diffusion numérique, cryptée, le choix entre les différents matchs joués le même soir, avec le système du paiement à la séance. Pour sa part, TF1 a investi 400 millions de francs par an sur le football dont 120 millions pour la Ligue des champions.

Pour les retransmissions des grands prix de Formule 1, TF1 a payé les droits d'exclusivité pour dix ans (1996-2006) 1 milliard de francs.

Pour la retransmission du Tour de France, France Télévision a payé 60 millions en 1993 et 75 millions en 1996.

Ces prix sont justifiés par l'audience que les diffusions procurent et les recettes publicitaires qu'elles induisent.

Cependant, des dérives sont possibles et l'on peut craindre une véritable privatisation de la diffusion des grandes compétitions sportives, à l'image de l'OPA du groupe Murdoch sur le rugby de l'hémisphère Sud et sur la Grande-Bretagne. Seuls les abonnés aux chaînes de télévision payantes pourraient accéder à ces compétitions sportives.

En outre, l'influence des régies publicitaires pourraient amener à changer les règles du jeu, comme remplacer les mi-temps par des tiers-temps voire des quart-temps, afin de diffuser davantage de publicité.

Votre rapporteur estime que les plus grandes manifestions sportives devraient, au contraire, bénéficier d'un service universel et être diffusées uniquement sur les chaînes en clair afin de permettre à chaque citoyen d'accéder aux grands matchs.

e) Les pistes de réforme

(1) Le relèvement du seuil

Le champ d'application de l'article 19-3 est fixé par le décret du 11 mars 1986, pris en application de l'article 11 de la loi du 8 août 1984.

Le seuil de constitutions des sociétés sportives a été fixé à 2,5 millions et n'a pas évolué depuis 1986.

Le relèvement du seuil pourrait limiter considérablement le champ d'application de l'article 19-3 et permettrait d'épargner ainsi de nombreux clubs de N1 et de N2 en football, des clubs de volley, de handball, de rugby, de hockey sur glace et de basket pro B.

(2) Une exception sportive ?

Sur le modèle de l'exception culturelle, on pourrait considérer le club sportif professionnel comme une entreprise de spectacle sportif, qui ne serait pas soumis au droit des interventions économiques des collectivités locales et bénéficierait d'un régime dérogatoire.

2. La fiscalité du droit d'utilisation des installations sportives

La directive du 19 octobre 1992, qui précise, dans son annexe H, que le droit d'utilisation d'installations sportives peut faire l'objet d'un taux réduit de TVA dans les Etats membres de l'Union. Plusieurs pays, dont la Belgique et la Finlande, ont d'ailleurs usé de cette faculté.

Selon une étude de BIPE Conseil, cette mesure ne serait pas aussi coûteuse que le ministère du budget le prétend ; elle reviendrait à moins de 400 millions de francs, alors que l'administration fiscale avance le chiffre de 1,4 milliard. De plus, le solde des impacts sur les comptes publics serait nettement positif à échéance de trois ans.

Plusieurs initiatives parlementaires tendant à baisser ce taux de 20,6 % à 5,5 % ont donc été prises, notamment à l'Assemblée nationale lors du débat sur les crédits du ministère, le 12 novembre dernier.

Le ministre délégué à la Jeunesse et aux Sports a fait valoir que le contexte budgétaire ne le permettait pas mais que « dès que nous en aurons la possibilité budgétaire, nous étudierons, avec le plein souci de les voir réussir, toutes les dispositions qui tendront à la fois à favoriser la pratique sportive, à optimiser la fréquentation des équipements et à créer des emplois ».

Or, le financement du sport en France repose de façon sans doute trop lourde sur les collectivités territoriales.

Les équipements sont à la charge des communes, même si les départements contribuent à leur financement. Le personnel est dans sa quasi-totalité rémunéré sur les budgets locaux. Les subventions se répartissent plus équitablement entre les trois niveaux de collectivités territoriales, mais elles proviennent tout de même, pour plus de la moitié, des communes.

Un effort supplémentaire de l'Etat serait donc le bienvenu.

* 1 Enquête du secrétariat d'Etat à la Jeunesse et aux Sports de mars 1991 en données actualisées.

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