N° 86

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES
(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 45

DÉFENSE :

DÉPENSES ORDINAIRES

Rapporteur spécial : M. François TRUCY

(1)Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ.) : 2993, 3030 à 3035 et T.A. 590.

Sénat : 85 (1996-1997).

Lois de finances.

PRINCIPALES OBSERVATIONS

1. Place et évolution du titre III dans le budget de la Défense

L'année 1997 première annuité de la programmation va être une année capitale pour le personnel de la Défense. Outre le budget, celui-ci sera concerné par trois lois : sur la professionnalisation (en cours d'examen au Parlement), sur la conscription, sur les réserves.

Le changement qualitatif et quantitatif dans les effectifs entraînera, évidemment, des conséquences importantes :


• pour les intéressés, leur emploi, leur carrière, leur résidence et, partant, leur vie non seulement professionnelle mais familiale ;


• pour le fonctionnement des armées, des unités et des services dont une partie sera supprimée et dont l'autre connaîtra un nouvel équilibre entre personnel militaire, recentré sur ses tâches proprement opérationnelles et personnel civil appelé à remplacer une partie du personnel militaire "non opérationnel".

C'est donc essentiellement à travers les moyens financiers destinés à assurer ces changements, dans les meilleures conditions pour l'institution militaire comme pour son personnel, que doit être examiné le budget en projet. Il faut souligner, en effet, qu'aussi bien les départs que les recrutements dépendront du seul volontariat : d'où l'importance des incitations financières.

Plusieurs constats doivent être faits qui nourrissent certaines interrogations, le budget en projet accentuant les évolutions déjà constatées les années précédentes et signalées dans mon précédent rapport :


• le poids croissant des crédits de rémunérations ;


• l'amoindrissement corrélatif des crédits de fonctionnement ;


• l'inconnue des dépenses dues aux opérations extérieures.

2. Le poids croissant des crédits de rémunérations et de charges sociales (RCS)

De 1990 à 1996, les dépenses de RCS de la Défense ont augmenté en francs constants de 3 milliards de francs soit + 4 % ; dans la même période la valeur de l'indice de la fonction publique n'a augmenté que de 0,3 % et les effectifs ont diminué de 10 %. Mais la diminution des effectifs, qui a surtout porté sur les appelés (- 50.000) et qui est appelée à se poursuivre, a servi, en fait, à "gager" financièrement les mesures catégorielles et indiciaires.

Dans le projet de budget pour 1997 cette progression des RCS se poursuit : pour la première fois elles représentent plus des trois quarts du titre III (près de 78 milliards de francs). Sera-t-elle suffisante pour assurer un recrutement correspondant aux besoins, en nombre et en qualité ? En sens inverse, l'attrait financier sera-t-il suffisamment incitatif aux départs ?

3. L'amoindrissement corrélatif des crédits de fonctionnement

De 1990 à 1996, la part des crédits de fonctionnement dans le titre III (crédits hors RCS) est passée de 30 à 25 %. En 6 ans, ils ont chuté de 14 % en francs constants. Leur décroissance est donc beaucoup plus sensible que celle des effectifs. Certes des "seuils" de fonctionnement interdisent d'établir un parallélisme strict entre l'évolution des effectifs et celle des crédits de fonctionnement.

Pour 1997 il convient en tout état de cause de noter :

- que la diminution des effectifs va provoquer des fermetures d'unités des forces et d'établissements de services et, partant, un allégement des dépenses de fonctionnement, fermetures qui seront cependant étalées tout au long de l'année ;

- mais qu'en sens inverse :


• la déflation des effectifs provoque un recours accru à la sous-traitance ce qui obère les crédits de fonctionnement (hors RCS),


• de nouvelles charges (+ 1 milliard de francs) doivent être financées : frais d'affranchissement, cotisations d'assurances maladie des personnels civils,


• les bases de calcul des crédits de carburants apparaissent sous-évaluées : baril à 16,5 dollars et dollar à 5 francs soit 1 010 francs le m 3 de carburant alors qu'il coûte, actuellement, 1 350 francs ; or l'activité opérationnelle est étroitement dépendante des dotations en carburants.

Les dotations prévues se situent-elles au niveau d'équilibre entre ces facteurs aux effets contraires ?

4. L'inconnue des dépenses dues aux opérations extérieures

Désormais, et conformément à la loi de programmation, les opérations extérieures dites "courantes" doivent être financées sous enveloppe budgétaire, seules les opérations qui ne le sont pas - ainsi reconnues comme telles par décision du chef de l'État - donnent lieu à un supplément de ressources.

Or toutes ces dernières années, le surcoût des opérations extérieures a oscillé entre 4 et 5 milliards de francs ; il est évalué pour 1996 à plus de 5 milliards de francs (dont 3,5 milliards de francs pour l'ex-Yougoslavie).

Une double inconnue pèse donc sur ces opérations :


• quel en sera le coût en 1997 ?


• quelles seront celles considérées comme opérations "courantes" financées sous enveloppe ?

*

Au total la gestion des crédits du titre III s'annonce comme devant être particulièrement rigoureuse pour 1997 et cela même si aucun report de charges ne vient d'emblée l'obérer.

Peut-être ne serait-il pas inutile, au demeurant, d'engager une réflexion sur le niveau de nos opérations extérieures dont le surcoût est passé de 1,75 milliard de francs 1992 à plus de 5,5 milliards de francs en 1996 ?

Tout dépassement sur le titre III devra, en effet, être pallié :


• soit par des prélèvements sur le titre V (qui jusqu'à présent a été systématiquement mis à contribution pour financer le surcoût des opérations extérieures), prélèvements provoquant de nouveaux retards et de nouveaux étalements dans le déroulement des programmes d'équipement ;


• soit par une diminution du nombre des recrutements avec les conséquences inévitables sur les implantations en France, ou (et) le prépositionnement en Afrique et sur la capacité de projection des forces.

L'expérience de l'année 1997 sera donc capitale pour la poursuite de l'ambitieuse réforme de nos armées. Elle permettra, en particulier, de tester la validité de l'estimation des dotations financières destinées à inciter certains au départ et d'autres à l'engagement.

Elle devra être suivie avec une particulière attention tout au long de l'année.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des Finances a procédé le jeudi 7 novembre 1996 à l'examen des crédits de la défense : dépenses ordinaires (titre III), sur le rapport de M. François Trucy, rapporteur spécial.

M. François Trucy, rapporteur spécial a tout d'abord indiqué que le projet de budget de la défense pour 1997 s'élevait à 243,3 milliards de francs.

Il a précisé que le titre III représentait 53,5 % du budget et que l'augmentation de ses crédits était conforme au montant prévu par la loi de programmation (+ 1,6 % en francs courants).

Il a ensuite souligné le poids des dépenses de rémunération (76 % du titre III) et a constaté qu'elles augmentaient de 3,9 % malgré la suppression de 26.600 emplois liée à la forte diminution du nombre des appelés.

M. François Trucy, rapporteur spécial a ensuite décrit les mesures d'accompagnement de la professionnalisation des armées qui s'élèveront à 1,5 milliard de francs en 1997.

Il a souligné que les autres crédits de fonctionnement représentaient 24 % des crédits du titre III et s'élevaient à 24,5 milliards de francs, en diminution de 5,3 % par rapport à ceux de 1996.

En conclusion, M. François Trucy, rapporteur spécial, a fait part de ses observations.

Il a déclaré que l'année 1997 serait capitale, à la fois pour le personnel de la défense et pour l'avenir de ce secteur que trois lois sur la professionnalisation, sur la conscription et sur les réserves allaient bouleverser profondément.

M. François Trucy, rapporteur spécial, a également évoqué le poids croissant des crédits de rémunération et des charges sociales dans le budget, tout en se demandant si ces crédits seraient suffisants pour assurer un recrutement correspondant aux besoins, en nombre et en qualité, d'une armée moderne.

Enfin, il s'est inquiété de l'évolution des opérations extérieures. Rappelant que selon la loi de programmation, elles devaient être financées sous enveloppe budgétaire, il a fait remarquer que ces dernières années, le surcoût de ces opérations avait oscillé entre 4 et 5 milliards de francs et a fait part de sa crainte que des prélèvements soient réalisés sur le titre V afin d'assurer leur financement.

Un large débat s'est alors ouvert dans lequel sont intervenus M. Alain Lambert, rapporteur général, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Hubert Haenel, M. Guy Cabanel et M. Christian Poncelet, président.

En réponse aux intervenants, M. François Trucy, rapporteur spécial, a déclaré qu'il serait très attentif à l'évolution de l'appareil de défense de la France et a proposé la rédaction d'un rapport d'étape sur l'application de la loi de programmation.

Il a aussi souligné que l'État devra consentir un effort financier important pour assurer un recrutement de qualité de la future armée professionnelle française.

Par ailleurs, il a regretté que les contraintes de calendrier obligent de voter les crédits du budget de la défense avant l'examen des trois lois sur la professionnalisation, sur la conscription et sur la réserve qui sont amenées à influencer ce budget en profondeur.

Enfin, évoquant les inquiétudes des parlementaires sur la capacité de la France à augmenter rapidement son potentiel militaire en cas de crise grave, M. François Trucy, rapporteur spécial, a estimé que le débat sur le projet de loi relatif aux réserves devra avoir pour objectif d'obtenir des garanties suffisantes du Gouvernement sur l'efficacité de la nouvelle organisation des réserves.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la défense (dépenses ordinaires) ainsi que les articles 37 et 39 du projet de loi de finances.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page