CHAPITRE III LES SERVICES CHARGÉS DU CONTRÔLE DE LA VIE ÉCONOMIQUE : DGCCRF, DGI ET DOUANES

Le ministère de l'économie et des finances est souvent considéré comme une citadelle qui abriterait une administration omnipotente capable de tout contrôler et de tout décider.

Cette image, née d'une propension à la simplification, est en tout état de cause moins que jamais justifiée.

On est aujourd'hui plus proche de la vérité en estimant que les très importantes missions du ministère sont de plus en plus difficilement exercées par lui.

Il n'entre pas dans le cadre de ce rapport spécial d'aller au-delà des explications qui font ressortir le contraste entre la complexification des tâches et les moyens mis en oeuvre.

Mais les mettre en lumière constitue à soi seul un exercice de clarification nécessaire.

I. LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA CONCURRENCE, DE LA CONSOMMATION ET DE LA RÉPRESSION DES FRAUDES (LA DGCCRF)

Les missions de la DGCCRF sont considérables. Mais ses services, disposant de moyens limités sont amenés à exercer des choix de priorité au sein de cette compétence très vaste

A. DES MISSIONS VARIÉES AU SERVICE DE L'ORDRE PUBLIC ÉCONOMIQUE

Les missions de la DGCCRF sont à l'image de sa raison sociale, nombreuses et hétérogènes mais elles ont cependant une unité qu'on peut présenter ainsi : la DGCCRF est le service du ministère de l'économie et des finances destiné à veiller au respect des règles d'ordre public économique imposées aux marchés. Ces règles sont essentiellement relatives à la concurrence et à la loyauté commerciale entre entreprises et aux relations entre entreprises et consommateurs.


Dans le domaine de la concurrence, la DGCCRF a pour mission d'informer les professionnels des règles existantes et de proposer au ministre de l'économie les mesures susceptibles d'améliorer les conditions de la concurrence dans l'économie française.

Dans le cadre des articles 7, 8 et 10 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, elle cherche et analyse toutes les pratiques des producteurs comme des revendeurs, susceptibles de mettre en échec le jeu d'une libre concurrence. Ces entraves anticoncurrentielles multiples, qui tendent à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence, peuvent émaner aussi bien d'actions concertées entre professionnels d'un secteur d'activité que de clauses contractuelles qui limitent la liberté commerciale des revendeurs (prix minimum imposé) et de leurs suites logiques (refus de vente, conditions discriminatoires).

La DGCCRF engage les procédures de saisine du Conseil de la concurrence et participe aux différentes phases de la procédure d'instruction et de décision du Conseil. Elle assure l'exécution de ses décisions. Elle participe aussi aux différentes phases de la procédure devant la Cour d'appel de Paris, et devant la Cour de cassation.

Dans le cadre du titre IV de l'ordonnance du 1er décembre précitée, elle assure le respect des dispositions relatives à la transparence (règles de facturation, information entre professionnels sur les conditions de vente, coopération commerciale) et aux pratiques restrictives (revente à perte, prix imposés). Elle concourt le cas échéant à l'établissement de la preuve par le juge civil à l'occasion des litiges relatifs à des refus de vente, des pratiques discriminatoires ou des achats liés, en intervenant à l'instance ou en introduisant elle-même une instance comme l'y autorise l'article 36 de l'ordonnance.

Dans le domaine du contrôle de la concentration économique, la DGCCRF met en oeuvre les procédures prévues au titre V de l'ordonnance du 1er décembre ; elle présente au ministre des propositions de saisine du Conseil de la concurrence, elle prépare les décisions du ministre prises après avis du Conseil de la concurrence et en assure l'exécution. En outre, elle examine toutes les opérations de concentration qui lui sont notifiées et prépare les décisions.

Elle intervient dans les procédures de mise en oeuvre des textes européens relatifs au contrôle des concentrations et à la répression des ententes et abus de position dominante, en particulier dans l'application nationale des articles 85 et 86 du traité CEE pour laquelle elle a désormais directement compétence.


Dans le domaine de la surveillance du marché, la DGCCRF suit de façon régulière l'évolution des prix des produits alimentaires sensibles (fruits et légumes, produits laitiers et carnés, poissons frais), des prestations de service (réparation automobile, pressing, cafés, hôtels, restaurants) et des carburants et fioul domestique.

Elle contrôle l'application des mesures législatives ou réglementaires.


La DGCCRF participe également beaucoup à l'action spécifique relative à l'achat public.

La direction générale intervient dans le domaine de l'assistance économique aux collectivités publiques en contribuant à l'amélioration des conditions de passation des marchés et de négociation des contrats, ainsi qu'en donnant son avis sur les prix des services publics locaux.

Sur quelques organismes intervenant dans le domaine des marchés publics.

La commission centrale des marchés (CCM) exerce différentes missions en direction des acheteurs publics, des administrations de l'État, des collectivités locales et de leurs établissements publics par l'intermédiaire de son secrétariat général :


elle élabore la réglementation spécifique des marchés publics (code des marchés, cahiers des clauses administratives et techniques générales) et la para-réglementation y afférente (recueils de formulaires, documents types), dans le but d'aider les acheteurs publics à réaliser leurs achats dans le meilleur rapport qualité-prix tout en ménageant les deniers publics :


• elle aide les acheteurs à déterminer les meilleurs prix dans les marchés négociés en effectuant des enquêtes de coût de revient et en perfectionnant la doctrine desdites enquêtes sur un plan interministériel ;


• elle exerce la tutelle des groupements de commandes et des groupements d'achats, en particulier de l'UGAP :


• elle exploite et publie les informations relatives au recensement économique des marchés publics, établi à partir des données recueillies par les comptables du Trésor et met en place un système d'information économique corrélant ces données avec les données générales macro-économiques et sectorielles ;


• elle participe à la définition et à la mise en oeuvre des programmes d'ouverture des marchés sur les plans techniques tels que la normalisation informatique et télématique (programme F.PHOS et EUROMETHODE). et de pratique des échanges de données informatisées (EDI).

Depuis 1990, un service d'"audit" est à la disposition des acheteurs publics de l'État ou des collectivités territoriales pour les aider à analyser le fonctionnement et l'organisation de leurs services achats, et leur proposer des adaptations dans le cadre d'un diagnostic personnalisé.

Le secrétariat général cordonne en outre l'activité :

- des commissions spécialisées des marchés , au nombre de cinq, qui examinent les projets de marchés des administrations de l'État et de leurs établissements publics à caractère non industriel et commercial, dépassant un certain montant. Les commissions spécialisées des marchés veillent notamment à l'application des réglementations ;

- des groupes permanents d'études de marchés , qui élaborent des documents techniques, adaptés à chaque produit ou famille de produits, permettant aux acheteurs de bien exprimer leurs besoins

En outre, le secrétariat général participe aux travaux des commissions des marchés d'entreprises publiques : RATP, Aéroports de Paris, CEA, TDF, INA, EDF, GDF, France Télécom, Charbonnages de France, Compagnie nationale du Rhône, IFREMER...

Fonctionnent en outre auprès de la commission centrale des marchés :

- la mission interministérielle d'enquête sur les marchés , chargée d'enquêter sur les conditions de régularité et d'impartialité dans lesquels sont préparés, passés ou exécutés les marchés de l'État, des établissements publics nationaux, autres que ceux ayant le caractère industriel et commercial, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics et des sociétés d'économie mixte locale ;

- le comité consultatif national de règlement amiable des litiges survenant en cours d'exécution des marchés de l'État et de ses établissements publics qui statue en équité.

La DGCCRF est chargée de surveiller le respect des règles de passation des marchés publics. Ses agents participent à cet effet au fonctionnement des commissions d'appels d'offres.

La participation de la DGCCRF aux commissions d'appels d'offres, reconnue de longue date par le code des marchés publics, a vu son champ élargi par la loi du 29 janvier 1993 sur la prévention de la corruption, et celle du 8 février 1995 relative aux marchés et délégations de service public. Elles prévoient la présence du représentant de la DGCCRF aux commissions d'appels d'offres en matière de délégations de services publics, de contrats passés par les sociétés d'économie mixte et les sociétés d'HLM, ainsi que pour les avenants entraînant une augmentation du contrat supérieure à 5 %. La possibilité ouverte désormais aux représentants de la DGCCRF de faire valoir leurs observations par écrit dans le procès-verbal de ces commissions renforce de manière substantielle la portée des avis formulés par écrit en matière de respect des règles de transparence et de concurrence.


• Les missions exercées dans le cadre de la répression des fraudes visent à garantir la qualité des produits, leur loyauté ainsi que la sécurité des consommateurs. Elles participent à la mission plus générale de protection des consommateurs.

B. DES MOYENS INSUFFISANTS

Selon plusieurs indicateurs, notre pays connaîtrait un taux d'encadrement des pratiques concurrentielles inférieur à de nombreux partenaires, parmi lesquels l'Allemagne. En tout état de cause, une tension apparaît entre les objectifs de la DGCCRF et ses moyens et des choix difficiles président à leur répartition entre les missions poursuivies.

a) Une organisation administrative en évolution

Le déploiement territorial des services déconcentrés de la DGCCRF retient des solutions classiques avec une trentaine d'agents en moyenne par direction départementale.

Les implantations locales favorisent la présence des services près des lieux de distributions, ce qui a pour objectif de limiter les temps de transport au profit des temps de contrôle.

Toutefois, ce mode d'organisation n'est pas entièrement adapté aux missions de la DGCCRF qui sont de plus en plus centrées sur des contrôles portant sur des faits non rattachables par principe à une logique d'action territorialisée.

C'est pourquoi l'effort engagé pour améliorer le fonctionnement en réseau des services et pour promouvoir des actions interrégionales ou interdépartementales se justifie.

De quelques problèmes posés par les caractéristiques du personnel

Les agents de la DGCCRF appartiennent pour la moitié à la catégorie A de la fonction publique. Une certaine indifférenciation des rôles entre eux et les agents de catégorie B semble prévaloir dans les faits. En outre, la pyramide des âges est très engorgée et les départs en retraite peu nombreux. Dans ces conditions, la suppression de 31 agents dans le cadre du budget pour 1997 est de nature à poser de réels problèmes de mobilité et de motivation.

La gestion du personnel a été marquée ces dernières années par l'objectif de renforcer les effectifs de terrain et s'est traduite par exemple par l'augmentation des effectifs employés dans les laboratoires qui sont passés de 280 à 350 en quelques années.

En outre, la conception de l'activité de la DGCCRF a évolué. Elle privilégie les "enquêtes ciblées" plutôt que les contrôles permanents et systématiques.

b) Le poids des activités de contrôle technique

Deux types d'activités émergent : les contrôles techniques et les contrôles économiques.

L'activité de contrôle économique occupe environ le tiers des agents.

L'administration dispose de larges marges de manoeuvre pour définir son action.

Les axes qu'elle privilégie actuellement sont moins qu'avant la surveillance des ententes ou des concentrations et beaucoup plus celle des abus de position dominante. Il est à noter que ce dernier champ d'investigation est a priori peu défini.

L'activité de contrôle technique mobilise le reste des agents. Elle est donc très consommatrice de moyens.

Elle consiste en particulier en une série de vérifications ponctuelles ou systématiques assorties, en certains cas, d'examens réalisés en laboratoires et qui visent notamment à s'assurer de la qualité des produits.

c) La surveillance des marchés publics : un autre "rocher de Sisyphe ".

En ce qui concerne la surveillance des marchés publics, l'objectif de participer au tiers des réunions des commissions d'appel d'offres n'est pas atteint : le taux de participation est d'environ 25 %. Cette situation s'explique en bonne partie par la croissance de l'activité de ces organismes avec d'ailleurs une part importante de réunions infructueuses.

Afin d'optimiser l'intervention des représentants de la DGCCRF. il serait souhaitable de mettre en oeuvre un dispositif de sélection des marchés dès le stade de leur publication et de centrer l'action sur les secteurs ou les catégories d'entreprises justifiant une particulière vigilance en matière concurrentielle.

La simplification et la réforme du code des marchés publics sur lesquelles travaille la direction au niveau national, est assurément une priorité.

Actuellement. 85 % des marchés avec appel d'offres seraient déclarés infructueux. Le formalisme actuel, qui explique largement ce taux d'échec, peut donc être jugé inefficace. Il va de soi cependant que l'allégement des formalités actuelles doit aller de pair avec le maintien des mécanismes effectifs de compétition et avec l'efficacité des contrôles.

Un système de marchés négociés encadrés s'appliquant à des tranches de marché plus importantes qu'actuellement est certainement un des axes les plus prometteurs de cette réforme.

11 faudra pourtant que s'y ajoutent des précautions permettant à l'administration de conserver les moyens d'un contrôle sélectif et. en particulier, résoudre la question de l'engorgement des commissions qui seraient appelées à examiner les comptes rendus de marchés négociés.

d) Une sollicitation de plus en plus forte du fait des règlements communautaires

L'activité de la Commission européenne dans le domaine de la concurrence ne se relâche pas.

Les aménagements réglementaires intervenus ont été limités avec le règlement d'exemption des accords de distribution des véhicules automobiles, adopté le 28 juin 1995, et le règlement d'exemption des accords de transferts de technologie qui concernent tous deux le domaine des ententes et des positions dominantes.

Mais des dossiers très importants ont mobilisé les services, qu'il s'agisse du projet de révision du règlement sur les concentrations qui pose le problème de l'abaissement du seuil de la compétence communautaire ou des perspectives d'ouverture à la concurrence de certains monopoles (télécommunications, transports aériens. Poste ou énergie).

Les enjeux qui s'attachent à ces sujets sont tels qu'il faut appeler les services à toute la vigilance et à toutes les diligences nécessaires.

Cette mobilisation des moyens sur des questions de principe se double d'un appel à contribution des services pour examiner les concentrations notifiées à la Commission.

En 1995, 108 projets ont ainsi été notifiés, soit une multiplication par deux par rapport à 1993.

e) Une activité de surveillance du respect des règles de la concurrence sous tension

La surveillance des marchés publics et les activités techniques étant très consommatrices de moyens, il reste à veiller au respect des règles organisant la concurrence.

Outre que les moyens disponibles à cet effet sont trop réduits, cette mission est malaisée à remplir :


• les pratiques anticoncurrentielles se sophistiquent et la législation réagit avec retard ;


• la jurisprudence des tribunaux est assez clémente. Un extrait du rapport d'activité pour 1995 de la DGCCRF laisse de ce point de vue rêveur : "La revente à perte a fait l'objet de contrôles renforcés : 3.106 vérifications contre 1.759 en 1994. Cependant, compte tenu des peines habituellement retenues en matière de revente à perte, les Parquets ont procédé à de nombreux classements, anticipant en cela la loi d'amnistie qui prévoyait le classement de certaines catégories de délits commis avant le 18 mai 1995". De deux choses l'une : soit il est extrêmement fâcheux d'orienter les services vers des contrôles de faits amnistiés par avance ; soit il convient de mieux sensibiliser les magistrats aux conséquences des faits qu'ils sont appelés à juger.

En tout état de cause, la pratique du classement sans suite par les Parquets mérite d'être remise en cause.


• L'administration ne dispose le plus souvent pas de l'action en cassation à l'encontre de ce qui se produit dans les affaires de concentration ou de discrimination.

L'exercice du contrôle par les services de la DGCCRF subit les conséquences de cet ensemble de difficultés :


• alors qu'en 1994, la lutte contre les ententes et abus de position dominante s'était traduite par le lancement de 230 enquêtes - 305 indices de pratiques anticoncurrentielles ayant cette année-là été relevés -, le nombre d'enquêtes lancées ou achevées en 1995 n'est plus que de 200 ;


• le Conseil de la concurrence n'a été saisi pour avis à l'occasion d'opérations de concentrations ou pour analyser l'évolution des structures de l'économie qu'à six reprises.

Le tableau qui suit permet d'appréhender les caractéristiques du contrôle des concentrations.

Bilan statistique du contrôle des concentrations en France

Le nombre des notifications reçues indique la souplesse du régime français. Le nombre des saisines du Conseil, qui varie assez peu malgré des volumes d'opérations disparates, donne une idée de sa réactivité.

Il est tout à fait remarquable -et, dans certaines limites, compréhensible - que notre administration soit mobilisée pour la quasi-totalité des affaires examinées, non par des opérations internes, mais par des dossiers européens.

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