CHAPITRE I LE CONTEXTE GLOBAL DU PROJET DE BUDGET : UN ENVIRONNEMENT NATIONAL ET INTERNATIONAL TRÈS CONTRASTÉ

I. LA SITUATION DE L'AGRICULTURE FRANÇAISE

A. UNE AMÉLIORATION DU REVENU...

Chaque année, la publication des chiffres prévisionnels (connus à l'automne pour l'année en cours), provisoires (examinés au printemps et concernant l'année précédente), puis définitifs du revenu agricole donne lieu à des appréciations contrastées.

Indicateur global, le revenu brut agricole ne peut permettre, en effet, qu'une appréciation sommaire sur la situation réelle des exploitants. La diversité du secteur agricole peut conduire ainsi à ce que des résultats, globalement bons, masquent, en réalité, la crise profonde de certaines productions.

Quoiqu'il en soit, en 1995, le revenu brut agricole moyen par exploitation augmente en termes réels, de 10,4 % . En deux ans, cela porte le redressement à 24 %. Le mouvement de hausse est général en Europe, mais la France fait partie des pays au-dessus de la moyenne.

Cette progression en deux ans efface la baisse de 1992 (- 6,7 %) et de 1991 (1 %) mais elle ne permet toujours pas au revenu agricole de rattraper son retard par rapport au revenu de l'ensemble des français dans les vingt dernières années.

Cette évolution s'explique par plusieurs facteurs :

- l'accroissement de la valeur ajoutée par branche, sous l'effet d'une progression des livraisons supérieure à celle des consommations intermédiaires ;

- l'augmentation des subventions, en application de la réforme de la PAC, et la réduction des charges d'exploitation ;

- la diminution du nombre d'exploitations.

1. La poursuite de la progression de la valeur ajoutée

La poursuite de la progression de la valeur ajoutée en 1995 est due au maintien de l'augmentation des livraisons et des consommations intermédiaires.

a) Les livraisons en augmentation

Après les résultats médiocres de 1993-1994, les deux premières années d'application de la réforme de la PAC, le volume des livraisons agricoles croît à un rythme relativement rapide en 1995 : + 2,5 % . Cette progression est la plus forte depuis 1987 et représente le double du rythme de croissance annuel moyen des quinze dernières années (+ 1,3 %). Le niveau de 1992, le plus élevé précédemment atteint, est ainsi dépassé.

Les produits concernés par la réforme de la PAC, céréales, oléagineux, protéagineux et gros bovins, contribuent pour une large part à cette croissance. La reprise du volume de ces produits, qui représentent un quart de l'ensemble des livraisons agricoles, est très nette (+ 5 %) et intervient après les fortes chutes de 1993 (- 10 %) et de 1994 (- 4,1 %).

Le volume des autres livraisons progresse également mais à un rythme plus lent (+ 1,6 %), proche de ceux observés en 1993 et 1994. À l'exception des légumes frais et de pommes de terre, le volume de la plupart de ces produits augmente.

Après les fortes chutes de 1992 et 1993, la reprise observée en 1994 sur le prix des livraisons se confirme en 1995 avec une hausse de 1,2 %. En termes réels, c'est-à-dire déflatée par l'indice du prix du PIB, l'évolution est négative (- 0,5 %) mais reste très nettement supérieure à la tendance de long terme (- 3,2 % par an en moyenne entre 1980 et 1994).

Cette évolution moyenne recouvre toutefois de fortes disparités selon les produits, en particulier entre les produits végétaux et les produits animaux. Comme en 1994, l'augmentation du prix de produits végétaux est particulièrement nette, + 3, 8 % soit + 2, 1 % en termes réels. Cette croissance résulte de la fermeté des cours de la plupart des principaux produits, à l'exception des plantes industrielles.

Au total, la progression des livraisons agricoles en valeur est particulièrement forte en 1995 : elle atteint 3,8 % soit 2,1 % en termes réels. En quinze ans, deux années seulement (1982 et 1989) avaient connu une évolution plus forte. Près de la moitié de la croissance est concentrée en 1995 sur les livraisons de vins qui représentent 17 % de l'ensemble de l'activité agricole. Les céréales contribuent également dans une large mesure (pour 20 % environ) à la croissance générale. À l'inverse, les livraisons de gros bovins diminuent pour la troisième année consécutive.

LIVRAISONS DES PRODUITS AGRICOLES

Evolution 1995/1994 (%)

Valeur 1994

Volume

Prix

Valeur

(milliards de francs)

Céréales

+ 3,2

+ 2,8

+ 6,1

36,6

Fruits et légumes

-0,4

+ 3,2

+ 2,8

41,1

Plantes industrielles

+ 11,3

-4,9

+ 5,8

15,8

Vins

+2,3

+ 8,6

+ 11,1

49,9

Produits végétaux divers

0

-5,5

+ 0,9

9,5

Total livraisons de produits végétaux

-0,9

+1,9

+ 6,4

152,9

Bétail

+ 5,7

-2,2

+ 0,7

65

Autres animaux

+4,3

-l,4

+2,9

23,9

Produits animaux

+ 1,3

-0,4

+ 0,9

56,2

Total livraisons de produits animaux

+2,6

-1,4

+ 1,1

145,2

Total livraisons de produits agricoles

+ 2,5

+ 1,2

+ 3,8

298,16

b) Une reprise confirmée des consommations intermédiaires

ÉVOLUTION 1995/1994 ( ( * )2)

Volume

Prix

Valeur

Ensemble

+ 2,6

+ 1,3

+ 3,9

dont Aliments pour animaux (36 %)

-0,6

- 1,7

- 1,0

Engrais (11 %)

+ 6,5

+ 7,4

+ 14,4

Produits de protection des cultures (11 %)

+ 13,9

+ 0,2

+ 14,1

Au cours des dernières années, les consommations intermédiaires de la branche agriculture n'ont cessé de décroître en termes réels, traduisant ainsi un important effort de réduction des coûts de production et l'effet du gel des terres. En 1994, l'ensemble des achats de biens et services se situait à un niveau inférieur de 15 % en termes réels, à celui de 1989, dernière année de croissance. L'année 1995 marque un arrêt dans cette phase de forte de réduction et enregistre une reprise nette : + 3,9 % en valeur (+ 2,2 % en ternies réels). Cette évolution est l'une des plus élevées depuis le début des années 80 ; seule 1984 avait connu une augmentation plus forte.

Elle résulte d'une progression à la fois des volumes (+ 2,6 %) et des prix (+ 1,3 %) . L'augmentation des volumes est particulièrement élevée au regard des évolutions passées. Après trois années de baisses de 1991 à 1993, la reprise de la croissance en 1994 (2,2 %) est confirmée et amplifiée en 1995. Le rythme de 2,6 % observé cette année est proche de celui de la fin des années 1980. Cette augmentation est essentiellement concentrée sur deux postes, les engrais (+ 6,5 %) et les produits de protection des cultures (+ 13,9), qui représentent 22 % des achats de biens et de services de la branche agriculture.

La modification du taux de gel obligatoire des terres qui passe de 15 % à 13,3 % s'est traduite par une augmentation des superficies consacrées aux grandes cultures et par conséquent par une plus forte consommation d'engrais. Celle-ci a été d'autant plus nette que les superficies, supplémentaires ont été affectées aux cultures de blé tendre (+ 4 %) et de colza (+ 29 %), produits très « consommateurs » d'engrais. L'annonce de la réduction du taux de gel pour la prochaine campagne 96-97 a également provoqué des achats importants au cours du deuxième semestre 1995. Dans un contexte de demande soutenue, en France, dans les autres États membres et également aux États-Unis où le gel des terres a été supprimé, les prix des engrais progressent de 7,4 %.

La consommation de produits de protection des cultures augmente en 1995 à un rythme très soutenu (+ 13,9 % ), ce qui confirme la reprise déjà constatée en 1994 après plusieurs années de baisses successives. Comme pour les engrais, cette reprise trouve son origine dans l'augmentation des superficies dévolues aux grandes cultures et dans la recherche de meilleurs rendements. En revanche, contrairement à ce que l'on observe pour les engrais, le prix de ces produits reste stable.

La consommation d'aliments pour animaux, principal poste des consommations intermédiaires (36 % ), progresse plus légèrement en volume que les années précédentes (+ 0,6 % en 1995). Ce ralentissement serait lié à la baisse du cheptel porcin. Le prix diminue de 1,7 % sous l'effet conjugué de la baisse de 0,6 % de celui des aliments composés, stable tout au long de l'année, et de la forte réduction de celui des tourteaux (- 12 %), surtout en début d'année.

c) Une conséquence logique : la poursuite de la progression de la valeur ajoutée

Après avoir régulièrement décru au cours des dernières années, et s'être brutalement effondrée en 1993 (- 30 % de 1990 à 1993), sous l'effet de l'application de la réforme de la PAC et progressé légèrement en 1994, la valeur ajoutée a poursuivi sa progression en 1995,

Depuis 1980, la part de la valeur ajoutée brute de l'agriculture dans le produit intérieur brut mesurée à prix courants diminue de façon tendancielle. Cette chute n'a connu de répit qu'au début et à la fin des années 80. En 1991 puis en 1993, première année d'application de la réforme de la PAC, la baisse est particulièrement marquée (0,4 point). La part se stabilise depuis lors à 2,1 % soit à un niveau deux fois moindre qu'au début des armées 80.

Cette divergence d'évolution entre l'agriculture et les autres activités résulte dans une très large mesure d'un effet prix : en effet, la part de la valeur ajoutée agricole à prix constants (prix de 1980) atteint 3,6 % en 1995, niveau légèrement inférieur à celui de 1980 (3,9 %).

Ainsi, la baisse de la valeur ajoutée agricole dans l'ensemble de l'économie s'analyse essentiellement comme une conséquence du différentiel de prix entre l'agriculture et les autres activités économiques.

* (2) Évolution en valeur, déflatée par le prix du PIB.

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