4. Les conséquences de cette nouvelle réglementation

Bien que les dispositions du Pair Act viennent juste d'être transposées, il est possible de dégager des axes de réflexion sur les conséquences de cette loi cadre américaine pour les marchés mondiaux et l'agriculture de l'Union européenne.

a) Au niveau américain

La protection du revenu agricole aux USA passera désormais beaucoup plus par un accroissement des volumes produits (avec une meilleure compétitivité) que par une régulation de l'offre. Reste à savoir si le niveau des loan rates sera suffisamment bas pour détourner les agriculteurs américains des cultures en surproduction et assurer un minimum de régulation.

Une telle réforme relance le débat sur le découplage et le lien entre l'aide et l'acte productif. En outre elle introduit une inégalité entre les agriculteurs ayant ou non participé aux programmes de soutien entre 1991-1995.

Concernant le chiffrage budgétaire, les premières estimations tablaient sur une réduction des dépenses budgétaires. Les premières conclusions semblent quelque peu moins optimistes.

Les effets sur la production et le marché seront réels : en effet, la suppression de la jachère provoquera une hausse des surfaces cultivées. L'augmentation de la production tant céréalière qu'animale pourra à terme avoir un effet à la baisse sur les prix et entraîner ainsi une forte variabilité des cours. Bien que les dispositions autorisant l'intervention soient maintenues, les modalités de soutien concurrent à éviter la création de stocks publics et à gérer les excédents par la politique d'appui aux exportations.

b) Au niveau européen

Les impacts sur les positions commerciales

Impact sur la production

=> Les Américains se dotent d'outils politiques conduisant de manière prévisible à une augmentation des volumes produits (notamment pour le soja et le maïs) :

- la suppression des programmes annuels de gel des terres est actuellement sans incidence, le taux de gel obligatoire étant de 0 % depuis 1992 pour le blé et depuis 1995 pour le maïs. Cette mesure pourra se révéler lourde de conséquences en période de stocks élevés et de récoltes importantes, où la régulation sur l'offre devra s'opérer directement par les producteurs.

- l'impact réel sur la production -notamment le maïs- de la diminution du programme décennal de conservation des sols est capital mais difficile à estimer.

Les exportations américaines de riz pourraient reculer de 30 % sur la période du Farm Bill (chiffres fournis par l'USDA à l'OCDE).

Quant au coton, la disparition probable de certains emblavements devrait être compensée par la disparition du gel obligatoire des terres qui perdurait pour cette spéculation.

La transformation des paiements compensatoires en aides fixes favoriser les gains de productivité liés aux rotations culturales (estimés à 12 % pour du maïs en rotation avec du soja comparativement à une monoculture).

Impacts sur les cours mondiaux

=> Le système retenu d'aides fixes découplées de la production accroît le caractère spéculatif des emblavements et favorisera, selon toute probabilité, l'instabilité des cours mondiaux. L'importance de la part américaine dans les échanges mondiaux de certains produits (céréales secondaires, soja...) incite à penser que l'abandon des mécanismes étatiques risque d'accroître ce phénomène.

L'abandon de la jachère annuelle et de la politique de stocks publics américains, qui contribuaient tous deux à réguler l'offre par rapport à la demande, vont dans le même sens.

=> Les cours mondiaux devraient également, toutes conditions égales par ailleurs -ce qui n'est jamais le cas en agriculture où les conditions climatiques influencent plus les marchés que les changements de politiques-être progressivement attirés à la baisse par ce nouveau Farm Bill, du fait de l'augmentation des quantités produites et de gains de compétitivité.

Sur la compétitivité des exportations américaines

=> Le nouveau Fair Act -s'il diminue l'enveloppe globale des aides à l'agriculture- maintiendra intacts les outils d'aides aux exportations et à la promotion. La vocation exportatrice des USA a d'ailleurs fait l'objet d'un large consensus de la part de l'ensemble des acteurs concernés et a joué un rôle moteur dans l'élaboration du texte (abandon des jachères annuelles, liberté d'emblavement au vu des conditions des marchés...).

=> Le soja bénéficie de manière indirecte d'une subvention, puisqu'il peut désormais être ensemencé sur des surfaces recevant des aides de transitions au titre des cultures historiques (ex : mais). Cet élément qui influencera probablement des emblavements effectués est en cours d'examen au vu des différents engagements pris précédemment par les USA.

L'augmentation des productions du maïs et du soja devrait également profiter aux filières animales et les rendent plus compétitives sur les marchés mondiaux.


Les incidences dans les négociations internationales

Au plan des soutiens internes le Fair Act effectue le découplage des aides aux grandes cultures qui passeront globalement dans la « boite verte » du GATT (en cours d'examen à l'OMC). L'abandon progressif des politiques de régulations américaines risque fort de se traduire par des positions de plus en plus dures vis à vis des pays subventionnant leurs exportations, leur agriculture ou des structures" étatiques contrôlant les marchés (Board canadiens et australiens notamment).

=> Dans un cadre plus général que la simple loi agricole américaine, la volonté exportatrice des USA passe tout d'abord par le renforcement des accords commerciaux (ALENA), leur extension et l'utilisation pragmatique des instances de l'OMC.

En conclusion, si le PAIR Act est une étape décisive il n'est pas une « révolution » et ce pour trois raisons essentielles :


• Rien ne garantit qu'en 2002, à l'issue des 7 ans de réforme, cette loi agricole soit reconduite. La loi de 1949 est en effet seulement suspendue ;


• Les mécanismes de soutien des prix sont maintenus : affaiblis pour les céréales, ils sont renforcés pour les oléagineux ;


• Les aides « de transition vers le marché » permettent de maintenir, en moyenne sur les sept ans de la loi, la recette des producteurs.

Un souci de conformité avec la définition, arrêtée au cours des dernières négociations du GATT, des aides non soumises à réduction permettront cependant aux États Unis de se trouver en position de force par rapport à l'Union européenne lors des prochaines négociations de l'OCM et de renforcer leur compétitivité sur le marché mondial. Le graphique ci-dessous permet de bien cerner la logique de cette réforme sur un point précis, celui des aides à l'exportations.

LES AIDES AMERICAINES A L'EXPORTATION (EEP)

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