2. La revalorisation significative des crédits de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) au sein des dispositifs d'aide aux ressources des handicapés

a) Le dispositif actuel

L'AAH se décompose en deux dotations distinctes : l'AAH proprement dite et le complément d'AAH.


• L'AAH est une prestation sociale non contributive créée par la loi d'orientation du 30 juin 1975, gérée par les organismes débiteurs de prestations familiales mais financée par le budget de l'État (chapitre 46-92) dans le cadre d'un versement à la CNAF.

Pour les premières demandes d'AAH déposées à compter du 1er janvier 1994, la personne handicapée doit justifier :

- soit d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 %,

- soit d'un taux d'incapacité compris entre 50 % et 80 % et être, en outre, dans l'impossibilité, compte tenu du handicap, de se procurer un emploi.

Dans ce cas, deux conditions doivent être cumulativement remplies :

- la personne doit être atteinte d'un handicap physique, sensoriel ou mental qui se traduise par un taux d'incapacité permanente constaté ;

- l'impossibilité dans laquelle se trouve cette personne de se procurer un emploi doit être due exclusivement à son handicap.

Peuvent donc bénéficier de l'AAH bien qu'ayant une incapacité inférieure à 80 % :

- les personnes qui relèvent d'une admission en milieu de travail protégé sans pouvoir l'obtenir en raison d'un nombre insuffisant de postes de travail protégé (l'AAH est alors accordée pour une période courte, n'excédant pas deux ans) ;

- les personnes handicapées, reconnues inaptes au travail par usure prématurée de l'organisme, médicalement constatée, et qui, en raison de leur handicap, ne peuvent rechercher un emploi en milieu normal de travail ou un emploi protégé ;

- les travailleurs handicapés admis en CAT ; en effet, l'activité exercée par les handicapés admis en CAT ne constitue pas un emploi au sens de la loi n° 75-534 du 30 juin 1975.

En revanche, ne peuvent pas y prétendre les personnes :

- qui, bien qu'atteintes d'une incapacité permanente, ne peuvent trouver un emploi pour des raisons extérieures à leur handicap, tenant notamment à la situation du marché de l'emploi, ou à une qualification professionnelle insuffisante et non liée à leur handicap ;

- dont la difficulté à trouver un emploi provient d'une situation d'inadaptation sociale, et non d'une incapacité permanente résultant d'une déficience physique, sensorielle ou mentale.

Il est important de savoir que des instructions ont été données le 22 octobre 1990 par le Directeur de l'Action sociale aux préfets afin que soit accélérée la procédure d'examen par les COTOREP des dossiers concernant les malades infectés par le virus HIV et développant le Sida. Il a été rappelé, par circulaire du 23 novembre 1993, que la baisse de l'immunité pouvait entraîner une fatigabilité très importante empêchant parfois de se déplacer ou de travailler, qui pouvait justifier un taux de 50 %. Une nouvelle instruction du 29 septembre 1994 a exigé que le délai maximum entre le signalement par un médecin traitant et la perception de la prestation soit de deux mois au maximum pour une personne touchée par le virus.

L'AAH est versée aux personnes résidant en France et de nationalité française, âgées de plus de 21 ans. L'AAH peut être versée sous certaines conditions à des jeunes handicapés à partir de 16 ans.

Le versement de l'AAH est subordonné au respect d'une condition de ressources (plafond de 40.834 francs de ressources annuelles en 1995). Le montant de l'AAH est de 3.392,25 francs par mois au 1er janvier 1996.


Le complément d'allocation aux adultes handicapés a été

institué afin de permettre aux personnes adultes handicapées vivant à domicile de couvrir les dépenses supplémentaires qu'elles ont à supporter pour les adaptations nécessaires à une vie autonome.

Créé par un arrêté du 29 janvier 1993, le « complément d'autonomie » a été reconnu par le législateur par l'article 58 de la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la sécurité sociale.

Peuvent prétendre à ce complément, les personnes handicapées qui remplissent simultanément les conditions suivantes :

- présenter un taux d'incapacité ouvrant droit au bénéfice de l'AAH visée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, soit 80 % au minimum ;

- percevoir une AAH à taux plein ou à taux différentiel en complément d'un avantage de vieillesse ou d'invalidité ou d'une rente pour accident du travail ;

- bénéficier d'une aide personnelle au logement ;

- disposer d'un logement indépendant. (Est réputé indépendant un logement qui n'appartient pas à une structure dotée de locaux communs meublés ou de services collectifs ou fournissant diverses prestations annexes moyennant une redevance).

Les associations représentatives font observer que le complément d'AAH n'est pas versé à certains handicapés en raison de leurs ressources alors que leur niveau de dépendance est identique à celui des actuels bénéficiaires. Tel est le cas en particulier des titulaires d'une pension d'invalidité ne percevant pas une AAH différentielle, des travailleurs handicapés percevant une AAH partielle et des personnes vivant dans un logement indépendant mis à leur disposition ou qui sont propriétaires de celui-ci.

Le montant du complément est de 543 francs par mois.

b) L'évolution de l'AAH

Les crédits consacrés à l'AAH passent de 20,764 milliards de francs en 1996 à 22,760 milliards de francs en 1997, soit une hausse très significative de 7,2 % qui démontre le souci du Gouvernement de faire face, dans les meilleurs conditions, à l'augmentation du nombre de bénéficiaires et à la revalorisation de la prestation.

Ces crédits incluent la part du complément d'AAH qui a été versée en 1995 à 102.702 personnes pour un coût total de 656 millions de francs en

1995, contre 520 millions de francs en 1994 et 320 millions de francs en 1993.

Evolution du nombre de bénéficiaires et des crédits affectés à l'AAH

Bénéficiaires

Evolution (en %)

Crédits (1)

(en millions de

francs)

Evolution (en %)

1986

482.000

+ 0,9

12.380

-

1987

495.000

+ 2,8

12.997

+ 5

1988

511.000

+ 3,2

13.544

+ 4,2

1989

524.000

+ 2,6

14.286

+ 5,5

1990

539.000

+ 2,8

15.881

+ 5,4

1992

563.000

+ 3,1

16.575

+ 4,4

1993

583.000

+ 2,5

17.895

+ 8

1994

598.000

+ 2,6

18.661

+ 4,3

1995 (2)

617.000

+ 3,2

20.081

+ 7,6

1996

nc

-

21.350

+ 6,3

1997 (PLF)

22.834

+ 7,0

Contribution des Affaires sociales et de l'Agriculture

Estimation

c) L'incidence limitée de la mise en oeuvre du nouveau barème d'évaluation du handicap et de l'article 95 de la loi de finances pour 1994

L'article 95 de la loi de finances pour 1994, a prévu que, pour les demandes d'allocation aux adultes handicapés (AAH) déposées à compter du 1er janvier 1994, les personnes handicapées concernées qui sont, en raison de leur handicap, dans l'impossibilité reconnue par la COTOREP de se procurer un emploi, doivent également justifier d'un taux minimal d'incapacité {article L. 821-2 du code de la sécurité sociale). Ce taux a été fixé à 50 % par le décret n° 94-379 du 16 mai 1994.

Les nouvelles dispositions législatives ne s'appliquent pas aux demandes de renouvellement de l'allocation déposées par les personnes bénéficiant de celle-ci au 1er janvier 1994, ce qui limite l'effet de la mesure aux nouvelles demandes, soit un peu moins de la moitié des décisions d'attribution.

Par ailleurs, depuis le 1er décembre 1993, les COTOREP appliquent, pour la détermination du taux d'incapacité ouvrant droit à l'AAH, un nouveau guide-barème d'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées. Ce barème, dit « barème Talon », prend en compte notamment l'aptitude de celles-ci à exercer une activité professionnelle. De ce fait, la fixation d'un taux minimal ne devrait avoir pour conséquence que d'exclure du droit à l'AAH les seuls demandeurs dont le handicap -quelle qu'en soit l'origine- n'est pas la cause principale de leur impossibilité de se procurer un emploi. Ces derniers peuvent bénéficier, d'une part, du dispositif d'insertion et de protection sociale offert à l'ensemble des demandeurs d'emploi et, d'autre part, sur décision des COTOREP de formations dispensées dans des centres de rééducation professionnelle.

En tout état de cause, les COTOREP n'ont pu appliquer effectivement cette mesure qu'après la parution du décret du 16 mai 1994 fixant le taux minimal d'incapacité requis conformément aux nouvelles dispositions de la loi. De ce fait, l'impact de la réforme n'a pu être mesuré qu'à la fin de l'année 1994.

L'observation des relevés statistiques des décisions d'attribution de l'AAH (comparaison des trois premiers semestres 94, 95 et 96) montre que :

-pour le premier semestre 1994, qui se situe dans la période où s'applique le nouveau barème mais où le taux de 50 % n'est pas encore fixé par décret, la proportion des AAH attribuées au titre de l'article L. 821-2 précité est de 37,2 % pour les premières demandes ;

- pour le premier semestre 1995, cette proportion passe à 36,4 % ;

- enfin, pour le premier semestre 96, cette proportion est de 35,4 %.

On constate donc pour le premier semestre 1996 une légère baisse de la proportion des AAH attribuées à ce titre.

Toutefois, en valeur absolue, les accords pour des premières demandes d'AAH au titre de l'article L. 821-2 ont augmenté depuis le premier semestre 1994 et restent au niveau de 1995 (26.000 accords au premier semestre 1994 contre 29.000 aux premiers semestres 1995 et 1996).

Il semble donc que si l'article 95 de la loi de finances pour 1994 a interrompu l'augmentation constante de la proportion des AAH attribuées au titre d'un handicap social, il n'a pas permis toutefois d'arriver à une diminution significative des AAH attribuées à ce titre.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, les économies attendues et inscrites dans les lois de finances pour 1994 (300 millions de francs) et pour 1995 (400 millions de francs) n'ont pu être réalisées. De même, les économies attendues pour 1996 ne devraient pas être non plus réalisées au vu des données statistiques et comptables du premier semestre 1996.

d) La progression constatée de l'allocation d'étude spéciale (AES)

L'analyse relative au dispositif d'aide aux ressources des handicapés nécessite de rappeler les évolutions concernant un dispositif qui est pris en charge, non pas par le budget, mais par les régimes de prestation familiale.

L'AES a été créée par la loi d'orientation du 30 juin 1975 pour soulager les familles d'une partie des frais supplémentaires entraînés par l'éducation d'un enfant handicapé.

Pour percevoir l'allocation, les parents doivent résider en France et assumer la charge effective et permanente d'au moins un enfant remplissant les conditions d'ouverture des droits. La notion de charge s'apprécie dans les mêmes conditions que pour les autres prestations familiales.

Pour sa part, l'enfant doit :

- être âgé de moins de vingt ans ;

- être atteint d'une incapacité permanente d'un taux :

. au moins égal à 80 %,

. ou compris entre 50 et 80 %, à condition qu'il bénéficie d'un placement dans un établissement d'éducation spéciale ou de soins à domicile.

Les enfants placés en internat et dont les frais de séjour sont pris intégralement en charge par l'assurance maladie, par l'État ou par l'aide sociale sont exclus du bénéfice de cette allocation. Le taux d'incapacité est apprécié par les Commissions départementales d'éducation spécialisées (CDES).

Un complément d'allocation à l'AES de base, modulé selon les besoins, est accordé pour l'enfant atteint d'un handicap dont la nature ou la gravité exige des dépenses particulièrement coûteuses.

Pour la détermination du montant du complément d'allocation spéciale, l'enfant handicapé est classé selon l'importance de la charge supplémentaire résultant de son état.

C'est ainsi que relève :

- du premier complément, l'enfant qui est obligé d'avoir recours à l'aide quotidienne, mais discontinue, d'une tierce personne et celui dont le handicap exige, par sa nature ou sa gravité, des dépenses d'un ordre de grandeur comparable ;

- du deuxième complément, l'enfant qui est obligé d'avoir recours à l'aide constante d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie et celui dont le handicap exige, par sa nature ou sa gravité, des dépenses d'un ordre de grandeur comparable ;

- du troisième complément, sur proposition du chef du service hospitalier qui le suit, l'enfant atteint d'un handicap particulièrement grave justifiant de soins continus de haute technicité. Le versement du complément d'allocation correspondant est subordonné à la cessation d'activité d'un des parents ou au recours effectif à une tierce personne rémunérée.

L'AES s'élève à 665 francs par mois en 1996. Le complément s'élève, en donnée mensuelle, à 499 francs pour la première catégorie, 1.497 francs pour la deuxième catégorie et 5.530 francs pour la troisième catégorie.

EVOLUTION DU NOMBRE DES BENEFICIAIRES DE L'AES

Années

Allocation seule

Allocation + 1er

complément

Allocation + 2ème

complément

Allocation + 3ème

complément

Ensemble

Evolution

en %

Evolution

en%

Evolution

en%

Evolution

en %

Evolution

en%

1981

46 825

8 467

8 153

63 445

11,99

1982

48 316

3,18

8 593

1,49

8 717

6,92

65 626

3,44

1983

47.787

- 1,1

9 285

8,05

10 306

18,23

67 378

2,67

1984

49.848

4,3

10311

11,05

11 341

10,04

71 500

6,12

1985

48.002

-3,7

11 644

12,93

1l 668

2,88

71 314

-0,26

1986

48.501

1,04

12 309

5,71

11 039

-5,4

71 849

-0,75

1987

47.253

2,6

12 251

-0,48

10501

-4,88

70 005

-2,57

1988

49.024

3,75

13 327

8,78

12 643

20,39

74 224

7,13

1989

49.683

1,34

14 144

6,13

13 745

8,7

77 572

3,44

1990

50.447

1,53

14 761

4,36

14 954

8,8

80 162

3,34

1991

51.052

1,2

15 929

7,91

15 464

3,41

7

82 452

2,86

1992

51.551

0,98

16 542

3,85

15 773

2

683

84 549

2,54

1993

52.723

2,27

17 426

5,34

16 021

1,57

1 537

125,04

87 707

3,72

1994

53.188

0,88

17 995

3,26

16 771

4,68

2011

30,84

89 905

2,51

1995

54.078

1,67

19215

6,78

17 583

4,84

2.533

25,96

93 409

3,90

Le troisième complément qui a fait l'objet d'aménagements depuis sa création en septembre 1991, tant en ce qui concerne la nature des soins intensifs pris en compte que la condition de cessation d'activité des parents, revêt une certaine importance en raison de son montant.

La majorité des enfants faisant l'objet d'une demande (56 %) sont polyhandicapés et 39 % malades. Au 31 décembre 1995, selon les estimations de la CNAF, le 3 ème complément était versé pour 2.533 enfants environ.

Il semble que le nouveau dispositif ait permis de mieux répondre aux besoins des parents ayant un enfant malade ou sévèrement handicapé dont l'état nécessite en permanence l'aide d'une tierce personne pour les actes ordinaires de la vie.

Néanmoins, des difficultés d'application de la réglementation, des disparités entre CDES et des dérives dans l'attribution du 3 ème complément ont été constatées.

Le ministère a donc souhaité établir un « état des lieux » de la réglementation et de l'adéquation des aides financières apportées aux besoins des enfants handicapés.

A cet effet, une enquête a été lancée auprès d'un échantillon très représentatif de 23 CDES afin de :

- mieux connaître la situation familiale et la nature de l'aide apportée, pour une meilleure évaluation des contraintes entraînées par le handicap de l'enfant,

- définir des limites claires et applicables entre les conditions d'attribution de l'AES et de ses différents compléments,

- et d'identifier les points qui devront constituer les priorités de la réflexion à mener et éventuellement faire l'objet d'une réforme.

Les résultats définitifs de l'enquête devraient être disponibles au début de l'année 1997.

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