Avis n° 90 (1996-1997) de M. Marcel LESBROS , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 26 novembre 1996

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N° 90

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1996.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 1997, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VI

ANCIENS COMBATTANTS

Par M. Marcel LESBROS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mmes Michelle Demessine, Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires ; François Autain, Henri Belcour, Jacques Bialski, Jean Bizet, Paul Blanc, Mme Annick Bocandé, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Georges Dessaigne, Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Alain Gournac, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marques, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, M. André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

La commission des Affaires sociales s'est réunie le jeudi 31 octobre 1996, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, pour procéder à l'audition de M. Pierre Pasquini, ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre sur les crédits de son département ministériel pour 1997.

M. Pierre Pasquini, ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre, a rappelé que son budget participait en 1997 de la politique de réduction des dépenses publiques et apportait une réponse aux demandes des anciens combattants d'Afrique du nord (AFN).

Évoquant au préalable la retraite anticipée des anciens d'AFN, il a rappelé que le Premier ministre avait demandé, conformément aux engagements du Président de la République, un chiffrage de cette mesure pour mettre fin aux divergences d'estimation de coûts qui étaient apparues sur cette question.

Il a indiqué que le chiffrage de la mesure, effectué par un expert d'une indépendance totale, dans le cadre d'une commission tripartite, avait été rendu public en mars dernier et a souligné que le coût estimé à 151 milliards de francs n'était pas compatible avec l'objectif de maîtrise de la dépense publique poursuivie par le Gouvernement.

Abordant les crédits budgétaires, il a indiqué que ceux-ci passaient de 28,367 milliards de francs en 1996 à 26,842 milliards de francs en 1997, soit une diminution de 5,37% qui témoigne du fait que le ministère des anciens combattants participe à l'effort de maîtrise de la dépense publique entrepris depuis 1995.

Il a indiqué que la réduction de 3,5 % de la population des anciens combattants pensionnés conduisait mécaniquement à une diminution de 766 millions de francs des crédits versés au titre de la dette viagère, de 129 millions de francs au titre du remboursement par l'État à la sécurité sociale des prestations assurées aux invalides de guerre et de 100 millions de francs au titre des soins médicaux gratuits.

Il a souligné que la rationalisation de l'activité de contrôle des soins médicaux représenterait une économie de 29 millions de francs en 1997 et que les moyens de fonctionnement des services feraient l'objet d'une économie de 17 millions de francs.

S'agissant des emplois, il a indiqué que 80 emplois vacants ne seraient pas pourvus l'année prochaine.

Évoquant la controverse soulevée sur la réorganisation des services extérieurs de l'État, M. Pierre Pasquini a tout d'abord remarqué que le ministère des anciens combattants devait demeurer un élément de stabilité dans une société déboussolée et hypermédiatisée en se félicitant que les éléments de la fibre nationale se retrouvent particulièrement chez les anciens combattants.

Il a souligné que si une étude de faisabilité sur la réorganisation des services extérieurs de l'État était en cours, aucune expérimentation n'avait été mise en oeuvre.

Il a rappelé que le Président de la République lui-même recevant l'Union Fédérale des anciens combattants en janvier 1996 avait confirmé pour la durée du septennat le maintien du ministère et de l'ONAC.

Il a souligné enfin que le Premier ministre lui avait fait savoir que lorsqu'il serait amené à prendre une décision sur ce dossier, il ne manquerait pas de s'assurer que les services extérieurs du ministère et de l'office conservent une réelle autonomie conformément aux orientations retenues par le Président de la République.

S'agissant de la politique de la mémoire, M. Pierre Pasquini a constaté que, contrairement à certaines interprétations erronées, les crédits de la direction de la mémoire et de l'information historique (DMIH) enregistraient une diminution faible compte tenu du fait que certains crédits de l'année précédente prévus notamment pour les commémorations de la bataille de Verdun et du massacre d'Oradour-sur-Glane, n'étaient pas des crédits budgétairement reconductibles.

Il a fait valoir que le développement de la mémoire historique ne passait pas uniquement par des dépenses supplémentaires en rappelant l'impact de la mesure d'octroi de la Légion d'honneur à tous les anciens « poilus » encore en vie.

S'agissant de l'Institution nationale des invalides (INI), il a précisé que la subvention de l'État était en augmentation en se félicitant de la qualité des soins assurés par cet établissement.

Puis, il a présenté les mesures de ce budget destinées à compenser la décision de non mise en oeuvre de la retraite anticipée pour les anciens d'AFN en soulignant que ces mesures avaient été acceptées par les associations membres du Front Uni notamment au cours des entretiens avec le Premier ministre et le Président de la République, les 1er août et 18 septembre dernier.

Se référant à son expérience personnelle, M. Pierre Pasquini, ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre, a rappelé que même si les conditions de la guerre d'Algérie différaient de celles des deux guerres mondiales, il s'agissait néanmoins d'un conflit important et a appelé au respect et à la solidarité pour la « troisième génération du feu ».

S'agissant des mesures proposées, il a mentionné la suppression de la condition d'âge pour l'accès des anciens combattants au fonds de solidarité et a indiqué que le montant du plancher et du plafond de l'allocation de préparation à la retraite (APR) seraient calculés en montant net et non plus en montant brut.

Il a souligné que le mode de calcul du revenu professionnel de référence pour le calcul de l'APR serait simplifié et que le bénéfice du fonds serait étendu aux anciens combattants en situation de travail précaire.

Par ailleurs, il a précisé qu'un capital serait versé au conjoint survivant en cas de décès de l'allocataire en soulignant que cette somme serait égale à 4 fois le montant mensuel brut de l'APR, majoré de 1,5 fois ce montant par enfant à charge.

Il a précisé que les pensions militaires d'invalidité seraient totalement exclues de l'assiette de calcul des revenus permettant l'accès au fonds de solidarité AFN et que le fonds serait dorénavant ouvert aux anciens combattants d'Indochine titulaires de la carte du combattant.

Enfin, il a indiqué qu `une négociation était toujours en cours entre le ministère du travail et des affaires sociales et les dirigeants de l'association des régimes de retraites complémentaires (ARRCO) pour que l'abattement de 22 % appliqué sur les retraites complémentaires soit supprimé.

Il a indiqué enfin que les périodes de stages effectuées par les écoles de rééducation professionnelle de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) seraient validées pour le calcul de la retraite dans la limite d'un trimestre.

Évoquant l'étude sur l'assouplissement des critères d'attribution de la carte du combattant, il a rappelé que le taux d'attribution de cette carte par rapport au nombre de soldats mobilisés atteignait 55,5 % pour la Première guerre mondiale, 51,6 % pour la guerre de 1939-1945 et 63 % pour les conflits en Afrique du Nord et a souligné que la carte du combattant ne devait pas être dévaluée lorsque l'élargissement des conditions d'attribution serait effectué.

S'agissant de la demande d'un contingent spécial de la légion d'honneur ou de l'ordre du mérite aux anciens d'AFN, il a indiqué que cette mesure faisait l'objet d'une discussion avec les autorités responsables de ces ordres nationaux.

Sur le plan de la mémoire, il a précisé qu'un timbre serait émis en 1997 pour le 35ème anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie et que seraient commémorés les combats de l'année 1917 ainsi que le 50ème anniversaire de la mort du Maréchal Leclerc. Il a fait état d'un sondage montrant que 85 % des personnes consultées étaient favorables à l'instauration d'une journée nationale du Souvenir pour les anciens combattants qui se tiendrait le 11 novembre de chaque année par analogie, au « Mémorial Day » qui existe aux États-Unis.

M. Marcel Lesbros s'est félicité que le ministre se soit engagé à ce que le ministère des anciens combattants ne soit pas remis en cause ou démantelé.

Il s'est interrogé sur le plafonnement de la majoration des pensions militaires d'invalidité afférentes au taux du grade, sur la reconnaissance d'un syndrome névrotique propre à la guerre d'Algérie, sur les recours systématiques en appel du ministère des anciens combattants contre les décisions des tribunaux des pensions favorables aux intéressés, sur la signification du terme « travail précaire » dans l'article 88 du projet de loi de finances relatif au fonds de solidarité et sur la création d'un conseil supérieur du monde combattant.

En réponse, M. Pierre Pasquini, ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre, a indiqué tout d'abord qu'il travaillait à l'heure actuelle avec le Président de la République à la mise en place d'un Haut Conseil de la Mémoire combattante qui aurait pour mission de présenter au Chef de l'État des propositions sur tous les problèmes relatifs au devoir de reconnaissance par la Nation, de la sauvegarde de la mémoire des guerres et de la préservation des valeurs du monde combattant.

Il a regretté, à cet égard, une certaine indifférence des médias aux commémorations dans le monde combattant.

Concernant les modifications apportées au fonds de solidarité des anciens d'AFN, il a reconnu que l'expression de «situation de travail précaire » n'avait jamais été utilisée jusqu'à présent dans la législation et a estimé qu'il faudrait sans doute trouver une autre formule qui permettrait d'ouvrir le fonds, non seulement aux anciens combattants d'AFN au chômage depuis plus d'un an, mais aussi à ceux qui ont un travail à temps partiel, saisonnier ou temporaire et dont les ressources sont modestes.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a souhaité que le texte adopté soit simple d'application.

S'agissant de l'article 87 de la loi de finances pour 1997 relatif au plafonnement de la majoration des pensions militaires d'invalidité des militaires gradés au grade de commandant, M. Pierre Pasquini a précisé que le Gouvernement avait eu connaissance des inconvénients présentés par cette mesure et a admis que certains des arguments invoqués contre la mesure ne manquaient pas de valeur. Il a souligné que ses services étudiaient, en concertation avec les services de la défense, du budget et du Premier ministre, les aménagements qu'il conviendrait d'apporter au dispositif envisagé afin de concilier les exigences budgétaires et les intérêts des anciens combattants.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a souligné qu'il n'était pas convenable d'envisager de réduire le montant des pensions qui sont déjà liquidées.

S'agissant de la pathologie des anciens d'AFN, M. Pierre Pasquini a

rappelé que le décret du 10 janvier 1992 avait déterminé les règles et les barèmes d'évaluation des troubles psychiques de guerre permettant ainsi de prendre en compte la névrose post-traumatique d'apparition différée qui avait été mise en évidence par une commission médicale instituée pour étudier la pathologie spécifique à l'AFN.

Il a évoqué la législation spécifique qui existe déjà aux États-Unis pour les séquelles psychologiques propres aux anciens combattants.

Concernant la gestion du contentieux du ministère, il a rappelé que sur 3.000 jugements rendus en moyenne annuellement, environ 900 d'entre eux donnent satisfaction aux pensionnés et 2.100 à l'administration.

Il a précisé que seulement 400 jugements favorables aux pensionnés étaient interjetés en appel par l'administration en estimant que cela démontrait que l'État était loin de s'opposer systématiquement aux jugements et aux arrêts favorables aux anciens combattants.

M. Marcel Lesbros a remarqué qu'un jugement sur deux faisait l'objet d'un appel ce qui lui a semblé excessif.

M. Jean Chérioux a souligné que les névroses psychologiques pouvaient être importantes également pour les anciens combattants d'Indochine et a approuvé les mesures de solidarité avec les anciens combattants d'AFN prévues par le budget.

M. Guy Fischer a souligné qu'en réunion publique, le Front Uni maintenait la nécessité de la proposition de retraite anticipée en demandant qu'elle fasse l'objet d'une prise en charge par l'État étalée sur plusieurs années. Il a fait part au ministre de l'émotion suscitée dans le milieu des anciens combattants par la circulaire préfectorale du mois d'août dernier relative à la réforme des services extérieurs de l'État.

M. Marcel Lesbros a remarqué que la mise en oeuvre de la retraite anticipée représenterait trois points de contribution sociale généralisée (CSG).

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a souhaité que la politique de communication du Gouvernement mette l'accent sur les mesures prises au titre du fonds de solidarité et de la loi du 3 janvier 1995 relative à la pension de vieillesse des anciens combattants d'AFN.

En réponse, M. Pierre Pasquini a confirmé que les anciens combattants ne devaient avoir aucune inquiétude sur l'avenir du ministère qui ne serait pas démembré. Il a rappelé que le Front Uni avait approuvé les mesures proposées par le Gouvernement en faveur des anciens d'AFN en compensation de l'absence de mise en oeuvre de la retraite anticipée.

II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le jeudi 7 novembre 1996, sous la présidence de M. Jacques Machet, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Marcel Lesbros sur le projet de loi de finances pour 1997 (anciens combattants et victimes de guerre).

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a souligné que le projet de budget pour 1997 prévoyait des mesures de solidarité en faveur des anciens combattants d'Afrique du nord en contrepartie de la décision du Gouvernement de ne pas mettre en oeuvre la retraite anticipée.

Il a tout d'abord rappelé les conclusions de la commission tripartite réunie pour chiffrer le coût de la retraite anticipée.

Il a présenté les effectifs concernés, la charge brute résultant des retraites à verser et du manque à gagner sur les cotisations sociales ainsi que les économies à réaliser sur les indemnités de chômage ou de préretraite, le revenu minimum d'insertion, les pensions d'invalidité et les cotisations sociales versées au titre des embauches compensatrices ou des retraites anticipées.

Il a indiqué que le coût net de la retraite anticipée avait été estimé à 151 milliards de francs, correspondant au produit de trois points de contribution sociale généralisée (CSG) en année pleine, en rappelant les termes du débat soulevé par les associations sur les hypothèses de calcul de la commission.

Il a souligné que l'importance de ce coût permettait de comprendre les motifs qui avaient conduit le Gouvernement à ne pas mettre en oeuvre la retraite anticipée pour les anciens d'Afrique du nord (AFN).

Puis, il a fait le point sur la mise en oeuvre de la loi du 3 janvier 1995 relative à la pension de vieillesse des anciens combattants en AFN et sur le dispositif du fonds de solidarité créé par la loi de finances pour 1995 en rappelant les règles d'attribution de l'allocation différentielle et de l'allocation de préparation à la retraite.

Puis, il a présenté les mesures d'amélioration du fonctionnement du fonds de solidarité prévues par l'article 86 du projet de loi de finances portant sur la suppression de la condition d'âge, l'ouverture du fonds aux anciens combattants d'Indochine, la prise en compte des situations de travail précaire, la détermination des revenus professionnels, les modalités de calcul de l'allocation et le versement d'un capital à la veuve de l'allocataire.

Il a salué les efforts du Gouvernement pour rendre encore plus « consistant » le fonds de solidarité.

Il a indiqué également qu'il serait prévu, en dehors de la loi de finances, d'exclure intégralement les pensions militaires d'invalidité du calcul des ressources pour l'éligibilité au fonds et de prendre en compte, au titre de l'assurance vieillesse, les périodes de stage de rééducation professionnelle validées par l'office national des anciens combattants (ONAC).

Il a précisé que les propositions des associations d'anciens combattants relatives au bénéfice de la campagne double et à la meilleure reconnaissance des pathologies spécifiques en Afrique du nord n `avaient pas été retenues par le Gouvernement.

Il a souligné que deux mesures importantes étaient toujours en attente concernant, d'une part, la suppression de l'abattement au titre des régimes de retraite complémentaire et, d'autre part, l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant.

Il a souhaité que le ministre des anciens combattants soit mandaté pour négocier avec les régimes de retraite complémentaire la question spécifique de l'amélioration de la situation des anciens d'Afrique du nord.

Il a demandé également que le titre de reconnaissance de la Nation soit accompagné d'une distinction honorifique particulière.

Évoquant les principales caractéristiques du budget, il a indiqué tout d'abord l'impact des économies consécutives à la diminution démographique des effectifs de titulaires de pension.

Puis, il a présenté l'évolution des crédits relatifs à l'ONAC et à l'Institution nationale des invalides (INI).

Par ailleurs, il a souligné la réduction des crédits relatifs à l'information historique.

Enfin, il a indiqué l'augmentation des crédits de la rente mutualiste en regrettant que celle-ci ne soit pas indexée sur le point de la pension militaire d'invalidité.

Enfin, il est revenu sur deux inquiétudes du monde combattant qui devraient prochainement être levées.

S'agissant de l'article 87 relatif au plafonnement de la majoration au taux du grade des pensions militaires d'invalidité, il a souligné qu'il était inacceptable que ce plafonnement puisse intervenir sur le montant des pensions versées aux militaires déjà à la retraite en précisant qu'un compromis devait être trouvé sur ce point à l'Assemblée nationale.

Concernant les projets de réorganisation des services extérieurs du ministère des anciens combattants et de l'ONAC, il a rappelé que dans une lettre qui serait envoyée à tous les parlementaires, M. Pierre Pasquini confirmait que le Premier ministre avait décidé « du maintien en l'état des structures actuelles ».

M. Roland Huguet a souligné le caractère récurrent des débats sur le rapport « constant » et s'est demandé si le coût de 151 milliards de francs estimé de la retraite anticipée intégrait les économies qui seraient réalisées sur l'assurance chômage et sur les nouveaux emplois créés.

M. Jean Madelain s'est félicité que ce projet de budget mette l'accent sur les mesures de solidarité envers les anciens combattants en difficulté et s'est demandé si la période d'anticipation ne pourrait pas être limitée aux trimestres passés en Algérie pour la période qui excédait la durée légale du service national.

M. André Jourdain s'est interrogé sur l'étalement du coût de la retraite anticipée et le coût des mesures relatives aux anciens combattants pour les régimes de retraite complémentaire.

M. Guy Fischer a rappelé que le Front uni maintenait la revendication de la retraite anticipée.

En réponse, M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a rappelé que l'estimation de 151 milliards de francs faite par la commission tripartite était un coût net qui prenait en compte toutes les mesures d'économie indirectes et notamment les 25 milliards de francs qui ne seraient plus versés à des anciens d'AFN au chômage et du montant de 10 milliards de francs de cotisations sociales entraîné par les embauches nouvelles.

S'agissant du rapport « constant », il a indiqué que les associations d'anciens combattants réclamaient une référence qui soit à la fois plus claire, plus lisible et plus facile à contrôler que le dispositif actuel.

Concernant la prise en compte du service en AFN, il a rappelé les conditions difficiles dans lesquelles se déroulait le séjour des appelés pendant les opérations dites de « maintien de l'ordre » et a souligné que certaines classes avaient connu des périodes de rappel ou de maintien sous les drapeaux.

Il a précisé par ailleurs que les représentants du Front uni maintenaient sans ambiguïté leur demande de mise en oeuvre de la retraite anticipée.

Il a précisé par ailleurs que le coût de la retraite anticipée était étalé de manière non uniforme sur neuf ans en précisant que la comparaison avec les trois points de CSG en année pleine permettait de mesurer l'effort qui serait demandé à la Nation.

M. Jacques Machet, président, s'est félicité des efforts récents en matière de rénovation des nécropoles et cimetières militaires et a souligné que la défense de la mémoire du monde combattant ne passait pas uniquement par des augmentations de crédits.

M. Roland Huguet a souligné également que la qualité des manifestations locales en faveur des anciens combattants ne reposait pas uniquement sur des considérations financières.

M. Jean Chérioux a regretté le peu d'importance consacré par certains médias aux cérémonies commémoratives.

Puis, sur proposition de M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux anciens combattants et victimes de guerre dans le projet de budget pour 1997 et a réservé son avis sur les articles 85, 86 et 87 rattachés à ce projet de budget à l'examen du texte transmis par l'Assemblée nationale.

MM. Guy Fischer et Roland Huguet ont précisé qu'ils ne prenaient pas part au vote.

*

En outre, la commission des Affaires sociales s'est réunie le jeudi 21 novembre 1996, sous la présidence de M. Bernard Seillier, vice-président, pour procéder à l'examen pour avis des articles 85, 86 et 87 du projet de loi de finances pour 1997 rattachés au budget des anciens combattants sur le rapport de M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis.

M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a rappelé qu'au cours d'une séance du 7 novembre dernier, la commission avait décidé de réserver son avis sur les articles rattachés au budget des anciens combattants dans l'attente de l'examen de ces crédits par l'Assemblée nationale en séance publique le 15 novembre dernier.

Puis, M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, a proposé d'émettre un avis favorable à l'article 85 relatif à la prorogation de la levée de la forclusion pour l'ouverture des droits à pension en faveur des anciens combattants des États de l'ex-Indochine française, adopté sans modification par l'Assemblée nationale.

S'agissant de l'article 86 relatif aux fonds de solidarité des anciens combattants d'Afrique du nord (AFN), il a rappelé que le projet de loi initial visait à ouvrir le fonds aux anciens combattants en situation de travail précaire. Il a indiqué que l'Assemblée nationale avait adopté un amendement visant les anciens combattants en situation d'activité professionnelle involontairement réduite afin d'éviter les erreurs d'interprétation par une rédaction plus précise. Il a proposé d'émettre un avis favorable à cet article dans la rédaction modifiée par l'Assemblée nationale.

Enfin, il a indiqué que le Gouvernement avait retiré l'article 87 relatif au plafonnement de la majoration du taux du grade des pensions militaires d'invalidité. Il s'est félicité de ce retrait en rappelant que cette disposition avait suscité une vive émotion parmi les militaires et les anciens combattants retraités. Il a précisé que les conséquences financières de ce retrait avaient été tirées tant sur le budget de la défense que sur celui des anciens combattants.

Après les interventions de Mme Joëlle Dusseau, MM. André Jourdain et Marcel Lesbros, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des articles 85 et 86 dans la rédaction de l'Assemblée nationale et s'est félicitée du retrait par le Gouvernement de l'article 87.

Mesdames, Messieurs,

Ce rapport présente cette année une physionomie particulière puisque cette année est placée sous le signe de la décision prise par le Gouvernement de ne pas mettre en oeuvre la retraite anticipée pour les anciens combattants d'Afrique du Nord au vu du chiffrage considérable réalisé par une commission indépendante et de qualité dont les méthodes n'ont pas été contestées.

C'est pourquoi ce rapport est consacré, pour une large part, à la situation des anciens de la Troisième génération du Feu et aux mesures mises à l'étude et proposées par le Gouvernement en contrepartie de la retraite anticipée.

Votre commission a tenu tout d'abord à se féliciter du choix du Gouvernement, conforme aux engagements du Président de la République, de fournir une base de discussion plus précise en évaluant de manière objective le coût de la retraite anticipée pour les finances publiques. Elle a constaté que le chiffre de 151 milliards de francs auquel a abouti la commission reflète bien le coût maximal que représentait la mesure si elle était mise en oeuvre dans sa conception la plus étendue.

Elle a compris les motifs économiques et financiers qui ont implacablement conduit le Gouvernement à ne pas mettre en oeuvre une proposition qui mobilise pourtant tous les anciens combattants.

Tout en se félicitant des mesures proposées dès cette loi de finances pour améliorer l'aide aux anciens d'Afrique du Nord en difficulté en rendant encore plus « consistant » le Fonds de solidarité créé sur une initiative de votre commission en 1992, votre commission a émis deux voeux :

- le premier serait de voir les négociations engagées avec les gestionnaires de régime de retraite complémentaires aboutir rapidement afin que soit levée l'irritante question des coefficients d'anticipation qui pénalisent les anciens d'Afrique du Nord bénéficiant de l'allocation de préparation à la retraite ;

- le second serait de permettre aux titulaires du titre de reconnaissance de la Nation de se voir décerner une distinction honorifique particulière qui rende hommage aux services qu'ils ont rendu.

La seconde partie de ce rapport est consacrée aux aspects essentiels du projet de budget pour 1997. Votre commission a émis trois observations :

- elle a souhaité que les travaux de la commission sur la simplification du rapport constant soient menées à bien afin de déboucher sur une formule plus intelligible qui maintienne un lien étroit entre le niveau des pensions militaires d'invalidité et celui de la rémunération des fonctionnaires en activité ;

- elle a pris acte de la baisse des crédits affectés à l'action historique en souhaitant que des initiatives soient prises pour développer des gestes symboliques de nature à entretenir la mémoire nationale ;

- elle a réaffirmé que le plafond majorable de la rente mutualiste devrait être indexé, non pas sur l'indice d'inflation mais sur le point de la pension militaire d'invalidité, conformément au principe de réparation qui est à l'origine de ce dispositif.

Enfin, votre commission qui a partagé les inquiétudes du monde combattant sur les conséquences du plafonnement de la majoration des pensions militaires au taux du grade et des projets de réorganisation des services extérieurs de l'État, ne peut que se féliciter :

- du retrait de l'article 87 du projet de loi de finances relatif à l'application du taux du grade ;

- de la volonté du Premier ministre de « maintenir en l'état » les structures administratives actuelles du monde combattant.

Telles sont les principales conclusions de l'avis rendu par votre commission sur le budget des anciens combattants et qui l'a conduit à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de ce budget.

I. L'ÉVALUATION DU COÛT DE LA RETRAITE ANTICIPÉE A CONDUIT LE GOUVERNEMENT À RENONCER À SA MISE EN OEUVRE

Il convient tout d'abord de rappeler les conclusions de l'exercice très complet de chiffrage auquel s'est livré le Gouvernement et qui a été rendu public en mars dernier.

A. LE CHIFFRAGE RÉALISÉ PAR LA COMMISSION TRIPARTITE A MONTRÉ LE COÛT CONSIDÉRABLE DE LA RETRAITE ANTICIPÉE

Au cours de la campagne électorale, le Président de la République avait souhaité faire procéder à une évaluation précise du coût de la mesure d'anticipation de la retraite par une structure de concertation tripartite regroupant les associations, les élus ainsi que les représentants des administrations concernées.

Par décret en date du 9 août 1995 1 ( * ) , le Premier ministre a créé une commission tripartite, composée de représentants du Parlement, du Front Uni et du Gouvernement, qui a été chargée d'examiner le coût pour l'État de la mise en oeuvre d'une retraite anticipée à taux plein à l'âge de 60 ans diminué du temps passé sous les drapeaux par les anciens d'Afrique du Nord.

Cette commission, présidée par M. Jean-François Chadelat, Directeur du Fonds de solidarité vieillesse, s'est réunie neuf fois entre le 13 septembre 1995 et le 21 mars 1996, date à laquelle ses conclusions ont été rendues publiques.

1. Les effectifs concernés

Le bénéfice de la retraite anticipée aurait concerné 854.202 personnes en 1996.

Trois catégories ont été distinguées :

- tout d'abord, les militaires appelés du contingent, ayant servi en AFN de 1952 à 1962, nés entre 1936 et 1941, soit 720.454 appelés encore en vie sur les 1.215.000 appelés mobilisés.

Le nombre des trimestres d'anticipation varie, suivant le contingent, entre 4 et 7 trimestres. Les militaires rappelés, au nombre de 128.000, n'ont pas été retenus dans le champ de l'étude car, en raison de leur âge, ils avaient tous atteint l'âge de la retraite en 1996.

- ensuite, les militaires engagés, c'est-à-dire qui n'ont pas accompli de service d'une durée supérieure ou égale à quinze ans et qui ne sont donc pas des militaires de carrière : ils seraient au nombre de 144.521 en 1996.

Les militaires de carrière n'ont pas été retenus car ils bénéficient déjà de la possibilité d'obtenir une pension de retraite avant 60 ans après 15 ans de service pour les sous-officiers ou 25 ans de service pour les officiers.

- Enfin, les anciens supplétifs rapatriés en France après 1962 et qui seraient aujourd'hui au nombre de 6.282 sur les 19.000 anciens harkis rapatriés en 1962.

2. La détermination du coût de la mesure

L'analyse de la commission « Chadelat » tient compte des règles de départ à la retraite dans les différents régimes, de la présence d'anciens combattants français de souche non européenne bénéficiant de l'allocation spéciale prévue à l'article L. 814-2 du code de la sécurité sociale ainsi que d'anciens combattants « polypensionnés » au titre de différents régimes.

Le premier élément du chiffrage porte sur le coût des retraites à verser au titre des trimestres d'anticipation : ce coût brut est évalué à 126 milliards de francs sur la période s'étendant du 1er janvier 1996 au 1er juillet 2004 (soit sur huit ans et six mois), la charge atteignant son maximum en 1998 et en 1999, années de départ à la retraite des appelés des quatre classes 58/1, 58/2, 59/1 et 59/2 qui bénéficieront de sept trimestres d'anticipation.

Du point de vue des régimes de retraite, il faut également tenir compte du manque à gagner sur les anciens combattants actifs qui versaient des cotisations sur leur salaire d'activité. Ce coût a été évalué à 70,4 milliards de francs en tenant compte des données propres aux cinq régimes de retraite auxquels peuvent appartenir les intéressés.

La charge brute pour les régimes de retraite serait donc de 196 milliards de francs.

Toutefois, il faut retirer de ce montant un certain nombre d'économies consécutives à l'introduction de la retraite anticipée :

- Le montant de la cotisation maladie et de la CSG appliquées sur le montant des retraites servies par anticipation aux anciens combattants atteindrait 3 milliards de francs.

La simulation tient compte des règles en vigueur au 31 décembre 1995 et n'applique donc ni l'augmentation de la cotisation maladie sur retraite, ni la contribution pour le remboursement de la dette sociale (RDS) mises en place ultérieurement.

- La retraite anticipée induit une économie pour l'UNEDIC, au titre de l'indemnisation des anciens combattants au chômage, et au titre du Fonds National pour l'Emploi pour les préretraités. L'économie serait de 24,7 milliards de francs pour les 202.236 anciens combattants ainsi concernés, compte tenu des pertes de cotisation sur les différentes allocations de chômage.

- De plus, 5.000 anciens d'AFN sont titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI). L'économie réalisée serait donc de 174 millions de francs.

- Les économies réalisées sur les pensions versées aux invalides, aux malades et accidentés du travail et sur l'allocation aux adultes handicapés seraient de 4,4 milliards de francs.

- Une économie budgétaire de 2,5 milliards de francs serait réalisée sur le Fonds de solidarité des anciens d'AFN qui n'aurait plus lieu d'être.

- Enfin, l'un des points les plus controversés était celui des avantages générés par les créations d'emploi consécutives aux départs en retraite.

S'appuyant sur les données disponibles dans le cadre des dispositifs de préretraite, une étude de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail a permis de considérer que seul un départ sur trois donnerait lieu à une embauche compensatrice : 75.000 emplois seraient donc maintenus, ce qui représenterait un gain en cotisations supplémentaires de 7,6 milliards de francs environ et permettrait de réaliser une économie de 2,9 milliards de francs sur les allocations de chômage, dans l'hypothèse où une embauche sur deux concernerait un chômeur.

Une fois retranchées ces économies de la charge totale du dispositif, le coût net total de la retraite anticipée s'élèverait, selon le rapport de la commission tripartite, à 151 milliards de francs sur neuf ans en francs 1996, ce qui correspondrait à l'équivalent d'une loi de programmation sur les six années 1996 à 2001, le surcoût des périodes ultérieures étant marginal.

TABLEAU RÉCAPITULATIF

en milliards de francs

Coût brut pour les régimes de retraite

- 126,0

Pertes des cotisations des actifs

- 70,4

Charge brute totale

- 196,4

Gains en cotisation sur retraite

+ 3,1

Économies sur prestations-chômage

+ 25,00

Économies sur RMI

+ 0,2

Économies sur invalides et malades

+ 4,4

Économies sur Fonds de solidarité AFN

+ 2,5

Gains sur créations d'emplois

+ 10,5

Coût net total (1996-2004)

-151

3. Le débat sur les hypothèses de travail de la commission

Le travail très complet et très objectif qui a été effectué par la commission d'évaluation sous le contrôle de M. Chadelat a été fructueux et ne souffre pas de contestation d'ensemble.

Toutefois, les associations rassemblées dans le Front Uni ont, pour leur part, avancé un chiffre d'un montant inférieur, quoique non négligeable, de 36,579 milliards de francs sur sept ans et demi, en retenant des critères de calcul différents de ceux de la commission tripartite, c'est-à-dire notamment :

-en faisant débuter la mesure au 1er janvier 1997 au lieu du 1er janvier 1996 ;

- en excluant les militaires engagés du bénéfice de la mesure,

- en écartant, de même, les assurés ne justifiant pas d'une durée complète d'assurance,

- et en calculant la durée d'anticipation en fonction du nombre de mois passés en Afrique du Nord et non pas en trimestres.

Le rapporteur de la commission tripartite a estimé, quant à lui, dans une note annexée à son rapport, que le coût de la retraite anticipée dans le cadre des mesures proposées par le Front Uni s'établirait vraisemblablement plutôt entre 80 et 95 milliards de francs.

Au demeurant, le choix d'exclure du bénéfice de la mesure les militaires engagés et les harkis serait discutable du point de vue de l'équité, si ce n'est du point de vue du respect du principe de l'égalité des citoyens devant la loi, dont le Conseil constitutionnel est le gardien.

Votre rapporteur est sensible au souhait du Président de la République qui était d'obtenir un chiffrage le plus objectif possible du coût de la retraite anticipée pour les finances publiques, afin de fournir une base « apaisée » aux discussions.

Même si des différences peuvent légitimement s'exprimer sur les hypothèses de calcul qui seraient choisies avant de mettre en oeuvre la retraite anticipée, le chiffre de 151 milliards apparaît refléter globalement le coût de cette mesure, considérée dans sa conception la plus large, si elle avait été mise en oeuvre en 1996.

B. LA CHARGE FINANCIÈRE DE LA RETRAITE ANTICIPÉE EST APPARUE IMPOSSIBLE À ASSUMER DANS LA SITUATION ÉCONOMIQUE ACTUELLE

L'énormité de ce coût apparaît évidemment incompatible avec les contraintes budgétaires et économiques auxquelles doit faire face le pays.

La commission des Affaires sociales comprend donc les motifs qui ont conduit le Gouvernement à ne pas mettre en oeuvre la retraite anticipée pour les anciens d'AFN.

Votre rapporteur tient à faire remarquer, à titre de comparaison, en matière de finances publiques, que le coût évalué par la commission tripartite est équivalent au produit de l'instauration de trois points de CSG supplémentaires en année pleine.

Dès le mois de mai 1996, M. Pierre Pasquini, ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre et M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, ayant constaté que l'économie ne serait pas en état de supporter l'effort que nécessiterait la mise en oeuvre de la retraite anticipée, ont décidé d'examiner comment améliorer la situation des anciens combattants en étudiant les possibilités de progrès et en renforçant la solidarité entre eux.

Le Premier ministre, M. Alain Juppé, et le ministre délégué aux anciens combattants et victimes de guerre ont reçu, le 1er août, les représentants des cinq associations du Front Uni. Ces derniers ont « déploré que la situation économique ait été invoquée pour refuser l'octroi de la retraite professionnelle anticipée à la troisième génération du feu, d'autant que cette mesure s'inscrirait parfaitement dans la bataille pour l'emploi ».

Le Premier ministre a décidé une série de mesures de solidarité en faveur des anciens d'Afrique du Nord qui rencontrent des difficultés économiques et sociales ; le Front Uni les aurait enregistrées comme « positives », selon les termes de son communiqué du 1er août. En outre, M. Alain Juppé a souhaité qu'une concertation conduise à étudier les modalités d'assouplissement de la carte du combattant.

Rencontrant le Front Uni, le 18 septembre dernier, le Chef de l'État a confirmé les propos du Premier Ministre en déclarant que l'économie française ne permettait pas cette anticipation tout en souhaitant « ne pas clore le débat en raison notamment des avantages qui pourraient en découler en matière d'emplois » .

Le Président de la République, par ailleurs, s'est déclaré « résolu à obtenir du Gouvernement la mise en oeuvre rapide des mesures sociales annoncées » .

Votre rapporteur indique que le dispositif qu'il avait soumis au ministre des Affaires sociales l'année dernière et tendant à adapter le congé sabbatique en permettant à un salarié de quitter son entreprise pendant un ou deux ans en conservant 85 % de son salaire, sous réserve de l'embauche d'un chômeur dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, n'avait finalement pas été retenu par M. Jacques Barrot en raison de divers obstacles d'ordre technique.

Votre rapporteur souhaite néanmoins proposer une nouvelle version de ce dispositif qui serait spécifiquement orienté vers les anciens d'Afrique du Nord.

En tout état de cause, votre commission se félicite que certaines des mesures de solidarité nouvelles, auxquelles s'était engagé le Gouvernement durant l'été, aient pu être intégrées dans le présent projet de loi de finances.

II. LES MESURES DE SOLIDARITÉ ÉTUDIÉES EN CONTREPARTIE PAR LE GOUVERNEMENT

Avant d'examiner les mesures envisagées par le Gouvernement, il est utile au préalable de « faire le point » sur les deux dispositifs aujourd'hui mis en place en matière de retraite pour les anciens d'Afrique du Nord

A. LES DISPOSITIFS DE SOLIDARITÉ DÉJÀ MIS EN PLACE

1. Une mesure générale : la loi du 3 janvier 1995

La loi n° 95-5 du 3 janvier 1995 relative à la pension de vieillesse des anciens combattants d'AFN a pour objet d'éviter que la mise en oeuvre de la mesure d'allongement de la durée minimale de cotisation pour l'obtention d'une retraite à taux plein, introduite en 1993, ait pour conséquence d'obliger certains anciens d'AFN à prendre leur retraite après 60 ans.

Mis en place à la suite d'une demande de votre commission lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1994, ce dispositif devrait permettre à 80.000 anciens combattants d'AFN de prendre leur retraite à 60 ans avec une durée d'assurance minorée, quel que soit leur niveau de revenus.

Pour les anciens combattants ayant accompli des services militaires actifs au titre des obligations légales en Afrique du Nord, entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962, sont réduites les durées d'assurance et des périodes reconnues équivalentes requises pour bénéficier d'une retraite au taux plein.

Les services obligatoires visés sont ceux qui ont été accomplis :

- soit dans le cadre de la durée légale du service militaire alors fixée à dix-huit mois ;

- soit au titre des mesures de maintien ou de rappel sous les drapeaux.

Les services d'une durée inférieure à dix-huit mois n'ouvrent droit à aucune réduction.

Les dix-huit premiers mois de services ouvrent droit à une réduction forfaitaire d'un trimestre de cotisations.

Les périodes au-delà des dix-huit premiers mois sont prises en compte intégralement et donnent lieu à une réduction égale à leur durée exprimée en trimestres. Toutefois, les services accomplis à la suite d'un rappel sous les drapeaux ouvrent droit à une réduction dès le premier trimestre de rappel, sans que le minimum de dix-huit mois soit applicable.

Pour les services accomplis au-delà des dix-huit premiers mois ou à la suite d'un rappel sous les drapeaux, la réduction en nombre de trimestres est calculée en divisant le nombre de jours de service militaire actif en Afrique du Nord par 90, le résultat étant arrondi, le cas échéant, au trimestre supérieur.

En toute hypothèse, la réduction ne peut avoir pour effet d'abaisser la durée exigée d'assurance et de périodes reconnues équivalentes à un nombre de trimestres inférieur à 150. 2 ( * )

Lors de son examen, le coût total de cette loi avait été évalué par le Gouvernement à 2,26 milliards de francs sur la base d'un départ à la retraite de 50 % de chaque contingent à l'âge de 60 ans et d'une pension moyenne de 50.000 francs par an.

Il semble que les résultats soient inférieurs aux prévisions dans un contexte, il est vrai, d'incertitude au début de 1996 sur la perspective de la mise en oeuvre de la retraite anticipée. Au premier trimestre de 1996, le dispositif avait bénéficié à 706 anciens combattants pour un coût global de 11 millions de francs. La dépense prévisionnelle pour 1997 serait de 12 millions de francs.

Il est sans doute encore trop tôt pour procéder de manière pertinente à l'évaluation de la loi du 3 janvier 1995 mais votre rapporteur entend suivre précisément cette question au cours des prochains budgets.

2. Une mesure en faveur des plus en difficulté : le fonds de solidarité des anciens d'AFN

Le Fonds de solidarité pour les anciens combattants a significativement évolué depuis qu'il a été créé par l'article 125 de la loi de finances pour 1992 à la suite de diverses initiatives prises alors par votre commission pour obtenir le bénéfice de la retraite anticipée pour les anciens d'AFN pensionnés à plus de 60 % et pour les demandeurs d'emploi en fin de droit.

Ce fonds a été substantiellement modifié par l'article 79 de la loi de finances pour 1995 introduit par le Gouvernement de M. Édouard Balladur.

Pour présenter une demande d'allocation au titre du Fonds de solidarité, cinq conditions doivent être remplies par l'ancien combattant : avoir participé aux opérations en AFN entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 ; résider habituellement en France ; être âgé d'au moins 55 ans et d'au plus 65 ans ; être privé d'emploi depuis plus d'un an, et disposer de ressources personnelles globales inférieures à 4.500 francs par mois.

Depuis le 1 er janvier 1995, le Fonds de Solidarité assure, non pas de plein droit mais toujours sur demande de l'intéressé, le versement de deux catégories d'allocations optionnelles chronologiques et exclusives l'une de l'autre :

- la première allocation est une allocation différentielle qui complète à concurrence de 4.500 francs par mois le montant total des ressources personnelles dont dispose le demandeur ;

- la seconde allocation, dite allocation de préparation à la retraite (APR), est attribuée aux personnes qui auront bénéficié pendant six mois consécutifs de l'allocation différentielle et qui n'exercent aucune activité professionnelle.

La condition de perception préalable pendant six mois de l'allocation différentielle est relativement restrictive. Elle signifie que l'ancien d'AFN doit, non seulement être en chômage de longue durée, mais encore vivre de ressources inférieurs à 4.500 francs par mois pendant six mois au moins pour prétendre à l'APR. Ce critère est particulièrement pénalisant pour les anciens d'AFN dont les ressources sont de très peu supérieures au seuil de 4.500 francs par mois 3 ( * ) .

L'option pour l'APR ne procède pas vraiment d'un libre choix de l'ancien combattant ; la perception préalable de l'allocation différentielle est un « point de passage obligé » pour lui avant de pouvoir prétendre à l'octroi de l'AFR.

L'APR représente un revenu complet, égal à 65 % de la moyenne des revenus mensuels bruts d'activité professionnelle des 12 derniers mois travaillés avant la privation d'activité. Elle est plafonnée à 7.000 francs brut par mois sans pouvoir être inférieure à 4.500 francs brut mensuel. L'intéressé doit renoncer à exercer toute activité professionnelle. L'APR ne donne pas lieu à précompte de cotisations d'assurance vieillesse ; en revanche, elle supporte le prélèvement au titre de la CSG (2,4 %), du RDS (0,5 %) et une cotisation d'assurance maladie au taux forfaitaire de 5,5 %.

Le versement de l'APR suspend le droit au revenu minimum d'insertion ainsi qu'aux prestations de chômage relevant du régime d'assurance (AUD) ou du régime de solidarité (ASS).

L'allocation différentielle et l'APR ne sont pas cumulables ; elles cessent d'être versées dès que le bénéficiaire reprend une activité professionnelle ou qu'il est en mesure de faire valoir ses droits à une pension de vieillesse au taux plein ou à une pension de vieillesse pour inaptitude au travail au sens de l'article L. 351-7 du code de la sécurité sociale et, au plus tard, à son soixante-cinquième anniversaire.

Au premier semestre 1996, le Fonds enregistrait 38.919 titulaires de l'allocation différentielle et 3.374 titulaires de l'APR.

Le montant moyen du complément mensuel versé au titre de l'allocation différentielle est de 1.826 francs au premier semestre 1996. L'APR, quant à elle, représente, en moyenne, une allocation de 6.081 francs par mois en 1996.

Au total, le coût de fonctionnement du dispositif du fonds de solidarité serait voisin de 1 milliard de francs en 1995 dont 841 millions de francs au titre de l'allocation différentielle et 200 millions de francs environ au titre de l'APR.

Il convient de rappeler que la loi de finances pour 1996 a permis d'abaisser à 55 ans, au lieu de 56 ans, l'âge d'éligibilité au dispositif et de relever le plafond de ressources minimales de 4.000 francs à 4.500 francs. Le coût de ces deux mesures est évalué à 370 millions de francs sur l'exercice 1996.

B. LES MESURES DE SOLIDARITÉ PRÉVUES POUR 1997

1. Les mesures déjà prévues à l'article 86 du projet de loi de finances

Compte tenu des évolutions démographiques, le coût du Fonds de solidarité s'établirait tendanciellement à 1,4 milliard de francs pour 1997, toutefois, ce montant est porté à 1,535 milliard de francs pour tenir compte des nouvelles mesures de solidarité décidées par le Gouvernement.

Ces mesures résultent de l'article 86 du projet de loi de finances rattaché au budget des anciens combattants et victimes de guerre.

a) La condition d'âge pour l'accès au Fonds de solidarité est supprimée

Il convient de remarquer que dans la mesure où la dernière classe des militaires appelés, soit la 61/2, atteindra 55 ans au 1er janvier 1997, cette mesure concernera des militaires engagés, pour un coût brut total estimé à 54 millions de francs. Le coût net total serait de 39 millions de francs compte tenu des économies au titre du RMI et des allocations d'assurance chômage.

b) Les anciens combattants d'Indochine ont accès au Fonds

Le bénéfice du Fonds est ouvert à 20.000 anciens combattants d'Indochine, aujourd'hui âgés de 63 à 64 ans et titulaires de la carte du combattant : 5% d'entre eux seraient en situation de chômage de longue durée avec des ressources de moins de 4.500 francs par mois. Le coût de cette mesure est évalué à 24 millions de francs.

c) Le bénéfice de l'allocation différentielle est étendu aux anciens combattants en « situation de travail précaire »

Aujourd'hui, le bénéfice du fonds est réservé aux anciens combattants d'Afrique du Nord en situation de chômage depuis plus d'un an.

Cette condition présente deux inconvénients : tout d'abord, sont exclus du bénéfice du fonds, des anciens d'AFN qui travaillent mais qui, du fait de la faiblesse de leurs revenus professionnels, sont, en réalité, dans une situation très difficile malgré leurs efforts pour ne pas entrer dans le monde de l'exclusion ; d'autre part, le dispositif écarte toutes les personnes pour lesquelles la période de chômage d'un an a été interrompue par un travail temporaire de courte durée.

C'est pourquoi, l'article 86 du projet de loi de finances propose de prendre en compte les « situations de travail précaire », l'objectif étant, selon les informations communiquées à votre rapporteur, de rendre éligibles au Fonds les anciens combattants qui ne sont pas privés d'emploi depuis un an mais qui percevraient des revenus d'activité professionnelle salarié qui ne dépasseraient pas mensuellement 4.500 francs en moyenne au cours des douze derniers mois.

La rédaction proposée par le projet de loi initial n'apparaissait pas très satisfaisante dans la mesure où la notion très vague de « travail précaire » n'a pas fait l'objet jusqu'ici d'une définition au niveau législatif.

L'Assemblée nationale, en première lecture, a modifié cette disposition pour viser les cas « d'activité professionnelle involontairement réduite », le terme « involontairement » ayant été introduit par amendement du Gouvernement.

En tout état de cause, votre rapporteur souhaite que ce dispositif ne soit pas interprété limitativement au bénéfice des seuls salariés, mais qu'il puisse également bénéficier aux anciens d'AFN travailleurs indépendants et en difficulté.

En outre, la période de chômage d'un an ne sera pas considérée comme interrompue lorsque l'ancien combattant aura repris temporairement une activité qui n'aura pas excédé 182 jours ou 1.014 heures de travail, au cours des douze derniers mois. Cette dernière disposition devrait être précisée par arrêté.

Le coût de la prise en compte des situations de travail précaire est évalué à 36 millions de francs dans le budget 1997.

d) Le mode de calcul du revenu professionnel de référence de l'APR simplifié

Actuellement, le montant de l'APR est calculé par référence à 65 % de la moyenne des revenus mensuels d'activité professionnelle au cours des douze derniers mois ayant précédé la cessation d'activité. Il en résulte de nombreuses contestations entre les demandeurs et les services instructeurs qui risquent de devenir insolubles si l'on tient compte par ailleurs des situations de travail précaire. Aussi pour l'avenir, il est prévu de tenir compte des revenus de la dernière année civile « de plein exercice » de l'activité professionnelle du demandeur.

e) Les planchers et les plafonds de l'APR sont fixés, non plus en montant « mensuel brut », mais en « montant mensuel net »

En effet, dès lors que s'imputent sur les 4.500 francs de l'APR, la CSG, le RDS et la cotisation forfaitaire d'assurance-maladie, le montant versé effectivement à l'intéressé est de 4.087 francs par mois. Le coût de cette mesure, importante pour ceux dont les revenus d'activité professionnels ont été très faibles et qui relèvent du plafond de 4.500 francs, représente 12 millions de francs.

f) La situation des veuves des anciens combattants titulaires de l'APR est améliorée

Celles-ci bénéficieront d'un capital décès d'un montant égal à 4 fois le montant mensuel brut de l'APR, assorti d'une majoration égale à 1,5 fois le montant en question par enfant à charge. Cette mesure est évaluée à 7 millions de francs.

g) L'allocation différentielle est maintenue temporairement en cas de reprise du travail

L'allocation différentielle serait maintenue pendant trois mois dans le cas où le bénéficiaire d'une allocation reprendrait une activité professionnelle dès lors que le montant mensuel brut de ses revenus demeure inférieur au plafond de 4.500 francs et ceci pendant une durée de trois mois. Cette mesure dite « d'intéressement » vise à ne pas pénaliser les titulaires de l'allocation qui entreprennent un effort de réinsertion.

2. Les mesures imminentes mais ne relevant pas de la loi de finances

Certaines mesures de solidarité envisagées par le Gouvernement ne relèvent pas du projet de loi de finances mais devraient être mises en place prochainement. Elles sont au nombre de deux :

- tout d'abord, les pensions militaires d'invalidité seront exclues intégralement du calcul des ressources permettant l'accès au Fonds de solidarité. Actuellement, les pensions sont prises en compte dès lors que leur montant dépasse 4.500 francs. Le mécanisme actuel est, en effet, contestable dans la mesure où les pensions constituent un droit à réparation dont l'incidence devrait être neutralisée dans un dispositif d'appréciation de ressources ;

- ensuite, les anciens combattants ayant effectué des stages dans les écoles de rééducation professionnelle de l'ONAC avant le 1er janvier 1969 pourront procéder au rachat des cotisations d'assurance vieillesse correspondant à ces périodes de stage. Une réduction spécifique de durée d'assurance d'un trimestre sera accordée aux intéressés. Cette mesure devra faire l'objet d'un amendement dans un texte législatif approprié.

C. LES DEMANDES ÉCARTÉES PAR LE GOUVERNEMENT OU ENCORE EN ATTENTE

1. Deux revendications des associations d'anciens combattants n'ont pas été retenues

a) Le bénéfice de la campagne double

Les fonctionnaires et assimilés réclament depuis longtemps le bénéfice de la « campagne double ».

À cet égard, le Gouvernement fait valoir qu'un décret de 1957 accorde aux anciens combattants fonctionnaires le bénéfice de la « campagne simple », c'est-à-dire que la période de service sous les drapeaux compte déjà pour deux fois sa durée pour le calcul de la retraite. Accorder le bénéfice de la campagne double reviendrait donc à prendre trois fois en compte cette période pour le calcul de la retraite pour les anciens combattants fonctionnaires et assimilés, alors que pour les anciens d'AFN, salariés de droit privé, cette période ne compte que pour sa durée réelle. Il y aurait donc là un risque d'aggraver la disparité de traitement entre catégories d'anciens combattants.

b) La reconnaissance des pathologies spécifiques

La seconde revendication que le Gouvernement n'a pas retenue, a trait à la meilleure reconnaissance des pathologies spécifiques au conflit d'AFN.

Il semble, en effet, qu'il soit trop tôt pour tirer le bilan des réformes qui ont été adoptées au cours de ces dernières années.

L'une des premières étapes dans la recherche de l'égalisation des droits des anciens combattants a été la reconnaissance d'une pathologie propre au conflit d'Afrique du Nord. A cet effet, une commission médicale a été instituée en 1983 pour étudier une éventuelle pathologie propre aux anciens militaires ayant participé aux opérations d'Afrique du Nord de 1952 à 1962.

Les travaux de la commission ont permis au législateur d'améliorer la réparation des séquelles de l'amibiase. Tel a été l'objet de l'article 102 de la loi de finances pour 1988, aux termes duquel, sauf preuve contraire, est imputable l'amibiase intestinale présentant des signes cliniques, confirmés par des résultats d'examens de laboratoire ou endoscopiques indiscutables et spécifiques de cette affection, et constatée dans le délai de dix ans suivant la fin du service effectué en Afrique du Nord entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962.

Par ailleurs, les troubles psychiques de guerre ont fait l'objet du rapport d'un groupe de travail constitué au sein de la commission médicale. Outre l'extension clinique et les modalités d'expertise de ces troubles, ce rapport, déposé en décembre 1985, mettait l'accent sur le délai très variable de leur apparition. Il soulignait également l'absence de lien spécifique avec un conflit donné, contrairement à ce qui avait pu apparaître à l'origine.

Afin d'approfondir cette étude, une nouvelle commission médicale a été installée en décembre 1989 avec la participation d'éminents praticiens civils et militaires et s'est réunie régulièrement. Un rapport de synthèse a été élaboré à la fin de l'année 1990.

Faisant suite à ces nouveaux travaux, le décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des troubles psychiques de guerre permet de mieux prendre en compte les troubles psychiques, en particulier ceux d'apparition différée. Il marque une avancée importante dans la reconnaissance de certaines affections comme la névrose traumatique de guerre.

Votre rapporteur estime naturel de laisser les médecins juger si les symptômes de troubles psychiatriques qu'ils observent trouvent bien leur origine dans les événements vécus au cours d'un conflit sans instaurer une présomption d'imputabilité a priori.

Il reste que la circulaire d'application du décret du 10 janvier 1992 peut paraître excessivement formaliste, notamment lorsqu'elle prévoit que l'enquête biographique sur laquelle se fonde l'expertise psychiatrique se doit d'être particulièrement soignée et critique, fondée sur l'existence de documents permettant de mettre en évidence l'implication du requérant dans un événement traumatique indiscutable.

Votre rapporteur souligne que certains événements traumatisants ne peuvent pas toujours être prouvés par des éléments « écrits » indiscutables.

Votre rapporteur souhaite que, pour l'avenir, on puisse disposer d'éléments de synthèse sur les demandes acceptées ou rejetées au titre de la névrose traumatique de guerre afin de faciliter le bilan de la réforme du décret de 1992.

2. Des mesures en attente

Deux mesures de solidarité importantes demeurent encore en négociation ou en préparation.

a) La question des retraites complémentaires des titulaires de l'APR

Les négociations sont toujours en cours avec les régimes de retraite complémentaire, membres de l'ARRCO, pour obtenir la suppression de l'abattement, pouvant aller jusqu'à 22 %, appliqué sur les prestations servies par ces régimes aux retraités de moins de 65 ans. En effet, ces régimes versent une retraite complémentaire à taux plein à l'âge de 65 ans et appliquent un coefficient d'anticipation de 4 à 5 % par an entre 60 et 65 ans.

La solution serait d'obtenir que les anciens d'AFN bénéficiaires de l'APR puissent relever d'une stipulation de l'accord ARRCO (annexe E) qui prévoit qu'il n'y a pas d'abattement sur la retraite complémentaire lorsque le préretraité est inscrit comme demandeur d'emploi à l'ANPE depuis au moins six mois. Dans cette hypothèse, l'ancien combattant titulaire de l'APR devrait être reconnu « dispensé de recherche d'emploi ».

Les négociations avec le régime de l'ARRCO avaient été annoncées par le ministre des anciens combattants dans sa réponse à la question orale posée par votre rapporteur le 5 mars dernier 4 ( * ) . Depuis, cette mesure n'a toujours pas été prise pour des raisons qui ne sont pas particulièrement imputables au ministère puisque les parties prenantes en cause sont les partenaires sociaux, d'une part, et le ministère des affaires sociales, d'autre part.

Votre commission souhaite que le ministre des anciens combattants soit spécialement mandaté par le Premier ministre pour négocier en priorité et isolément la question de la retraite complémentaire des titulaires de l'APR auprès des gestionnaires du régime ARRCO ou, à défaut, que le ministre des affaires sociales soit habilité à régler en priorité absolue ce dossier dans un délai de trois mois.

b) L'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant

La seconde mesure en attente est celle qui a été annoncée au cours des entretiens avec le Premier ministre puis le Président de la République, les 1 er août et 18 septembre derniers, concernant l'assouplissement des conditions d'attribution de la carte du combattant.

4,4 millions de cartes du combattant ont été délivrées au titre du Premier conflit mondial, 2,6 millions au titre de la Seconde Guerre Mondiale et 2,1 millions au titre des événements en AFN.

Au regard du nombre de soldats mobilisés, le taux de délivrance des cartes du combattant, qui reflètent la valeur au combat, est plutôt favorable pour les anciens d'AFN puisqu'il atteint 63 % pour ceux de la Troisième génération du Feu contre 51,6 % pour la guerre de 1939-1945 et 55,5 % pour la guerre de 1914-1918. Le Front Uni fait néanmoins observer que, par rapport aux demandes présentées, le taux de rejet est beaucoup plus élevé pour les anciens d'AFN que pour leurs aînés, à savoir 77 % demandes acceptées contre 81 % pour la Seconde guerre mondiale et 92 % pour la Première guerre mondiale.

Plusieurs mesures ont déjà été prises pour améliorer la situation.

Il convient de rappeler, à cet égard, que l'attribution de la carte du combattant aux anciens d'Afrique du Nord a été prévue à l'origine par la loi du 9 décembre 1974. La loi du 4 octobre 1982 a permis qu'un effort sensible et significatif soit réalisé en matière de simplification et d'élargissement des conditions d'attribution de cette carte, les décisions d'attribution étant elles-mêmes fonction de la publication des listes d'unités combattantes par l'autorité militaire.

La circulaire ministérielle du 10 décembre 1987 prévoit d'étendre le droit à la carte du combattant aux titulaires d'une citation individuelle homologuée, sauf cas d'exclusion prévus par le Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Ces dispositions s'appliquent aussi bien aux civils qu'aux militaires.

Puis une circulaire ministérielle DAG/4 n° 3592 du 3 décembre 1988 a abaissé de 36 à 30 le nombre de points permettant l'attribution de la carte à titre individuel.

L'étude menée en liaison avec le ministère de la défense, en vue d'exploiter les archives de la gendarmerie pour comparer le positionnement des unités dans lesquelles étaient affectés les militaires du contingent par rapport aux unités de la gendarmerie, a abouti. Sur cette base, le Ministre de la défense, seul compétent en la matière, a modifié la liste des unités combattantes pour intégrer l'ensemble des unités de soutien d'un bataillon de service qui s'est vu reconnaître la qualité d'unité combattante. La liste modifiée a été publiée au mois de mars 1993 au Bulletin officiel des Armées.

Parallèlement, la loi n° 93-7 du 4 janvier 1993 relative aux conditions d'attribution de la carte du combattant, publiée au Journal Officiel du 5 janvier 1993, a abaissé à 5 le nombre d'actions de feu ou de combat nécessaire (au lieu de 6 actions de combat antérieurement) pour pouvoir prétendre à la carte du combattant au titre des opérations menées en Afrique du Nord.

Enfin, en 1994, un arrêté du 30 mars a accordé à tous les anciens d'AFN une majoration de points en fonction du temps de service accompli.

Cette dernière mesure avait été proposée à la suite de la demande du Front Uni de l'introduction d'un critère de territorialité reposant sur une comparaison géographique, unité par unité, entre la situation des unités régulières et celles des brigades de gendarmerie. Or, il semble que les moyens en personnel et en informatique du ministère de la Défense soient insuffisants pour procéder à l'exploitation systématique des archives de la gendarmerie que nécessiterait la mise en oeuvre de cette réforme. L'arrêté du 30 mars 1994 devait permettre l'attribution de 120.000 cartes supplémentaires ; 35.000 ont été accordées à ce jour et les effets de la mesure semblent s'épuiser.

Un groupe de travail a été réuni sur cette question par le ministre des anciens combattants les 17 et 24 septembre dernier. L'orientation qui se dégage serait d'attribuer aux titulaires du titre de reconnaissance de la Nation et de la médaille commémorative un certain nombre de points qui seraient pris en compte dans le calcul des 30 points requis pour l'obtention de la carte.

Votre commission souhaite que cette concertation débouche rapidement sur des avancées concrètes et souhaite, par ailleurs, qu'une distinction honorifique particulière soit décernée aux titulaires du titre de Reconnaissance de la Nation.

*

Cet exposé relativement complet semble particulièrement se justifier aux yeux de votre rapporteur, car cette année a été celle de l'évaluation du coût de la retraite anticipée. Dans la mesure où ce chiffrage a malheureusement conduit le Gouvernement à refuser une mesure dont la charge financière est apparue beaucoup trop lourde, il était important de faire le point sur les efforts consentis pour les anciens d'Afrique du Nord qui n'ont pas démérité et dont le sort mérite toute notre vigilance.

Qu'il soit permis, à cet égard, à votre rapporteur de rapporter ici les paroles fortes du Président de la République, prononcées le lundi 11 novembre dernier, à l'occasion de l'inauguration à Paris d'un monument à la mémoire des victimes civiles et militaires tombées en Afrique du Nord de 1952 à 1962.

«Dix longues années d'épreuves ont montré le courage des forces régulières et des formations supplétives, unies fraternellement dans les plis du drapeau français.

« Intégrés à l'armée d'active, appuyés par les volontaires venus des douars et des villages d'Algérie, près de deux millions de jeunes appelés ont participé à ces engagements. Soldats de métier, jeunes du contingent, Français, Musulmans ont défendu côte à côte les mêmes idéaux, ceux de la République et de la liberté.

« La vie de ces jeunes gens en a été bouleversée, jusque dans sa réalité la plus ordinaire. Il y avait, bien sûr, l'âpreté des combats, la rudesse des opérations dans le djebel, le spectacle de la souffrance ou de la mort ; il y avait aussi le choc du quotidien le plus banal, les choses simples de la vie, l'attente plutôt que l'angoisse, l'ennui ; il y avait l'isolement et le dépaysement, la rigueur des reliefs et du climat, la beauté des sites et de la lumière, la violence des situations, celle des gestes, des paroles et des brèves actions, la brutalité des affrontements et l'indolence de certains instants... C'était, pour beaucoup, le premier grand voyage de leur vie et, soudain, le face-à-face avec un adversaire invisible, dans un horizon hostile et splendide.

De cette expérience-là, nul n'est revenu vraiment indemne. Près de trois millions d'hommes l'ont vécue. 25.000 ont disparu. »

III. UN PROJET DE BUDGET QUI A NÉCESSITÉ DES AJUSTEMENTS POUR LEVER CERTAINES INQUIÉTUDES

A. UN BUDGET QUI PARTICIPE A L'EFFORT DE MAÎTRISE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

Concernant le budget des anciens combattants, qui représente 26,8 milliards de francs en 1997, quatre caractéristiques essentielles doivent être rappelées avant de soulever deux points de réelle inquiétude.

1. Les conséquences de la diminution des effectifs de la population combattante sur l'évolution de la dette viagère

a) Les conséquences démographiques

Les crédits relatifs à la dette viagère et aux diverses prestations servies aux titulaires de pension subissent chaque année une érosion sous l'effet du vieillissement des classes d'âge concernées.

Pour déterminer le nombre des personnes susceptibles de bénéficier de ses prestations, l'ONAC tient un état de ses ressortissants en opérant diverses extrapolations et en écartant les facteurs de double compte. Cette évaluation porte, d'une part, sur le nombre de pensions mis en paiement et, d'autre part, sur le nombre de cartes et titres délivrés aux postulants non pensionnés. Ces données sont corrigées par application des tables démographiques de mortalité.

Sur le plan démographique, compte tenu de la pyramide des âges, le nombre de titulaires de pensions diminue d'environ 3,3 % par an. La tendance à l'extinction des droits à pension n'est que partiellement compensée par les attributions de pensions de veuves au titre de la Seconde guerre Mondiale, par l'attribution de la pension d'invalidité au titre des conflits récents et par les révisions de pension pour infirmité nouvelle ou aggravation.

Au total, l'état numérique des ressortissants de l'ONAC, établi par projection au 1 er janvier 1997, fait apparaître 3,447 millions de bénéficiaires, auquel il convient d'ajouter un million de veuves non pensionnées.

État numérique des ressortissants de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre au 1er janvier 1997

Conflit

Ressortissants pensionnés

Ressortissants non

pensionnés

Total général

Guerre 1914/1918 et TOE

15.291

1.051

16.342

Guerre 1939/1945

325.624

1.258.667

1.442.457

Indochine-Corée

(2)

146.150

146.150

AFN (3)

236.877

1.373.283 (4)

1.610.160

TRN (loi du 4/01/93)

83.777

83.777

Pupilles de la Nation (5)

148.000

148.000

Totaux

577.802

3.010.928

3.446.886

1.000.000

1.000.000

Veuves non pensionnées

4.010.928

4.446.886

Source : Ministère des anciens combattants et victimes de guerre

(1) Après abattements, comme tableaux précédents.

(2) Nombre inclus dans le conflit 1939/1945.

(3) Evénements AFN et toutes opérations visées par la loi du 6 août 1955.

(4) Correspond au nombre de TRN délivrés pour les opérations d'AFN.

(5) Pupilles de la Nation de moins de 60 ans.

La diminution des effectifs pensionnés entraîne de manière automatique en 1997 une économie de 767 millions de francs sur les dépenses relatives à la dette viagère, c'est-à-dire sur les crédits afférents à la retraite du combattant (chapitre 46-21), aux pensions civiles et militaires d'invalidité (chapitre 46-22) et aux allocations rattachées (chapitres 46-25 et 46-26).

L'évolution négative du nombre de parties prenantes (- 3,5 %) entraîne également la diminution à hauteur de 101 millions de francs du remboursement par l'État à la sécurité sociale des soins médicaux gratuits au titre des articles L. 115 et suivants du code des pensions (chapitre 46-27), ainsi que des prestations assurées aux invalides de guerre. Pour ces dernières, la baisse des crédits du chapitre 46-24 est de 129 millions de francs.

S'agissant de ce dernier point, il n'est pas inutile de souligner que le budget prévoit une économie volontaire de 29 millions de francs dégagée par la mise en oeuvre de mesures de rationalisation du contrôle des soins médicaux gratuits. Il s'agit de renforcer la formation des médecins pour contrôler si les soins médicaux sont imputables à l'infirmité pensionnée, de détecter les médecins prescripteurs dont les pratiques sont atypiques et enfin d'éviter les doubles facturations.

Au total, les évolutions démographiques expliquent une diminution de crédits de 997 millions de francs, soit 3,5 % du budget alloué aux anciens combattants en 1996.

b) La poursuite des travaux sur le rapport constant

La dette viagère évolue également en fonction de la revalorisation annuelle du point d'indice des pensions. Cette revalorisation résulte du « rapport constant » qui doit exister entre l'évolution du point d'indice des pensions militaires et celles des traitements bruts de la fonction publique de l'État.

L'article L. 8 bis du code des pensions, issu de l'article 123 de la loi de finances pour 1990, prévoit que le rapport constant évolue :

- en cours d'année, en fonction des mesures générales applicables aux traitements bruts des fonctionnaires ;

- au 1er janvier de chaque année en fonction de l'évolution de l'indice moyen annuel d'ensemble des traitements bruts calculés par l'INSEE.

L'évolution des traitements bruts de la fonction publique de l'État s'appuie depuis le 1er janvier 1992 sur un indice réaménagé par l'INSEE calculé à partir d'un échantillon plus important que le précédent et qui comporte environ 97 % des effectifs totaux. Son champ a notamment été étendu aux agents du Ministère de la Défense, aux policiers, aux gardiens de prison, aux fonctionnaires relevant d'un indice calculé par référence aux « échelles-lettre » ainsi qu'aux fonctionnaires de certains établissements publics nationaux.

Après avis de la commission tripartite composée de représentants de l'administration, du Parlement et des associations d'anciens combattants réunie le 24 octobre dernier, le point de pension a été modifié pour tenir compte de l'écart entre l'évolution des traitements des fonctionnaires et l'évolution des pensions, pour les années de référence 1994 et 1995. La valeur du point de pension a été fixée à 78,04 francs au 1er janvier 1996. Le rappel à effectuer au titre de 1995 aux bénéficiaires de pensions en paiement est de 0,05 franc.

Sous sa forme actuelle, la mise en oeuvre du rapport constant fait l'objet de diverses critiques de la part des associations d'anciens combattants qui lui reproche son caractère technique qui empêcherait tout contrôle réel de son évolution par rapport à celle du pouvoir d'achat des fonctionnaires en activité.

Afin de répondre à ces critiques, M. Pierre Pasquini a décidé par arrêté du 25 octobre dernier, de créer une commission spécifique chargée de l'examen d'une simplification du calcul du rapport constant.

Il ressort des réponses transmises à votre rapporteur que cette commission a finalement été mise en place le 25 juin 1996. Depuis, le rythme des travaux a été modéré puisque cette commission a constitué en son sein « un groupe de travail » dont la première réunion devait se tenir au mois de septembre avec pour objectif d'achever les travaux dans un délai de six mois.

Votre rapporteur souhaite que les travaux de la commission puissent déboucher à échéance raisonnable sur une proposition qui permette de maintenir le lien qui doit demeurer entre les pensions militaires d'invalidité et les rémunérations des fonctionnaires en activité, tout en rendant le rapport constant compréhensible par le plus grand nombre sans être moins avantageux que la formule actuelle.

c) La prorogation de l'ouverture des droits à pension des anciens combattants des États de l'ex-Indochine française devenus indépendants (article 85 du projet de loi de finances)

L'article 100 de la loi de finances pour 1996 a permis aux anciens combattants ressortissants des États de l'ex-Indochine française, qui sont aujourd'hui nationaux du Cambodge, du Laos et du Viêt-nam, de présenter, par dérogation à la forclusion instituée le 30 décembre 1958 :

- des demandes de première liquidation de dossiers d'invalides et d'ayants cause ;

- des demandes de révision de pension d'invalidité.

Au 31 août 1996, seules 443 demandes ont été déposées sachant que la localisation des intéressés est souvent délicate en raison de la difficulté à assurer, dans le contexte local, une publicité suffisante aux mesures prises.

Votre commission émet un avis favorable à la reconduction en 1997 de la dérogation consentie en 1996 aux anciens combattants de l'ex-Indochine française pour que la mesure puisse recevoir plus complètement effet.

Il est à noter que ce projet de budget ne prévoit pas d'autres mesures pour répondre au problème préoccupant de la cristallisation des anciens combattants des pays de la France d'outre-mer devenus indépendants.

2. La progression des concours versés à l'ONAC et à l'INI

Le projet de budget pour 1997 prévoit une augmentation des subventions versées à l'Office national des anciens combattants (ONAC) et à l'Institution nationale des invalides (INI).

a) L Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC)

L'ONAC est un établissement public administratif créé sous la IIIème République et régi par l'ordonnance du 7 janvier 1959. L'Office est « chargé de veiller en toutes circonstances sur les intérêts matériels et moraux de ses membres » .

L'État s'appuie sur le réseau des services départementaux de l'Office pour offrir un service de proximité aux anciens combattants.

L'Office effectue diverses missions administratives pour le compte du ministère des anciens combattants, en matière d'instruction au niveau départemental des demandes de cartes et titre et d'instruction des demandes d'allocation au Fonds de solidarité des anciens combattants d'AFN. Il assure également le secrétariat des commissions départementales de l'information historique pour la paix ainsi que la prise en charge des activités de l 'OEuvre nationale du Bleuet de France.

Par ailleurs, l'ONAC exerce ses missions propres dans les domaines de l'action sociale individuelle, de l'hébergement des anciens combattants retraités, de la rééducation et de la formation professionnelle et de la protection des pupilles de la Nation.

Il s'appuie sur un réseau composé de 15 maisons de retraite, d'une capacité potentielle de 1.052 places en 1995, auxquelles viennent s'ajouter 315 lits, réservés par priorité aux ressortissants de l'ONAC, dans 7 maisons de retraite conventionnées.

L'Office dispose également d'un réseau de 10 écoles de rééducation professionnelle (ERP) agréées pour recevoir 2.141 stagiaires travailleurs handicapés. En liaison avec les services des rapatriés, l'ONAC prévoit la formation en deux ans de 120 enfants de Français musulmans rapatriés d'ici juin 1998, qui viendront s'ajouter aux deux promotions de 120 enfants chacune prévu par la convention de 1994.

Il convient également de souligner l'importance de la politique d'action sociale de l'ONAC qui a porté sur un montant de crédits de 53,4 millions de francs en 1995, dont 39,3 millions de francs versés sous forme de secours individuel d'un montant moyen de 1.676 francs.

Politique d'action sociale de l'ONAC en 1995

(en milliers de francs)

Nature des dépenses

Montant

Subvention aux associations

1.928,00

Action sociale individuelle

39.296,40

Frais de rééducation professionnelle

2.270,00

Hébergement en foyers et maisons de retraite conventionnés

2.889,50

Animation des établissements de l'ONAC

852,00

Subvention aux offices des TOM

1.000,00

Transfert en investissement

5.175,10

Total

53.411,00

Le projet de budget pour 1997 prévoit une augmentation de + 1,11 % de la contribution de l'État aux dépenses de fonctionnement de l'ONAC (chapitre 36-51) qui passera de 225,2 millions de francs en 1996 à 227,7 millions de francs en 1997. Cette mesure permet notamment de financer la troisième et dernière tranche de contractualisation des personnels de main d'oeuvre exceptionnelle des maisons de retraite de l'Office et d'assurer les mesures de transformation d'emploi dans les établissements de l'Office.

Il est à noter en revanche que la contribution de l'État à l'action sociale de l'ONAC (chapitre 46-51) enregistre une baisse significative de 6,5 millions de francs, soit 12,3 % de baisse pour atteindre 46,71 millions de francs en 1997. Cet ajustement fait suite à la mesure d'annulation de crédits de 6 millions de francs confirmée pour l'arrêté d'annulation du 26 septembre dernier.

b) L'Institution Nationale des Invalides (INI)

L'INI, érigée en établissement public administratif depuis le 1er janvier 1982, est un organisme de pointe en matière d'accueil et de soins aux invalides de guerre. Avec un budget estimé à 136 millions de francs en 1997, il assure la gestion de deux établissements distincts : un centre des pensionnés et un centre médico-chirurgical.

Le projet de budget pour 1997 prévoit que la contribution de l'État aux frais de fonctionnement de l'INI s'élèvera à 41,51 millions de francs, soit une hausse de 0,5 % par rapport à l'année dernière. La subvention budgétaire représentera 30,5 % du budget de l'INI en 1997. Les mesures nouvelles permettront de financer la création d'un poste d'orthoptiste nécessaire au fonctionnement de la compensation du handicap visuel ainsi que l'application de la 7ème tranche du protocole Durafour.

Votre rapporteur note par ailleurs qu'un effort particulier d'investissement devra être consenti par l'État en faveur de l'INI ces prochaines années pour assurer à un niveau convenable les conditions d'hébergement et de technique médicale et faire face à l'opération de remise aux normes de la protection contre l'incendie qui serait nécessaire.

3. Une diminution conjoncturelle des crédits relatifs à la mémoire historique

L'ensemble des crédits consacrés à la mémoire à travers l'entretien des sépultures françaises à l'étranger et des nécropoles nationales, l'organisation de fêtes nationales et des cérémonies publiques et les interventions au titre de la mémoire et de l'information historique, passent de 35,27 milliards de francs en 1996 à 24,35 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1997 soit une baisse de près de 31 %.

Cela résulte, en particulier, de la suppression de 10,07 millions de francs de crédits non reconductibles, dont 1,4 million de francs au titre de la réalisation du Mur du souvenir à la nécropole de Fréjus.

Il convient de rappeler que les opérations de rapatriements des corps des soldats tombés en Indochine n'ont permis de relever que les restes mortels inhumés dans les grands cimetières militaires français du Viêt-nam et que de nombreuses tombes éparses n'ont pu être retrouvées.

C'est pourquoi pour rappeler le souvenir de tous ces disparus, il a été prévu d'honorer tous les soldats « Morts pour la France» en Indochine en gravant des plaques commémoratives apposées sur le Mur du souvenir.

D'autres crédits non reconductibles concernaient notamment la commémoration du 80ème anniversaire de la Bataille de Verdun en 1916.

L'évolution des crédits pour 1997 résulte d'une actualité moins dense en événements historiques susceptibles d'une commémoration au cours de cette année.

Il est néanmoins prévu d'organiser des cérémonies franco-américaines pour célébrer le 80ème anniversaire de l'année 1917 qui a vu l'entrée en guerre des États-Unis.

Par ailleurs, dans le cadre des interventions muséographiques, il est envisagé de rénover le mémorial du Mont-Faron, de restaurer le monument du Mont Kemmel en Belgique et d'aménager le mémorial de Sébastopol.

Enfin, la troisième tranche du programme de rénovation des nécropoles nationales doit être poursuivie l'année prochaine avec 3,25 millions de francs d'autorisation de programme et 8,12 millions de francs de crédits de paiement.

Votre commission a pris acte de la baisse des crédits consacrés à la mémoire historique qui semble justifié par une actualité moins dense en commémorations historiques.

Elle souligne que la préservation des hauts faits et de la mémoire du monde combattant ne relève pas uniquement de moyens financiers supplémentaires mais également d'un sentiment collectif partagé en commun qui doit être entretenu par des initiatives symboliques de l'État ou de la société civile.

4. La progression des crédits de la rente mutualiste

La rente mutualiste du combattant est un dispositif original qui lie l'effort d'épargne des anciens combattants à la participation financière de l'État : les titulaires de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation peuvent se constituer une rente personnelle produite par la capitalisation des versements personnels, majorée par l'État, selon un taux variable en fonction de l'âge de l'adhérent et de la date de son adhésion, dans la limite d'un plafond fixé par décret.

La majoration spéciale de l'État est égale, en règle générale, à 25 % du montant de la rente résultant des versements personnels de l'intéressé. Le total formé par la rente et la majoration spéciale de l'État est limité à un plafond fixé en valeur absolue.

Le dispositif de la rente mutualiste a fait l'objet d'aménagements importants au cours de ces dernières années :

- la question de la forclusion du délai de souscription a été levée par l'article 66 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social qui dispose que la majoration de l'État est accordée à la condition que l'adhésion ait eu lieu dans un délai de dix ans après l'ouverture du droit à majoration pour la catégorie à laquelle appartenait le sociétaire ;

- dans le cadre de la loi de finances pour 1996, les crédits relatifs à la majoration de la rente mutualiste ont été transférés du budget des affaires sociales et de la santé vers le budget des anciens combattants (chapitre 47-22, article 20) ;

- l'article 101 de la loi de finances pour 1996 a prévu que le plafond majorable de la rente mutualiste progresserait au 1er janvier de chaque année, en fonction de l'indice des prix à la consommation hors tabac. Ce plafond majorable, en outre, a été porté de 6.750 francs à 7.000 francs lors de la discussion de la loi de finances pour 1996.

Dans le projet de budget pour 1997, il est prévu une augmentation de 25 millions de francs des crédits de la majoration de l'État qui sera portée à 360 millions de francs pour tenir compte de l'augmentation du nombre de « crédirentiers » -pour reprendre la qualification retenue dans le bleu budgétaire- ainsi que de l'indexation automatique du plafond majorable. Ce dernier devrait passer de 7.000 francs à 7.140 francs en 1997.

S'agissant de cette indexation, votre rapporteur demeure favorable au principe d'une indexation, non pas sur l'indice des prix hors tabac, mais sur le point de la pension militaire d'invalidité conformément au principe de réparation qui est à l'origine de la rente mutualiste.

L'Administration estime que les rentes mutualistes constituent une forme de placement de l'épargne individuelle souscrite volontairement et qu'elles n'ont donc pas le caractère de prestations de réparation.

Votre rapporteur rappelle que le législateur en 1923 avait bien conçu le dispositif de la rente mutualiste pour apporter réparation aux préjudices financiers subis par les combattants, lesquels pendant la durée des conflits ne peuvent se constituer une épargne pour leurs vieux jours tant en raison de la modicité de leur solde que de leur présence au combat.

Au demeurant, la majoration spéciale de l'État, qui vient en plus de la rente produite par la capitalisation des versements personnels de l'adhérent, témoigne de la volonté d'exprimer la reconnaissance de la Nation envers les anciens combattants.

B. DE GRAVES INQUIÉTUDES QUI SEMBLENT HEUREUSEMENT ÊTRE LEVÉES

La discussion de ce projet de budget a permis aux anciens combattants de voir lever deux inquiétudes suscitées pour l'une par une disposition du projet de loi de finances remettant en cause le droit des pensions et pour l'autre par une circulaire mettant à l'étude une réforme des services déconcentrés de l'État.

1. Le retrait, par le Gouvernement, du plafonnement de la majoration des pensions militaires d'invalidité au taux du grade (article 87 du projet de loi de finances)

L'article 87 du projet de loi de finances, retiré par le Gouvernement en première lecture à l'Assemblée nationale, avait prévu de plafonner à 50 % le montant de la majoration de la pension militaire d'invalidité versée à un militaire partant à la retraite.

Il convient de rappeler que la pension d'invalidité due à un militaire blessé à l'occasion de son service est déterminée en application d'un barème défini par l'article L. 9 du code des pensions qui assortit chaque degré d'invalidité d'une pension. Lorsque le militaire est en activité, le montant de la pension est calculé sur le taux du soldat ; en revanche, le jour où il cesse son activité pour faire valoir ses droits à retraite la pension d'invalidité est alors calculée sur le taux du grade atteint.

Dans l'hypothèse de l'écart le plus élevé, la pension d'un général de division peut être 2,7 fois supérieure à celle d'un soldat.

La mesure proposée à l'article 87 aurait été applicable à tous les arrérages de pension dus après le 1er janvier 1997 y compris pour les militaires déjà à la retraite. Elle aurait touché les pensionnés gradés à partir du grade de commandant.

Votre commission se félicite du retrait de cet article.

En effet, la mesure proposée par le Gouvernement revenait à amputer les ressources d'anciens combattants invalides et à terme de leurs veuves, en revenant sur les droits qui leur avaient été ouverts au moment de la liquidation de leur pension à la date de leur retraite.

Cette mesure aurait frappé près de 12.000 militaires dont ceux qui ont été blessés pendant la Seconde guerre mondiale ou au cours des opérations en Indochine et en Algérie et dont la moyenne d'âge se situe au-dessus de 75 ans.

Enfin, au moment où le Président de la République engage une vaste réforme de la structure de nos armées, il était pour le moins singulier de revenir, pour un pur motif budgétaire, sur une décision prise par le Général de Gaulle en 1962 dans un souci de justice et d'apaisement à l'issue de la conclusion des événements d'Algérie.

Les conséquences financières de ce retrait ont été tirées tant sur le budget de la défense que sur celui des anciens combattants.

Votre commission s'est félicitée du retrait de l'article 87 relatif au plafonnement des majorations des pensions militaires d'invalidité au taux du grade.

2. Les engagements du Premier ministre sur le maintien en l'état des structures du monde combattant

Les réflexions engagées dans le cadre de la réforme de l'État lancée le 1er juillet dernier, ont suscité une vive émotion dans le monde combattant.

Une circulaire du Premier ministre en date du 5 septembre dernier a été adressée aux préfets de trois régions et de cinq départements afin de faire procéder à « une étude de faisabilité d'un schéma de réorganisation des services déconcentrés de l'État » .

Ce schéma prévoit de regrouper différentes directions départementales ou régionales par grands pôles de compétence. Sont notamment projetées « une direction départementale de la santé, de la population et de la solidarité exerçant en plus des attributions actuelles confiées aux directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) celles du service départemental de l'ONAC», ainsi qu'une « direction régionale de la santé (...) qui exercerait également les attributions des actuelles directions interdépartementales des anciens combattants sauf celles relatives aux cérémonies, décorations et entretien des nécropoles qui seraient reprises par les préfectures » .

Ce projet de réforme, qui ne devait donner lieu qu'à une étude de faisabilité, semble assez largement inspiré de certaines des conclusions du rapport, publié en 1994, de la Mission sur les responsabilités et l'organisation de l'État présidée M. Jean Picq, conseiller maître à la Cour des Comptes, qui proposait en particulier d'intégrer les services d'administration centrale des anciens combattants dans une vaste « Direction générale de la population et de la solidarité » qui aurait constitué l'axe d'un nouveau ministère.

La réaction de surprise des anciens combattants pouvait être d'autant plus vive que le Président de la République s'était engagé au cours de la campagne présidentielle à ce que le ministère des anciens combattants et l'ONAC soient maintenus, les services qui assurent la protection matérielle et morale des anciens combattants ne devant être remis en cause. Au demeurant, le Président de la République recevant l'Union Fédérale des anciens combattants (UFAC) en janvier 1996 avait confirmé pour la durée du septennat, le maintien du ministère et de l'ONAC.

Le débat semble aujourd'hui clos puisque M. Pasquini a fait connaître par une lettre en date du 6 novembre dernier adressée aux parlementaires que le Premier Ministre avait confirmé le maintien en l'état des structures actuelles.

Votre rapporteur a souhaité reprendre ici le contenu même de cette lettre :

« Dans le cadre des réflexions engagées sur la réforme de l'État, le Premier ministre avait demandé à quelques préfets de lui faire part de leurs suggestions en ce qui concerne notamment une évolution des services déconcentrés du ministère et de l'office national des anciens combattants.

« Ces préfets ont fait savoir que le monde combattant est très réservé sur l'éventualité d'une restructuration de ces administrations.

« Dans ces conditions et dans la droite ligne de ce que le Président de la République a toujours défendu, le Premier Ministre m'a indiqué que le Gouvernement n `envisage bien sûr pas de remettre en cause l'autonomie des services existants. Il m `a demandé de bien vouloir informer la représentation nationale et les associations d'anciens combattants, le plus rapidement possible, du maintien en l'état des structures actuelles. C `est ce que je fais avec plaisir » .

Votre commission se félicite de la décision du Gouvernement de maintenir en l'état les structures actuelles pour les anciens combattants et victimes de guerre.

L'action sociale en faveur des anciens combattants est une des formes nobles des devoirs que la Nation s'impose vis-à-vis de ceux auxquels elle a beaucoup demandé, lorsqu'à leur tour, ils sont en difficulté : mais la dimension sociale ne saurait à elle seule fonder la légitimité d'une administration au service des anciens combattants : celle-ci entretient une mémoire et répare des blessures qui plongent aux racines de notre histoire.

« La guerre, par les émotions qu'elle mobilise et par le sang qu'elle verse, scelle les opinions avec les souvenirs au plus profond des coeurs » 5 ( * ) .

Les anciens combattants sont les « grands témoins » de ce pacte. C'est pourquoi il est impératif que soit maintenu dans notre pays un ministère des anciens combattants à part entière.

Sous réserve de ces observations, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du budget des anciens combattants et victimes de guerre pour 1997, à l'adoption des articles 85 et 86 rattachés à ce budget et s'est félicitée du retrait, par le Gouvernement, de l'article 87.

* 1 Décret n° 95-906 du 9 août 1995 portant création de la commission d'études sur la retraite anticipée pour les anciens combattants en Afrique du Nord.

* 2 Décrets n° 95-643 et 95-644 du 9 mai 1995 relatifs à la pension de vieillesse des anciens combattants d'AFN et modifiant le code de la sécurité sociale.

* 3 Au cours du débat à l'Assemblée nationale, le 15 novembre dernier, M. Pierre Pasquini a indiqué que le passage de six mois à trois mois de la période minimale de perception de l'allocation différentielle représenterait un surcoût qui ne serait «pas loin de 10 milliards de francs ».

* 4 Journal Officiel, Débats Sénat, séance du 5 mars 1996, pages 985 et suivantes.

* 5 Le Passé d'une illusion, François Furet.

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