II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le jeudi 21 novembre 1996, sous la présidence de M. Bernard Seillier, vice-président, la commission a abordé l'examen du rapport pour avis de M. Pierre Lagourgue, sur le projet de loi de finances pour 1997 (départements et territoires d'outre-mer : aspects sociaux).

M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis, a estimé difficile d'aborder le budget de l'outre-mer sans souligner le contexte très préoccupant dans lequel il s'inscrit cette année :

- un taux de chômage qui s'établit entre 20 et 40 % et qui n `a pas été réellement entamé par les mesures en faveur de l'emploi, pourtant nombreuses, mises en place au cours des dernières années ;

- un niveau de pauvreté qui reste élevé si on se réfère au nombre d'allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI) ; fin 1996, on comptait 108.900 foyers bénéficiaires, soit une augmentation de 3 % par rapport à juin 1995. Sont ainsi concernées environ 242.000 personnes, soit 16 % de la population des départements d'outre-mer ;

- un retard en matière de logements qui reste considérable. Il a estimé qu'à la Réunion, il se construit deux fois moins de logements qu'il n'en faudrait pour répondre aux besoins ;

- l'insuffisance à la fois quantitative et qualitative de l'appareil de formation des jeunes ;

- enfin, l'endettement des collectivités territoriales d'outre-mer, dont la moitié se trouve confrontée à des difficultés financières graves, ce qui limite leur capacité d'intervention en matière d'investissement et d'emploi.

M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis, a indiqué que le budget de l'outre-mer pour 1997 présente, quant à lui, trois caractéristiques majeures :

- premièrement, on constate une quasi-reconduction en 1997 du montant des crédits inscrits à ce titre l'an dernier ; ils s'élèvent, en effet, à 4,862 milliards de francs contre 4,859 milliards en 1996, soit une progression de seulement 0,1 % ;

- deuxièmement, cette stabilisation recouvre un redéploiement des dotations en faveur du fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM). Ses crédits s'élèvent à 1,486 milliard, soit une augmentation de 43,5 % par rapport à 1996, alors que les subventions d'investissement accordées par l'État baissent, quant à elles, de 23 % pour s'établir à 1,250 milliard (contre 1,626 milliard en 1996) ;

- dernière caractéristique, un effort particulier en direction des territoires d'outre-mer. Sur Mayotte, il a renvoyé aux observations de Jean-Louis Lorrain présentées à l'occasion du projet de loi concernant cette collectivité. La Nouvelle-Calédonie voit l'ensemble de ses crédits reconduits ; de plus, elle se trouve soustraite à la mesure décidée par le Gouvernement prévoyant l'étalement des contrats de plan sur une année supplémentaire. La Polynésie bénéficie d'une dotation pour son contrat de développement de 83,7 millions et, pour le fonds intercommunal de péréquation, de 52 millions. Il faut souligner également que, dans le budget général de l'État, est prévue la contrepartie financière de l'arrêt des activités du centre d'expérimentation du Pacifique, soit 990 millions de francs. Il a rappelé cependant, pour bien prendre la mesure de cet effort, que les 4/5 èmes des crédits du budget de l'outre-mer restaient affectés aux départements d'outre-mer.

Il a constaté, au cours des deux dernières années, un redéploiement en direction des crédits sociaux et de soutien à l'activité économique (76 % du total) même si, globalement, ces crédits restent, par nature, limités : les dotations du ministère représentent moins de 10 % du total des crédits budgétaires affectés à l'outre-mer.

Il a indiqué qu'il souhaitait cette année mettre l'accent sur deux sujets qui sont au coeur des problèmes de développement en outre-mer, comme le montre l'actualité de ces derniers jours : l'emploi et le logement.

Il a précisé que ces thèmes figuraient parmi les principaux axes de la nouvelle politique, désormais conduite à l'égard de l'outre-mer et qui a été définie lors des Assises de février dernier. Ces Assises se sont d'ailleurs ouvertes sur le constat de l'achèvement de l'égalité sociale depuis le 1er janvier 1996 avec la suppression des principales disparités encore constatées en matière de prestations sociales. Toutefois, M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis, a regretté que le montant de l'allocation de parent isolé en outre-mer reste inférieur au niveau métropolitain, soit 1.753 francs (+ 584 francs par enfant à charge) contre 3.118 francs (+ 1.039 francs par enfant à charge).

Sur l'emploi, il a dressé un bilan plus nuancé de la situation du chômage en outre-mer que les récents événements laisseraient à penser, en se fondant notamment sur le rapport remis au Parlement en octobre dernier sur l'application de la loi du 25 juillet 1994, dite loi Perben.

Il a relevé un ralentissement de la demande d'emploi en fin de mois, qui n'a augmenté en 1996 que de 2 % alors qu'elle a crû de 5 % en métropole.

Le pourcentage des jeunes demandeurs d'emploi de moins de 25 ans est en nette diminution, passant de 33 % en 1993 à 20 % en juin 1996. Cette évolution est liée aux mesures spécifiques en faveur de cette population, notamment le dispositif de mobilité ayant permis la venue en métropole de 2.600 stagiaires en formation.

Les offres d'emplois ont augmenté de 45 % entre 1993 et 1995 pour l'ensemble des DOM. Ce résultat est lié, d'une part, à la loi Perben et, d'autre part, à une meilleure efficacité dans le dispositif de recueil des offres.

Enfin, les effectifs salariés ont augmenté entre 1993 et 1995 de plus de 10 %. Le secteur tertiaire est le principal concerné, en particulier dans les domaines de l'immobilier, les services aux entreprises et les commerces.

Au total, M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis, a souligné que malgré le dynamisme du marché du travail, si le chômage continuait à augmenter, c'était principalement pour des raisons démographiques.

Sur les instruments de la politique de l'emploi, il a observé que la loi Perben avait créé le FEDOM afin de regrouper le financement des actions spécifiques menées par l'État en faveur de l'emploi et de l'insertion. La fongibilité des crédits permet, en cours d'exercice, de bénéficier d'une grande adaptabilité et souplesse de gestion. Ses dotations, qui atteindront 1,486 milliard en 1997, devraient permettre d'engager 55.500 nouvelles solutions d'insertion dont 25.000 contrats emploi-solidarité (CES), 15.000 contrats d'aide à l'emploi (CAE), 15.000 contrats d'insertion par l'activité (CIA) et 500 primes à l'emploi.

Il a noté que la différence portait essentiellement sur le basculement des CES vers les CIA. Par ailleurs, le démarrage des contrats d'accès à l'emploi continuait à soulever beaucoup de problèmes.

S'agissant des agences départementales d'insertion (ADI) également instituées par la loi Perben du 24 juillet 1994, il a indiqué qu'elles avaient été mises en place à la fin de l'année 1995. Elles concentrent les moyens financiers de l'État et du département au service de l'insertion. En 1996, elles ont disposé ainsi d'un budget total de 748,5 millions de francs. Mais, là encore, le démarrage s'avère assez problématique.

Les programmes d'insertion par l'activité et les programmes annuels de tâches d'activité sociale n'ont été adoptés qu'entre mars et juin 1996.

Au 30 septembre 1996, seuls 4.816 CIA avaient été signés sur les quelque 109.000 allocataires du RMI que comptent les DOM alors que l'objectif initial du Gouvernement était de 10.970 CIA d'ici la fin décembre 1996. La Réunion, à elle seule, en a signé 2.930 (plus de 60 %), contre 1.139 à la Guadeloupe, 281 en Guyane et 466 à la Martinique.

Par ailleurs, il a indiqué que le problème du logement social dans les DOM et à Mayotte se posait encore aujourd'hui en termes de pénurie, d'insalubrité et de précarité. La situation est bien connue : le parc de logements est très insuffisant et surpeuplé avec un nombre moyen d'occupants de 4,35 (contre 2,57 en métropole) ; par ailleurs, le tiers des logements sont précaires ou dépourvus d'éléments de confort.

Il a souligné que le principal instrument de la politique de l'État en matière de logement était la ligne budgétaire unique (LBU) dotée de 1.149 millions de francs en 1996 et maintenue à ce niveau en 1997. Les crédits de la LBU sont augmentés par une partie de la créance de proratisation du RMI. En 1996, le montant de celle-ci était de 570 millions, mais elle passerait à 540 millions en 1997, ce qui, compte tenu de la situation, n'apparaît guère justifié.

Il a précisé que le nombre de logements neufs ainsi financés s'établissait en 1996 à 12.250, soit une progression de 5 % par rapport à 1995. Près d'un tiers des logements financés entrent dans le cadre des logements évolutifs sociaux (c'est-à-dire des opérations de construction à faible coût en accession à la propriété).

Compte tenu de la stagnation des crédits, il s'est interrogé sur l'objectif des 15.000 logements annoncé par le ministre lors de son audition.

Par ailleurs, il a déploré que le prêt à taux zéro n'ait pas été étendu à l'outre-mer et s'est demandé si les nouveaux instruments en faveur du logement des personnes les plus démunies prévus pour 1997 en métropole seraient étendus à l'outre-mer.

Par ailleurs, après avoir cité les quatre priorités qui avaient été définies en matière de logement lors des dernières Assises de l'outre-mer (augmenter les moyens de faire face aux besoins ; renforcer la viabilisation des terrains ; simplifier et déconcentrer les procédures ; mettre en place de nouveaux produits), il a regretté la lenteur de leur mise en place.

En conclusion, il a estimé que les objectifs définis par le Gouvernement allaient dans le bon sens et a proposé de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Toutefois, il a annoncé qu'il appellerait l'attention du ministre en séance sur plusieurs sujets délicats, notamment les incidences sur l'emploi local d'une suppression des sur-rémunérations et sur la baisse des crédits destinés aux contrats emploi-solidarité.

M. Jacques Bimbenet a suggéré au rapporteur pour avis de participer au débat sur les crédits du logement afin d'interroger directement M. Pierre-André Périssol, ministre délégué au logement, sur les sujets abordés dans son rapport.

M. Paul Vergès a d'abord rendu hommage à son prédécesseur, M. Eric Boyer, injustement brisé par les événements qu'il a traversés.

Il a indiqué qu'il fallait une prise de conscience de l'existence d'un défi considérable concernant l'outre-mer et plus particulièrement La Réunion : la croissance démographique. Il a rappelé que La Réunion compterait d'ici 2025 un million d'habitants contre 600.000 environ actuellement, soit une augmentation correspondant à la population actuelle de la Guadeloupe. En conséquence, il a estimé que les mesures ponctuelles, prises notamment dans le cadre de l'annualité budgétaire, ne répondaient pas à l'ampleur de ce défi.

Par ailleurs, il a interrogé le rapporteur sur le redéploiement effectué au profit du FEDOM qui a pour conséquence une diminution des autres chapitres budgétaires.

S'agissant de l'éducation nationale, il a constaté qu'à La Réunion seuls 36 postes d'enseignants étaient programmés pour 1997 alors que les besoins avaient été évalués à 2.200 postes et qu'il faudrait créer 400 postes par an pour combler le retard accumulé.

Sur le logement, il a précisé que seules 5.000 constructions avaient été réalisées cette année alors que les besoins étaient évalués à 12.000 par an. En conséquence, on assistait à une multiplication des « constructions sauvages » que les maires ne pouvaient faire démolir faute de pouvoir proposer suffisamment de logements sociaux.

Il a jugé contradictoire la position du Gouvernement sur l'allocation de parent isolé au regard de la politique de l'égalité sociale.

Sur le RMI, il a également confirmé l'augmentation du nombre d'allocataires qui pourrait rapidement atteindre 70.000 personnes et l'insuffisance des contrats d'insertion proposés. Cette augmentation conduit automatiquement à une hausse des crédits de la créance de proratisation alors qu'on constate une stagnation de la part de cette créance affectée aux logements.

S'agissant du rapport sur l'application de la loi Perben, il a indiqué que celui-ci mettait en évidence la disparité de traitement entre la Guyane et les autres départements car celle-ci n'avait fait l'objet d'aucun prélèvement au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour le financement des exonérations sociales prévues par cette loi puisque la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) n'y était pas applicable. Enfin, s'agissant de l'aménagement du territoire, il s'est interrogé sur la nécessité d'une adaptation de la loi Pasqua à la situation spécifique des DOM.

M. Dominique Larifla a insisté sur la pénurie de logements en outre-mer et sur toutes les conséquences que celle-ci entraînait.

M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis, a insisté sur l'importance de la pression démographique jusqu'en 2005 en outre-mer, même si les taux de fécondité tendaient à se rapprocher du niveau métropolitain.

Il a également regretté la baisse des subventions d'investissement de l'État, même si celle-ci était compensée par l'augmentation des crédits affectés aux FEDOM.

Il a dit qu'il partageait également les inquiétudes de son collègue réunionnais sur les conséquences du manque d'encadrement scolaire dans les DOM.

S'agissant du logement social, il a suggéré une fongibilité plus grande des crédits de la LBU entre les différents départements d'outre-mer.

Il a rappelé enfin que le ministre avait annoncé lors de son audition devant la commission la préparation d'un projet de loi spécifique pour l'aménagement du territoire en outre-mer.

Puis, sur proposition de M. Pierre Lagourgue, rapporteur pour avis, la commission a alors émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements et aux territoires d'outre-mer (aspects sociaux).

Mesdames, Messieurs,

L'examen du budget de l'outre-mer pour 1997 s'inscrit dans un contexte très préoccupant dont les récents événements de Guyane ont permis de prendre conscience. Ce contexte est dominé par cinq défis majeurs :

- un taux de chômage qui s'établit entre 20 et 40 % et qui n'a pas réellement été entamé par les mesures en faveur de l'emploi, pourtant nombreuses, prises au cours des dernières années ;

- un niveau de pauvreté qui reste élevé si on se réfère au nombre d'allocataires du RMI. On compte 108.900 bénéficiaires soit une augmentation de 3 % par rapport à l'an dernier. Sont ainsi concernées, avec les familles, environ 242.000 personnes, soit 16 % de la population des départements d'outre-mer ;

- un retard en matière de logements sociaux qui reste considérable. A la Réunion, on estime qu'il se construit chaque année deux fois moins de logements qu'il n'en faudrait pour répondre aux besoins ;

- l'insuffisance de l'appareil de formation tant au plan quantitatif (par marque de postes d'enseignants et de locaux appropriés) qu'au plan qualitatif (un nombre croissant de jeunes diplômés ne trouvent pas d'emploi sur place) ;

- l'endettement des collectivités territoriales qui handicape les interventions publiques en matière d'investissement et d'emploi et touche la moitié d'entre elles.

Au regard de ces défis considérables, le projet de budget de l'outre-mer pour 1997 affiche des objectifs relativement modestes.

En premier lieu, on constate qu'il procède à une quasi-reconduction des crédits inscrits à ce titre dans le budget de l'an dernier. Ces derniers s'élèvent, en effet, à 4,862 milliards de francs contre 4,859 milliards en 1996, soit une progression de seulement 0,1 %.

Il convient de rappeler cependant qu'en 1996, ces crédits ont été multipliés par deux, certes, en raison du rapatriement dans le budget de l'outre-mer des sommes correspondant aux interventions de l'État dans le domaine social.

En second lieu, cette stabilisation recouvre un redéploiement des dotations en faveur du Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre mer, le FEDOM. Ses crédits s'élèvent à 1,486 milliard soit une augmentation de 43,5 % par rapport à 1996 alors que les subventions d'investissements accordées par l'État baissent, quant à elles, de 23 % pour s'établir à 1,250 milliard (contre 1,626 milliard en 1996).

Ce redéploiement se traduit notamment par la disparition de la section décentralisée du FIDOM, le Fonds d'investissements des départements d'outre-mer qui, l'an dernier, avait été doté de 55 millions de francs d'autorisation de programme. Il faut noter que ce chapitre faisait l'objet d'amputations importantes et régulières depuis de nombreuses années de sorte que les dotations en loi de finances n'avaient plus grande signification. Comme notre collègue Roland du Luart, rapporteur de ces crédits pour la commission des Finances du Sénat, votre rapporteur estime que le Gouvernement doit s'engager à verser la totalité des crédits de paiement correspondant à des autorisations de programme engagées sur le FIDOM-décentralisé avant le 31 décembre 1996, aux régions et départements concernés.

Enfin, le présent budget traduit un effort particulier en direction des territoires d'outre-mer. Sur Mayotte, votre rapporteur vous renvoie à l'excellent rapport de notre collègue Jean-Louis Lorrain sur le projet de loi d'habilitation relatif à l'extension et à l'adoption de cette collectivité territoriale des dispositions législatives du titre premier du livre VII du code de la santé publique, au statut du personnel et au financement de l'établissement public de santé territoriale de Mayotte ainsi qu'à la réforme du statut de la caisse de prévoyance sociale.

La Nouvelle Calédonie voit l'ensemble de ses crédits reconduits et se trouve soustraite à la mesure décidée par le Gouvernement prévoyant l'étalement des contrats de plan sur une année supplémentaire. L'échéance de 1997 sera donc respectée pour les contrats de développement entrant dans le cadre des accords de Matignon. La Polynésie bénéficie d'une dotation pour son contrat de développement de 83,7 millions et pour le fonds intercommunal de péréquation de 52 millions. Il faut souligner également que, dans le budget général de l'État, est prévue la contrepartie financière de l'arrêt des activités du Centre d'expérimentation du Pacifique, soit 990 millions de francs.

On rappellera cependant, pour bien prendre la mesure de cet effort, que les 4/5èmes des crédits du budget de l'outre-mer restent affectés aux départements d'outre-mer.

Au total, sur ce budget, on constate donc, au cours des deux dernières années, un redéploiement en direction des crédits sociaux et de soutien à l'activité économique (76 % du total) même si globalement ces crédits restent, par nature, limités. En effet, les dotations du ministère représentent moins de 10 % du total des crédits du budget de l'État affectés à l'outre-mer.

Au-delà de ces considérations budgétaires, votre rapporteur a souhaité mettre l'accent, cette année, sur deux sujets qui sont au coeur des problèmes de développement en outre-mer, comme l'a encore récemment montré l'actualité : l'emploi et le logement.

I. L'IMPACT DE LA CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE RELATIVISE LES RÉSULTATS OBTENUS EN MATIÈRE D'EMPLOI

Les thèmes de l'emploi et du logement figurent parmi les principaux axes de la nouvelle politique, désormais conduite à l'égard de l'outre-mer et qui a été définie lors des Assises de février 1996.

Ces Assises se sont ouvertes sur le constat de l'achèvement depuis le 1 er janvier 1996 de la politique d'égalité sociale, avec la suppression des dernières disparités encore constatées en matière de prestations sociales.

Sa réalisation s'est faite en deux étapes :

- en 1995, l'allocation de garde d'enfant à domicile a été étendue et l'allocation de soutien familial, ainsi que les primes de déménagement ont été alignées sur le niveau métropolitain ; les limites d'âge des enfants pour le droit à l'allocation logement ont, par ailleurs, été relevées ;

- la seconde étape a été marquée par l'alignement du niveau du SMIC et l'extension rétroactive au 1er janvier 1996 de l'allocation parentale d'éducation (APE) et de l'allocation pour jeune enfant (APJE).

Il convient de souligner qu'en contrepartie de l'alignement de l'APE, la quote-part instituée par la loi du 25 juillet 1994 a été supprimée. Son montant, constitué depuis le 1 er juillet 1994 jusqu'au 31 décembre 1995, était de 260 millions de francs.

Le Gouvernement a annoncé que les mesures déjà prises en faveur du logement, et gagées sur le montant de quote-part à hauteur de 80 millions de francs seraient maintenues, notamment le recul des limites d'âge des enfants ouvrant droit à l'allocation de logement et l'augmentation des loyers-plafonds pris en compte dans le calcul de cette allocation. Le solde de la quote-part (180 millions de francs) fait l'objet d'un arrêté de répartition du 6 septembre 1996, paru au Journal officiel le 19 septembre 1996, entre les caisses d'allocations familiales des DOM qui doivent utiliser les montants répartis pour mener des actions en faveur du logement des familles et de la restauration scolaire.

Par ailleurs, il faut noter que toutes ces mesures qui concourent à l'égalité des prestations entre les DOM et la métropole n'ont pas pour autant abouti à la suppression des prestations spécifiques aux DOM comme l'allocation au premier enfant, le complément familial DOM de 3 à 5 ans et la prestation spécifique de restauration scolaire. Le coût de ces mesures pour la branche famille de la sécurité sociale représente plus de 600 millions de francs.

S'il approuve ces différentes mesures et la politique ainsi suivie, votre rapporteur relève toutefois que le montant de l'allocation de parent isolé, versée en outre-mer, reste très inférieur au niveau métropolitain, soit 1.753 francs (+ 584 francs par enfant à charge) contre 3.118 francs (plus 1.039 francs par enfant à charge). Le Gouvernement considère, en effet, que la situation déficitaire de la branche famille ne permet pas, pour l'instant, d'aller au-delà en raison du coût de l'alignement de cette prestation : 700 millions de francs.

Cette disparité n'en reste pas moins choquante au regard du principe d'égalité sociale défendu par le Président de la République et décliné depuis deux ans pour celles des prestations sociales qui n'étaient pas encore alignées. Votre rapporteur forme le voeu d'une suppression de cette disparité ainsi constatée.

La nouvelle politique définie pour les départements d'outre-mer s'inscrit dans le cadre du « Pacte de développement » décidé par le Premier ministre lors des Assises de février dernier et dont l'emploi constitue la priorité.

A. LES CARACTÉRISTIQUES DU CHÔMAGE ONT ÉVOLUÉ

Votre rapporteur souhaite dresser un bilan plus nuancé de la situation du chômage en outre-mer que les récents événements laisseraient à penser en se fondant notamment sur le rapport remis au Parlement en octobre dernier sur l'application de la loi du 25 juillet 1994 dite « Loi Perben ».

1. Une nette diminution du chômage des jeunes

Depuis 1990, le taux de chômage dans les DOM est calculé en prenant en considération la demande d'emplois en fin de mois (DEFM) et la population active définie par le recensement de la population effectué en 1990.

D'après le nombre de chômeurs répertoriés par l'ANPE en fin de chaque année, la situation a évolué de la manière suivante :

DEFM

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Guadeloupe

34.347

36.727

40.997

41.743

44.387

45.628

Martinique

29.967

35.678

35.835

43.197

43.145

44.190

Guyane

4.664

6.398

8.115

8.882

8.243

10.188

Réunion

59.270

61.743

80.200

85.623

87.107

88.957

% Chômage

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Guadeloupe

19,8

19,6

23,8

24,2

25,7

26,5

Martinique

18,9

17,9

21,7

26,2

26,2

26,8

Guyane

8,8

10,1

16,6

18,2

16,9

20,9

Réunion

23,8

26,6

34,3

36,7

37,3

38,1

Fin mai 1996, 188.963 demandeurs d'emploi étaient inscrits dans les agences locales de l'ANPE. Par rapport à 1994, la croissance du chômage dans les DOM s'élève à 9,81 % contre 2,4 % en métropole.

Concernant ces demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE, on observe depuis quatre ans, pour les quatre DOM, les situations suivantes :

- la part des femmes (52,2 %) est maintenant très proche de celle observée en métropole (50,3 %) ;

- les jeunes de moins de 25 ans ne représentent plus qu'à peine le quart du stock de l'ensemble des demandeurs (19,6% en mai 1995). Cette tendance à la baisse est constatée pour l'ensemble des DOM (33,3 % en 1990 ; 30,8 % en 1991 ; 25,8 % en 1992 ; 23,1 % en 1993, 22,3 % en 1994 ; 20,5 % en 1995 et 19,6 % en mai 1996). Certes, cette diminution de la part des jeunes de moins de 25 ans dans la structure de la DEFM ne s'effectue pas dans les mêmes proportions pour chacun des DOM, comme le montre le tableau ci-après. De plus, le chômage des jeunes dans les départements d'outre-mer demeure supérieur à celui constaté en métropole (18,6 %).

(en %)

Jeunes

- 25 ans

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Guadeloupe

34,1

33,1

28,4

23,8

23,6

22,3

20,5

Martinique

35,6

29,7

24,2

19,0

19,1

17,0

15,3

Guyane

27,1

23,1

19,3

17,4

18,6

18,2

17,8

Réunion

32,3

30,6

25,9

25,2

23,4

21,8

21,6

- le nombre de demandeurs inscrits depuis plus d'un an reste supérieur avec 45,5 % dans les DOM contre 34,5 % en métropole. Le nombre de chômeurs de longue durée s'élève, en mai 1996, à 85.996 dans les DOM. Cette catégorie de chômeurs a fortement augmenté en cinq ans pour les départements des Antilles-Guyane. Pour la Réunion, si une baisse avait été constatée, les années 1994-1995 sont marquées par une très forte augmentation des chômeurs de longue durée, comme pour l'ensemble des autres DOM. En 1996, on enregistrait cependant une relative stabilisation.

(en %)

Chômeurs de longue

durée

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Guadeloupe

38,2

38,2

40,9

43,8

49,4

51,9

52,0

Martinique

37,2

39,7

42,5

44,8

45,9

49,9

53,6

Guyane

18,6

24,1

26,0

29,2

39,0

38,3

36,3

Réunion

38,5

33,5

32,5

31,9

44,4

44,1

39,2

Compte tenu de la situation dramatique du chômage dans les DOM, le Gouvernement a fait adopter une loi spécifique à l'outre-mer ayant pour objectif de favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques.

La loi du 25 juillet 1994 dite «loi Perben », dont les décrets d'application ont été publiés tout au long de l'année 1995, a fait l'objet d'un premier bilan en octobre dernier, dont les grandes lignes peuvent être résumées ainsi qu'il suit.

2. Un accroissement important des offres d'emploi

La Loi Perben a mis l'accent sur le développement économique et les incitations aux créations d'emplois. Trois principales formes d'aides à l'emploi ont été simultanément mises en place.

a) Des aides diversifiées

Les exonérations sociales

Les articles 3, 4 et 5 de la loi du 25 juillet 1994 mettent en oeuvre, pour une durée de cinq ans, une exonération totale des cotisations sociales à la charge des employeurs des secteurs de production au titre des assurances sociales, des allocations familiales et des accidents du travail.

Les secteurs concernés sont ceux de l'industrie, de l'hôtellerie, de la restauration, de la production audiovisuelle, de la presse, de l'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture, ainsi que les coopératives agricoles, quelle que soit leur activité, et les entreprises d'exploitation forestière.

En outre, elle a prévu un programme d'apurement des dettes pour les entreprises qui ne sont pas à jour de leurs cotisations et qui entrent dans le champ d'application du présent décret.

Le décret sur les exonérations des secteurs de production a été publié le 1 er mars 1995. Le décret concernant l'exonération des contributions patronales de sécurité sociale dues par les entreprises de pêche maritime et le décret concernant les exploitants agricoles exerçant leur activité sur des exploitants de moins de 20 hectares sont parus le 31 décembre 1994.

Ces exonérations se conjuguent, pour les autres secteurs de production, avec les exonérations sur les bas salaires mises en oeuvre au plan national à compter de juillet 1995.

Le bilan qui peut être dressé de ce dispositif apparaît intéressant à plus d'un titre :

- le coût du travail dans les DOM a globalement baissé de 30,6 % pour les exonérations dites « Perben » et de 12,8 % pour les exonérations dites « Juppé » ;

- sur près de 4.000 accords d'exonérations, la répartition s'est faite essentiellement entre les deux secteurs les plus porteurs de l'économie des DOM, soit 1.121 pour l'agriculture et la pêche et 1.816 pour l'industrie ;

- les employeurs ont bénéficié d'une exonération de cotisations correspondant à l'emploi de 36.957 salariés, soit 20 % des effectifs salariés des DOM, tous secteurs confondus ;

- sur les 7.715 entreprises potentiellement concernées, 5.369 ont fait une demande d'exonération, 2.689 sont à jour de leurs cotisations et 3.985 ont entrepris un plan d'apurement de leur dette sociale. De ce point de vue, la loi organise ainsi progressivement une remise en ordre du paiement des charges sociales.

La mise en place des exonérations et des plans d'apurement a permis, en outre, de clarifier la situation d'un certain nombre d'entreprises dont les cotisations étaient en retard et d'améliorer d'autant la « dette sociale » des DOM qui est actuellement de 12,4 milliards de francs, selon les chiffres communiqués par le ministère de l'outre-mer.

Le contrat d'accès à l'emploi

Le décret relatif au contrat d'accès à l'emploi a été publié le 29 mars 1995.

Toutefois, on rappellera que dans le cadre de la mise en place du plan national pour l'emploi, le Gouvernement a créé un nouveau dispositif, le contrat initiative-emploi (CIE).

En conséquence, pour ne pas pénaliser le démarrage du CAE, il a été décidé de ne pas appliquer le CIE aux départements d'outre-mer mais au contraire d'aligner le CAE sur les dispositions les plus favorables du CIE tout en maintenant ses caractéristiques. Ainsi, le contrat d'accès à l'emploi (CAE) peut être un contrat à durée déterminée d'au moins un an ou un contrat à durée indéterminée. En outre, l'aide forfaitaire est désormais de 2.000 F par mois pour la durée du contrat pour un CDD et dans une limite de deux ans pour un CDI. Le CAE est également ouvert aux particuliers pour des emplois de services. Les employeurs bénéficient, dans ce cas, de l'exonération des charges sociales, mais pas de la prime. L'accès à la formation est maintenu dans le cadre du CAE.

Le décret de modification a été publié le 9 janvier 1996.

Pour mieux s'adapter aux problèmes spécifiques du chômage, il a été décidé d'ouvrir le contrat d'accès à l'emploi aux jeunes de moins de 26 ans en grande difficulté. L'article 62 de la loi n° 96-609 du 5 juillet 1996 portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer a ainsi précisé que cette modification entrerait en vigueur à compter du 1 er juin 1996. Votre rapporteur ne peut que souligner les difficultés de mise en oeuvre de ce dispositif même si les perspectives pour 1996 et 1997 sont plutôt positives.

14.500 contrats ont été programmés en 1996, et à mi-parcours plus de la moitié des objectifs étaient déjà réalisés. Les employeurs sont à 84 % des établissements de moins de 10 salariés et se répartissent dans tous les secteurs de l'économie. Le tertiaire représente les deux tiers des contrats. Pour 1997, 15.000 nouveaux contrats pourraient être conclus.

Les primes à la création d'emploi

La mise en oeuvre du dispositif des primes à la création d'emploi ne relève pas de la loi du 25 juillet 1994, mais d'un décret pris en concomitance. Il participe pleinement à la politique d'aide à l'emploi et à l'insertion développée dans cette présente loi. Le décret du 2 mai 1995 prévoit donc la mise en place d'un nouveau dispositif, la prime à la création d'emploi, destinée aux entreprises dont les activités sont tournées vers les marchés extérieurs.

Cette aide prend la forme d'une prime à la création d'emplois résultant, soit d'une extension des activités de l'entreprise, soit de l'implantation d'un établissement nouveau dans le département ou la collectivité territoriale. Elle se substitue à la prime d'équipement et à la prime d'emploi, excepté à Mayotte où l'ancien dispositif perdure. Le dispositif est mis en place pour une durée de trois ans.

La prime est versée selon un barème dégressif et pour un montant de 20.100 francs par an et par emploi créé, aussi longtemps que l'emploi subsiste et pendant une durée maximale de dix ans. Aucun versement de prime n'a été sollicité en 1995 et le dispositif n'est opérationnel que depuis 1996.

Pour 1996, première année de mise en oeuvre, on constate que 50 emplois ont été créés dans ce cadre en Guadeloupe, 180 à La Réunion, 150 à Saint-Pierre et Miquelon.

Pour 1997, l'objectif est de parvenir à 500 créations nouvelles d'emploi, ce qui n'apparaît pas irréaliste compte tenu des perspectives ouvertes par les zones franches instituées par la loi relative à la mise en oeuvre du Pacte de relance pour la ville.

b) Une portée non négligeable

Parmi les signes encourageants enregistrés depuis 1995, quatre éléments sont à souligner :

- on note en premier lieu un ralentissement de la demande d'emploi qui n'a augmenté en 1996 que de 2,1 % alors qu'elle a crû de 5,3 % en métropole sur la même période ;

- 26 -

- le pourcentage de jeunes demandeurs d'emploi de moins de 25 ans est en nette diminution depuis trois ans. Il est passé de 33 % en décembre 1993 à 19.9 % en juin 1996 et tend à se rapprocher de celui de la métropole. Cette évolution est liée aux mesures spécifiques en faveur de cette population, notamment le dispositif de mobilité qui a permis la venue en métropole de 2.600 stagiaires en formation. Depuis sa restructuration en 1994, les activités de l'ANT (Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer) ont en effet été multipliées par deux ;

- autre signe encourageant, les offres d'emploi enregistrées par l'ANPE sont passées de 26.214 en 1993 à 47.382 en 1995, soit une augmentation de + 44,6 % pour l'ensemble des DOM. La croissance des offres a été effectivement plus forte depuis la mise en place des différents dispositifs de la loi Perben, puisqu'elle s'accentue très nettement depuis 1994. Elle est due également à une meilleure efficacité dans le recueil des offres.

Évolution du nombre d'offres d'emploi

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

DOM

1993

5.373

6.319

2.119

12.403

26.214

1994

9.066

8.745

2.727

20.061

40.599

1995

11.784

9.647

2.961

22.990

47.382

Sources : DRTE des DOM

- enfin, l'analyse de l'évolution des effectifs salariés, effectué par l'UNEDIC, révèle que ces dernières années dans l'ensemble des DOM, leur nombre augmente même si à un rythme qui se ralentit jusqu'en 1994 (+ 6 % en 1993, + 2 % en 1994). L'année 1995 a vu une augmentation conséquente de ces mêmes effectifs (+ 10,15 %), alors qu'en métropole l'augmentation n'est que de+ 0,89%.

Évolution des effectifs salariés

Guadeloupe

Martinique

Guyane

Réunion

DOM

1992

48.342

39.763

13.133

81.175

182.413

1993

52.136

50.988

13.176

77.196

193.496

1994

53.405

50.068

14.136

79.652

197.258

1995

55.866

56.202

15.303

89.918

217.289

Sources : UNEDIC

Les créations d'emplois apparaissent plus nombreuses dans le secteur tertiaire, comparativement plus développé dans les DOM, en particulier dans les secteurs de l'immobilier, des services aux entreprises et les commerces. Mais on peut aussi constater que les effectifs salariés dans l'industrie progressent de 5,8 %, soit 1.468 emplois supplémentaires, alors qu'ils ont légèrement régressé en métropole.

Au total, malgré le dynamisme du marché du travail, la donnée fondamentale du domaine de l'emploi reste donc le facteur démographique. Même si les taux de fécondité tendent à se rapprocher du taux métropolitain, la dynamique démographique des décennies précédentes constitue le défi majeur auquel sont confrontés les départements d'outre-mer et qui pour l'instant n'a pas permis un recul significatif des taux de chômage qui y sont constatés.

Votre commission considère que ce problème fondamental doit faire l'objet d'une prise de conscience au plan national. A titre d'exemple, La Réunion qui comportait au dernier recensement 600.000 habitants est confrontée à la perspective d'une population d'1 million d'individus d'ici 2025.

Ce constat permet de comprendre que les difficultés ne pourront être réglées par des dispositions ponctuelles mais par un programme d'une tout autre ampleur. Il conduit donc nécessairement à s'interroger sur les instruments de la politique de l'emploi et sur leur efficacité.

B. DES INSTRUMENTS DE LA POLITIQUE DE L'EMPLOI ET D'INSERTION SONT ENCORE EN PÉRIODE DE RODAGE

Les DOM disposent aujourd'hui d'un vaste ensemble de mesures de lutte contre le chômage aussi bien dans le secteur marchand (CAE et prime à la création d'emploi) que dans le secteur non marchand (avec le contrat d'insertion par l'activité).

Deux systèmes principaux de financement ont été prévus pour faciliter leur mise en oeuvre : le Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM) et les Agences départementales d'insertion (ADI).

1. Le Fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer (FEDOM)

Ce fonds regroupe les crédits consacrés à l'insertion et aux principaux dispositifs de lutte pour l'emploi et l'insertion dans les DOM qui se trouvaient initialement pour partie au budget du ministère du travail et des affaires sociales et au budget des charges communes.

Il se caractérise notamment par la fongibilité de ses crédits qui permet, en cours d'exercice, de bénéficier d'une grande souplesse de gestion.

Ses dotations qui atteindront 1.986 milliard en 1997, devraient couvrir 55.500 nouvelles solutions d'insertion dont : 25.000 contrats emploi solidarité ; 15.000 contrats d'accès à l'emploi ; 15.000 contrats d'insertion par l'activité ; 500 contrats avec primes à l'exportation.

Par rapport aux actions prévues pour 1996, on note un fléchissement du nombre de nouveaux CES au profit des CIA.

Ce contraste apparaît d'autant plus grand qu'en cours d'année, la répartition des enveloppes de crédits selon les formules d'insertion a été modifiée compte tenu notamment des besoins constatés par les élus et les préfets.

Pour faire face aux difficultés exprimées sur la gestion du dispositif des CES, un arbitrage du Premier ministre a accordé 7.700 CES supplémentaires. L'extension dans les DOM du contrat d'accès à l'emploi aux jeunes de moins de 25 ans a été confirmé.

Par ailleurs, le démarrage des contrats d'accès à l'emploi a continué à soulever beaucoup de problèmes. Prévus par la loi Perben du 24 juillet 1994, les CAE n'ont fait l'objet d'un décret que le 29 mars 1995. Entre temps, le Gouvernement a créé un nouveau dispositif plus avantageux, le contrat initiative emploi (CIE).

Pour ne pas pénaliser le démarrage des CAE, on a rappelé qu'il a été décidé d'aligner le régime des CAE sur celui des CIE. Mais le décret de modification n'a été publié que le 9 janvier 1996. Puis on s'est rendu compte qu'il était préférable d'ouvrir l'accès des CAE aux jeunes de moins de 26 ans. Ceci a été décidé par la loi du 5 juillet 1996 portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer.

Votre commission se demande donc si le FEDOM ne devrait pas se fixer des objectifs plus ambitieux eu égard à l'ampleur des problèmes de chômage.

Elle relève en particulier que la montée en puissance des crédits du FEDOM s'effectue au détriment des crédits de subventions d'investissements versés par l'État, ce qui risque d'avoir des effets contradictoires sur l'emploi.

2. Les Agences départementales d'insertion (ADI)

Ces agences également instituées par la loi Perben du 24 juillet 1994 ont commencé à être mises en place à la fin de l'année 1995. Ces Agences concentrent les moyens financiers de l'État et du département au service de l'insertion.

Leur démarrage s'est avéré assez laborieux :

- les directeurs ont été nommés par décret du Président de la République du 21 septembre 1995 ;

- les agences ont été officiellement créées par arrêté du 5 octobre 1995 ;

- les budgets ont été approuvés par les autorités de tutelle par arrêté du 13 mars 1996.

Les conseils d'administration se sont réunis à plusieurs reprises pour délibérer sur les budgets 1995 et 1996 et sur diverses questions intéressant l'installation et le fonctionnement des agences. Toutefois, il faut noter qu'ils ont approuvé le programme départemental d'insertion et le programme annuel de tâches d'utilité sociale entre mars et juin 1996.

Sur le plan financier, les agences ont pu démarrer leur activité grâce au versement de 81 millions de francs provenant du reliquat 1994 de la créance de proratisation.

En 1996, les quatre agences ont disposé globalement de 748,5 millions de francs dont 312,5 millions de francs provenant du FEDOM et 436 millions de francs représentant l'obligation légale des départements et la participation des autres collectivités locales.

Au 30 septembre 1996, seuls 4.816 contrats d'insertion par l'activité avaient été signés sur les quelque 109.000 allocataires du RMI que comptent les DOM.

On rappellera que l'objectif initial du Gouvernement était de 10.370 CIA d'ici la fin décembre 1996. La Réunion, à elle seule, en a signé 2.930 (plus de 60%), contre 1.139 à la Guadeloupe, 281 en Guyane et 466 à la Martinique !

L'examen de ces programmes d'actions fait apparaître quatre secteurs principaux d'intervention :

- dans le domaine de l'environnement : en complément des dispositifs déjà existants, les actions sont menées sur l'entretien et l'accueil des sites touristiques, ainsi que l'aménagement des espaces publics et la réhabilitation des quartiers ;

- dans le domaine de l'éducation : les projets intéressent aussi bien la sécurité des enfants dans les établissements, leur accompagnement dans les transports scolaires, que le soutien scolaire et l'animation sportive ;

- dans le domaine social : ce sont des services proposés aux personnes âgées dépendantes (animation 3ème âge), aux familles et aux personnes en difficulté.

- dans le domaine culturel et touristique : les projets concernent aussi bien l'animation de quartier que des actions de formation menées par les offices de tourisme.

Ces programmes répondent tous à une double préoccupation : la formation des salariés en CIA et l'aide à l'encadrement qui doit accompagner le salarié dans la réalisation des travaux qui lui sont confiés. Ils ont été conçus en articulation étroite avec les autres actions du programme départemental d'insertion dont ils sont une composante.

Votre commission considère comme préoccupante la lenteur du démarrage du dispositif des CIA. En effet, on constate, depuis août 1993, une reprise de la croissance du nombre de bénéficiaires du RMI. Seul le département de la Guadeloupe enregistre une baisse, mais principalement en raison, semble-t-il, de l'amélioration des procédures de contrôle.

Après une forte croissance, les effectifs du RMI dans les départements d'outre-mer ont connu entre la fin 1991 et août 1993 une période de stabilisation, voire de baisse. Ainsi, tandis qu'en métropole ils progressaient de 20,5 % sur un an, dans les DOM, les effectifs de juin 1993 représentaient une baisse de 2,4 % par rapport à ceux de juin 1992.

Cette évolution était liée à l'effet conjugué de l'alignement des allocations familiales sur les taux métropolitains entre le 1er juillet 1991 et le 1er juillet 1993, et à l'effort important fait en matière d'insertion professionnelle notamment par le recours aux contrats emploi-solidarité, particulièrement en 1992 où 26.302 entrées nouvelles de bénéficiaires du RMI en CES ont été réalisées.

La situation économique, d'une part, la fin de l'effet de l'alignement des allocations familiales, d'autre part, et, enfin, la forte baisse des entrées en CES (52,5 % de moins en 1993 par rapport à 1992) font que depuis août 1993, on constate une reprise de la croissance du nombre de bénéficiaires du RMI.

Fin juin 1996, celui-ci s'élevait à 108.903, soit une augmentation de 3 % par rapport à juin 1995. En prenant en compte les familles, sont ainsi concernées environ 242.000 personnes, soit plus de 16 % de la population de ces départements.

On relèvera enfin l'importance du nombre des familles notamment monoparentales par rapport aux personnes isolées. En effet, les allocataires isolés représentent 46,9 % du total, les couples avec ou sans enfants 24,1 %, les familles monoparentales 29 %.

Au total, votre commission souhaite souligner à la fois les effets positifs des mesures prises au cours des dernières années et la nécessité d'adapter davantage ce dispositif à la dimension du problème de l'emploi en outre-mer, lui-même étroitement dépendant des perspectives démographiques.

Elle se félicite cependant de la décision prise par le Gouvernement lors des Assises du développement, de placer l'emploi au premier rang de ses priorités en outre-mer.

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