2. Les réformes entreprises par nos partenaires européens

Quatre expériences menées par nos partenaires européens s'agissant de transport ferroviaire méritent d'être évoquées : celle de l'Allemagne et celle de la Grande-Bretagne, les mieux connues ; mais aussi celle de la Suède et celle des Pays-Bas.

a) L'Allemagne : désendettement du transporteur et subvention à l'infrastructure

La réforme opérée en Allemagne mérite examen, dans la mesure où l'entreprise nationale, la Deutsche Bahn (DB), se trouvait, avant cette réforme, dans une situation peut être plus difficile encore que celle de la SNCF, avec une dette de 70 milliards de marks . L'État fédéral a procédé au désendettement de l'entreprise nationale. Il a pris en charge les surcoûts liés aux statuts des personnels et a accepté les charges écologiques du passé. L'État s'est engagé à financer les investissements futurs dans le cadre d'un " préfinancement ", ce qui signifie que la DB doit rembourser les investissements rentables. L'entreprise doit assumer les coûts liés à l'entretien de l'infrastructure.

Les autorités allemandes ont, en outre, prévu un programme d'investissements important dans le transport ferroviaire pour les années à venir, 120 milliards de marks devant être affectés à ce secteur d'ici 2010.

Les transports ferroviaires de proximité (transports urbains, de banlieue ou régions de moins d'une heure ou de moins de cinquante kilomètres) ont été confiés, pour leur organisation et leur financement, aux Länder. Ceux-ci déterminent donc les principaux éléments du service offert sur chaque ligne et ont la possibilité de fermer une ligne. Pour exercer ces compétences, les Länder bénéficient d'une subvention permettant d'assurer le maintien des services régionaux au niveau atteint en 1993-1994. Les Länder doivent donc prendre en charge d'éventuelles améliorations.

La DB a été scindée en plusieurs secteurs destinés à devenir des sociétés anonymes sous l'égide d'une holding, puis, éventuellement, des sociétés indépendantes. Le principe d'une concurrence généralisée a été accepté.

Cette réforme, qui devait induire des réductions d'effectifs, a été acceptée par le personnel, qui a obtenu des garanties quant au maintien de son statut.

Il est encore difficile de dresser un bilan de cette réforme qui n'est entrée en vigueur qu'en 1994. Cependant, ces modifications ont mis la DB en situation de prendre un nouveau départ. Celle-ci a dégagé en 1994 un bénéfice après impôt de 180 millions de marks.

Toutefois, il semble que la structure du bilan de la DB se soit quelque peu dégradée depuis cette date avec une diminution de ses fonds propres. En outre, le Gouvernement allemand, dans la situation économique actuelle, éprouve de grandes difficultés à tenir le programme d'investissement qu'il avait envisagé au moment de la réforme. Mais il convient de souligner que cette réforme allait au-delà des prescriptions de la directive de 1991.

b) La Grande-Bretagne : privatisation de l'infrastructure et subvention au transporteur [3 ]

Dès 1993, dans le cadre du Railway Act, les autorités britanniques ont décidé une privatisation par fragmentation, pourrait-on dire, des chemins de fer.

Cette réforme a, d'abord, conduit à l'établissement d'un directeur des licences des services voyageurs, d'un régulateur et au maintien d'un organisme de réglementation de la sécurité distinct.

En outre, l'infrastructure et les activités de service ont fait l'objet d'une séparation. Ainsi, l'infrastructure a été confiée à l'entreprise Railtrack , qui facture aux exploitants des droits d'accès pour l'utilisation des voies. Railtrack est en principe destinée à être vendue au secteur privé.

Les activités voyageurs font, quant à elles, l'objet de franchises attribuées par le directeur des franchises. Railtrack qui gère les infrastructures ne recevant aucune subvention, les péages facturés aux entreprises de transport sont fixés à un niveau élevé, de sorte que le gouvernement britannique subventionne les entreprises titulaires d'une franchise pour l'exploitation de lignes ferroviaires. On notera que, dans le cadre des attributions de franchises pour le transport de voyageurs, la CGEA (Compagnie générale d'entreprises automobiles), filiale de la Compagnie générale des eaux, a été retenue pour gérer le réseau Network South Central qui dessert la région du sud de Londres.

Le modèle britannique suscite des réticences en France et, d'une manière plus générale, dans les pays d'Europe continentale. De fait, il procède plus, à certains égards, d'une idéologie libérale poussée à son terme que de considérations pratiques . Il faut, en outre, prendre en compte le fait que le transport ferroviaire n'a pas la même importance au Royaume-Uni qu'en France ou en Allemagne. Il faut cependant noter que ce système, qui impose des décisions parfois difficiles, en matière de réduction d'effectifs notamment, peut permettre à l'État, selon les commentateurs d'inspiration libérale, de faire des économies substantielles susceptibles de rendre possibles des investissements dans d'autres secteurs.

Les effets de la réforme sur le montant des subventions accordées par l'État aux entreprises ferroviaires font l'objet d'analyses très contrastées et mériteraient une étude approfondie. Quoi qu'il en soit, cette réforme devra être évaluée avec prudence et ne pourra faire l'objet d'un vrai bilan qu'après plusieurs années.

c) La Suède

La Suède avait entrepris une réforme de son système ferroviaire dès 1988, c'est-à-dire avant l'adoption de la directive de 1991 et bien avant son adhésion à l'Union européenne.

La réforme s'était caractérisée par la division de la compagnie publique avec, d'un côté, l'administration nationale des voies ferrées suédoises (Bankverkert ou BV) et, de l'autre, la société des chemins de fer de l'État (Statens Järnvägar ou SJ).

L'entreprise SJ est considérée comme l'opérateur ferroviaire voyageurs principal et détient le monopole du fret ferroviaire. Elle doit assurer la gestion du fret et des voyageurs sur le réseau principal selon les principes de la rentabilité commerciale. L'entreprise chargée des infrastructures, BV, peut attribuer des droits de transport à d'autres opérateurs que SJ lorsque des capacités ne sont pas utilisées. Ainsi une société privée, BK Trains, exploite 600 km de lignes régionales sur trois provinces du Sud et du Nord-Ouest de Stockholm. Enfin, la société commerciale a été poussée à améliorer ses résultats financiers et son organisation interne a été profondément modifiée avec la création de quatre grands centres de profit pour les voyageurs, le fret, les matériels roulants et le patrimoine foncier ; les effectifs ont été fortement diminués.

Dans le récent rapport sur l'application de la directive de 1991 qu'elle a publié, la Commission européenne observe " que la situation des chemins de fer suédois, cas quasiment unique en Europe, s'est sensiblement améliorée depuis qu'infrastructure et opérateurs ont été séparés (1988) et qu'un système de redevance équitable pour l'utilisation des infrastructures a été introduit " .

d) Les Pays-Bas

Les Pays-Bas ont, à leur tour, procédé à une réforme de leur organisation du transport ferroviaire.

L'entreprise nationale NS a été divisée en deux secteurs, l'un consacré aux activités commerciales, l'autre aux infrastructures. La Holding NS Groep NV est chargée de l'exploitation commerciale et a trois filiales : Markt BV (voyageurs, gares, matériels roulant et sûreté) ; NS Cargo NV (fret), Vastgoed BV (gestion immobilière). Par ailleurs, deux sociétés se partagent la gestion de l'infrastructure.

La réforme a conduit à une séparation nette des responsabilités de l'État et de l'entreprise nationale. L'État est responsable des infrastructures et de leur financement, de la compensation des obligations de service public et de l'harmonisation des modes de transport.

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