XII. ARTICLE 11
(ARTICLE 41 DE LA LOI DU 30 SEPTEMBRE 1986) -

DISPOSITIF ANTI-CONCENTRATION APPLICABLE AUX BOUQUETS
DE SERVICES DE RADIO ET DE TÉLÉVISION

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article, qui modifie l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986, adapte à l'évolution de la diffusion satellitaire les dispositions qui, dans la loi du 30 septembre 1986, limitent la concentration dans le secteur de la télévision par satellite.

Il convient de rappeler que l'objectif du dispositif anti-concentration de la loi du 30 septembre 1986 est d'assurer la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression, objectif de valeur constitutionnelle.

La loi a en particulier défini des limitations à la participation au capital des sociétés autorisées à exploiter un service de communication audiovisuelle, et des limitations des cumuls d'autorisations relatives à un même support de communication audiovisuelle.

Ces règles sont déterminées par type de service (télévision ou radio) et par support de communication (hertzien terrestre, diffusion satellitaire, câble).

En matière de télévision par satellite, les limitations suivantes ont été instituées :

- détention du capital des services autorisés (art. 39 § II).

Une personne ne peut détenir plus de 25 % de la moitié du capital ou des droits de vote d'une société titulaire d'une autorisation. Si la part du capital ou des droits de vote détenue est supérieure à un tiers, la même personne ne peut détenir plus d'un tiers du capital ou des droits de vote d'une société titulaire d'une autorisation du même type. Le même mécanisme s'applique au-dessus d'un seuil de 5 % du capital ou des droits de vote ;

- cumul d'autorisations relatives à un même support (art. 41, al. 3).

Une personne ne peut être titulaire de plus de deux autorisations relatives à un service de télévision par satellite.

Ce dispositif, qui ne s'applique qu'aux services diffusés par satellite de télédiffusion directe, a été conçu en fonction de la rareté des capacités de diffusion qui caractérisait l'économie de l'audiovisuel avant le développement de la diffusion de services de communication par les satellites de télécommunication et avant que la compression numérique des données diffusées n'ouvre de nouvelles perspectives techniques et économiques auxquelles il est nécessaire d'adapter la réglementation anti-concentration.

En effet, le dispositif existant limite le nombre de services qu'un opérateur peut contrôler. Or, il est apparu, il y a deux ans, notamment lors du lancement réussi, aux Etats-Unis du bouquet numérique satellitaire de Direct TV, que la numérisation de la diffusion d'images animées se traduirait par la commercialisation de services de télévision réunis en bouquets. C'est par ce biais que les nouvelles technologies de la télévision vont passer du stade de l'expérimentation à celui de l'exploitation commerciale comme le confirme le développement constant des bouquets satellitaires aux Etats-Unis : cinq opérateurs se partagent actuellement 4 millions d'abonnés ; comme le suggère aussi le lancement récent en France des bouquets numériques Canal Satellite, TPS et AB Sat, contrôlés respectivement par Canal Plus, par un consortium associant France Télévision, France Télécom, TF1 et M6, et par le groupe de production audiovisuelle AB.

Seuls quelques opérateurs disposant de ressources importantes (rappelons que pour financer le lancement de AB Sat, le groupe AB a levé à la bourse de New York l'équivalent de 1,2 milliard de francs en échange de 22 % du capital de l'entreprise) et d'un catalogue de programmes audiovisuels, paraissent susceptibles de participer au développement de l'offre française de programmes satellitaires.

Or l'essor des nouvelles technologies de la radiodiffusion en France répond à un intérêt public souligné à maintes reprises par votre commission : si la télévision de demain est largement satellitaire, il est nécessaire de favoriser une forte présence française et francophone dans ce secteur où l'absence de services soumis à la réglementation française protectrice de l'industrie des programmes favoriserait immanquablement la captation du marché par des opérateurs libres de toute entrave réglementaire.

L'article 11 du projet de loi tend à favoriser à cette fin le lancement de bouquets satellitaires français en assurant sur des fondements renouvelés et adaptés aux capacités de diffusion actuelles la garantie de l'objectif à valeur constitutionnelle du pluralisme des courants d'expression. Le dispositif qu'il institue sera aussi partiellement applicable aux bouquets de programmes distribués sur le câble et aux bouquets diffusés sur des fréquences hertziennes terrestres.

· Le dispositif proposé par l'article 11 du projet de loi

L'article 11 modifie les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 qui limitent le cumul d'autorisations d'utiliser les fréquences satellitaires pour la diffusion de programmes de radio et de télévision (art.41  alinéa 3.).

Il institue deux nouvelles règles :

a) Il limite l'offre par une même personne de services satellitaires : une personne unique ne pourra ainsi contrôler plus de la moitié de l'offre de services satellitaires mis à la disposition du public sur le territoire national (1er alinéa du texte proposé pour remplacer l'alinéa 3 de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986).

Cette obligation s'impose à toute personne exerçant son activité sous le régime de la loi du 30 septembre 1986, c'est-à-dire aux opérateurs attributaires de fréquences françaises, gérées ou non par le CSA, comme aux opérateurs établis en France mais utilisant des fréquences étrangères, par exemple celles des satellites Astra.

La base de calcul de l'obligation est très large dans la mesure où tous les services de radio et de télévision diffusés par satellite peuvent vraisemblablement être considérés comme mis à la disposition du public sur le territoire national, compte tenu de la situation géographique des départements et territoires d'outre-mer.

b) Il impose à toute personne " mettant à la disposition du public une offre commune de services de radiodiffusion sonore ou de télévision par satellite ou par câble " de réserver au moins 20 % de la capacité utilisée pour la diffusion de cette offre à des services français ou européens qu'elle ne contrôle pas directement ou indirectement (2e alinéa du texte proposé pour remplacer l'alinéa 3 de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986).

Cette obligation s'applique aussi aux services utilisant, en particulier pour la diffusion par micro-ondes, des fréquences hertziennes terrestres non gérées par le CSA (fréquences ou bandes de fréquences visées à l'article 24 de la loi du 30 septembre 1986 modifié par la présente loi).

Ce dispositif appelle les précisions suivantes :

- il s'applique à tous les bouquets de services de radio et de télévision à l'exception de ceux qui seraient diffusés sur des fréquences hertziennes terrestres de radiodiffusion. Toutefois, la numérisation n'ayant pas encore touché ces fréquences, l'hypothèse n'est pas d'actualité. Par ailleurs, les dispositions abrogées ne concernant que la télévision par satellite, il y a extension du champ de la législation anti-concentration, justifiée par l'opportunité de prendre mieux en compte le phénomène de la commercialisation de services par bouquets. Par ailleurs, le dispositif est applicable quand il y a " offre commune " de services. L'article premier précise que cette notion couvre " la totalité des services de radiodiffusion sonore ou de télévision proposés, y compris ceux qui font l'objet de conditions d'accès particulières ".

Entrent ainsi dans le champ d'application de ces dispositions les " plans de services " des réseaux câblés, les bouquets de programmes satellitaires et, ultérieurement, ceux diffusés par micro-ondes ;

- l'obligation de réserver 20 % de la capacité utilisée à des services qu'il ne contrôle pas incombe à l'ensemblier gestionnaire d'un bouquet satellitaire et à l'exploitant d'un réseau câblé. Ce sont eux, en effet, qui mettent l'" offre commune " à la disposition du public.

- le quota de 20 % doit profiter à des services français ou européens. L'objectif est d'empêcher les opérateurs de remplir leurs obligations en diffusant des programmes extra-européens ;

- la violation de ces dispositions pourra être sanctionnée, aux termes de l'article 25 du projet de loi, par une amende d'un million de francs.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté deux amendements à cet article :

· le premier amendement précise la portée de la disposition qui interdit à une même personne physique ou morale de contrôler plus de la moitié de l'offre satellitaire à la disposition du public sur le territoire national en ne faisant référence qu'à l'offre de services en langue française. Une position dominante sur le marché national de la diffusion de services par satellite ne peut en effet être appréciée que par rapport aux services reçus en langue française, les services en langue étrangère étant peu susceptibles d'attirer un large public et de contribuer au pluralisme de l'offre de services satellitaires.

· le second amendement renforce le dispositif imposant à tout offreur de services câblés ou satellitaires de réserver 20 % de sa capacité de diffusion à des services indépendants :

- d'une part, en excluant de ce quota non seulement les services contrôlés par l'opérateur du bouquet, mais aussi les services que contrôlent ses actionnaires. Les chaînes du bouquet TPS, par exemple, ne sont pas contrôlées par TPS mais par ses actionnaires. Dans ce cas, le quota de 20 % de chaînes indépendantes de l'opérateur ne signifierait donc pas grand chose ;

- d'autre part, en assurant que cette ouverture sera vraiment l'occasion du développement de chaînes nouvelles.

Il est donc proposé, par référence à l'article 40 de la loi du 30 septembre 1986, de ne prendre en compte, pour " remplir " le quota de 20 %, que des chaînes éditées par des sociétés françaises ou européennes. Bien entendu, cela n'empêchera pas les bouquets d'inclure des chaînes étrangères non européennes, mais elles seront hors quota.

Enfin, il semble indispensable de laisser un délai aux opérateurs pour se mettre en règle avec l'obligation du " quota de chaînes indépendantes ".

Il est proposé que ce délai soit de deux ans, pour permettre le développement de nouvelles chaînes susceptibles de bénéficier du " quota " prévu. Un délai trop bref contraindrait en effet les opérateurs à s'acquitter de l'obligation qui leur est faite en intégrant uniquement à leurs bouquets des chaînes déjà existantes.

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