2. Les obstacles à la création d'un service obligatoire à dominante civile

Dans une société qui a besoin de " temps social ", où l'individualisme lié au mode de vie moderne progresse aux dépens de la nécessaire solidarité au profit des plus démunis, et où l'exclusion fait peser un risque majeur sur la cohésion nationale, l'idée que la jeunesse puisse consacrer quelques mois de sa vie à lutter contre la " fracture sociale " est a priori très séduisante et stimulante. C'est pourquoi a été un temps envisagée la possibilité de remplacer l'actuel service national, à dominante militaire, par un service qui s'accomplirait essentiellement dans des formes civiles .

Les difficultés posées par cette formule sont cependant restées sans solution, et le " service civique ", ou service obligatoire à dominante civile, est apparu irréalisable, pour des raisons diverses tenant :

- une incertitude majeure sur la légitimité de ce type de service, une fois supprimée la base légale actuelle de l'obligation militaire : la lutte contre la fracture sociale peut-elle être mise sur le même plan que la défense du pays ? En d'autres termes, n'y a-t-il pas de doutes sérieux sur l'acceptabilité de ce type de service par la jeunesse ?

- une incertitude juridique sur la compatibilité de ce type de service avec les libertés publiques : le service civique obligatoire n'aurait-il pas été assimilé au travail forcé, au sens où l'entend la convention européenne des droits de l'Homme du 4 novembre 1950 ?

- un risque de concurrence entre emplois permanents et postes d'appelés , ceux-ci pouvant être confiés à des salariés, voire à des fonctionnaires ;

- des obstacles pratiques insurmontables : comment trouver chaque année assez de postes pour 300 000 appelés -600 000 dans l'hypothèse où le " service civique " aurait été étendu aux jeunes filles, ce qui aurait probablement été inévitable pour des motifs tenant à l'égalité des sexes ? Comment assurer l'encadrement de contingents aussi nombreux par des organismes qui ne disposent pas de l'expérience et de l'autorité des armées dans ce domaine ?

- un argument imparable : le coût du " service civique " . Celui-ci a, en effet, été évalué à 9,9 milliards de francs (hypothèse d'une durée comprise entre six et dix-huit mois, et de contingents de 300 000 garçons), la charge imputable aux ministères civils étant de 7,1 milliards de francs, le besoin de financement nouveau s'élevant à 5,1 milliards de francs.

La création d'un service obligatoire à dominante civile aurait donc, en raison de son coût, gravement compromis la professionnalisation , alors même que l'examen de la loi de programmation a montré qu'elle repose sur un équilibre financier fragile qu'il convient à tout prix d'éviter d'affecter.

Bien que la vision d'une jeunesse consacrant quelques mois de sa vie à contribuer à la réduction de la fracture sociale soit a priori très séduisante, il n'a pas paru réalisable ni opportun de substituer le " service civique " au service actuel.

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