b) Le rendez-vous citoyen : une institution héritée des " trois jours ", sans obéir à la même logique que les opérations de sélection

Le rendez-vous citoyen est conçu, ainsi que l'a précisé le général Fassier, directeur central du service national lors de son audition par votre Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, le 17 janvier 1997, comme l'occasion, pour les jeunes, d'une " prise de conscience de leur appartenance à une même communauté, caractérisée par la volonté de vivre ensemble et de partager des valeurs communes ".

Les tests psychotechniques qui constituent la raison d'être des " trois jours ", ne représenteront donc qu'un aspect parmi d'autres du rendez-vous citoyen.

(1) Des objectifs nouveaux, où l'évaluation et l'information remplaceront la sélection

L'objet du " rendez-vous citoyen " sera inversé par rapport à celui des trois jours, puisqu'il ne s'agira plus de sélectionner les jeunes gens aptes à effectuer un service national, mais de soumettre l'ensemble de la jeunesse, jeunes filles comprises, à un bilan médical, scolaire et, le cas échéant, professionnel. De surcroît, le rendez-vous citoyen permettra de rappeler les bases de l'instruction civique (droits et devoirs du citoyen, fonctionnement des institutions républicaines) et de présenter les enjeux de la défense à la jeunesse.

L'objectif du rendez-vous citoyen étant étranger à la sélection des jeunes gens aptes à accomplir le service national, la question des exemptions pour des raisons médicales se pose. Comment définir les infirmités justifiant qu'un jeune ne participe pas au rendez-vous citoyen ? Si les handicaps d'ordre mental ou psychiatrique paraissent impliquer l'exemption, on peut, en revanche, s'interroger sur l'opportunité d'exempter les handicapés moteurs, les malvoyants ou les malentendants. En effet, il paraît difficile d'estimer que ces jeunes n'ont pas à être sensibilisés aux implications de la citoyenneté, et que la contribution du rendez-vous citoyen à l'insertion sociale et professionnelle de la jeunesse ne saurait concerner ceux qui, a priori, en ont le plus besoin.

En revanche, il convient de poser le problème de la pertinence de l'association des handicapés au rendez-vous citoyen au regard des difficultés pratiques qui risquent d'en résulter (encadrement spécifique, adaptation des infrastructures) ...).

L'organisation du " rendez-vous citoyen " s'appuiera, d'après les informations transmises à votre rapporteur, sur deux étapes successives.

- D'une part, l'évaluation des appelés s'effectuera sur le plan médical (tests médicaux, entretien-bilan), sur le plan psychotechnique (par le biais de cabines automatisées généralisées depuis janvier 1996), et dans le domaine des apprentissages fondamentaux (lecture, écriture, calcul) en relation avec le Groupe permanent de lutte contre l'illettrisme.

De manière logique et naturelle, la mission d'évaluation impartie au rendez-vous citoyen a conduit à étendre l'objet de celui-ci au suivi des jeunes présentant des lacunes scolaires ou des pathologies. L'intérêt que présente le rendez-vous citoyen dans le domaine médical est donc évident, puisqu'il devrait rendre possible le traitement de jeunes qui, sortis du système scolaire, ne disposent plus d'assistance en matière de santé publique. Quant aux jeunes identifiés, à l'occasion du rendez-vous citoyen, comme jeunes en difficulté, il leur sera proposé des entretiens individuels avec des spécialistes de l'orientation professionnelle. L'action de ceux-ci pourrait être prolongée au cours d'un "rendez-vous spécialisé" qui, proposé aux jeunes en difficulté et organisé dans la foulée du rendez-vous citoyen, permettra de définir pour ces catégories vulnérables des itinéraires d'insertion qui pourront conduire à la participation éventuelle à un volontariat.

- D'autre part, l' information et l'orientation des jeunes passera par le rappel des éléments d'instruction civique qu'est supposé maîtriser tout citoyen appelé à voter (fonctionnement des institutions, droits et devoirs ...). L'information des appelés concernera également les différents types de volontariat proposés, qui seront présentés par les fonctionnaires compétents.

- Enfin, au cours du " rendez-vous citoyen " seront proposées, de manière moins indispensable et plus contestable, des activités sportives et culturelles (vidéo, cinéma, théâtre ...).

(2) Une organisation totalement nouvelle

L'organisation des centres qui accueilleront le rendez-vous citoyen (et que la rédaction initiale du projet de loi dénommait " centres d'évaluation, d'information et d'orientation ") devrait n'avoir que très peu de points communs avec les actuels centres de sélection qui organisent les " trois jours ", ne serait-ce qu'en raison de durées différentes (cinq jours au lieu de trois demi-journées) .

. Dirigé par un officier supérieur, assisté d'un responsable civil, chaque centre devrait accueillir chaque semaine entre 800 et 1 200 jeunes, pendant 40 semaines par an environ.

Avec l'extension du rendez-vous citoyen aux jeunes filles, à partir de 2003 seront créés des centres spécifiques qui s'ajouteront aux quelque 12 centres destinés à l'accueil des jeunes gens. Les informations transmises à votre rapporteur font état d'un nombre total de centres compris, à terme, entre 20 et 25 .

Il est envisagé d'ouvrir un centre expérimental à Mâcon environ un mois après la promulgation de la future loi portant réforme du service national, avec un flux d'abord modeste de 200 jeunes par semaine, afin de valider des principes d'organisation et de mettre à l'épreuve les rythmes d'activité susceptibles d'être proposés aux appelés.

Puis en septembre 1997 pourraient être ouverts les centres de Cambrai-Compiègne et de Tarascon-Nîmes-Courbessac, avec un objectif de 800 à 1 200 jeunes gens par semaine.

. L' encadrement sera assuré par 600 personnes environ par centre, dont la grande majorité (510, soit 85 %) devrait relever du ministère de la Défense. La participation de la Gendarmerie à l'encadrement du rendez-vous citoyen pourrait atteindre 240 personnels en 2002, à la fin de la période de transition. La Gendarmerie assurerait ainsi environ un tiers de l'encadrement militaire du rendez-vous citoyen.

Quant aux quelque 90 personnes représentant les ministères civils qui participeront au rendez-vous citoyen, elles devraient être mises à disposition, pour l'essentiel, par les ministères de l'Education nationale, de l'Intérieur, du Travail et des Affaires sociales.

. Dans l'esprit d'une réforme qui vise à donner aux jeunes en difficulté une deuxième chance en matière d'insertion sociale et professionnelle , des "médiateurs-citoyens" pourraient participer au rendez-vous citoyen afin de " personnaliser l'accueil (...), de prendre en charge les jeunes en difficulté en fonction de leurs besoins et de leurs attentes, (...) et de les orienter (sans dirigisme) vers les dispositifs d'écoute et d'orientation offerts pendant le rendez-vous " [7] .

A ce stade de la réforme, le recrutement des médiateurs-citoyens n'a fait l'objet d'aucune décision. Deux possibilités pourraient être examinées. La création d'un corps de permanents, professionnels de l'animation sociale, de l'éducation, de la formation et de l'insertion présente une évidente garantie de compétence. Le recours à des bénévoles issus de la société civile et, principalement, des milieux associatifs, présenterait l'avantage de la souplesse et du moindre coût. Cette solution pose toutefois le problème du recrutement des médiateurs, ceux-ci devant présenter des garanties de rigueur morale, de professionnalisme (le travail social n'est pas un " hobby "), voire de patriotisme.

On ne dispose donc actuellement d'aucune information solide en ce qui concerne les effectifs de "médiateurs-citoyens" M. Xavier Emmanuelli, secrétaire d'Etat chargé de l'action humanitaire d'urgence, n'exclut pas que le nombre de "médiateurs-citoyens" puisse atteindre 8 000 à 10 000 à la fin de la période de transition. Les modalités précises de leur formation à l'accueil des jeunes dans le cadre du rendez-vous citoyen n'ont fait l'objet d'aucune précision. Il conviendra très certainement de s'appuyer sur l'expérience acquise pendant les premières années d'application de la réforme, avant de figer juridiquement une institution qui doit faire ses preuves .

. Dans le contexte d'une armée professionnelle , l'intérêt du rendez-vous citoyen sera d'éviter toute rupture entre la jeunesse et l'armée , et de permettre à celle-ci, en procédant à une opération de relations publiques, de susciter des vocations . La contribution du rendez-vous citoyen à la sensibilisation des jeunes aux enjeux de la Défense et au renforcement de l'esprit de défense peut donc être décisive.

. Le rendez-vous citoyen devrait également constituer, pour les organismes civils (associations, administrations diverses ...) accueillant des volontaires, l'occasion d'un contact avec la jeunesse. On peut imaginer, comme l'a suggéré le général Fassier lors de son audition par notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, que cet exercice "modifie le regard que portent les Français sur leur administration".

. Enfin, votre rapporteur tient à souligner que le rendez-vous citoyen ne jouera certainement pas, en matière de "brassage social", le rôle qui a pu être celui du service militaire sous la IIIe République. Il n'est toutefois pas à exclure que, à une époque où l'atomisation de notre société est aggravée par les difficultés économiques, et où l'exclusion est un danger réel pour notre cohésion nationale, le rendez-vous citoyen puisse être la révélation, pour certains jeunes favorisés, de la gravité de notre crise sociale et du gisement de dévouement qu'ils recèlent en eux-mêmes. N'oublions pas néanmoins que le rendez-vous citoyen est une institution nouvelle qui doit être mise à l'épreuve.

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