b) Les modalités de la motivation

La " mise en forme des raisons " du jugement serait effectuée par un magistrat professionnel : le président ou un assesseur désigné par lui.

Les raisons du jugement reprendraient, " pour chacun des faits reprochés à l'accusé, le résumé des principaux arguments par lesquels le tribunal (ou la cour) d'assises s'est convaincu(e) et qui (auront) été dégagés au cours de la délibération, ainsi que, en cas de condamnation, les principaux éléments de fait et de personnalité ayant justifié le choix de la peine " (futurs articles 231-150 et 375-3 du code de procédure pénale).

En principe, les raisons seraient mises en forme avant le prononcé de la décision en audience publique. Toutefois, à titre exceptionnel et si la complexité de l'affaire le justifiait, il pourrait être procédé à cette mise en forme après le prononcé de la décision , dans un délai qui ne saurait excéder quinze jours.

Selon les propos tenus par le Garde des Sceaux à l'Assemblée nationale, " dans la plupart des cas, la motivation sera rédigée dans le prolongement du délibéré et lue à l'audience juste après la sentence ". Le délai de quinze jours " ne devra être utilisé que dans des affaires d'une exceptionnelle complexité, mettant en cause de nombreux accusés, ou dont les débats auraient duré plusieurs semaines comme ce fut le cas pour les procès Barbie ou Touvier ".

Cette faculté de mettre en forme les raisons du jugement après son prononcé a suscité une vive opposition de la part de plusieurs députés.

Ainsi, pour M. Jacques Brunhes, " les débats étant oraux et la cour devant statuer sur-le-champ, une motivation postérieure au jugement serait contraire, d'une certaine manière, à l'esprit des assises et risquerait d'ouvrir la porte à des pressions, par exemple des pressions médiatiques, exercées entre l'énoncé du verdict et celui de la motivation. Il est donc absolument nécessaire de préciser que les raisons du jugement, comme nous disons maintenant, seront données immédiatement et de ne pas accepter qu'elles puissent être formulées quelques jours plus tard . "

De même, pour Mme Frédérique Bredin, " comment accepter un délai alors même que nous venons de dire que ce n'est pas une motivation juridique complexe mais des arguments qui ont poussé les jurés à se décider ? (...) Comment un report à huit ou quinze jours est-il envisageable sans dénaturer complètement le jugement et soulever des problèmes constitutionnels majeurs ? Il faut absolument renoncer à l'idée de délai sous peine de créer une source d'illégalité et de vices de procédure ".

Quant à M. Patrick Devedjian, l'ouverture d'un délai de quinze jours pour établir les raisons lui a paru " vraiment surréaliste. En effet, un jugement, c'est un tout. Il est rendu à un moment donné, par une assemblée donnée - le tribunal formé de ses jurés et de ses magistrats professionnels-, qui statue sur le principe de la culpabilité, sur la peine. Il nous est proposé que l'explication du jugement, parce que la motivation c'est une explication, puisse être donnée ultérieurement, avec d'autres partenaires. Mais ce serait un nid à contentieux considérable ! Il y aurait là de quoi nourrir tous les pourvois en cassation possibles et imaginables car il serait tout à fait facile de soutenir que l'on ne retrouve pas, dans la motivation, l'esprit qui devait être celui du délibéré au moment où il a été fait, quinze jours plus tôt ! " . Il a par ailleurs émis des réserves sur la constitutionnalité d'un dispositif qui fractionnerait le jugement.

Néanmoins, dans les affaires particulièrement complexes, la mise en forme de la motivation avant le prononcé de la décision est apparue impossible aux rédacteurs du projet de loi, sauf à retarder de plusieurs jours le prononcé de la décision lui-même et à porter ainsi atteinte au principe de continuité des débats. C'est cet argument qui a emporté la conviction de l'Assemblée nationale.

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