B. LA RECONNAISSANCE DE LA PLACE DE LA FRANCE ET DE SES DFA DANS LA RÉGION

Votre rapporteur présentera d'abord les modalités de participation de la France à l'AEC avant d'examiner dans ce cadre la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales.

1. Le statut de membre associé : une large capacité d'initiative pour la France

L'accord pose pour les membres associés le principe d'un droit d'intervention et de vote dans les débats et les réunions du Conseil des ministres et des comités spéciaux sur " les questions les concernant directement et relevant de leur compétence constitutionnelle " (art. 4), mais il renvoie à des accords d'association avec " l'Etat, le pays ou le territoire concerné " les conditions de participation à l'AEC.

La négociation de l'accord définissant les modalités d'association de la France à l'AEC a dû résoudre une série de problèmes liés à la double singularité de la présence française dans le Bassin caraïbe :

- les trois départements français d'Amérique disposent d'un statut juridique distinct de celui de la plupart des territoires dépendants de la zone ;

- à ce titre, les DFA appartiennent à l'Union européenne [7] .

Deux questions principales devaient être tranchées :

- la définition des droits de la France dans le cadre de l'AEC, compte tenu de l'appartenance des DFA à l'espace communautaire ;

- la détermination de la contribution financière française à l'AEC.

a) Un compromis équilibré entre les intérêts des parties

Comme le rappelle l'exposé des motifs sur les modalités de la participation française, l'accord permet de satisfaire une préoccupation symétrique des parties françaises et des Etats de la Caraïbe : le souci français de ne pas lier notre pays dans des domaines relevant des compétences communautaires ; la préoccupation exprimée par les pays de la Caraïbe quant au rôle de " cheval de Troie " potentiel des intérêts européens qui reviendrait à la France.

Dès lors, aux termes de l'article 2 de l'accord entre la France et les Etats de la Caraïbe, notre pays participe comme membre associé " aux réunions du Conseil des ministres dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités que les Etats membres dans les questions qui la concernent directement et ne relèvent pas de la compétence des communautés européennes ".

Les mêmes principes inspirent les conditions de participation de la France aux comités spéciaux, à cette nuance près que la présence française se limite aux " réunions des comités spéciaux où sont étudiés les programmes, les plans et les projets impliquant sa participation ".

La rédaction retenue le montre, la France ne pourrait pas entraver -au niveau relativement technique des comités spéciaux- la mise en oeuvre d'un programme d'action. Elle place dès lors sa participation dans une approche résolument constructive.

b) Une contribution financière raisonnable

A la demande des négociateurs de l'AEC, la contribution française a été fixée à 10 % du budget de fonctionnement de l'organisation. Cette participation dépasse sans doute le niveau de cotisations cumulées qu'auraient dû régler les départements français d'Amérique compte tenu de leurs paramètres économiques et démographiques s'ils avaient dû être assimilés à des Etats indépendants.

A titre de comparaison, les pays du Groupe des trois (Mexique, Vénézuela, Colombie) assument 15 % du budget total. Cependant, en valeur absolue, la contribution française -soit 150 000 dollars- apparaît raisonnable au regard des bénéfices attendus de notre adhésion à l'AEC. En outre, le montant total du budget doit être approuvé par consensus par l'ensemble des délégués présents au Conseil des ministres. La France a donc la faculté d'éviter une augmentation de sa cotisation en s'opposant au vote du budget.

2. La nécessité d'une intervention concertée de l'Etat et des collectivités territoriales

La France a adhéré à l'AEC au titre de ses trois départements français d'Amérique. Si les DFA légitiment la présence française au sein de cette organisation, ils constituent également la raison d'être d'une telle participation ; dès lors les représentants des collectivités outre-Atlantique doivent prendre une part décisive dans la participation française à l'Association.

Le dispositif initial des lois de décentralisation fixait un cadre trop restrictif à l'activité des collectivités. Les adaptations nécessaires ont été apportées. Par ailleurs, une pratique souple, fondée sur une concertation active entre les différents acteurs institutionnels, complète cette évolution juridique.

a) Une évolution progressive du cadre juridique

Aux termes de l'article 65 de la loi du 2 mars 1982, le conseil régional peut " décider avec l'autorisation du gouvernement, d'organiser à des fins de concertation et dans le cadre de la coopération transfrontalière, des contacts réguliers avec des collectivités décentralisées étrangères ayant une frontière commune avec la région ". Une circulaire du Premier ministre du 26 mai 1983 avait toutefois assoupli ce régime, les contacts avec des collectivités locales d'autres pays ne requéraient plus le " consentement du gouvernement " mais simplement son " information systématique régulière ".

Cependant, les départements d'outre-mer disposent dans ce domaine d'une compétence spécifique. En effet, dans le cadre de la loi du 31 décembre 1982 -article 9- les conseils régionaux des DOM peuvent être saisis pour avis de tous projets d'accord concernant la coopération régionale en matière économique, sociale, technique, scientifique, culturelle, de sécurité civile ou d'environnement entre la France et les Etats de leur zone géographique. La consultation des conseils régionaux est devenue obligatoire à la suite de la loi du 2 août 1984 -article 73- pour tout accord avec des Etats des régions concernés relatifs à " l'exploration, l'exploitation, la conservation ou la gestion des ressources naturelles biologiques dans la zone économique exclusive de la République au large des côtes concernées ". Enfin, la loi du 6 février 1992, relative à l'administration territoriale de la République, permet aux collectivités territoriales de conclure des conventions avec des collectivités territoriales étrangères " dans la limite de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de la France ".

Malgré ces quelques ouvertures, le dispositif législatif ne prenait pas en compte la spécificité des DFA : il ne leur permettait en effet d'entretenir des relations qu'avec les seules collectivités territoriales dans une région qui en compte peu.

Une adaptation apparaissait nécessaire dans le cadre, naturellement, des trois principes essentiels : l'indivisibilité de la République et la souveraineté nationale (articles 2 et 3 de la Constitution), la libre administration des collectivités territoriales (article 72 de la Constitution), le principe de spécialité des collectivités territoriales (article 1er de la loi du 7 janvier 1983).

b) Une meilleure reconnaissance du rôle des DFA

La reconnaissance du rôle international des collectivités d'outre-Atlantique a progressé. La place des DFA a d'ailleurs été consacrée, à l'échelle européenne, par la quatrième Convention de Lomé (Annexe VII) : "les parties contractantes encouragent une plus grande coopération réginale dans les Caraïbes, l'Océan Pacifique et l'Océan Indien, qui impliqueraient les Etats ACP, les pays et territoires d'Outre-Mer et les départements français d'Outre-Mer environnants." En premier lieu, en 1989, le gouvernement a créé, sous les auspices du ministère de la Coopération, une commission nationale de la coopération décentralisée pour le développement, associant aux représentants de l'Etat les représentants des collectivités territoriales. Par ailleurs, à la suite du rapport de Bernard de Gouttes consacré à la " coopération régionale Caraïbes à partir des départements français d'Amérique ", un décret du 18 juillet 1990 relatif à la coopération régionale Caraïbes prévoit l'organisation d'une conférence annuelle de la coopération régionale Caraïbes-Guyane destinée à réunir notamment les " représentants de l'Etat, les députés et les sénateurs élus dans la région, ainsi que des délégués des élus locaux et des organismes socio-professionnels de la région ".

Le décret du 23 mai 1996 a modifié le décret de 1990 : il appartient désormais au préfet de la région Guadeloupe -et non plus à un délégué interministériel- de coordonner les actions de l'Etat dans le domaine de la coopération régionale au sein de la région des Caraïbes et des Guyanes.

L'évolution peut paraître encore limitée mais, dans les faits, le pragmatisme comme la volonté de concertation entre partenaires comptent parfois davantage que la réforme d'un dispositif législatif.

Ainsi, depuis plusieurs années, le Conseil régional de la Guadeloupe développe une coopération décentralisée active au sein de son environnement régional. Elle participe à plusieurs instances de concertation telles que le Comité DFA/OECS (Organisation des Etats de la Caraïbe orientale), le Conseil caraïbien pour l'Europe, la Conférence annuelle de Miami sur les investissements, le commerce et le développement, et désormais, l'Association des Etats de la Caraïbe. Des opérations très diverses ont été réalisées en partenariat avec des pays des grandes Antilles comme Cuba (expertises de réseaux de distribution d'eau) ou Haïti (alimentation en énergie solaire de la citadelle " La Ferrière ") et bien sûr les voisins de la Caraïbe orientale (Saint-Louis, la Dominique...). Elles ont mobilisé sur sept ans quelque treize millions de francs sur la base, le plus souvent, de cofinancements associant la région et un fonds tel que le Fonds européen de développement régional (FDER) ou encore le Fonds interministériel de coopération Caraïbe (FIC).

Page mise à jour le

Partager cette page