III. LES OBJECTIFS DU DIALOGUE POLITIQUE

A. DES MÉCANISMES DE COOPÉRATION PERFECTIBLES

Le dialogue politique entre chacun des trois Etats baltes et l'Union européenne se donne pour ambition la promotion des objectifs suivants :

- rapprochement progressif de chacun des Etats baltes de l'Union européenne,

- convergence croissante des positions des Parties sur les questions internationales,

- meilleure coopération dans les domaines couverts par la PESC,

- sécurité et stabilité en Europe.

Ce dialogue se déroule dans un cadre multilatéral " selon les formes et les pratiques établies avec les pays associés d'Europe centrale ".

En effet, le Conseil européen de Copenhague a, en juin 1993, posé le principe de l'établissement de relations structurées des pays associés avec l'Union européenne, dans le cadre d'un dialogue multilatéral renforcé destiné à atteindre les objectifs cités plus haut. Les trois Etats baltes participent à ce dialogue renforcé depuis la signature des accords d'association en juin 1995. Ce dialogue structuré se déroule une fois par an en marge d'un Conseil européen. Par ailleurs des réunions entre ministres compétents en matière de PESC, de justice et affaires intérieures, de marché intérieur, ou de thèmes transeuropéens (énergie, transports, science et technologie, culture et éducation) se tiennent une à deux fois par an, également en marge des conseils.

Le dialogue politique s'exerce également dans un cadre bilatéral réunissant chacun des trois Etats et les instances correspondantes de l'Union européenne. Au niveau ministériel ce dialogue se tient au sein du Conseil d'association. D'autres modalités possibles sont pévues : notamment des réunions des directeurs politiques de chacun des Etats baltes avec la présidence du Conseil de l'Union européenne et de la Commission, et la concertation au sein des organisations internationales. Le Conseil Affaires générales du 24 mars 1997 a souhaité renforcer les modalités de coopération des pays associés avec l'Union dans le cadre de ses démarches et de ses déclarations. En effet, jusqu'à présent, le bilan de cette coopération a été assez limité. En 1996, les PECO se sont associés à 30 % des déclarations et 40 % des dispositions communes de l'Union européenne mais à seulement 10 % de ses démarches et à aucune de ses actions. Progressivement, sont mises en oeuvre des améliorations aux méthodes et aux mécanismes de coopération. C'est dans ce souci notamment que la France a initié l'idée d'une "conférence européenne", réunissant tous les Etats candidats à l'adhésion ayant conclu un accord d'association et qui servirait de cadre à une concertation sur les questions de politique étrangère et de défense ou sur les affaires de justice et de sécurité intérieure.

B. LES PRÉOCCUPATIONS INTERNATIONALES DES PAYS BALTES

1. La méfiance à l'égard du voisin russe

Une fois leur indépendance acquise et soucieux de rompre avec l'héritage soviétique, les pays baltes ont refusé de s'intégrer au nouvel ensemble de la CEI, regroupant les pays dits de l'étranger proche. Le souvenir des occupations, russe puis soviétique, demeure vif, par-delà la brève période d'indépendance entre 1920 et 1940. Ce choix n'a pas été sans sacrifices puisque la Russie a décidé, en contrepartie, de jouer de leur grande dépendance énergétique, singulièrement pour la Lituanie, notamment en leur faisant payer son pétrole et son gaz naturel au prix du marché mondial. Enfin cette volonté de rupture avec l'héritage soviétique concerne, nous l'avons vu, les importantes minorités russophones d'Estonie et de Lettonie sur le sort desquelles la Russie entend exercer une attention vigilante. Demeurent enfin, quelques contentieux frontaliers entre la Lettonie et l'Estonie d'une part, et la Russie d'autre part, notamment autour des villes majoritairement habitées par des russophones (Abrene en Lettonie, Norva et Petseri en Estonie). La Lituanie reste très sensible aux conditions dans lesquelles s'opère le transit -singulièrement le transit militaire- entre Kaliningrad et la Russie à travers le territoire lituanien.

2. La nécessaire coopération entre les trois Etats baltes

Chacun des trois Etats a pris conscience de la nécessité d'une coordination de ses efforts avec les deux autres dans les différents domaines économique, diplomatique et sécuritaire. Ce souci de coopération l'emporte finalement sur les particularismes hérités de l'histoire ou imposés par la géographie : liens particuliers unissant la Pologne à la Lituanie, en dépit de la suspicion mutuelle qui a longtemps prévalu, conflits récurrents entre Lettonie et Estonie d'une part et Russie d'autre part, sur les minorités russophones, tropisme nordique de l'Estonie. Quelques différends persistent entre les Etats baltes eux-mêmes, notamment sur la délimitation de la frontière maritime entre la Lituanie et la Lettonie, liés à l'existence de ressources pétrolières "offshore".

Pour autant la coopération régionale balte est une donnée au moins sur le plan institutionnel : depuis mai 1990 a été mis en place un Conseil balte en tant que cadre de consultations diplomatiques au niveau des Chefs d'Etat ou des ministres concernés. Au niveau parlementaire existe, parallèlement à ce Conseil une Assemblée parlementaire balte, cadre de coopération entre les trois parlements. Cette Assemblée a ainsi récemment adopté, en octobre 1996, une résolution sur la coopération en matière de contrôle des frontières, de lutte contre la criminalité organisée et de coordination de la législation.

Enfin les Etats baltes perçoivent l'intérêt politique d'un Conseil des Etats riverains de la mer baltique, créé en 1992 comme forum de concertation sur toute une série de sujets : sécurité, problèmes de frontières, lutte contre la criminalité...

Sur le plan économique et commercial, les Etats baltes ont signé en 1993 un traité de libre-échange pour les marchandises manufacturées, prolongé en 1996 par un accord de même nature sur les produits agricoles.

3. La volonté d'ancrage à l'ouest

Comme les autres pays d'Europe centrale et orientale, les pays baltes ont, comme souci prioritaire, la participation aux organisations ouest-européenne et euro-atlantique. Ils y voient notamment le parachèvement logique de leur restauration en tant qu'Etats souverains.

A l'UEO , avec les autres PECO les pays baltes ont le statut " d'associés partenaires ". Ce statut leur permet de participer aux débats du Conseil de l'UEO sans pouvoir bloquer cependant une décision adoptée par consensus des Etats-membres. Ils sont régulièrement informés des activités des groupes de travail du Conseil et peuvent y participer. Enfin, il leur est possible de s'associer aux décisions prises par les Etats-membres dans le cadre de missions humanitaires ou d'évacuation de ressortissants, de missions de maintien de la paix ou de forces de combat pour la gestion de crises.

De même depuis 1994, les Etats baltes sont-ils parties, dans le cadre de l'OTAN , au partenariat pour la paix, qui les associe à des programmes militaires concrets et individualisés pour la préparation d'opérations de maintien de la paix ainsi qu'au Conseil de partenariat euro-atlantique créé en 1997 et destiné à donner une dimension plus politique au partenariat pour la paix. Le récent Sommet de Madrid n'a pas retenu les pays baltes parmi les pays appelés à faire partie de la première vague d'adhésion à l'Alliance Atlantique. En l'occurrence, une telle inscription aurait conduit la Russie -déjà plus que réticente à toute idée d'élargissement de l'Alliance- à provoquer une crise politique majeure avec les alliés. La mention de l'importance de la zone baltique pour la sécurité du continent n'a pas véritablement compensé, pour les pays baltes, leur maintien en lisière de l'Alliance atlantique. Dans ce contexte, l'idée, proposée par la France, d'établir entre l'OTAN et les pays baltes une " relation spéciale ", sous la forme d'une charte, devrait être approfondie.

Enfin, s'agissant de l'adhésion des trois pays baltes à l'Union européenne , la Commission dans son avis du 16 juillet 1997, n'a retenu que l'Estonie comme le seul des pays baltes réunissant les critères requis. Rappelons que le Conseil européen de Copenhague avait, en 1993, établi les critères objectifs suivants pour guider la commission. Les PECOS candidats devaient ainsi :

- disposer d'institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection. Sur ce dernier point la commission a estimé que la Lettonie et l'Estonie devaient accélérer le rythme des naturalisations des " non-citoyens " russophones afin de mieux les intégrer dans la société estonienne et lettone

- avoir une économie de marché viable et être en mesure d'affronter la concurrence des pays de l'Union. La commission a constaté que si l'Estonie répondait à ce critère économique, il n'en allait pas de même notamment pour la Lituanie et la Lettonie qui, bien qu'ayant réalisé des progrès considérables, n'étaient pas suffisants pour être déjà concurrentiels sur le marché communautaire

- être enfin en mesure de reprendre l'acquis communautaire et avoir mis en place une structure administrative et juridictionnelle permettant de l'appliquer. Sur ce point, la commission a constaté que si les trois Etats baltes avaient effectué les transpositions nécessaires en ce qui concerne le marché unique, des efforts complémentaires, surtout pour la Lituanie et la Lettonie, restaient à consentir en matière d'investissements dans les secteurs de l'environnement, de l'agriculture, de l'énergie et des transports.

Quelle que soit la validité des appréciations portées, objectivement, par la Commission sur la façon dont les trois pays baltes remplissent les critères posés, il reste que le choix d'accueillir dans l'Union un seul des trois Etats baltes, prête à débat. S'il semble acquis que l'Estonie a, sur le plan économique, une certaine avance sur ses deux partenaires, le critère " politique " concernant les questions du traitement des minorités russophones place l'Estonie et la Lettonie sur le même plan. Surtout, comment ces trois pays, qui ont commencé à réaliser entre eux une zone de libre-échange, pourront-ils la faire fonctionner de façon cohérente si l'un d'entre eux participe à une structure d'intégration économique et commerciale plus poussée et dont les deux autres sont pour l'heure exclus ? Les investissements extérieurs ne risqueraient-ils pas de ne plus privilégier que l'Estonie aux dépens des deux autres ? Ces questions préoccupent légitimement nos partenaires lituaniens et lettons.

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