II. LES ACCORDS D'ASSOCIATION UNION-PAYS BALTES : PASSAGE OBLIGÉ VERS L'ADHÉSION

A. L'ÉTABLISSEMENT PROGRESSIF D'UNE ZONE DE LIBRE-ÉCHANGE

1. Les produits industriels : une libéralisation diversifiée selon chacun des trois pays

Si la Communauté a aboli tous droits de douane et restrictions quantitatives à l'importation pour les produits originaires des trois pays baltes, depuis le ler janvier 1995, la réciproque ne vaut que pour l'Estonie qui, dès la même date, a procédé à un désarmement commercial identique. En revanche, la Lettonie et la Lituanie bénéficient d'un délai pendant chacune des périodes transitoires pour certains produits limitativement énumérés comme, par exemple, les chaussures, les cires, certains meubles et certains appareils électriques. Ce délai est supérieur de deux ans pour la Lituanie (6 ans, soit jusqu'au ler janvier 2001) par rapport à la Lettonie (4 ans, soit jusqu'au 1er janvier 1999).

De même, si les restrictions quantitatives à l'exportation sont supprimées de part et d'autre depuis le ler janvier 1995, des droits de douane à l'exportation vers l'Union européenne pratiqués par la Lituanie et la Lettonie sont maintenus jusqu'à la fin de chacune des périodes transitoires pour certaines catégories de produits comme les peaux ou certains bois.

2. Le cas particulier des produits textiles

Les trois traités prévoient un régime particulier différencié pour les produits textiles. Pour la Lituanie et la Lettonie, un certain nombre de produits, originaires de ces pays, limitativement énumérés, ne bénéficient que d'une suspension des droits de douane à l'importation dans le cadre de plafonds tarifaires annuels. Si l'Estonie n'est pas concernée par cette disposition, elle est partie à un protocole spécifique textile qui prévoit un mécanisme de surveillance communautaire à l'importation dans l'Union européenne des produits textiles limitativement énumérés, pouvant aboutir, dans certains cas, à l'introduction par la Communauté, de limites quantitatives.

Ces protocoles textiles ont pour objet de prendre en compte "les graves problèmes économiques et sociaux que connaît actuellement l'industrie textile des pays importateurs et exportateurs et, en particulier, à éliminer les risques réels de perturbation du marché communautaire et du commerce des produits textiles... de la Lituanie et de la Lettonie 2( * ) .

3. Les concessions agricoles

La négociation sur le volet des produits agricoles et de la pêche, a été l'occasion pour la France (produits de la pêche) et l'Allemagne (pommes de terre) de faire valoir des positions défensives particulières.

Les parties, Communauté d'une part, Lituanie, Lettonie et Estonie, d'autre part, ont supprimé, à compter du ler janvier 1995 les restrictions quantitatives à l'importation de produits agricoles originaires de l'autre partie.

Toutefois, si la Lituanie et la Lettonie, d'une part, et la Communauté, d'autre part, se sont accordées "sur une base harmonieuse et réciproque" des concessions tarifaires, tel n'est pas le cas de l'Estonie qui n'a pas proposé de concessions tarifaires.

A l'égard de la Lituanie, de la Lettonie et de l'Estonie, la Communauté maintient des droits spécifiques ou des limites quantitatives à droit constant dont certaines augmentent chaque année à l'égard de certains produits notamment la viande, les produits laitiers, certains fruits...

De leur côté; la Lettonie et la Lituanie exonèrent de droits ou taxes d'effets équivalent les produits agricoles en provenance de la Communauté à l'exception de certains produits limitativement énumérés pour lesquels soit des droits sont maintenus en évoluant chaque année à la baisse sur 6 ans, soit des limites quantitatives sont fixées, augmentant chaque année sur une même période de 6 ans.

Enfin les trois accords comportent une clause de sauvegarde prévoyant qu'en cas de perturbation grave des marchés de l'une des parties, l'autre, dans l'attente de négociations, peut prendre les mesures de protection appropriées.

Après l'élargissement de l'Union européenne à la Suède, à la Finlande et à l'Autriche et en conséquence de l'adoption en décembre 1994 du volet agricole de l'Uruguay Round, des accords de libre-échange ont dû être adaptés afin de rééquilibrer les conditions accordées aux pays baltes par rapport à celles dont bénéficient les autres pays associés. Négociées pendant l'année 1996, elles feront l'objet d'un protocole additionnel d'adaptation modifiant les accords originels. Ainsi a-t-il été prévu pendant cinq ans, d'augmenter de 5 % par an tous les contingents, à l'exception de certains produits (bovins vivants). L'Estonie s'est vu accorder des quantités supplémentaires (1 500 tonnes de lait en poudre, 700 tonnes de beurre et, après d'âpres négociations, 800 tonnes de pommes de terre). De même pour la Lettonie (150 tonnes supplémentaires de choux blancs ou rouges).

4. Des procédures protectrices

Si les trois accords d'association proscrivent, de façon générale, l'introduction par chacune des parties de nouveaux droits de douane ou de nouvelles restrictions quantitatives à l'importation ou à l'exportation, ils prévoient néanmoins un dispositif exceptionnel de protection dans certains cas.

Ainsi, chaque Etat associé pourra recourir à la majoration de ses droits de douane pour protéger ses industries naissantes, ses secteurs en restructuration ou qui sont confrontés à de graves difficultés. Des limites sont posées à ce recours : la valeur totale des importations concernées par ces mesures ne pourra dépasser 15 % des importations totales de produits communautaires et la mise en oeuvre de ces protections ne peut excéder trois années.

De même, chacune des parties -Communauté ou pays associé- peut prendre des mesures de sauvegarde lorsque l'augmentation des importations d'un produit donné est susceptible de provoquer :

- un préjudice grave aux producteurs nationaux de produits similaires,

- de graves perturbations dans un secteur économique ou une région de la Partie importatrice.

Ces types de mesures de protection sont décidées dans le cadre du conseil d'association qui reçoit les notifications et les éléments d'information nécessaires.

B. VERS UN ESPACE ÉCONOMIQUE HOMOGÈNE ENTRE LES TROIS ETATS ASSOCIÉS ET LA COMMUNAUTÉ

1. Circulation des travailleurs

Les accords posent, tous trois, le principe de non discrimination dans les Etats membres de la Communauté à l'égard des travailleurs lettons, lituaniens ou estoniens du fait de leur nationalité, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération ou de licenciement, par rapport aux ressortissants dudit Etat Membre. De même, le conjoint et les enfants du travailleur originaire de chacun des trois Etats baltes ont accès au marché de l'emploi d'un Etat membre pendant la durée de son séjour professionnel autorisé.

Les pays associés devront accorder la réciprocité de ce traitement à l'égard des travailleurs d'un Etat de la Communauté, "sous réserve des conditions et modalités applicables dans chacun des trois pays.

Comme dans le cadre des autres accords européens, les trois présents textes amorcent une coordination des régimes de sécurité sociale. Ainsi prévoient-ils la prise en compte, dans chacun des trois Etats des droits sociaux et annuités en vue du calcul de la retraite et des droits à pension acquis par un travailleur letton, lituanien ou estonien lors de son séjour dans l'un quelconque des Etats membres. L'accord prévoit enfin le libre transfert des pensions de retraite ou d'invalidité, sauf pour les prestations non-contributives.

C'est au conseil d'association qu'il revient d'appliquer ces principes en respectant les droits et obligations nés d'accords bilatéraux liant chacun des trois Etats baltes aux Etats membres, et prévoyant des traitements plus favorables.

2. Droit d'établissement

Dès l'entrée en vigueur de l'accord, la Communauté et ses Etats membres octroient le traitement national pour l'établissement, dans les Etats membres des sociétés des pays baltes et pour l'activité des sociétés et filiales baltes établies dans les Etats membres. Si l'accord conclu avec l'Estonie ne comporte à cet égard aucune exception ou période transitoire dans la mise en oeuvre du traitement national, il en va différemment pour les deux autres Etats. La Lettonie pourra jusqu'au 31 décembre 1999, déroger au traitement national pour les secteurs suivants : fabrication d'armements, activités de jeux et paris, opérations immobilières, propriété d'infrastructures portuaires. Pendant cette même période, la Lituanie pourra exclure les secteurs postes et télécommunications, la fabrication de vodka et liqueurs, la recherche de gisements minéraux, les postes. De plus, la Lituanie bénéficiera d'une dérogation permanente dans trois domaines : l'acquisition de terrains et de ressources naturelles et l'organisation de jeux et de paris.

Enfin, les services de transport aériens, de navigation intérieure et de cabotage maritime sont exclus des dispositions de l'accord relatives au droit d'établissement.

Les conditions d'emploi de ressortissants communautaires ou baltes, respectivement dans l'un des pays baltes ou sur le territoire d'un Etat-membre sont précisément définies. Le personnel concerné doit relever de l'une des trois catégories suivantes appartenant au "personnel-clé" de l'entreprise, cadres supérieurs, personnel ayant une qualification spécifique ou personnel transféré temporairement.

Chacun des Etats baltes a la possibilité de déroger au cours de la période transitoire aux dispositions relatives à l'établissement de sociétés ou à l'activité de filiales européennes pour ses industries en cours de restructuration ou, celles qui sont confrontées à des difficultés ayant des conséquences sociales, celles qui sont confrontées à de brutales réductions de parts de marché. Les mesures prises doivent être "raisonnables et nécessaires" et ne pas introduire de discriminations à l'égard des sociétés communautaires déjà établies.

3. Une libéralisation progressive des prestations de services

L'Union, d'une part, les Etats baltes, d'autre part, s'engagent à libérer progressivement les activités de prestations de services. Au plus tard en 2003 -8 ans après l'entrée en vigueur de l'accord-, le Conseil d'association prendra les mesures nécessaires à cette libéralisation. Les accords prévoient, dans la logique des résultats du GATS, une ouverture progressive pour les prestations de services de sociétés non établies sur le territoire de l'autre partie contractante.

Le transport maritime international fait l'objet de dispositions spécifiques : principe d'accès au marché et au trafic sans limitation et sur une base commerciale ; proscription du partage des cargaisons.

S'agissant des transports aériens et terrestres, des accords seront à conclure entre l'Union et les pays baltes, ces derniers mettant à profit la période transitoire pour réaliser le rapprochement de leurs législations dans ce domaine des dispositions communautaires.

4. La circulation des capitaux

Les parties s'engagent à autoriser tous paiements liés à la balance des opérations commerciales dans une monnaie librement convertible, caractéristique que réussissent déjà les monnaies des trois Etats baltes. Les mouvements de capitaux liés notamment aux investissements d'une partie vers une autre sont libérés, de même que sont autorisés la liquidation ou le rapatriement des investissements et des bénéfices qu'ils génèrent.

Toutefois, en ce qui concerne la Lituanie et pour les investissements liés à l'établissement de ressortissants communautaires exerçant comme indépendants dans ce pays, la libre circulation complète des capitaux n'est assurée qu'à la fin de la période de transition.

Enfin, les parties s'engagent également à assurer la libre circulation des capitaux concernant les investissements en portefeuille.

C. LE RAPPROCHEMENT DES STRUCTURES ÉCONOMIQUES ET JURIDIQUES ET DES COOPÉRATIONS GÉNÉRALISÉES

1. La coopération économique

Une ambitieuse volonté de coopération économique est affichée, destinée à contribuer au développement et à la croissance des trois pays baltes associés. Une trentaine de domaines de coopération sont identifiés dans les accords, certains d'entre eux étant mis en exergue : l'industrie, les investissements, l'agriculture, l'agro-industrie, l'énergie, les transports, le développement régional et le tourisme.

La coopération industrielle se fixe notamment pour objectif de renforcer le secteur privé, de restructurer et de moderniser l'outil industriel. Les investissements devront bénéficier d'un environnement favorable grâce à un cadre juridique approprié, afin d'aider à la poursuite du processus de déréglementation et à l'amélioration de l'infrastructure économique.

Dans le domaine de la science et de la technologie, il est prévu des échanges d'information, des activités conjointes de recherche et de développement. Une place importante sera réservée à cette coopération dans le cadre du programme-cadre de la Communauté.

Pour l'éducation et la formation, la Communauté coopérera avec les pays baltes, notamment pour réformer son système éducatif, assurer la formation initiale, la formation continue et en cours de carrière. Il conviendra également de promouvoir la reconnaissance mutuelle des périodes d'études et de diplômes. Enfin, des cadres spécifiques existants seront confortés -comme le programme Tempus, la Fondation européenne pour la formation et l'Eurofaculty.

Dans le domaine de l'agriculture et du secteur agro-industriel en général, la coopération visera une modernisation de la productivité par une amélioration des circuits de distribution privés et des techniques de stockage ainsi que diverses actions d'aménagement du territoire.

Dans le secteur de l'énergie, l'objectif est d'aboutir, sur les bases de l'éonomie libérale, à l'intégration progressive des marchés baltes. Des dispositions spécifiques concernent le domaine nucléaire, en particulier pour les questions de sûreté et communautaires.

Par-delà ces domaines majeurs, beaucoup d'autres entreront dans le champ d'application de la coopération entre chaque pays balte d'une part, et la Communauté d'autre part : ainsi des transports, des télécommunications, de l'environnement, du développement régional et du tourisme, du développement des petites et moyennes entreprises, de l'adaptation des secteurs bancaires ou de l'assurance. Coopération qui s'étendra enfin jusqu'aux moyens de lutter contre le blanchiment de l'argent ou contre la drogue.

2. La coopération financière

Les accords formalisent les modalités d'une assistance financière qui est déjà engagée depuis plusieurs années. Les textes rappellent les formes de l'assistance financière communautaire : dons et prêts, notamment, pour ces derniers, en provenance de la BEI, ainsi que l'aide fournie dans le cadre du programme PHARE.

En outre, la Communauté, dans le cadre du G 24 (OCDE), peut être amenée à intervenir pour maintenir la convertibilité des monnaies des pays associés ou pour aider à l'équilibre des balances des paiements.

Le tableau ci-après récapitule l'assistance financière reçue par ces divers canaux au 31 décembre 1996.

Lituanie

Estonie

Lettonie

Prêts Banque Mondiale

270 M$

(102 décaissés)

126 M$

(64 décaissés)

210 M$

(76 décaissés)

Prêts BERD

178 M écus

(64 décaissés)

149 M écus

(94 décaissés)

170 M écus

(69 décaissés)

Crédits cumulés 1991-1996

177 M écus

96,6 M écus

127 M écus

PHARE 1997

38 M écus

10 M écus

27 M écus

Prêts BEI

101 M écus

68 M écus

31 M écus

Union européenne

aide-balance des paiements
100 M écus

(50 déboursés)
40 M écus

(20 utilisés)
80 M écus

(40 décaissés)

On notera, s'agissant des crédits PHARE, la modicité du taux des engagements par rapport à la contractualisation pour les pays baltes et la lenteur des déboursements par rapport à ces mêmes engagements, comme le démontre le tableau ci-après :

Pays

Contractualisation/Engagements

Paiements/Engagements

Lituanie

59,1 %

34,5 %

Lettonie

62,7 %

33,8 %

Estonie

64,3 %

33,2 %

Moyenne pays PHARE

67 %

56,1 %

Pour les années à venir, la dotation PHARE pour la Lituanie s'élèvera à 152 millions d'écus, à 108 millions d'écus pour la Lettonie, et 84 millions d'écus pour l'Estonie.

Dans le cadre d'une stratégie de préadhésion , la commission pourrait réorienter PHARE sur la base suivante : 30 % consacrés au renforcement des administrations, 70 % aux investissements, notamment en infrastructures. Pour la commission, cette stratégie de "partenariat pour l'adhésion", engagée avec chacun des pays candidats comporterait trois volets : l'adoption progressive de l'acquis communautaire, la familiarisation avec les programmes et méthodes communautaires, enfin, à partir de 2000, des aides financières de pré-adhésion.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page