Rapport n° 430 - Création d'un office européen de police et l'interprétation par la Cour de Justice des Communautés européennes d'un office européen de police


M. Nicolas ABOUT, Sénateur


Commision des Affaires etrangères, de la Défense et des forces armées - Rapport n° 430 1996/1997

Table des matières






N° 430

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 septembre 1997

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur :

- le projet de loi autorisant la ratification de la convention sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne portant création d'un Office européen de police ( ensemble une annexe et quatre déclarations ),

- le projet de loi autorisant la ratification du protocole établi sur la base de l'article K. 3 du traité sur l'Union européenne concernant l' interprétation , à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes , de la convention portant création d'un office européen de police ,

Par M. Nicolas ABOUT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart,  Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre,
MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, Michel Rocard, André Rouvière, André Vallet.

Voir les numéros :

Sénat : 363 et 364 (1996-1997).

Traités et conventions.

Mesdames, Messieurs,

Un constat, aujourd'hui, s'impose : la criminalité a su tirer le meilleur parti des grandes évolutions du monde moderne. Elle a connu en effet trois mutations décisives : la mise en place de réseaux internationaux dont l'organisation donne moins de prise à la répression, l'interdépendance entre petite, moyenne ou grande criminalité -la fourniture de faux documents administratifs peut constituer le point d'appui d'entreprises criminelles de grande envergure-, la part accrue dévolue aux technologies de pointe qui représentent à la fois de nouveaux champ d'activités (trafics biologiques et nucléaires) et des moyens d'intervention plus efficaces (l'utilisation de réseaux de communication comme Internet favorise l'anonymat des échanges).

Certaines formes de criminalité ont ainsi pris une ampleur jusqu'alors inconnue. C'est notamment le cas du trafic de stupéfiants.

Si la criminalité internationale a pu changer d'échelle et obéit ainsi à la logique de " mondialisation ", l'organisation de la répression n'a pas, quant à elle, fait la preuve d'un sens de l'adaptation comparable.

Certes, les gouvernants ont pris conscience de la nécessité d'une coopération internationale, difficile, cependant, à mettre en oeuvre dans une sphère qui touche aux pouvoirs régaliens des Etats. Les efforts poursuivis par l'Union européenne dans ce domaine traduisent à la fois une volonté de mobilisation mais aussi la difficulté de s'entendre sur une démarche commune.

Ainsi la coopération policière, longtemps considérée comme un instrument au service de la liberté de circulation, est devenue, à la faveur du traité de Maastricht, un objectif à part entière de l'Union européenne. Le projet de traité d'Amsterdam a d'ailleurs confirmé cette évolution. En revanche, la mise en place d'une structure de coopération effective avec la création d'un Office européen de police résulte d'un compromis complexe obtenu au prix de plusieurs années de négociations.

La constitution en 1976, à Rome, du groupe Trévi (référence aux quatre thèmes inscrits à l'ordre du jour de cette réunion -terrorisme, radicalisme, extrémisme et violence internationale), destiné à coordonner la lutte contre la criminalité et le terrorisme, marque sans doute le point de départ de ce long processus. Toutefois, la coopération policière continua à marquer le pas. En octobre 1988, le chancelier Helmut Kohl proposait la création d'une " sorte de police fédérale européenne " sur le modèle du FBI (Federal Bureau of investigation) américain. Dès lors s'opposent deux conceptions au sein de l'Union européenne. D'une part, l'Allemagne, soutenue notamment par les Pays-Bas, souhaite doter Europol de compétences opérationnelles et lui conférer une certaine indépendance tout en l'intégrant au cadre institutionnel communautaire.

Une autre position défendue en particulier par la France et le Royaume-Uni plaidait pour une logique intergouvernementale.

Le Conseil européen des 28 et 29 juin à Luxembourg reprend la proposition allemande " d'une mise en place d'un office central européen de police criminelle compétent en matière de lutte contre le trafic international et le crime organisé ".

Le traité de Maastricht consacre en 1992 le principe d'un office européen de police, mais inscrit sa reconnaissance dans le cadre de la coopération intergouvernementale prévue au titre VI (le troisième pilier -coopération en matière de justice et d'affaires intérieures).

En 1993, un accord ministériel signé à Copenhague permet la mise en place de l'Unité " drogue " Europol (UDE), élément précurseur d'Europol sous la forme d'un système d'échange d'informations spécialisé dans le trafic de stupéfiants et le blanchiment d'argent. Les divergences de vues ne permettent cependant pas de conclure la convention sur Europol à l'échéance prévue, le Conseil européen d'Essen en décembre 1994.

Les Etats-membres finissent par se rallier lors du sommet de Cannes (juin 1995) au texte de compromis élaboré sous les auspices de la présidence française et signent la convention Europol le 26 juillet 1995. Toutefois, le Conseil européen devait renvoyer la question, non résolue, de la compétence de la Cour de justice pour l'interprétation de la convention Europol à un protocole séparé. Les négociations sur ce sujet retardèrent encore l'ouverture de la procédure de ratification de la convention Europol et n'aboutirent que le 28 juillet 1996.

C'est ainsi qu'aujourd'hui le Sénat est saisi de deux textes :

- le projet de loi autorisant la ratification de la convention sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne portant création d'un Office européen de police ;

- le projet de loi autorisant la ratification du protocole concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Cour de justice des Communautés européennes, de la convention portant création d'un Office européen de police.

Au terme de difficiles négociations, le résultat apparaît modeste : il décevra les partisans d'une structure ambitieuse et dotée de compétences opérationnelles. Il pourra rassurer ceux qui craignaient le risque d'une dérive supranationale.

L'organisation comme le fonctionnement d'Europol demeurent en effet encadrés par les principes d'une coopération intergouvernementale. Il restera toutefois à cette nouvelle structure à affermir son identité et se montrer plus efficace que les organismes qui l'ont précédée.

*

* *

I. EUROPOL : UN ORGANISME RÉGI PAR LES PRINCIPES D'UNE COOPÉRATION INTERGOUVERNEMENTALE

Europol ne sera pas un " FBI " à l'échelle européenne : l'organisation, principalement destinée à favoriser l'échange d'informations entre Etats-membres, demeure soumise aux règles de la coopération intergouvernementale, même si elle prend place au sein du système institutionnel européen. En outre, la compétence de la Cour de justice des Communautés européennes à l'égard d'Europol apparaît étroitement bornée.

A. UNE INSTITUTION DÉPOURVUE DE COMPÉTENCES OPÉRATIONNELLES

Si les domaines visés par la coopération policière, dans le cadre du traité couvrent un très large spectre, les instruments de cette coopération reposent essentiellement sur l'échange d'informations.

1. Un objectif essentiel : favoriser l'échange d'informations

Si dans son principe la compétence d'Europol apparaît très étendue, la mise en oeuvre des attributions de l'organisation demeure précisément délimitée.

a) Un champ d'intervention délimité

En effet, trois conditions sont requises pour faire entrer une infraction dans le champ de compétence d'Europol. Il faut d'abord que l'infraction soit le fait d'une organisation criminelle. Il faut enfin que l'activité de cette organisation se déploie dans deux pays au moins . Il importe enfin que l'infraction relève de l'une des grandes formes de criminalité définie par la convention.

La convention retient d'abord cinq grandes formes de criminalité :

- le trafic illicite de stupéfiants,

- le trafic illicite de matières nucléaires et radioactives,

- les filières d'immigration clandestine,

- la traite des êtres humains,

- le trafic des véhicules volés.

En outre, Europol traitera, deux ans au plus tard après l'entrée en vigueur de la convention, des infractions commises ou susceptibles d'être commises dans le cadre d'activités de terrorisme portant atteinte à la vie, à l'intégrité physique, à la liberté des personnes ainsi qu'aux biens" (art. 2, par. 2). Pourquoi un délai maximal de deux ans a-t-il été fixé pour les seules questions liées au terrorisme ? En fait lors de la négociation sur ce sujet, les divergences se sont cristallisées sur la définition du concept à retenir, mais aussi sur la place et le rôle des services de renseignement par définition exclus d'Europol.

En outre, l'Espagne exigeait une intégration immédiate du terrorisme dans le champ des compétences tandis que le Royaume-Uni ne l'envisageait qu'après un délai de quatre ou cinq ans après la mise en vigueur de la convention.

Lors d'un conseil informel tenu à Paris le 26 janvier 1995, la présidence française a permis de parvenir à un compromis : le terrorisme a été défini sous son seul aspect criminel (à l'exclusion de sa dimension politique et de l'aspect renseignement), et intégré parmi les objectifs d'Europol, au plus tard dans un délai de deux ans après l'entrée en vigueur de la convention ou, sur décision du Conseil, de façon anticipée. Ce mécanisme de mise en vigueur avant l'expiration du délai ayant été proposé par le Royaume-Uni lui-même.

Par ailleurs, le Conseil européen statuant à l'unanimité peut décider de confier à Europol trois autres catégories d'infractions prévues dans une liste annexée à la convention et liées d'une part à l'atteinte à la vie, à l'intégrité physique et à la liberté, d'autre part aux atteintes au patrimoine, aux biens publics et fraude, enfin au commerce illégal et atteinte à l'environnement.

Enfin, l'action d'Europol couvre non seulement les formes de criminalité précédemment évoquées mais aussi le blanchiment de l'argent et toutes les infractions qui leur sont liées.

b) Une mission centrée sur l'échange d'informations

Ainsi entendu le champ d'intervention Europol apparaît très étendu. Cependant les compétences qui lui sont reconnues restent limitées et reposent essentiellement sur l'échange d'informations .

D'abord, il convient d'observer qu'Europol a pour objectif d'" améliorer " l'efficacité des services compétents des Etats signataires de la convention dans le domaine de la prévention et de lutte contre les grandes formes de criminalité internationale (art. 2, par. 1). Elle n'a donc pas vocation à se substituer à ces services.

Europol apparaît en fait principalement une agence d'informations. Aux termes de l'article 3, en effet, elle se voit assigner cinq fonctions principales : favoriser l'échange d'informations entre pays membres, procéder à l'analyse de ces informations, communiquer sans délai aux services compétents les informations qui les concernent, faciliter les enquêtes dans les différents Etats membres en transmettant les informations utiles, gérer, enfin, des recueils d'information automatisés.

Certes, l'organisation est également dotée d'une mission générale d'assistance et de formation. Europol pourrait-elle par ce biais s'affranchir du cadre fixé par la convention et exercer une influence déterminante sur les polices des différents Etats membres ? Cette perspective n'est pas la plus probable, car la fonction de conseil apparaît en fait d'une part strictement conditionnée par les effectifs et les moyens budgétaires dont dispose Europol et d'autre part, comme l'a ajouté la version définitive de la Convention par rapport à l'avant projet, encadrée par les " limites fixées par le conseil d'administration" .

Europol ne dispose pas ainsi de compétences opérationnelles. Les pouvoirs d'enquête demeurent de la stricte compétence des services des Etats membres et s'exercent sous leur responsabilité conformément aux règles procédurales en vigueur dans ces Etats. Europol s'inscrit dans le cadre d'une coopération intergouvernementale et non d'un système supranational, envisagé, voire réclamé par certains.

2. Une activité soumise aux principes d'une organisation intergouvernementale

Les règles d'organisation d'Europol répondent également aux principes d'une coopération intergouvernementale : présence de représentants nationaux -"officiers de liaison"- associés au fonctionnement d'Europol, contrôle politique assuré à un double niveau (le Conseil de l'Union européenne et le Conseil d'administration d'Europol, et, enfin, un mode de décision où l'unanimité est requise pour les questions les plus importantes.

a) La composition

Dans sa composition, Europol ne s'apparente ni à une simple instance de concertation ni à une organisation supranationale. Certes il dispose de ses propres agents placés sous l'autorité d'un directeur. Le personnel d'Europol, conformément aux règles du droit international, doit s'acquitter de ses fonctions "sans solliciter ni accepter d'instructions d'aucun gouvernement, autorité, organisation ou personne extérieure à Europol" (art. 30). Les dispositions relatives aux modalités de recrutement, salaires, pensions, impôts figurent dans le statut du personnel adopté par le Conseil européen lors de sa session du 27-28 mai 1997. Ce statut, s'il définit la nature des postes à pourvoir, ne détermine cependant pas un nombre précis d'agents à recruter. Le recrutement s'effectuera sous les auspices d'une "commission de sélection" instituée par le directeur d'Europol et chargée de conseiller celui-ci sur l'aptitude des candidats à remplir les fonctions visées et de les classer par ordre de mérite. Aux termes de l'article 30, le choix doit également tenir compte de "la nécessité de garantir une prise en considération adéquate des ressortissants de tous les Etats membres et des langues officielles de l'Union européenne".

Aux côtés des agents d'Europol, les officiers de liaison représentent leurs Etats respectifs. Le nombre d'officiers de liaison que chaque Etat peut envoyer auprès de l'organisation est fixé par une décision adoptée à l'unanimité par le conseil d'administration d'Europol. Le tableau suivant présente la répartition actuelle des officiers de liaison par pays au sein de l'Unité " drogue " Europol.

Belgique

2

Irlande

1

France

5

Autriche

2

Luxembourg

1

Allemagne

6

Danemark

2

Portugal

1

Grèce

2

Finlande

2

Pays-Bas

4

Italie

3

Suède

2

Espagne

3

Royaume-Uni

2

Les officiers de liaison sont désignés par les "unités nationales" qui dans chaque Etat membre constituent le correspondant d'Europol à la manière du Bureau Central National (BCN) pour Interpol. Même si les unités nationales ont une vocation interministérielle, aucune disposition commune ne régit leur structure compte tenu des différences d'organisation entre les Etats membres. Ainsi, en France, l'unité nationale Europol (UNE) associe la police, la gendarmerie et la douane. Elle est implantée à la Direction centrale de la Police nationale. Les unités nationales ont pour principales fonctions de fournir à Europol les informations nécessaires et de diffuser, "dans le respect du droit national", auprès des services nationaux compétents, les renseignements transmis par Europol.

b) Les modalités de contrôle

L'organisation est placée sous le double contrôle du conseil administratif et du Conseil de l'Union européenne. Il revient à cette dernière instance de prendre les décisions les plus importantes : nomination du directeur d'Europol, règlement financier et budget de l'organisation, statut du personnel de l'agence, définition des règles générales pour la transmission par Europol des données à caractère personnel aux Etats ou instances tiers, réglementation pertinente en matière de protection du secret, règles d'application sur les fichiers.

Sur tous ces points, l'unanimité est requise .

Le conseil d'administration où chaque Etat membre dispose d'un représentant et d'une voix se réunit au moins deux fois par an. Il dispose d'un pouvoir de décision (droits et obligations des officiers de liaison à l'égard d'Europol, nombre des officiers de liaison que peuvent envoyer chaque Etat, modalités relatives à l'aménagement du système d'index, plan financier quinquennal, règles d'habilitation des agents d'Europol). En outre, il procède à la nomination du contrôleur financier. A l'exception de quelques décisions (notamment l'approbation des instructions de création de fichiers qui suppose vote à la majorité des deux tiers), le conseil d'administration se prononce à l'unanimité même si l'abstention ne peut faire obstacle à l'adoption d'une décision selon cette procédure.

Outre son pouvoir de nomination et de décision, le conseil d'administration prépare l'ensemble des grandes décisions qu'il revient au conseil de trancher (élargissement de l'objectif d'Europol, règles d'application relatives au budget, nomination et révocation du directeur et des directeurs adjoints, adoption du statut du personnel, établissement du budget, règlement financier).

La convention prévoit enfin une information du Parlement européen sous la forme d'un rapport annuel consacré aux travaux menés par Europol (art. 34). Vis-à-vis du Parlement européen, la présidence du Conseil reste toutefois sur ce sujet tenue aux obligations de réserve et de protection du secret. Par ailleurs, cette obligation d'information ne doit pas porter préjudice aux droits des parlements nationaux.

B. LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES : UN RÔLE LIMITÉ

Le rôle de la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) vis-à-vis d'Europol a constitué une pomme de discorde entre les Etats membres de l'Union européenne. Cette question, on le sait, a retardé la signature de la convention Europol et justifié la négociation d'un texte séparé sur la compétence de la Cour de justice.

1. Une compétence bornée dans son principe

La compétence de la Cour de justice a été étroitement bornée. En effet, la CJCE n'intervient guère dans les contentieux liés à la responsabilité d'Europol, et seulement de façon indirecte pour les différends entre Etats.

a) Les différends entre Etats

L'article 40 de la convention organise le règlement des différends entre les Etats membres en deux étapes :

- le différend doit être examiné en premier lieu au sein du Conseil selon la procédure prévue au titre VI du traité sur l'Union européenne ;

- en second lieu, si une solution n'a pu être trouvée dans un délai de six mois, les Etats membres parties au différend s'accordent sur les modalités selon lesquelles le contentieux pourra être réglé.

A ce titre, les Etats-membres, à l'exception du Royaume-Uni, ont décidé d'un commun accord de faire appel à la CJCE.

b) La responsabilité d'Europol

Les procédures prévues pour la mise en cause de la responsabilité d'Europol apparaissent encore plus significatives du souci de limiter les attributions de la CJCE.

En effet, en général, un organisme subsidiaire institué par le Conseil doit réparer les dommages causés par lui ou par ses agents et les textes constitutifs retiennent à ce sujet la compétence de la Cour de justice.

Or la convention Europol prévoit un dispositif spécifique fondé sur les principes suivants :

- tout Etat membre est responsable, conformément à son droit national, de tout dommage causé à une personne dans lequel interviennent des données entachées d'erreurs stockées ou traitées à Europol ;

- Si ces erreurs incombent à un autre Etat-membre ou à Europol du fait d'une transmission fautive ou d'un manquement aux obligations fixées par la convention, il appartient à cet Etat ou à Europol de procéder à un remboursement à titre d'indemnisation ;

- tout désaccord entre Etats-membres ou entre Etat-membre et Europol sur le principe ou le montant de ce remboursement doit être soumis au Conseil d'administration qui statue à la majorité des deux-tiers ;

- les dommages causés par Europol du fait de ses agents dans l'exercice de leurs fonctions relèvent des juridictions nationales, sur la base de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 relative à la compétence judiciaire et à l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

2. Un rôle reconnu pour l'interprétation à titre préjudiciel de la convention

Le recours à titre préjudiciel permet à une juridiction nationale, avant de se prononcer sur un litige d'ordre privé pouvant opposer en l'espèce un ressortissant de l'Union européenne à Europol, de consulter la Cour de justice sur l'interprétation de la convention. Cette faculté permet d'assurer une application uniforme du droit communautaire et la formation d'une jurisprudence cohérente. Toutefois cette possibilité a été contestée par certains Etats-membres. A la suite de discussions difficiles, la solution de compromis négocié permet de tenir compte des spécificités de chaque Etat-membre.

a) Un compromis difficile

La solution de compromis a dû tenir compte de deux positions contradictoires. D'un côté, un groupe de pays (notamment les Pays-Bas et l'Italie) soucieux d'obtenir une interprétation uniforme du droit communautaire estimait indispensable une interprétation de la CJCE pour statuer à titre préjudiciel sur l'interprétation de la convention. Certains souhaitaient même que cette faculté soit offerte à l'ensemble des juridictions nationales et non aux seules juridictions suprêmes. De l'autre côté, le Royaume-Uni s'opposait fermement à l'attribution d'une compétence à la Cour de justice pour un texte concernant principalement les polices nationales et dont l'interprétation, en conséquence, devait revenir aux seuls tribunaux nationaux en application du seul droit national.

La présidence espagnole a dû proposer successivement différentes solutions de compromis :

- en septembre 1995, la proposition d'un recours à titre préjudiciel facultatif et réservé aux plus hautes juridictions de chaque Etat-membre paraissait encore excessif pour le Royaume-Uni et insuffisant pour ses contradicteurs ;

- en novembre 1995, la proposition d'un protocole " à la carte " permettait à quatorze Etats-membres d'opter pour un renvoi de questions préjudicielles par les juridictions suprêmes (formule A) ou par toute juridiction (formule B). Une majorité d'Etats s'est ralliée à cette formule récusée par le Royaume-Uni, même si ce dernier envisageait désormais une compétence de la CJCE pour les Etats-membres qui lui en démontreraient la nécessité au regard de leur droit interne ;

- en mai 1996, une troisième option ajoutée aux formules A et B permettait de prendre en compte la position britannique désormais favorable à un accord pour l'utilisation par les autres Etats-membres d'une institution communautaire, opposée à une compétence de la Cour pour le Royaume-Uni, tout en réservant néanmoins expressément à celui-ci le droit d'intervenir dans les affaires qui seraient portées devant la Cour.

Le Royaume-Uni a fini par se rallier à cette dernière proposition après avoir longtemps bloqué l'approbation du protocole pour des raisons en partie étrangères au fond du texte (crise de la vache folle).

b) Un dispositif équilibré

Le dispositif retient trois principes.

En premier lieu, la reconnaissance de la compétence de la Cour de justice pour statuer, à titre préjudiciel, sur l'interprétation de la convention Europol, demeure une faculté pour les Etats-membres et se fait par une simple déclaration au protocole.

En second lieu, la reconnaissance de cette compétence laisse le choix entre deux options : la possibilité de saisir la Cour de justice est ouverte à toutes les juridictions de chaque Etat-membre ou réservée aux seules juridictions nationales dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne.

Enfin, tout Etat-membre a le droit, qu'il ait ou non fait une déclaration reconnaissant la compétence de la Cour de justice, de déposer devant cette instance un mémoire ou des observations écrites dans les affaires dont elle est saisie, en vertu d'une interprétation à titre préjudiciel.

Cette possibilité permet de faire droit aux préoccupations du Royaume-Uni.

La France et l'Irlande ont choisi la formule selon laquelle seules les juridictions suprêmes ont la faculté de demander à la Cour de justice de statuer à titre préjudiciel sur la convention Europol.

Pour notre gouvernement, cette option permet de limiter le nombre de questions préjudicielles soumises à la Cour de justice aux seuls problèmes de principe. Dans cette perspective, il a paru préférable de laisser aux plus hautes juridictions françaises le soin de sélectionner les questions dont la complexité appelle la saisine de la CJCE.

L'Allemagne, la Grèce, l'Italie, les pays du Benelux, l'Autriche et le Portugal ont, pour leur part, non seulement choisi la deuxième option mais ils ont, par les déclarations annexées au protocole, indiqué qu'ils se réservaient le droit de prévoir dans leur droit interne que les juridictions dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours seront tenues de saisir la Cour de justice quand une question liée à l'interprétation de la convention Europol se présentera dans une affaire pendante.

Si la solution de compromis retenue permet de ménager les prérogatives nationales, elle ne garantit pas une application uniforme de la convention.

La Cour de justice dont la compétence en matière policière constitue une innovation n'a naturellement pas encore constitué une jurisprudence dans ce domaine. Toutefois la Cour, dans plusieurs décisions, a eu l'occasion de souligner que le respect des droits fondamentaux de la personne humaine relevait des principes généraux du droit communautaire dont elle avait pour mission d'assurer le respect. En outre la Cour se fonde désormais sur l'ensemble des conventions internationales relatives aux droits de l'homme et sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Une jurisprudence a ainsi été élaborée dans ce domaine et constituera une référence pour garantir le respect des droits fondamentaux dans le cadre de l'application de la convention Europol.

*

* *

II. TOUTES LES INTERROGATIONS SOULEVÉES PAR LA CRÉATION D'EUROPOL N'ONT PAS ÉTÉ LEVÉES

A. LES INCERTITUDES LIÉES À L'ÉQUILIBRE ENTRE CONFIDENTIALITÉ DES INFORMATIONS ET PROTECTION DES PERSONNES

L'information -la façon dont elle est fournie et dont elle circule- apparaît ainsi au coeur du fonctionnement d'Europol. Il est naturel que la convention lui consacre ainsi l'essentiel de ses dispositions.

Un système comme Europol soulève deux questions cruciales : la confidentialité des informations d'une part, la protection des droits de la personne d'autre part. Au moment des négociations, la présidence française avait avancé un compromis équilibré entre ces deux exigences. Si les propositions relatives aux garanties de confidentialité ont été retenues dans la convention, il n'en est pas de même, en revanche, de la protection des droits de la personne où l'accord retenu s'écarte des solutions françaises.

1. Les garanties de confidentialité

L'architecture du système informatisé d'Europol repose sur deux éléments :


· un système d'information ;


· des fichiers créés aux fins d'analyse.

a) Un système d'information

Le système d'information, d'une part, comprend les informations relatives aux personnes qui, au regard du droit national de l'Etat membre concerné sont soupçonnées d'avoir commis une infraction ou participé à une infraction relevant de la compétence d'Europol et, d'autre part, aux personnes pour lesquelles certains faits graves laissent présumer qu'elles commettront des infractions relevant de la compétence d'Europol (art. 8, par. 1). Les données qui peuvent être ainsi enregistrées sont précisément déterminées : nom, date et lieu de naissance, nationalité, sexe et, le cas échéant, d'autres éléments permettant d'établir l'identité (art. 8, par. 2). Les unités nationales auront un accès direct à ces données.

Mais le système d'information peut comprendre en outre des indications complémentaires relatives à ces personnes : les infractions, les moyens utilisés, les services traitants, la suspicion d'appartenance à une organisation criminelle (art. 8, par. 3). Ces données se caractérisent par un plus large degré de confidentialité  et les unités nationales ne pourront y avoir accès que par l'intermédiaire de leurs officiers de liaison et pour les besoins d'une enquête déterminée.

Si la procédure ouverte à l'égard de l'intéressé est définitivement clause ou si celui-ci est acquitté, les données concernées par cette décision doivent être effacées (art. 8, par. 5).

Les informations sont fournies directement par les Etats par le biais des unités nationales et des officiers de liaison ou par Europol pour les données communiquées par des Etats ou des institutions tiers et les données résultant d'analyses conduites par Europol lui-même. Par ailleurs, parmi le personnel d'Europol, seuls le directeur, les directeurs adjoints et les agents d'Europol " dûment habilités " ont le droit d'introduire directement ou de rechercher des données dans le système d'information.

Seule l'unité qui a introduit les données est autorisée à les modifier, les rectifier ou les effacer (art. 9, par. 2).

b) Les fichiers d'analyse

La mise en place de fichiers de travail à des fins d'analyse constitue toutefois l'aspect le plus novateur d'Europol car il marque l'introduction de la notion d'analyse criminelle à l'échelon européen.

Ces fichiers se distinguent du système d'information de par leur fonction, de par leur contenu et enfin, de par leurs modalités d'utilisation.

En premier lieu, les fichiers sont créés aux fins de l'analyse, dans le but d' appuyer l'enquête criminelle (art. 10, par. 2).

En second lieu, les fichiers concernent non seulement les personnes visées à l'article 8 mais également les personnes pouvant être appelées à témoigner à l'occasion d'enquête, des personnes ayant été victimes d'infractions, des personnes servant de contacts ou d'accompagnateurs, ainsi, enfin, que des personnes pouvant fournir des informations sur les infractions considérées.

Les données ainsi stockées permettent l'établissement d'un système d'index que peuvent consulter le directeur d'Europol, les directeurs adjoints, les agents dûment habilités et les officiers de liaison. Ce système d'index doit permettre à l'officier de liaison d'établir que les fichiers contiennent des informations concernant son Etat membre d'origine.

Toutefois, les informations contenues dans ces fichiers ne sont pas d'accès direct. Leur utilisation passe par le relais d'un groupe d'analyse. En effet, chaque projet d'analyse entraîne la constitution d'un groupe d'analyse qui associe d'une part les analystes et les autres agents d'Europol désignés par la direction de cet organisme et d'autre part, les officiers de liaison et les experts des Etats à l'origine des informations ou concernés par l'analyse.

Les informations sont transmises par les Etats de leur propre initiative ou à la demande d'Europol. Europol peut également s'adresser à des organismes tiers tels qu'Interpol, selon des modalités définies à l'unanimité par le Conseil européen, afin d'obtenir des informations complémentaires et nécessaires pour l'exercice de ses missions.

Le degré de confidentialité des travaux des groupes d'analyse dépend de la nature de l'analyse conduite.

En effet, si l'analyse présente un caractère général et de type stratégique. L'ensemble des Etats membres, par l'intermédiaire des officiers de liaison, est pleinement, associé aux résultats des travaux notamment par la communication des rapports d'Europol.

Si, en revanche, l'analyse porte sur des cas particuliers et présente un caractère directement opérationnel, seuls les Etats se trouvant dans l'un des trois cas de figure suivants participent à l'analyse conduite sous l'égide d'Europol :


· les Etats à l'origine des informations qui ont suscité la création du fichier d'analyse ;


· les Etats concernés par ces informations ;


· les Etats auxquels la consultation du système d'index leur permet de penser qu'ils sont intéressés par l'analyse en cours ; dans ce cas, l'officier de liaison de l'Etat concerné est associé de plein droit aux travaux du groupe après avoir présenté une demande motivée et visée par l'autorité hiérarchique dont il relève dans son Etat. Une procédure de conciliation est prévue dans l'hypothèse où une objection s'élèverait au sein du groupe d'analyse. En dernier ressort, il appartient au conseil d'administration de se prononcer par consensus.

L'Etat membre qui transmet une donnée à Europol juge, seul, de son degré de sensibilité. La diffusion ou l'exploitation opérationnelle d'une donnée d'analyse suppose, au préalable, la concertation des participants à l'analyse. Un Etat membre accédant à une analyse en cours ne pourrait naturellement pas diffuser ou exploiter des données sans l'accord des Etats membres d'abord concernés.

Ces mécanismes permettent de respecter les exigences de la confidentialité en fonction du degré de sensibilité des informations concernées.

La convention prévoit en outre à l'article 4 une garantie plus générale. Une unité nationale peut refuser de communiquer des informations à Europol pour trois motifs principaux : les intérêts nationaux essentiels en matière de sécurité, le bon déroulement d'une enquête et la sécurité des personnes, enfin la protection des activités de renseignement en matière de sécurité de l'Etat.

En outre, un règlement relatif à la protection du secret et à la confidentialité pour l'ensemble des informations traitées par Europol devrait être finalisé sous la présidence luxembourgeoise du Conseil européen. Il permettra notamment de définir, dans le cadre d'un manuel de sécurité, les conditions de détermination des trois niveaux de sécurité retenus : " confidentiel ", " secret, et " top secret ". Les principes directeurs qui président à l'élaboration du règlement s'efforcent de tenir compte des spécificités de chacun des Etats membres en matière de protection de l'information et de la nécessité de préserver une certaine souplesse opérationnelle.

Enfin, s'il est prévu qu'Europol puisse transmettre des données à caractère personnel à des Etats ou instances tiers, l'accord des Etats membres constitue un préalable pour toutes les informations qu'ils ont transmises à l'Office européen de police.

2. La protection des personnes

La nécessité de veiller au principe de confidentialité ne saurait toutefois conduire à méconnaître les droits et libertés des personnes. Le débat s'est cristallisé en particulier sur le régime d'accès des particuliers aux données d'Europol.

Lors des négociations, la France avait présenté un compromis permettant de respecter la spécificité des régimes législatifs des pays qui, comme l'Allemagne ou les Pays-Bas, donnent à leurs citoyens un accès direct pour le contrôle des données de police les concernant et les autres qui, telle la France avec la Commission nationale informatique et liberté (CNIL), utilise le relais d'un organisme spécialisé et indépendant.

La proposition française laissait ainsi à Europol la possibilité de répondre directement à un ressortissant d'un pays où l'accès direct aux informations sur les fichiers le concernant est prévu par la loi ou la constitution. En revanche, dans les pays où prévaut l'accès indirect, Europol répondrait par l'intermédiaire de l'institution indépendante nationale -la CNIL pour la France.

Or, le dispositif retenu s'est écarté de cette formulation : d'une part, Europol répond directement au requérant, d'autre part, toute personne désireuse d'accéder aux informations la concernant peut formuler sa demande dans tout Etat membre de son choix : le droit à vérification s'exerce alors dans les conditions prévues par le droit national des pays où la demande a été formulée. En outre, dans l'hypothèse d'un contentieux, l'autorité de contrôle commune prend sa décision conformément au droit national de l'Etat membre auprès duquel la demande a été introduite.

Il est clair ainsi que le souci de placer les citoyens des Etas-membres d'Europol dans une situation d'égalité vis-à-vis de l'accès aux données les concernant a primé sur la prise en compte des spécificités nationales.

Toutefois, les clauses de sauvegarde obtenues par la France devraient en principe limiter les possibles inconvénients liés à ce système dont votre rapporteur présentera maintenant, de façon détaillée, les éléments.

a) Les conditions d'accès

Dans tous les cas, la personne désireuse d'accéder aux données la concernant ou de les faire vérifier doit s'adresser à l'autorité nationale compétente chargée de saisir Europol. Le droit d'accès s'organise différemment dans chaque Etat membre selon son droit national. Certains pays permettent la communication des données, d'autres n'autorisent qu'un droit à vérification. Toutefois la convention reconnaît en fait au demandeur d'utiliser ces deux possibilités car elle lui laisse la liberté de formuler sa requête dans tout Etat-membre de son choix.

Quand le droit de l'Etat membre saisi prévoit la communication relative aux données, celle-ci peut être refusée pour trois motifs : le bon fonctionnement d'Europol, la protection de la sécurité des Etats membres et de l'ordre public, la protection des droits et libertés des tiers. Les Etats membres intéressés par les données demandées ont la faculté de faire connaître leur position qui peut aller jusqu'au refus de communication (art. 19, par. 4). Quand le droit de l'Etat membre ne reconnaît pas la communication relative aux données, Europol procède aux vérifications sans donner d'indications qui puissent révéler au requérant s'il est ou non connu (art. 19, par. 5).

Dans tous les cas, la demande doit faire l'objet d'un traitement complet par Europol dans les trois mois qui suivent la réception de la demande par l'autorité nationale compétente.

b) Les conditions de contrôle

Le droit d'accès est placé sous le contrôle des autorités de contrôle nationales et d'une autorité de contrôle commune.

Les autorités de contrôle nationales veillent à la régularité de la transmission ou de la consultation à Europol de données à caractère personnel par leurs Etats respectifs. Pour la France, la Commission nationale Informatique et Libertés constitue l'autorité de contrôle nationale.

En outre une autorité de contrôle commune indépendante composée au maximum de deux représentants de chacune des autorités de contrôle nationales veille au respect, par Europol, des droits de la personne. A cette fin Europol est notamment tenu de lui fournir tous les renseignements ou documents qu'elle demande. L'autorité de contrôle commune constitue l'instance de recours pour les personnes qui se sont vu refuser une demande de communication.

Quand le recours concerne une communication relative aux données introduites par un Etat membre, l'autorité de contrôle commune prend sa décision conformément au droit national de l'Etat auprès duquel la demande a été formulée, et "en étroite coordination avec l'autorité de contrôle nationale ou la juridiction compétente de l'Etat membre qui est à l'origine de la donnée". La formulation retenue se rapproche des stipulations retenues par la convention de Schengen (art. 114) tandis que l'avant-projet de la convention Europol ne mentionnait guère que " l'information, si nécessaire, de l'autorité de contrôle nationale ".

Quand le recours concerne la communication de données introduites par Europol, l'autorité commune ne peut passer outre à une opposition persistante d'Europol ou d'un Etat membre qu'à la majorité des deux tiers de ses membres. La convention apporte des garanties supplémentaires pour le respect des droits de la personne.

Europol et les Etats membres sont aussi tenus de rectifier ou d'effacer les données entachées d'erreur ou contraires aux dispositions de la convention. Par ailleurs, la nécessité de conserver les données doit faire l'objet d'un examen trois ans au plus tard après l'introduction de ces informations. Les données à caractère personnel ne peuvent être conservées au-delà d'un délai de trois ans, même si ce délai recommence à courir chaque fois qu'une information nouvelle concerne la personne intéressée (art. 21, par. 3). Toute personne concernée par un dossier d'Europol peut demander la rectification ou la suppression des données la concernant. Elle peut saisir le cas échéant l'autorité de contrôle commune (art. 22, par. 3).

Cette instance analyse dans un rapport d'activité qu'elle peut rendre public, les difficultés soulevées par l'activité d'Europol en matière de traitement et d'utilisation de données à caractère personnel. Elle peut également formuler des propositions (art. 24, par. 3).

Enfin la convention commande aux Etats de prendre avant la date d'entrée en vigueur de la convention "les mesures de droit interne nécessaires pour garantir un niveau de protection des données correspondant aux moins à celui qui résulte de l'application de principes de la convention du Conseil de l'Europe du 28 janvier 1981" (art. 14, par. 1). Cette convention porte sur la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel. L'article 6 de la convention relative à Europol se réfère également à l'article 6 de ce texte, et interdit de sélectionner une catégorie particulière de personnes à partir de "données à caractère personnel révélant l'origine raciale, les opinions publiques, les convictions religieuses, ainsi que les données à caractère personnel relatives à la santé ou à la vie sexuelle".

La France dispose quant à elle d'un dispositif législatif qui assure à la protection du droit des personnes les garanties requises.

B. UN RÔLE DONT L'INTÉRÊT DEVRA SE CONFIRMER DANS LES ANNÉES À VENIR

Même si l'expérience de l'Unité "drogues" Europol (UDE) s'est révélée positive, les incertitudes sur le rôle et l'identité d'Europol n'ont pas toutes été levées.

1. Le bilan positif de l'Unité "drogue" Europol

Sans doute Europol peut-il se prévaloir des résultats satisfaisants de L'Unité "drogues" Europol. L'UDE. a été créée à la suite d'un accord signé par les ministères de la justice et de l'intérieur à Copenhague, le 2 juin 1993.

a) Le rôle

La mission de l'UDE a été étroitement encadrée par l'accord ministériel. Trois traits principaux la caractérisent :

- l'Unité n'a pas de compétence opérationnelle mais a pour objectif d'aider la police à lutter plus efficacement contre le trafic de stupéfiants à l'intérieur des Etats membres et entre eux, en favorisant l'échange d'informations ;

- les officiers de liaison envoyés par chaque Etat agissent " dans le respect de leurs lois nationales et des instructions données par leurs ministres compétents " ;

- aucune donnée personnelle n'est stockée par l'Unité au niveau central, automatiquement ou par d'autres moyens.

Des trois traits constitutifs de l'UDE, cette limitation, seule, n'est pas retenue dans l'architecture d'Europol : elle pourra donc être écartée après la ratification de la convention.

Le champ d'intervention de l'UDE, d'abord limité à la drogue, a été ensuite étendu successivement au trafic illicite de matières radioactives et nucléaires, à la criminalité liée aux filières d'immigration clandestine, au trafic des véhicules volés et au blanchiment de capitaux liés à ces activités puis à la traite des êtres humains par les actions communes du 10 mars 1995 et du 16 décembre 1996.

A la suite d'un compromis intervenu lors du Conseil européen de Bruxelles, le siège de l'UDE a été fixé à La Haye.

L'Unité comprend aujourd'hui un conseil de direction, 33 officiers de liaison nationaux, 4 criminologues, 5 informaticiens, une "division du personnel/planification et développement" et, enfin, un groupe de soutien du pays d'accueil -soit 9 personnes en charge des questions administratives et 15 agents de sécurité. En outre, une équipe d'analystes apportent leur concours aux officiers de liaison.

b) L'activité

Les opérations de renseignement et de coordination à la demande des Etats membres ont augmenté de près de 50 % entre 1995 et 1996 (de 1400 à 2000). La France recourt elle-même de plus en plus souvent à l'UDE comme l'atteste le nombre de dossiers traités (452 en 1996 contre 310 en 1995) et de messages échangés (3750 en 1996 contre 2800 en 1995).

Malgré l'extension des missions assignées à Europol, la lutte contre le trafic de stupéfiants représentait, en 1996, 66 % des dossiers traités (cette part s'établit à 13 % pour le blanchiment d'argent sale, à 13 % pour l'immigration clandestine et le trafic d'êtres humains, à 8 % pour le trafic de voitures volées et à 0,1 % pour le trafic de matières radioactives et nucléaires). Au-delà de ces chiffres, quelques exemples concrets témoignent de l'activité d'Europol. En avril 1997, soixante-huit personnes ont été arrêtées simultanément dans douze villes de cinq pays de l'Union (Italie, Allemagne, Belgique, Pays-Bas et Espagne). Ce coup de filet représente le dénouement d'une enquête de deux ans au cours de laquelle les policiers des cinq Etats ont remonté ensemble la filière -et saisi 700 kg de hachisch à Malaga avant d'arrêter les commanditaires du réseau.

Dans le domaine de la lutte contre l'immigration clandestine, la coordination conduite sous l'égide de l'UDE a permis le démantèlement d'une filière clandestine aux nombreuses ramifications : des clandestins asiatiques étaient transportés jusqu'en Russie ou en Pologne puis en Belgique et aux Pays-Bas, avant d'être conduits par avions privés jusqu'au Royaume-Uni... Cette enquête n'a pas seulement été couronnée de succès : elle a également permis la mise au point de techniques de travail en commun entre les services chargés de l'immigration clandestine.

En outre, l'UDE procède à plusieurs études : la situation des drogues et du trafic au niveau de l'Union européenne, le trafic de drogue par les organisations criminelles turques, les conditions de circulation de l'ectasy, etc.

Nul ne saurait contester l'intérêt d'une coopération policière. Toutefois, au cours des dernières années, de nombreuses initiatives ont été prises dans ce domaine et Europol doit pouvoir démontrer, dans un contexte de foisonnement institutionnel, son intérêt et sa spécificité.

2. Une mission difficile

a) Les risques de concurrence avec d'autres structures

La multiplication des enceintes dévolues à la coopération policière conduit à s'interroger sur la justification d'une nouvelle structure comme Europol.

En effet, pour se borner au seul domaine de la lutte contre le trafic de stupéfiants, il convient de relever l'existence du Comité européen de lutte anti-drogue (CELAD), du sous-groupe TREVI "Stupéfiants", du sous-groupe drogue du groupe d'assistance mutuelle (GAM), ainsi que de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies mis en place par un règlement du Conseil du 8 février 1993. Cette dernière institution, en particulier, a été chargée de fournir aux Etats membres de l'Union européenne des "informations objectives, fiables et comparables au niveau européen sur le phénomène des drogues et des toxicomanies et leurs conséquences". Un risque de concurrence existe entre l'Observatoire et l'UDE : ainsi l'Unité Europol soucieuse de disposer d'un indicateur de l'utilisation des drogues, a constitué un système de surveillance du prix de la drogue en Europe dont l'initiative aurait pu aussi bien revenir à l'Observatoire.

De façon plus générale, la coopération policière constitue l'un des volets essentiels de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990. Certes, les Etats membres d'Europol ne recouvrent pas l'"espace Schengen". La principale différence tient cependant aujourd'hui dans l'utilisation des données informatiques. Le système informatique Schengen constitue un "fichier de référence" : les données stockées ne sont pas susceptibles de modifications liées à l'introduction de nouvelles informations par les autres Etats. En revanche, dans le système Europol, les informations apportées par les Etats membres se complètent et se modifient pour générer de nouvelles données. Il importe de souligner au chapitre des relations entre Europol et Schengen que la convention Europol interdit toute connexion entre le système d'Europol et d'autres systèmes.

Enfin, la question de la nécessité d'Europol se pose également par rapport à l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol). Interpol a en effet pour mission "d'assurer et développer l'assistance réciproque la plus large de toutes les autorités de police criminelle" et "d'établir et de développer les institutions capables de contribuer efficacement à la prévention et à la répression des infractions de droit commun".

Sans doute la mention des "infractions de droit commun" apporte des limitations à l'action d'Interpol en matière de lutte contre le terrorisme. A l'inverse, la compétence d'Interpol s'étend à l'ensemble des crimes et délits qu'ils soient ou non le fait d'une organisation structurée. Toutefois le risque de double emploi existe dans les autres domaines.

Certes, Interpol qui regroupe 174 Etats ne permet pas de faire valoir une spécificité européenne. Cependant Interpol, dont le siège est installé à Lyon, demeure centré sur l'Europe -près de 80 % des demandes d'information émanent d'Etats européens-. En outre, dans un souci de plus grande efficacité, Interpol a renforcé la dimension régionale de son activité : création d'un comité technique européen d'Interpol, devenu en 1991 "Comité européen d'Interpol", institution d'un "secrétariat régional européen" au sein du secrétariat général d'Interpol en 1986.

En fait, l'ouverture d'Interpol à un nombre excessif d'Etats et notamment à des pays considérés comme "indésirables" semble avoir déterminé les Etats européens à opter pour une nouvelle structure.

La création d'Europol ne résulte pas seulement d'une nécessité pressante. Elle traduit également les difficultés de la coopération policière dans le cadre des structures existantes. Et, comme souvent en pareil cas, la recherche de solution a conduit non pas à réduire le nombre des organisations existantes, mais à ajouter une nouvelle structure à une architecture passablement complexe.

Il faut donc espérer qu'Europol puisse, mieux que les institutions précédentes, surmonter les faiblesses de la coopération policière. Ces difficultés s'expliquent en partie par la différence de vues sur les questions de sécurité entre Etats européens comme l'atteste à sa manière l'hétérogénéité du ratio de policier par habitant dans les Etats de l'Union (la moyenne s'établit à un policier pour 257 habitants avec des extrêmes de 1 pour 191 habitants en Italie et 1 pour 499 au Danemark).

La coopération policière se heurte également à la lenteur de progrès de la coopération judiciaire.

b) Une coopération judiciaire insuffisante

Comme le soulignait notre collègue M. Paul Masson, "la progression du narco trafic en Europe (...) justifie la mise en place d'un nouvel organe de coopération policière à la condition que les politiques de répression des Etats convergent" 1( * ) .

Or la coopération judiciaire avance à pas comptés. Certes, le Conseil d'Amsterdam a approuvé un plan d'action pour renforcer la lutte contre la criminalité organisée. Toutefois ce plan ne présente aucun caractère contraignant. Les conclusions d'une réunion des ministères de l'intérieur et de la justice des Quinze, tenue à Luxembourg le 28 avril 1997, apparaissent significatives à cet égard : si elles prônent le renforcement de la coopération pratique elles se limitent à recommander "si c'est nécessaire, un certain degré de rapprochement des législations nationales".

Comme le soulignait M. Pierre Fauchon dans un récent rapport de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne 2( * ) , aucune des conventions signées sous les auspices du Conseil (convention d'extradition simplifiée du 10 mars 1995, convention d'extradition entre les Etats membres de l'Union européenne du 27 septembre 1996) n'a d'effet contraignant faute d'une ratification par l'ensemble des Etats membres.

Nous sommes loin aujourd'hui de l'"espace judiciaire européen" appelé de leurs voeux par certains. La coopération judiciaire constitue pourtant le complément nécessaire de la coopération policière. En outre, à terme, le développement d'Europol ne saurait se concevoir sans un renforcement du contrôle des autorités judiciaires sur les activités liées à la coopération policière.

CONCLUSION

Les Quinze apparaissent aujourd'hui déterminés à renforcer la coopération de leurs forces de police : cette volonté, réaffirmée au Conseil européen d'Amsterdam, se manifeste dans plusieurs des stipulations du projet de traité d'Amsterdam.

Il convient de s'en réjouir, même si la mise en oeuvre d'une coopération concrète reste une voie semée d'embûches.

Europol pourrait constituer une étape décisive dans ce processus. Malgré certaines incertitudes que l'avenir pourra lever, cet organisme repose sur un équilibre satisfaisant entre les principes d'une coopération intergouvernementale et le souci d'efficacité d'une part, entre sauvegarde de la confidentialité et protection des données d'autre part. Europol n'est pas ainsi devenue, comme certains pouvaient le craindre, cette agence supranationale aussi menaçante pour les souverainetés nationales que pour les droits des citoyens.

Sans doute, le projet de traité d'Amsterdam trace-t-il des perspectives d'évolution pour Europol, notamment avec la mise en place d'équipes conjointes comprenant des représentants d'Europol à titre d'appui pour conduire des enquêtes, voire des actions opérationnelles. Ces dispositions restent cependant d'une portée limitée et le nouveau traité confirme, par ailleurs, le maintien de la règle de l'unanimité pour la coopération policière comme du reste pour la coopération judiciaire en matière pénale.

Dans la situation actuelle, ce sont les insuffisances de la coopération policière plutôt que ses excès qu'il convient de regretter.

C'est pourquoi votre rapporteur vous propose de donner un avis favorable aux deux présents projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné les présents projets de loi lors de sa séance du mercredi 24 septembre 1997.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, un débat s'est instauré entre les commissaires.

M. Michel Caldaguès s'est étonné de l'information citée par M. Nicolas About d'après un rapport des Nations unies, évaluant à 8 % du commerce mondial les recettes liées au trafic de stupéfiants. Il a estimé qu'une approche efficace de cette question difficile devait se défier des exagérations et qu'à cet égard, l'évaluation des Nations unies apparaissait excessive.

M. Claude Estier s'est interrogé sur les différences entre le fichier Schengen et le fichier Europol. M. Nicolas About a précisé que le système informatique Schengen ne prévoyait pas que les données stockées dans le " fichier de référence " puissent être modifiées à la suite de l'introduction de nouvelles informations par d'autres Etats. Il a également indiqué, à l'intention de M. Jacques Habert, que l'architecture du système Europol reposait sur deux éléments : d'une part, un système d'informations générales, d'autre part, des fichiers créés aux fins d'analyse, destinés à appuyer l'enquête criminelle, dont l'accès était réservé aux seuls Etats directement intéressés par les informations en question, tandis qu'un système d'index permettait aux officiers de liaison d'établir que les fichiers d'analyse contenaient des informations concernant leurs Etats d'origine. Il a également souligné qu'il ne pouvait y avoir de connexion entre le système d'informations Schengen et le système Europol.

M. Nicolas About a indiqué à M. Hubert Durand-Chastel que les compétences de l'organisation couvraient les grandes formes de criminalité internationales, et notamment le blanchiment de l'argent.

Le rapporteur a également précisé à M. Xavier deVillepin, président, que tous les Etats membres de l'Union européenne avaient adopté la convention relative à Europol.

La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur, approuvé les deux projets de loi qui lui étaient soumis.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée la ratification de la convention sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne portant création d'un office européen de police (ensemble une annexe et quatre déclarations), faite à Bruxelles le 26 juillet 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi 3( * ) .

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée la ratification du protocole établi sur la base de l'article K.3 du traité sur l'Union européenne concernant l'interprétation, à titre préjudiciel, par la Coru de justice des Communautés européennes de la convention portant création d'un Office européen de police, signé à Bruxelles le 24 juillet 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi 4( * )

ANNEXES -
ETUDE D'IMPACT5( * )

PROJET DE LOI N° 363

I. Etude de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances

En vue de réaliser l'objectif de libre circulation des personnes, l'article K.1 du traité sur l'Union européenne prévoit, en son point 9, la mise en place d'un office européen de police, nommé Europol, dont l'objectif est de mettre en place à l'échelle de l'Union européenne, un système d'échanges d'informations destiné à faciliter la coopération policière afin de prévenir et lutter contre certaines formes graves de criminalité internationale.

Une déclaration politique des Etats-membres, annexée au traité, confirme leur engagement à coopérer en matière policière, et notamment dans le domaine de l'échange d'informations et d'expériences.

Tous les Etats-membres ont signé le 26 juillet 1995 la convention portant création d'un office européen de police et, le 24 juillet 1996, son protocole concernant son interprétation à titre préjudiciel par la Cour de justice des Communautés européennes. En effet, certains Etats avaient fait de la signature de ce protocole un préalable à la ratification de la convention Europol par leur Parlement.

II - BÉNÉFICES ESCOMPTÉS

En matière d'emploi :

L'office européen Europol fonctionnera avec des officiers de liaison détachés par chacun des Etats membres, et avec des agents qui lui seront affectés en propre.

A cet effet, une procédure de recrutement à l'échelon européen sera ouverte aux personnes ressortissantes des Etats membres.

Les officiers de liaison seront prélevés sur les effectifs des fonctionnaires de chaque Etat membre. En ce qui concerne la France, il s'agira d'un redéploiement au sein des ministères de l'Intérieur, de la Défense et du Budget.

En matière d'intérêt général :

Lorsqu'il existera des indices concrets laissant supposer l'existence d'une structure criminelle internationale dont l'activité concerne au moins deux Etats membres de façon telle qu'une action commune des Etats s'impose, Europol fournira des éléments d'information permettant la riposte.

Les forces de police et la douane disposeront d'éléments leur permettant d'orienter plus efficacement leur surveillance ou la recherche d'indices, et d'intervenir avec plus de sûreté en cas de commission de crimes ou de délits. En effet, Europol est destiné à favoriser l'échange d'informations sur toutes les personnes auteurs d'infractions, ou supposées se préparer à en commettre en raison, soit des moyens habituels utilisés, soit de leur appartenance à des réseaux criminels structurés.

Par rapport à la coopération policière bilatérale traditionnelle, la mise en place de cet office multilatéral associant l'ensemble des forces de police et la douane des quinze Etats membres, permet de mettre en synergie l'ensemble de ces forces, de disposer de nouveaux moyens de connaissance en facilitant l'analyse, le rapprochement et la synthèse des événements criminels, grâce aux moyens rendus utilisables par tous les Etats membres concernés.

Ainsi, Europol contribuera à assurer une plus grande sécurité dans l'espace européen.

En matière financière :

Le coût de fonctionnement d'Europol, ainsi qu'il est prévu à l'article 35.2 de la convention, sera réparti entre les Etats membres en fonction de leur part de produit national brut dans la somme des produits nationaux bruts des Etats membres de la dernière année précédant l'établissement du budget.

Ainsi, la France et l'Allemagne en assumeront la moitié. La contribution de la France sera versée par l'intermédiaire du ministère de l'Intérieur.

En matière de simplification des formalités administratives :

Sans objet.

III - Complexité de l'ordonnancement juridique

Aucun élément de complexité supplémentaire de l'ordonnancement juridique n'est à craindre, l'apport d'Europol et son emploi se situant au moment des enquêtes des services répressifs.

*

* *


PROJET DE LOI N° 364

1. Etude de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances

Tous les Etats membres ont signé, le 26 juillet 1995, la convention portant création d'un office européen de police et, le 24 juillet 1996, le protocole concernant son interprétation à titre préjudiciel par la Cour de justice des Communautés européennes.

Certains Etats avaient fait de la signature de ce protocole un préalable à la ratification de la convention Europol par leur Parlement. En effet, la convention ne prévoit en son article 40 que le règlement des différends entre Etats membres. Les Etats-membres, à l'exception du Royaume-Uni, sont convenus de soumettre à la Cour de justice des Communautés européennes tout différend qui ne serait pas résolu après examen au sein du Conseil.

Afin de renforcer la cohérence de l'interprétation de la convention créant Europol au sein de l'espace européen, il est apparu nécessaire de prévoir une compétence de la Cour de justice des Communautés européennes à titre préjudiciel, tout en tenant compte de la réticence de certains Etats à confier un rôle trop étendu à la Cour dans le domaine de la Justice et des Affaires intérieures.

II. Bénéfices escomptés

En matière d'emploi : sans objet.

En matière d'intérêt général : la France a opté pour la formule selon laquelle seules les juridictions suprêmes ont la faculté de demander à la Cour de statuer, à titre préjudiciel, sur une question soulevée dans une affaire pendante devant elles. Ce qui permet, par la Cour de Cassation et le Conseil d'Etat, une régulation des questions que les juridictions nationales pourraient être amenées à se poser.

En matière financière : sans objet.

En matière de simplification des formalités administratives : sans objet.

III - Complexité de l'ordonnancement juridique

Aucun élément susceptible de rendre plus complexe l'ordonnancement juridique n'est à craindre. Les questions préjudicielles seront posées par le Conseil d'Etat ou la Cour de Cassation selon une procédure comparable à celle que ces hautes juridictions suivent aujourd'hui pour l'application de l'article 177 du Traité instituant la Communauté européenne.

*

* *



1 Paul Masson, " Europol et la lutte contre les trafics de drogue ", rapport du Sénat n° 235, 1994-1995.

2 Pierre Fauchon, "Vers la construction d'un espace judiciiare européen", rapport du Sénat n° 352, 1996-1997.

3 Voir le texte annexé au document Sénat n° 363

4 Voir le texte annexé au document Sénat n° 364.

5 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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