B. DES CONSÉQUENCES INSOUTENABLES

1. Des distorsions de concurrence majeures

Le point central du projet de régime commun de TVA présenté par la Commission européenne est le lieu unique d'imposition pour les entreprises. Les exportations intracommunautaires ne seraient plus détaxées, mais les biens circuleraient librement dans la Communauté, toutes taxes comprises.

Du point de vue des entreprises, le marché communautaire fonctionnerait exactement comme un marché national.

La proposition de la Commission aurait donc pour conséquence d'introduire des distorsions de concurrence de nature fiscale entre les entreprises communautaires. En effet, dans un système où les biens circulent toutes taxes comprises, la compétitivité des entreprises qui s'adressent au consommateur final dépend du taux de TVA appliqué par le pays où elles sont assujetties. En l'absence d'un alignement des taux entre États membres, on assistera à des détournements de flux commerciaux au bénéfice des États pratiquant les taux les plus bas.

A terme, cette distorsion de concurrence incitera les entreprises à se délocaliser fiscalement, ce qui sera plus ou moins aisé selon le critère retenu pour la détermination du lieu unique d'imposition. S'il leur faut pour cela délocaliser leur production, c'est la répartition de l'activité économique au sein de la Communauté qui s'en trouvera modifiée.

Il convient de souligner que seules les grandes entreprises pourront aisément profiter de cette opportunité de se localiser à l'étranger, ce qui leur procurera un avantage décisif sur les petites entreprises contraintes de supporter une fiscalité plus lourde sans pouvoir la répercuter dans leur prix.

2. La proscription d'une harmonisation rapide des taux

Dans son projet de régime commun, la Commission européenne a pris en compte ce risque de détournement des flux commerciaux et de délocalisation des entreprises en préconisant un alignement des différents taux de TVA appliqués par les États membres. Une première étape de cette harmonisation des taux a été franchie en 1996 avec l'adoption d'une directive fixant à 15 % le niveau minimal du taux normal de la TVA.

Cette harmonisation des taux n'est pas neutre macro-économiquement, mais constituerait un choc, par nature asymétrique, pour les États membres.

Dans l'étude réalisée sur le sujet à la demande de la délégation à l'Union européenne, reproduite en annexe de mon rapport d'information précité, le Centre d'Etudes Prospectives et d'Informations Internationales (CEPII) a cherché à simuler l'impact macro-économique d'un alignement des taux de TVA en Europe.

Les enchaînements sont les suivants : une baisse du taux de TVA augmente le revenu réel des ménages et stimule la consommation, puis l'investissement. Au départ, elle diminue l'inflation, ce qui tend à infléchir la politique monétaire, mais cet effet n'est que temporaire. Enfin, elle dégrade durablement la situation des finances publiques. Les enchaînements sont bien sûr inverses dans l'hypothèse d'une hausse de la TVA.

Trois hypothèses sont retenues : alignement sur le taux le plus bas, celui du Royaume-Uni / alignement sur la moyenne des taux, définie comme celle qui maintient constantes les recettes globales / alignement sur le taux le plus élevé parmi les grands pays, celui de la France.

Les effets sur les PIB nationaux sont retracés dans le tableau ci-dessous :

Effets d'un alignement des taux de TVA sur les PIB nationaux
(écarts relatifs en %)

Taux le plus bas

Moyenne des taux

Taux le plus haut

1 an

4 ans

1 an

4 ans

1 an

4 ans

Allemagne

0,6

0,6

0,0

0,0

- 0,7

- 0,9

France

0,7

1,3

0,1

0,6

- 0,5

- 0,2

Italie

0,3

0,4

- 0,4

- 0,9

- 1,2

- 2,5

Royaume-Uni

0,1

0,2

- 0,7

- 0,5

- 1,8

- 1,4

Ensemble de l'UE

0,5

0,7

- 0,1

0,1

0,8

- 0,7

Globalement, pour l'ensemble de la Communauté, la production serait modifiée : l'alignement vers le haut aurait un effet récessif, l'alignement vers le bas un effet expansionniste, qui serait pour l'essentiel acquis dès la première année. La politique monétaire européenne réagirait à cette situation globale, mais ne pourrait pas, par définition, être adaptée à la situation particulière de chacun des pays, qui subiraient un choc asymétrique.

Par ailleurs, une harmonisation des taux de TVA, quel que soit le niveau retenu, nécessiterait des modifications importantes du reste de la fiscalité et ajouterait une contrainte supplémentaire à des politiques budgétaires soumises à l'impératif de réduire le déficit pour stabiliser la dette. Le rapprochement forcé des taux de TVA apparaît ainsi difficilement compatible avec les politiques budgétaires engagées pour la réalisation de la monnaie unique.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page