ARTICLE 5

Création de taxes de santé publique sur les tabacs

Commentaire : cet article tend à créer deux taxes additionnelles de santé publique, l'une de 2,5 % sur le tabac en général et l'autre de 7 % sur le tabac à rouler, prélevées selon les mêmes règles de perception et d'assiette que la taxe sur la valeur ajoutée, dont le produit serait affecté à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés.

L'évaluation du produit de ces nouvelles taxes est de 1,4 milliard de francs, dont 1,3 milliard de francs pour la taxe générale sur le tabac et 100 millions de francs pour la taxe spécifique sur le tabac à rouler.

1. L'AGGRAVATION DE LA FISCALITE DU TABAC EST LEGITIME EN TERMES DE SANTE PUBLIQUE

A. UN FACTEUR DÉTERMINANT DE LA MORTALITÉ PRÉMATURÉE


Le tabagisme est responsable de 600 000 décès par an. Malgré les campagnes de prévention et l'augmentation de l'imposition des tabacs, la consommation de tabac reste préoccupante, particulièrement du fait de sa progression chez les adolescents (25% des 15-18 ans sont des fumeurs réguliers) et chez les femmes (plus de 80 % des femmes de 50 à 90 ans déclarent n'avoir jamais fumé, contre moins de 50 % des 20-30 ans).

Le tabagisme entraîne un surcoût très important pour notre système d'assurance-maladie puisque le tabagisme, avec l'alcool, est responsable de plus des deux tiers des cancers mortels dans les pays industrialisés. Le cancer des poumons est à lui seul responsable de 23 930 décès par an.

B. UNE CONSOMMATION TRÈS SENSIBLE AUX PRIX

Entre septembre 1991 et décembre 1996, l'indice des prix du tabac a pratiquement doublé (+ 96,5%) et l'on a observé sur la même période que la quantité de tabac vendue a baissé de 8,5%.

Il est donc légitime de poursuivre l'augmentation de la fiscalité des tabacs, afin d'orienter son produit vers l'assurance-maladie et d'entraîner une chute significative de la consommation.

Consommation journalière de tabac comparée à l'évolution du prix du tabac

COLLER GRAPHIQUE

II - LA CRÉATION DE TAXES NOUVELLES EST NEANMOINS INUTILE POUR ATTEINDRE CET OBJECTIF

A. UNE SOLUTION INUTILEMENT, COMPLIQUEE ET JURIDIQUEMENT DOUTEUSE


Votre rapporteur pour avis rappelle que la fiscalité des tabacs comprend déjà une superposition de taxes :

- le droit de consommation sur les tabacs manufacturés (articles 575 et suivants du code général des impôts) ;

- la taxe de 0,74 % affectée au BAPSA (article 1609 unvicies du code général des impôts) ;

- la taxe à la valeur ajoutée , dont la base d'imposition est constituée du prix de vente au détail (y compris le droit de consommation, la taxe BAPSA et y compris la remise allouée aux débitants).

La création de taxes additionnelles rendrait le système encore plus complexe et aboutirait à une fiscalité des tabacs dispersée entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, la création de taxes additionnelles pourrait être contraire à la directive 92-12 CEE du 25 février 1992.

Portant sur les produits soumis à accises, cette directive autorise les Etats membres à créer des taxes supplémentaires aux droits de consommation sur les tabacs, à deux conditions :

- que ces taxes soient perçues comme les droits d'accises ou la TVA (base d'imposition, calcul, exigibilité et contrôle de l'impôt) ;

- qu'elles poursuivent une finalité spécifique.

Or, la spécificité des taxes additionnelles proposées n'est pas avérée, puisque leur effet dissuasif sur la consommation n'est pas différent de celui des autres impositions existantes sur le tabac. Leur affectation à la CNAMTS ne constitue pas non plus une spécificité, puisqu'une fraction des droits de consommation sur les tabacs est déjà affectée à celle-ci.

B. UNE MÉTHODE SIMPLE : LE RELÈVEMENT DE LA FRACTION DES DROITS DE CONSOMMATION SUR LES TABACS AFFECTEE À LA CNAMTS

Au regard des difficultés posées par l'instauration de nouvelles taxes sur les tabacs, il apparaît plus cohérent d'accroître les taxes sur le tabac au profit de la CNAMTS par l'augmentation de la part du produit des droits de consommation qui lui est affectée . Pour cela, il suffit de :

- relever les droits de consommation sur les tabacs, en prévoyant une part forfaitaire spécifique au tabac à rouler ;

- relever la part de ces recettes affectée à la CNAMTS, à due concurrence de l'augmentation globale.

Ainsi, dans l'hypothèse retenue par le présent projet de loi d'un relèvement de 1,4 milliard de francs de la fiscalité du tabac affectée à la CNAMTS, il faudrait :

- relever de 3,26 % le volume global des droits de consommation sur les tabacs manufacturés ;

- relever de 6,39 % à 9,35 % la fraction du produit des droits de consommation affecté à la Caisse nationale d'assurance maladie.

Votre rapporteur pour avis serait favorable à un relèvement allant au-delà de la taxation proposée et doublant la fraction affectée à la CNAMTS, qui s'élève à 2,8 milliards de francs.

Votre commission des finances vous propose donc de rejeter les taxes additionnelles proposées, et de préparer le relèvement de la fraction des droits de consommation affectée à la CNAMTS, qui ne pourra intervenir qu'en loi de finances.

Pour cela, il convient de modifier la rédaction de l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale, définissant les ressources clés de la CNAMTS, qui dispose que celles-ci "sont en outre constituées par une fraction du produit des droits de consommation prévu à l'article 575 du code général des impôts, dans les conditions fixées par la loi de finances pour 1997."

L'amendement proposé par votre commission tend à supprimer la référence à l'année 1997, de façon à ce que cette ressource puisse être aisément ajustée dans les lois de finances ultérieures, sans qu'il soit nécessaire de modifier à chaque fois le code de la sécurité sociale.

Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

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