5. Une fiscalité instable

Outre la complexité de son système de prélèvements obligatoires, la France se caractérise par la très forte instabilité de sa législation fiscale .

Ainsi, l'étude France Industrie 2000 souligne que " la France est perçue comme un pays où la lisibilité de l'environnement est faible : instabilité de l'environnement, mesures ayant des effets rétroactifs ou perçus comme tels par la communauté économique et financière internationale, administrations enfermées dans des modèles de pensée et appliquant des référentiels non ouverts sur le monde extérieur, ayant par conséquent du mal à communiquer et n'ayant pas assimilé les paradigmes de l'entreprise moderne. "

Selon l'institut Rexecode, la fiscalité française est perçue comme trop incertaine pour deux raisons :

- la multiplicité des taxes donne une idée imprécise du poids exact de la fiscalité ;

- le manque de stabilité fiscale est le facteur le plus important. Les entrepreneurs déplorent en particulier les hausses à répétition avec effet rétroactif de l'impôt sur les sociétés. Ce n'est pas tant la hausse qui est critiquée que le fait que les règles du jeu peuvent changer à tout instant.

A cet égard, on peut craindre que la dernière augmentation du taux de l'impôt sur les sociétés, qui porte ce dernier à 41,6 %, et le doublement de la taxation des plus-values à long terme dégradent l'attractivité de notre pays.

Or, la crédibilité, la prévisibilité et la stabilité de la politique fiscale dans la longue durée, sont des déterminants majeurs pour évaluer la rentabilité économique des investissements . " Investir , écrit Rexecode, c'est prendre un pari sur l'avenir. L'entreprise évitera de s'engager si l'avenir paraît trop incertain. Tout élément qui contribue à accroître l'incertitude décourage l'investisseur. Lorsqu'il s'agit d'établir le plan financier d'un projet, il est classique d'ajouter au coût du capital un facteur représentatif du risque ( prime de risque ). L'investissement n'est retenu que si la rentabilité attendue est supérieure à la somme des coûts précédents . "

Un investissement industriel est en effet souvent peu mobile et se juge sur une durée comprise entre 10 et 20 ans. Par conséquent, un pays qui donne une image d'instabilité réduit sensiblement son attractivité industrielle. 92 % des industriels interrogés par BIPE Conseil et Price Waterhouse, considèrent ce critère comme important ou très important.

A cet égard, pour les sites de fabrication, la position de la France est jugée mitigée pour les entreprises installées en France (52 % de satisfaits contre 40 % de mécontents) et bonne en ce qui concerne les investisseurs étrangers (68 % de satisfaits contre 20 % de mécontents).

En conséquence, réserver les incitations fiscales à des politiques structurelles (par exemple le développement des secteurs de pointe) semble être la solution la plus pertinente. Ces incitations doivent être simples et leurs conséquences clairement perçues.

La forte instabilité de la législation fiscale française : l'exemple de la taxation des plus-values à long terme

L'évolution de la fiscalité des plus-values illustre l'instabilité chronique de la législation fiscale française.

En effet, au cours de la période récente, le taux, mais aussi l'assiette de l'impôt sur les plus-values à long terme, ont été modifiés treize fois.

S'agissant du taux, initialement fixé à 10 %, il a été relevé à 15 % en 1973 puis, en 1974, un taux de 25 % a été créé pour les terrains à bâtir. Ces taux sont restés identiques jusqu'en 1989. La loi de finances rectificative pour 1989 a relevé le taux de taxation de 15 à 19 %, mais en excluant les produits de la propriété industrielle (brevets) qui demeurent taxés à 15 %. La loi de finances pour 1990 a relevé le taux d'imposition des plus-values à caractère financier (qui concerne tous les titres sauf les actions) pour les soumettre au taux de l'impôt sur les sociétés à 25 %. Enfin, la loi de finances rectificative pour 1991 a ramené le taux de taxation des plus-values à 18 %.

S'agissant du champ d'application, la loi de finances pour 1991 a exclu du régime les opérations à caractère financier (sauf les ventes d'actions) pour les soumettre à l'impôt sur les sociétés au taux normal. Puis, l'article 11 de la loi de finances pour 1992 a extrait du régime des plus-values les gains nets retirés de la cession de " titres de trésorerie ".

Enfin, l'article 25 de la loi de finances pour 1995 a exclu de ce régime de faveur tous les éléments du portefeuille de valeurs mobilières des sociétés autres que ceux revêtant le caractère de titres de participation sur le plan comptable.

A l'issue de ces réformes, le régime des plus-values à long terme semblait enfin avoir trouvé son équilibre : en effet, en restreignant le champ d'application du régime des plus-values à long terme aux seules plus-values de cessions d'éléments d'actifs et de titres de participation, à l'exclusion de toutes les plus-values réalisées sur des cessions de titres de trésorerie et de placement, les lois de finances pour 1991, pour 1992 et pour 1995 ont mis fin à l'avantage fiscal dont bénéficiaient les placements financiers.

Toutefois, le Gouvernement a récemment 24( * ) réduit une fois encore le champ d'application du régime des plus-values à long terme en le réservant aux seules plus-values issues de la cession de titres de participation et au résultat net de la concession d'éléments de la propriété industrielle (brevets, inventions brevetables). Le taux de taxation pour les autres plus-values à long terme est en conséquence porté de 20,9 à 41,6 %.

Or, ce texte prend effet au 1 er janvier 1997. Cela signifie que des plus-values réalisées depuis cette date seront taxées au taux de 41,6 % alors même que la décision de vendre l'actif à l'origine de ces plus-values aura été prise par le chef d'entreprise en considération du taux qui prévalait le jour de sa décision, c'est-à-dire 20,9 %.

Votre commission des finances a exprimé son opposition ferme à de telles pratiques. Il lui semble en effet que les personnes physiques et morales qui ont établi des relations dans un contexte juridique particulier ne doivent pas pouvoir le voir totalement remis en cause, de façon rétroactive, soudaine et sans nécessité impérieuse.

En définitive, certaines mesures fiscales ont un impact largement plus négatif pour l'investisseur que ce qu'elles rapportent à l'Etat. Les faiblesses de la politique fiscale française, auxquelles il faut remédier, tiennent autant au poids de certains impôts qu'à la multiplicité des taxes et à l'incertitude liée à l'évolution constante et imprévisible de la pression fiscale.

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