RAPPORT GENERAL N° 85 TOME 3 ANNEXE 32 - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE - JUSTICE


M. Hubert HAENEL


COMMISSION DES FINANCES, DU CONTROLE BUDGETAIRE ET DES COMPTES ECONOMIQUES DE LA NATION - RAPPORT GENERAL N° 85 TOME 3 ANNEXE 32 - 1997/1998

Table des matières






N° 85

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès verbal de la séance du 20 novembre 1997.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)


ANNEXE N° 32

JUSTICE

Rapporteur spécial : M. Hubert HAENEL

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, René Régnault, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 230 , 305 à 310 et T.A. 24 .

Sénat : 84 (1997-1998).

Lois de finances.

PRINCIPALES OBSERVATIONS

1. Un effort budgétaire réel mais relatif, qui ne sera efficace que dans la durée

Dans le contexte actuel de réduction du déficit public, le projet de budget 1998 constitue un effort budgétaire réel bien que relatif en faveur du ministère de la justice. Ce dernier voit ses crédits augmenter de 4,03 % par rapport à l'année dernière et atteindre 23,9 milliards de francs. Toutefois, votre rapporteur voudrait replacer cette hausse dans son contexte. En 1995, une loi de programme relative à la justice a été adoptée, qui fixait des objectifs précis à réaliser sur cinq ans en matière d'emplois et de crédits. Le projet de loi de finances pour 1998 ne fait que s'y conformer, même s'il comble également partiellement le retard pris l'année dernière, la hausse du budget de la justice pour 1997 n'atteignant que 1,8 % seulement, contre les 4 % annuels nécessaires pour respecter la loi de programme.

En outre, ce budget ne se révélera à la hauteur des espérances qu'il suscite que si aucun gel de crédit n'intervient durant l'année 1998. Certes, la levée de tous les gels intervenus en 1997 par le nouveau gouvernement constitue un signe fort. Votre rapporteur restera cependant attentif aux modalités d'exécution de ce budget.

Par ailleurs, cette hausse des crédits ne sera efficace que si elle s'inscrit dans la durée. Votre rapporteur estime que le service public de la justice ne pourra fonctionner correctement que s'il dispose d'un budget d'environ 35 milliards de francs, ce qui nécessiterait, au-delà de la loi de programme, une augmentation annuelle de 2 milliards du budget de la justice pendant 5 ans.

2. L'urgence de la réforme de la carte judiciaire

Votre rapporteur tient à rappeler que même si des moyens supplémentaires sont indispensables pour assurer un fonctionnement normal de la Justice, cette dernière ne répondra aux défis auxquels elle est confrontée que par la mise en oeuvre de réformes structurelles. La réforme de la carte judiciaire constitue peut-être la plus urgente et la plus importante.

En effet, depuis 1958, la carte judiciaire n'a été modifiée qu'à la marge, par la création des cours d'appel de Metz, de Reims et de Versailles et celle de trois tribunaux autour de Paris à Créteil, Bobigny, et Nanterre. Or, la carte judiciaire n'est plus adaptées aux évolutions économiques, sociales et contentieuses et doit en conséquence être réformée impérativement.

En outre, depuis de nombreuses années, votre rapporteur plaide pour que le réseau des juridictions soit calqué sur celui des administrations. Dans cette optique, le cadre naturel de la cour d'appel serait la région et celui du tribunal de grande instance le département. Cette réforme permettrait la mise en place d'un échelon départemental fort afin qu'aux préfets, commandants de groupements de gendarmerie, directeurs départementaux de police et autres directeurs et chefs de services à ce niveau administratif corresponde un procureur départemental. Les cours d'appel et les tribunaux de grande instance actuels ne seraient pas pour autant supprimés mais transformés en chambres détachées. Par ailleurs, en tant qu'échelon de proximité par excellence, le tribunal d'instance serait renforcé tant au niveau de la compétence que des moyens, devenant l'antenne polyvalente de la justice dans les territoires.

3. Pour une plus grande indépendance de la Justice

Le 29 octobre, Mme Elisabeth Guigou a présenté en conseil des ministres un projet de réforme de la Justice qui vise, notamment, à renforcer l'indépendance du Parquet vis-à-vis du garde des Sceaux. Désormais, le Parquet ne pourra plus recevoir d'instruction du ministre de la justice dans les affaires individuelles et dans les conditions actuelles. Ce dernier continuera cependant de fixer la politique pénale à travers des directives générales adressées aux parquets, qui seront plus précises et plus fréquentes que dans le passé. En outre, il disposera, au nom de l'Etat, d'un droit d'action quand il souhaitera engager des poursuites ou exercer des voies de recours.

Votre rapporteur est favorable à cette réforme, sous réserve d'en connaître les modalités exactes. Toutefois, il tient à rappeler que la subordination du Parquet au garde des Sceaux ne constitue qu'un aspect du débat sur l'indépendance de la justice. D'autres atteintes existent, certes moins connues du public mais tout aussi inquiétantes.

La première consiste dans l'interférence du ministère de l'intérieur dans les rapports entre le corps judiciaire et les services de police habilités à exercer des fonctions de police judiciaire. Certes, la loi confie aux magistrats la direction, la surveillance et le contrôle de la police judiciaire. Mais dans la mesure où les fonctionnaires de police sont soumis à la hiérarchie administrative du ministère de l'intérieur, c'est ce ministère qui assure en fait la direction de la police judiciaire. C'est pourquoi votre rapporteur attend avec intérêt la réforme annoncée par le garde des Sceaux, qui vise à redonner aux magistrats le contrôle du travail de la police judiciaires par la signature de protocoles d'accord entre le Parquet d'une part et le ministère de l'intérieur d'autre part, qui préciseraient le nombre et la qualité des officiers et des agents de police judiciaire affectés à une enquête.

Par ailleurs, il faudrait s'interroger sur l'indépendance des magistrats vis-à-vis de la presse, vis-à-vis des organisations professionnelles qui structurent cette profession, voire vis-à-vis d'eux-mêmes, de leur milieu social, de leurs préjugés. Or, votre rapporteur redoute que les dérives constatées portent atteinte à la crédibilité de l'ensemble du corps judiciaire. C'est pourquoi il estime indispensable que la plus grande indépendance accordée aux magistrats s'accompagne d'une responsabilité effective de ces derniers. Trois sujets doivent impérativement être examinés pour "refonder" le pouvoir des juridictions, des juges et du parquet : la légitimité, l'impartialité et la responsabilité.

4. Les réformes "en panne"

Votre rapporteur voudrait évoquer un certain nombre de réformes "en panne" alors même qu'elles sont indispensables. Il s'agit par exemple de la réforme des tribunaux de commerce, des tribunaux de prud'hommes ou encore des cours d'assise. Certes, votre rapporteur défend le principe qu'aucune réforme ne doit être engagée si elle ne dispose pas des moyens financiers, matériels et humains pour sa mise en oeuvre et si elle n'est pas intégrée dans une réflexion plus globale sur la justice. Toutefois, cet argument ne doit pas servir de prétexte à l'immobilisme. En outre, votre rapporteur tient une nouvelle fois à rappeler que ces réformes ne pourront aboutir qu'à condition de mettre fin aux surenchères sur la justice et de dépolitiser les débats.

5. La croissance inquiétante des frais de justice

Après avoir connu une forte croissance jusqu'en 1993, le rythme de progression des frais de justice s'est infléchi pendant trois ans. Toutefois, leur hausse semble de nouveau s'accélérer depuis 1996, avec un taux annuel supérieur à 10 %. Ainsi, le montant des frais de justice a doublé au cours des cinq dernières années, passant de 800 à 1.600 millions de francs. Certes, la complexité et la technicité croissante des affaires dont est saisie la justice nécessite un recours accru aux expertises. Toutefois, votre rapporteur a eu écho de gaspillages, reconnus par ailleurs par les magistrats. Ainsi, la hausse de 114 % des frais de fourrière entre 1993 et 1996 est pour une grande partie liée à l'insuffisante gestion des scellés judiciaires. C'est pourquoi il tient à souligner la nécessité de développer un contrôle plus strict des dépenses relatives aux frais de justice. En effet, il serait fâcheux que la progression des crédits du ministère de la justice soit absorbée par une croissance incontrôlée et excessive des frais de justice.

6. La distinction entre accès au droit et accès à la justice

Enfin, votre rapporteur souhaite réaffirmer avec solennité qu'aucune réforme de l'institution judiciaire de pourra échapper à la question fondamentale de la redéfinition des missions de la Justice. En effet, la juridiciarisation croissante des questions de société conduit la Justice à élargir à l'infini le champ de ses interventions.

Or, non seulement le manque de moyens l'empêche de faire face à cet afflux de contentieux, mais son image est brouillée, la Justice se transformant en réceptacle de tous les dysfonctionnements sociaux. Cette tendance est également favorisée par la multiplication des textes législatifs assortis de dispositions pénales.

C'est pourquoi votre rapporteur estime urgent de rappeler que l'accès au droit ne signifie pas l'accès à la justice. Au contraire, le recours au juge dans certaines affaires doit être subsidiaire, lorsque toutes les autres voies de médiation et de conciliation ont été épuisées et doit servir uniquement à trancher un conflit en disant le droit. Parallèlement, il faut mieux informer nos concitoyens de leurs droits et de leurs devoirs et permettre aux plus défavorisés d'avoir accès au droit.

En outre, il faut encourager le développement des modes alternatifs de résolution des conflits. A cet égard, votre rapporteur, même s'il défend l'aide juridique dans son principe, regrette que l'aide juridictionnelle absorbe la quasi-totalité des crédits mis à sa disposition au détriment de l'aide à l'accès au droit qui devrait être encouragée davantage.

Il faut également poser le problème de la gratuité absolue et aveugle de la justice et de la part de responsabilité des auxiliaires de justice dans la juridiciarisation de la société.

7. La création d'une mission d'enquête sur l'administration pénitentiaire

Alors que les crédits à la disposition des services pénitentiaires avaient légèrement diminué en 1997, cette année, ils enregistrent une hausse de 4,7 %. Pourtant, la progression des moyens matériels reste insuffisante. Ainsi, faute de dotations suffisantes, les travaux de maintenance et de modernisation du parc ne sont pas effectués, ce qui oblige à effectuer de manière beaucoup trop fréquente de gros travaux de réparation financés sur le titre V. En outre, les services pénitentiaires semblent confrontés à de nombreuses difficultés, comme la surpopulation carcérale que les retards pris dans la construction des nouvelles prisons ne fait qu'aggraver. En outre, votre rapporteur estime que les données fournies sur la Chancellerie ne permettent pas au Parlement d'être correctement informé sur les services pénitentiaires, les problèmes et les éventuels dysfonctionnement qu'ils rencontrent. C'est pourquoi votre rapporteur a décidé de proposer, avant la fin de l'année, une résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les services pénitentiaires.

CHAPITRE PREMIER

PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS

1. Un budget en augmentation

Les crédits demandés pour la justice en 1998 progressent de 4,03 % et atteignent 24,867 milliards de francs . Cette hausse est d'autant plus remarquable qu'elle intervient après une inflexion sensible du budget de la justice en 1997 par rapport aux objectifs de la loi de programme : ce dernier se caractérisait par une augmentation de seulement 1,77 %. En outre, un gel de 194 millions de francs en dépenses ordinaires, de 3 millions de francs en dépenses en capital et de 600 emplois avait été arrêté au printemps 1997. Ce dispositif de régulation a cependant été totalement levé, dès juillet, pour les crédits et, en septembre, pour les emplois.

Votre rapporteur tient cependant à faire remarquer que cette progression des crédits ne permet pas de rattraper le retard provoqué par la loi de finances pour 1997 dans l'exécution de la loi de programme relative à la justice.

La part du budget de la justice dans le budget de l'Etat poursuit ainsi sa très lente progression en passant de 1,51 % en 1997 à 1,56 % en 1998.

2. Un budget concentré sur trois priorités

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution des crédits de 1997 à 1998 :

En 1995, première année d'application de la loi de programme sur la justice, l'accent fut mis sur les juridictions administratives. En 1996, la progression la plus nette fut celle des crédits de l'administration pénitentiaire. En 1997, priorité fut donnée aux services judiciaires.

Cette année, trois priorités se dégagent :

- l'amélioration de la justice au quotidien en diminuant les délais de contentieux excessifs dans les cours d'appel et en renforçant la justice de la famille et des enfants . Ainsi, le projet de loi de finances pour 1998 prévoit la création de 70 magistrats et de 230 fonctionnaires qui seront principalement affectés dans les cours d'appel, les tribunaux pour les enfants, les parquets des mineurs, les affaires familiales, les services des tutelles et les services de l'application des peines ;

- la modernisation des établissements pénitentiaires et la réforme des comités de probation en vue d'une meilleure insertion . La répartition des 300 créations d'emplois pénitentiaires reflète la priorité accordée à la réforme du milieu ouvert et à la détention des mineurs, puisque 200 emplois concernent des emplois de conseillers et de chefs de service d'insertion et de probation. Toutefois, la loi de finances pour 1998 prévoit par ailleurs le lancement de la première tranche du programme de construction de nouvelles places de prison ;

- le renforcement de la protection judiciaire de la jeunesse . La loi de finances pour 1998 prévoit la création de 100 emplois afin d'accélérer les réponses judiciaires concernant les jeunes suivis par la Justice en milieu ouvert, de développer la prévention des atteintes sexuelles, de renforcer la pluridisciplinarité des équipes en y associant des psychologues et des infirmiers et de renforcer les capacités d'hébergement.

II. L'EXÉCUTION DU PROGRAMME PLURIANNUEL POUR LA JUSTICE

Le 6 janvier 1995, la loi de programme n 95-9 relative à la justice a été promulguée, qui vise à augmenter les moyens des juridictions de 8,1 milliards de francs sur cinq ans, répartis de la manière suivante :

- services judiciaires 4,5 milliards de francs

- administration pénitentiaire 3 milliards de francs

- protection judiciaire de la jeunesse 0,4 milliard de francs

- juridictions administratives 0,2 milliard de francs

Cette loi a également prévu la création de 5.760 emplois budgétaires pendant la période 1995-1999 et devrait permettre d'augmenter de 6.100 les effectifs disponibles :

- services judiciaires 1.400

dont :


· magistrats
300


· fonctionnaires
1.020


· magistrats exerçant à titre

temporaire (en équivalent temps plein)
80

-
Conseil d'Etat et juridictions administratives 380

dont :


· magistrats
180


· fonctionnaires
200

- Administration pénitentiaire 3.920

- Protection judiciaire de la jeunesse 400

En 1997, le Gouvernement a décidé d'étaler sur une année supplémentaire l'exécution de cette loi de programme.

Dans ce contexte, l'exécution de la loi de programme se présente de la manière suivante, s'agissant, d'une part, des créations d'emplois, et, d'autre part, des équipements.

1. Les créations d'emplois

De fait, en dépit de l'étalement, les quatre grands secteurs Justice auront connu, à la fin de l'année 1998 au titre du programme, 2.993 créations d'emplois nets, soit 49,1 % de l'ensemble.

Cette moyenne cache cependant de fortes disparités par secteur.

- En ce qui concerne les services judiciaires, 952 emplois ont été créés au titre de la loi de programme sur les 1.400 prévues au total, soit un taux de réalisation de 68 % ;

- L'administration pénitentiaire est celle qui a connu le taux de réalisation le plus bas, puisque seulement 1.458 emplois sur 3.920 ont été créés, soit 47,9 %. Ce résultat doit toutefois être relativisé dans la mesure où 1.750  emplois ont été réservés pour les budgets 1998 et 1999 : il s'agit des emplois pénitentiaires liés à l'ouverture du programme de construction "4.000" et des 1.200 places nouvelles en centres de semi-liberté ;

- La protection judiciaire de la jeunesse a bénéficié de la création de 298 emplois sur les 400 prévus au total, soit un taux de réalisation de 74,5 % ;

- Quant aux juridictions administratives, 285 emplois sur les 380 prévus ont été créés, ce qui amène le taux de réalisation à 75 %.

2. Les équipements

S'agissant des équipements, la loi de programme a prévu une enveloppe de 8.100 millions de francs en autorisations de programme.

Entre 1995 et 1998, 6.236 millions de francs ont été inscrits dans les lois de finances successives, soit 77 % de l'ensemble.

Les services ont été dotés de la manière suivante :

- services judiciaires : 3.822 millions de francs sur 4.500 millions prévus (84,9 %) ;

- services pénitentiaires : 1.936 millions de francs sur 3.000 millions prévus (64,5 %) ;

- protection judiciaire de la jeunesse : 316 millions de francs sur 400 millions prévus (79 %) ;

- juridictions administratives : 162 millions de francs sur 200 millions prévus (77 %).

III. LES GRANDS SECTEURS

A. LES SERVICES DE L'ADMINISTRATION CENTRALE

Cet agrégat regroupe les moyens :

- de l'administration centrale du ministère, y compris les unités délocalisées à Nantes (Casier judiciaire national, bureau des pensions, centre d'exploitation statistique) ;

- des services communs destinés à soutenir, au plan local, l'action des services déconcentrés dans des domaines tels que l'informatique (centres de prestations régionaux), l'équipement (antennes régionales d'équipement) et les services sociaux ;

- de la commission nationale de l'informatique et des libertés ;

- de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

- pour les subventions des ordres de la Légion d'Honneur et de la Libération ainsi que la recherche dans le domaine de la justice (budget civil de recherche et de développement technologique).

En 1997, la part relative dans le budget de la justice des crédits de paiement alloués à l'administration générale était de 14,2 %. En 1998, ces crédits progressent de 2,2 % pour atteindre 3,5 milliards de francs . Toutefois, cette augmentation est proportionnellement plus faible que la hausse générale des crédits du budget de la justice. C'est pourquoi leur part relative diminue pour s'élever à 14 % de l'ensemble.

1. La stagnation des effectifs

L'effectif de l'administration centrale et des services communs reste stable et bénéficie de 4 pyramidages d'emplois et de 12 transformations. En revanche, un emploi est créé à la commission nationale de l'informatique et des libertés.

Une revalorisation des indemnités (+ 0,7 million de francs) est par ailleurs prévue .

2. Les moyens matériels en légère diminution

Les moyens de fonctionnement sont en diminution de 1,3 % par rapport à 1997 et s'élèvent à 454,03 millions de francs. Toutefois, cette diminution cache des évolutions contrastées.

Certains crédits sont en hausse.

- c'est le cas des crédits "informatique" de l'administration centrale (chapitre 34-05 article 10) qui enregistrent une augmentation de près de 20 % et s'élèvent à 24,1 millions de francs. Ils visent à renouveler les équipements et à remplacer plusieurs applications. De plus, le développement d'une messagerie informatique complémentaire au Minitel sera entreprise au profit du casier judiciaire national.

- de même, les crédits du chapitre 34-98 (Moyens de fonctionnement et de formation) augmentent de 1,7 % et s'élèvent à 185,8 millions de francs.

En revanche, certains crédits sont en baisse .

- il s'agit d'abord des crédits "informatique" des services communs (-4,4 %) et de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

- en outre, les subventions de fonctionnement diminuent de -3,2 % pour l'Ordre de la Libération, de -8,9 % pour la Légion d'Honneur et de -0,16 % pour le centre national de recherche scientifique.

Enfin, il convient de noter la création d'une mission de réforme de la carte judiciaire : 5 autorisations d'emplois temporaires sont proposés pour la durée de la mission et gagés sur des emplois vacants des juridictions. La mission est dotée d'une enveloppe de fonctionnement de 0,5 millions de francs (chapitre 34-98, administration générale, moyens de fonctionnement et de formation).

B. LES SERVICES JUDICIAIRES

Cet agrégat regroupe les moyens des juridictions de l'ordre judiciaire, du conseil supérieur de la magistrature, de l'école nationale de la magistrature et de l'école des greffes.

Les crédits des services judiciaires progressent de 4,7 % et s'élèvent à 11,04 milliards de francs. Leur part relative dans le budget de la justice passe ainsi de 44,1 % en 1997 à 44,4 % en 1998.

1. Une forte hausse des effectifs

En 1998, le nombre d'emplois budgétaires dans les services judiciaires devrait s'élever à 25.590, dont 6.187 magistrats et 19.403 fonctionnaires et non titulaires.

Le projet de budget prévoit, au titre de la loi de programme, la création de 300 emplois répartis de la manière suivante :

- 70 emplois de magistrats affectés dans les secteurs les plus encombrés : cours d'appel, tribunaux pour enfants, parquets des mineurs, affaires familiales, service des tutelles, application des peines ;

- 230 emplois de fonctionnaires de justice (dont 10 greffiers en chef, 90 greffiers et 130 agents de catégorie C) destinés à renforcer l'assistance des magistrats, accroître les capacités de traitement de l'information pour les greffes de la cour de cassation, des cours d'appel, des juridictions du premier degré et prendre en compte les responsabilités nouvelles confiées aux greffiers en chef.

Il convient toutefois de rappeler le décalage de quatre ans, lié aux modalités de recrutement et de formation du corps judiciaire, entre l'annonce de créations d'emplois et l'augmentation concrète du nombre de fonctionnaires.

C'est pourquoi le projet de loi de finances pour 1998 permet par ailleurs le recrutement de 16 magistrats à titre temporaire (9,91 millions de francs) et de 220 assistants de justice (8,44 millions de francs) au titre du renforcement des moyens humains de la justice. Un crédit de 1,76 million de francs doit également indemniser de leurs frais 400 conciliateurs de justice supplémentaires.

Sur le plan indemnitaire, 22 millions de francs doivent financer le relèvement d'un point des indemnités de toutes les catégories de fonctionnaires des greffes.

2. Des moyens de fonctionnement en forte progression

Le chapitre 37-92 (Moyens de fonctionnement et de formation) regroupe les moyens de fonctionnement de l'ensemble des catégories de juridictions ainsi que des crédits affectés à des dépenses de nature diverse (fonctionnement, travaux courants d'entretien immobilier, véhicules, modernisation, informatique déconcentrée, frais de déplacement).

Pour 1998, ces crédits augmentent de 13,4 % par rapport à ceux pour 1997 et s'élèvent à 1,24 milliard de francs.

Cette hausse des crédits est destinée à améliorer les conditions matérielles de travail et d'accueil dans les juridictions :

- 18, 4 millions de francs doivent financer les dépenses de structure et d'accompagnement matériel des créations d'emploi (équipement mobilier, télécopieurs, téléphones portables...) ;

- 7 millions de francs sont affectés à la modernisation de l'accueil dans les juridictions ;

- 21 millions de francs sont prévus pour la mise en service des nouveaux bâtiments judiciaires .

L'informatique judiciaire traitée au plan central (chapitre 34-05, Dépenses d'informatique et de télématique) et l'informatique déconcentrée (chapitre 37-92) bénéficient respectivement d'une enveloppe de 74,16 et 70,5 millions de francs. La poursuite et la mise à niveau des applications pénales, le déploiement des logiciels civils et l'informatisation des services administratifs régionaux sont les principales actions programmées.

La subvention de fonctionnement à l'école nationale de la magistrature augmente de 9,7 % pour s'élever à 156,6 millions de francs.

Par ailleurs, 25 millions de francs sont prévus pour financer la réforme de la profession des commissaires-priseurs.

Les frais de justice recouvrent principalement, au profit du traitement individuel de chaque affaire, les prestations matérielles et de services demandées par les magistrats ou requises par les procédures. Ils représenteront en 1998 1.605,1 millions de francs, soit une progression de + 8,4 % après une augmentation de 7,8 % en 1997 et de 7,6 % en 1996. Les frais de justice pénale représente 65 % de la dépense, les frais de justice civile 19 % et les frais de justice commerciale 13 %.

La dotation d'aide juridique atteindra 1.228 millions de francs, en très légère augmentation ( + 1,15 %) par rapport à l'année dernière.

3. Le renforcement des moyens en faveur de l'équipement

Les crédits de paiement pour l'équipement (chapitre 57-60) progressent de 8,3 % et s'élèvent à 976 millions de francs.

Les autorisations de programme atteignent 567 millions de francs et se répartissent en deux grandes enveloppes :

- 242 millions de francs affectés à la poursuite du programme pluriannuel d'équipement des services judiciaires (Grenoble, Dijon, Fort-de-France) ;

- 325 millions de francs gérés de manière déconcentrée pour les opérations de sécurité urgentes, les petites opérations de construction et de restructuration et le palais de justice de Paris.

C. LES SERVICES PÉNITENTIAIRES

Cet agrégat regroupe l'ensemble des moyens permettant à l'administration pénitentiaire d'assurer l'exécution des décisions pénales, à savoir :

- la prise en charge, au sein des établissements pénitentiaires, des personnes en détention provisoire ou condamnées à une peine privative de liberté ;

- la prise ne charge, par les comités de probation et d'assistance aux libérés, des personnes relevant des actions de surveillance et d'assistance en milieu ouvert.

Les crédits des services pénitentiaires devraient atteindre 7 milliards de francs, en progression de 4,7 % par rapport à l'année dernière.

1. Une augmentation des crédits de personnel

En 1998, le nombre d'emplois budgétaires dans les services pénitentiaires devrait s'élever à 25.086, dont 23.808 en milieu fermé et 1.278 en milieu ouvert.

Les crédits de personnel progressent de 2,7 % pour atteindre 4,146 milliards de francs.

Au titre de la loi de programme, 300 nouveaux emplois sont créés dont 200 destinés au développement des mesures alternatives à l'incarcération. 12 emplois de directeurs des services pénitentiaires permettront de former l'encadrement des trois premiers établissements du programme "4.000", fin 1998 (Lille, Toulouse et Le Pontet). Enfin, 88 emplois en personnel de surveillance sont créés, dont 50 pour les quartiers de mineurs détenus.

L'autorisation depuis 1994 de recrutement en surnombre de 150 emplois de personnels de surveillance est également maintenue.

Le projet de loi de finances pour 1998 prévoit également des mesures en faveur du personnel de l'administration pénitentiaire :

-5,1 millions de francs sont affectés à la réforme statutaire du personnel de direction avec la création d'un statut d'emploi de directeur régional et la transformation de 307 emplois de directeur de l'ancien en nouveau grade ;

- une provision de 5 millions de francs pour la réforme des personnels techniques et de l'enseignement professionnel ;

- une provision de 0,5 million de francs pour la création de l'emploi fonctionnel de chef de service d'insertion et de probation ;

- 7,5 millions de francs pour la revalorisation indemnitaire du personnel administratif soumis au statut spécial.

2. Une progression des moyens matériels qui reste insuffisante

Les crédits de fonctionnement augmentent de 5,7 % et s'élèvent à 2,566 milliards de francs . Ils sont répartis sur deux chapitres :

- le chapitre 34-23 (Services pénitentiaires, dépenses de santé des détenus), qui dispose de 470,9 millions de francs de crédits pour 1998 ;

- le chapitre 37-98 (Services pénitentiaires, moyens de fonctionnement et de formation) qui a à sa disposition 2,045 milliards de francs.

Toutefois, votre rapporteur tient à souligner l'insuffisance des crédits de fonctionnement mis à la disposition des établissements pénitentiaires. Faute de dotations suffisantes, les travaux de maintenance et de modernisation du parc ne sont pas effectués (renforcement de la sécurité, amélioration des conditions de détention et de travail du personnel), ce qui oblige à effectuer de manière beaucoup trop fréquente de gros travaux de réparation financés sur le titre V.

3. La relance du programme immobilier pénitentiaire

Pour 1998, les autorisations de programme atteignent 1.032 millions de francs, contre 337 en 1997 et les crédits de paiement s'élèvent à 284 millions de francs, contre 147 l'année précédente.

810 millions de francs seront consacrés à la réalisation de trois établissements (Toulouse, Lille et Le Pontet), qui correspondent à la première tranche du programme de construction de 4.000 nouvelles places de prison.

20 millions de francs sont destinés au lancement du programme de construction de 1.200 places de centres de semi-liberté.

32 millions sont affectés aux opérations de renforcement de la sécurité.

117 millions de francs sont prévus pour la poursuite des travaux de rénovation dans les établissements du parc classique.

Au 1er juillet 1997, on recensait 187 établissements pénitentiaires répartis comme suit :

Le parc pénitentiaire total (parc classique et "nouvelles prisons") enregistrait alors un taux d'occupation de 116 %, ainsi que le montre le tableau ci-dessous :

D. LES SERVICES DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Les crédits des services de la protection judiciaire de la jeunesse dans le projet de budget 1998 enregistrent une augmentation de 4,1 % pour atteindre 2,6 milliards en crédits de paiement .

1. Des moyens en personnel renforcés

Les crédits affectés aux dépenses en personnel progressent de 3,5 % et s'élèvent à 1,06 milliard de francs.

Au titre de la loi de programme, 100 emplois sont créés , dont 56 sont des emplois de directeurs et d'éducateurs, les autres permettant d'assurer le fonctionnement matériel des établissements d'accueil, de développer les prises en charges spécialisées (psychologues, infirmiers) et de renforcer la qualité de la gestion administrative des crédits et des emplois.

En outre, les personnels bénéficieront de mesures de revalorisation :

- 2,82 millions de francs sont prévus pour la réforme du statut des directeurs ;

- 44 emplois sont repyramidés ;

- 2,3 millions de francs seront consacrés à la revalorisation des indemnités pour travail des dimanches et jours fériés et pour surveillance de nuit.

2. La hausse des dépenses de fonctionnement

Les crédits affectés aux dépenses de fonctionnement s'élèvent à 1,45 milliards de francs, en progression de 3,2 %.

Ces crédits recouvrent l'entretien et la rééducation des mineurs (chapitre 34-33, 1,17 milliards de francs), les moyens de fonctionnement des services du secteur public (chapitre 34-34, 278 millions de francs) ainsi que les réparations civiles (chapitre 37-91, 1,6 millions de francs).

Toutefois, pour mieux appréhender concrètement les dépenses de fonctionnement du service public de la protection judiciaire de la jeunesse, il faudrait inclure les crédits du chapitre 46-01 (soit 28,9 millions de francs) qui regroupe les subventions et interventions diverses.

3. Les mesures en faveur de l'équipement

Le projet de loi de finances prévoit 76 millions de francs d'autorisations de programme (contre 80 en 1997) et 71 millions de francs de crédits de paiement (contre 33 l'année dernière).

Les autorisations de programme permettront notamment de financer :

- la création de foyers d'hébergement (14 millions de francs) ;

- l'adaptation d'hébergements existants (28 millions de francs) ;

- l'entretien du patrimoine (10 millions de francs) ;

- des opérations de sécurité et de mise aux normes (8 millions de francs).

E. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Le budget des juridictions administratives (le Conseil d'Etat, cinq cours administratives d'appel et trente-cinq tribunaux administratifs) devrait atteindre, en 1998, 734,1 millions de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, soit une progression de 7,6 % par rapport à l'année dernière.

1. Une augmentation importante des moyens de fonctionnement

Les dépenses en personnel sont en hausse de 9 % et atteignent 539,3 millions de francs.

61 emplois supplémentaires , dont 21 magistrats, sont inscrits au projet de budget 1998 en application de la loi de programme pour la justice. A ces créations d'emplois s'ajoute une autorisation de recrutement en surnombre temporaire de 15 nouveaux magistrats.

En outre, la réforme statutaire des magistrats des tribunaux administratifs et des cours d'appel adoptée en 1997 améliore le déroulement de carrière des magistrats administratifs. Son coût s'élève à 21,48 millions de francs.

Les crédits de fonctionnement sont en hausse de 5,5 %. Ainsi, le chapitre 34-51, dépenses de fonctionnement, voient ses crédits augmenter de 1,5 millions de francs tandis que les crédits finançant les frais de justice en matière administrative (chapitre 37-11 article 40) augmentent de 7 millions de francs.

En revanche, les crédits informatique (chapitre 34-05) diminuent de 869.000 francs.

2. Des crédits d'équipement également en augmentation

Les crédits du titre V s'élèvent à 40 millions de francs en autorisations de programme et 44 millions de francs en crédits de paiement.

Ces crédits d'équipement permettront de restaurer et de moderniser le Palais royal, d'acquérir et d'aménager le bâtiment du tribunal administratif de Rennes, de procéder aux derniers travaux de la cour administrative d'appel de Lyon et de reloger le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

IV. PRÉSENTATION DE L'ARTICLE 67 RATTACHE AU PROJET DE LA LOI DE FINANCES

Cet article tend à revaloriser le montant de l'unité de valeur servant à déterminer la dotation affectée au barreau au titre de l'aide juridique.

Conformément à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique, l'Etat affecte chaque année, à chacun des barreaux, une dotation représentant sa part contributive à la rétribution des avocats accomplissant des missions d'aide juridictionnelle, calculée en fonction d'une unité de valeur de référence.

L'article 67 du projet de loi de finances pour 1998 propose de revaloriser l'unité de valeur de 1,54 % en faisant passer son montant de 130  à 132 francs.

CHAPITRE II

L'ENLISEMENT DE LA JUSTICE

I. UNE DURÉE MOYENNE DE RÈGLEMENT DES AFFAIRES CIVILES INTOLÉRABLE POUR LE JUSTICIABLE

A. LA POURSUIT DE LA TENDANCE À LA HAUSSE DU NOMBRE D'AFFAIRES EN 1996

Sauf pour les tribunaux d'instance et, dans une moindre mesure, les cours d'appel, toutes les autres juridictions ont enregistré une hausse du nombre d'affaires dont elles ont été saisies.

1. la Cour de cassation

La Cour de cassation a été saisie de 20.275 affaires nouvelles contre 19.969 en 1995, soit une augmentation modérée de 1,5 %. En dix ans, le nombre d'affaires nouvelles a augmenté de 23,4 %.

Malgré la diminution du nombre d'affaires terminées (20.420 contre 21.499 en 1995), la Cour de cassation parvient à poursuivre la légère diminution du stock d'affaires entamée en 1995.

2. Les cours d'appel

Les cours d'appel ont enregistré 219.335 affaires nouvelles, soit une très légère baisse de 0.3 % par rapport à 1995. En dix ans, le nombre d'affaires nouvelles a toutefois augmenté de 49,5 %.

Le nombre d'affaires terminées a continué de croître mais à un rythme inférieur à celui des trois années précédentes (+ 2,6 % en 1996 contre + 6,1 % en 1995, + 4,3 % en 1994 et + 5 % en 1993) et ne permet pas d'empêcher une nouvelle augmentation du stock d'affaires en cours (5306.978 contre 291.640 en 1995).

3. Les tribunaux de grande instance

Les tribunaux de grande instance ont été saisis de 673.664 affaires nouvelles, soit 2 % de plus qu'en 1995. En dix ans, le nombre d'affaires nouvelles a augmenté de 57,6 %, avec une accélération depuis 1993 . En effet, la réforme relative au juge des affaires familiales a transféré un nombre important de contentieux du tribunal d'instance vers le tribunal de grande instance. En outre, la création du juge de l'exécution a provoqué de nouveaux contentieux de l'exécution.

Le nombre d'affaires terminées a continué de croître (+ 1,5 %) mais à un rythme inférieur à celui de 1995 (+ 5,7 %) ou de 1994 (+ 14,6). Sans le renforcement des effectifs, aucun gain de productivité supplémentaire n'est à envisager.

En outre, le stock d'affaires en cours progresse de 3,2 % et s'élève à 577.099, atteignant ainsi son niveau le plus haut depuis 10 ans.

4. Les tribunaux d'instance

Le nombre d'affaires enregistrées par les tribunaux d'instance a diminué de 1,6 % par rapport à 1995 pour s'élever à 478.500.

Toutefois, le nombre d'affaires terminées a chuté parallèlement de 7,8 %. En conséquence, le nombre d'affaires en cours a augmenté de 5 % et s'élève à 320.047.

5. Les conseils de prud'hommes

Alors que le nombre d'affaires nouvelles enregistrées était en diminution depuis trois années consécutives, ce dernier a augmenté de 6,4 % en 1995 pour atteindre 167.592.

Par ailleurs, le nombre d'affaires terminées a de nouveau diminué (- 4,3 % en 1996 après -1 % en 1995), le nombre d'affaires en cours augmentant en conséquence de 6 % pour s'élève à 143.001.

6. Les tribunaux de commerce

Les statistiques fournies par la Chancellerie sur les activités des tribunaux de commerce sont beaucoup moins précises. Ainsi, votre rapporteur n'a pu se procurer que des informations sur le nombre des affaires terminées. Ce dernier est en diminution de 6,7 % par rapport à 1995 et s'établit à 263.282. Votre rapporteur regrette la caractère partiel de ces renseignements qui limite la mission d'information du Parlement et veillera à ce que l'administration fournisse à l'avenir des indications plus précises.

B. DES DÉLAIS EXCESSIFS POUR LE RÈGLEMENT DES AFFAIRES CIVILES

Pour les cours d'appel, la durée des affaires terminées augmente de près d'un mois en 1996 et s'établit à 15,6 mois. Ce chiffre représente une dégradation par rapport aux années 1991 à 1994 (moins de 14 mois) et s'éloigne de l'objectif fixé par le programme pluriannuel pour la Justice (12 mois). Il faut remonter à 1989 pour retrouver un délai aussi élevé de règlement des affaires.

Pour les tribunaux de grande instance, la durée moyenne de traitement des affaires s'établit à 8,8 mois
, pratiquement au même niveau qu'en 1994 et 1995 (8,9 mois). Elle reste assez éloignée de l'objectif de 6 mois fixé par le programme pluriannuel pour la Justice.

Pour les tribunaux d'instance, la durée moyenne de traitement des affaires s'établit à 5 mois , soit une augmentation de près d'un mois depuis 10 ans. L'objectif de trois mois fixé par le programme pluriannuel pour la Justice est donc loin d'être atteint.

En revanche, pour les tribunaux de commerce, la durée de traitement des affaires est stable depuis 1994 (5,9 mois environ) et les redressements et les liquidations judiciaires sont même réglés un peu plus vite en 1996.

De même, en ce qui concerne les affaires traitées par les tribunaux des prud'hommes, la durée moyenne s'est plutôt améliorée puisqu'elle est passée de 10,1 mois en 1995 à 9,4 mois en 1996.

Or, ces délais peuvent s'apparenter à de véritables dénis de justice , surtout pour les procédures qui, par leur nature, requièrent un traitement rapide (appels en matière de référé, affaires familiales, appels des décisions du juge de l'exécution, affaires prud'homales, affaires de presse..).

Votre rapporteur tient à rappeler que la France a été condamnée plusieurs fois par la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg (arrêt Woutam Moudefo c. France du 11 octobre 1988, arrêt H. c. France du 24 octobre 1989) parce que les délais observés dans les procédures se révélaient suffisamment importants pour qu'il faille considérer comme excessive leur durée totale. En conséquence, la Cour a jugé que ce dépassement du délai raisonnable constituait une violation de l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

De même, dans un jugement rendu le 5 novembre 1997, le tribunal de grande instance de Paris a estimé que la responsabilité de l'Etat était engagée lorsqu'un justiciable, faisant appel devant la cour d'appel d'Aix, reçoit un avis précisant que la procédure engagée devant cette dernière ne pourra être examinée qu'à l'issue d'un délai de quarante mois.

En outre, ces délais moyens cachent de fortes disparités selon les juridictions, en fonction de leur encombrement. Ainsi, en matière de divorce, le délai de traitement des demandes en divorce pour faute est de 12 à 14 mois au tribunal de grande instance de Nanterre, de 18 mois à ceux de Versailles et de Pontoise et de 24 mois à celui de Chartres.

II. LA DÉRIVE DU CLASSEMENT DES AFFAIRES SANS SUITE

En 1996, 5.185.000 plaintes, dénonciations et procès-verbaux sont parvenus aux parquets, soit un chiffre à peu près équivalent à celui de 1995. Toutefois, l'évolution du taux global de classement sans suite au cours de la dernière décennie se caractérise par sa forte progression. Alors que ce taux s'élevait à 69 % en 1987, il a atteint près de 80 % au cours des trois dernières années recensées

Sur ce nombre total de saisines des parquets, environ 3.189.000 (soit 61,5 %) concernent des auteurs inconnus. La tendance au gonflement croissant du poids de ces procédures contre auteurs inconnus (42 % en 1990, 54 % en 1992) a donc repris, après une interruption en 1995.

Le nombre de procédures classées sans suite (4.115.000, soit 79,3 % des plaintes parvenues aux parquets) est en légère diminution de 1,1 % par rapport à 1995.

A. UN NOMBRE TROP ÉLEVÉ DE CLASSEMENTS D'AFFAIRES SANS SUITE

Certes, il appartient aux procureurs d'apprécier l'opportunité des poursuites et dans de nombreux cas, le classement sans suite apparaît justifié : absence d'infraction ou infraction non caractérisée, retrait de plainte du justiciable, affaire relevant du tribunal civil (litiges sur les loyers, les procédures de divorce, des querelles de voisinage, médiation (arrangement entre l'auteur d'une infraction et la victime) ou bien injonction thérapeutique (contrat passé avec un toxicomane qui accepte de suivre des soins sous le contrôle d'organismes sociaux). Une réforme de la statistique pénale est en cours et devrait permettre de circonscrire strictement le champ des affaires pénales pouvant donner lieu à des poursuites.

Toutefois, le classement sans suite est également utilisé pour pallier l'incapacité de certaines juridictions à traiter l'ensemble des affaires dont elles sont saisies. Ainsi, certains procureurs choisiront de classer sans suite pour ne pas aggraver davantage l'encombrement de ces dernières. Il semble d'ailleurs que plus la masse de contentieux est importante, plus le taux de classement sans suite est fort. Or, de telles pratiques sont en contradiction avec le principe d'égalité des citoyens devant la loi.

B. DES SITUATIONS DISPARATES QUI ENTRAÎNENT UNE INÉGALITÉ  DES CITOYENS DEVANT LA JUSTICE

Parce que faute d'effectifs suffisants, certaines juridictions ne sont pas capables de faire face à l'afflux des dossiers et de traiter les affaires qui leur incombent dans des délais raisonnables, le principe d'opportunité des poursuites est utilisé pour réguler les flux, ce que condamne votre rapporteur.

Dans les juridictions très encombrées (à savoir celles des grands centres urbains), le taux de classement s'établit à des niveaux très supérieurs à la moyenne nationale (53 %). Ainsi, il s'élevait en 1995, pour les plaintes dont les auteurs étaient pourtant identifiés, à 82 % à Lyon, 77 % à Toulouse et 65 % à Lille.

Au contraire, dans de petites juridictions ou dans des juridictions rurales, il est plus réduit (30 % à Saverne).

Or, ces disparités remettent en cause le principe de l'égalité des citoyens devant la loi. Elles risquent en outre d'affaiblir encore davantage la confiance des Français dans leur justice. Par exemple, pour le vol dans les magasins, le parquet ne poursuivra pas si le préjudice est inférieur à 1.000 francs à Strasbourg, 500 francs à Mulhouse mais 200 francs seulement à Saverne. Que penser d'une justice qui, de part ses dysfonctionnements, assure à tout voleur qu'il pourra agir impunément sans risque de sanction s'il choisit bien le lieu de ses délits? Il apparaît donc urgent de réaffirmer très fermement les frontières entre le droit et l'illégalité et de réhabiliter la Loi et l'ordre républicain.

C. DES DÉCISIONS DE JUSTICE INÉGALEMENT EXÉCUTÉES

Pour que la justice retrouve la confiance des citoyens, il ne suffit pas que les plaintes soient instruites et qu'une décision de justice intervienne. Il faut par ailleurs que cette dernière soit exécutée. Or, à ce sujet, le juge de l'application des peines dispose d'une très large marge de manoeuvre, qui l'amène à adopter des positions très différentes selon les juridictions. Votre rapporteur a par exemple appris que dans les juridictions du ressort de la cour d'appel de Lyon, la plupart des peines d'emprisonnement inférieures à un an n'étaient jamais exécutées dans les termes fixées par les juridictions correctionnelles. Une telle évolution apparaît d'autant plus regrettable que les peines répondent à ce vieux réflexe culturel selon lequel seule la crainte d'être punis oblige les citoyens à respecter la loi. Si les peines ne sont plus appliquées, ce qui devait être une garantie pour l'application des lois devient un facteur d'affaiblissement inquiétant de la norme.

Votre rapporteur tient à souligner qu'il fera, au premier trimestre de l'année prochaine, une communication sur le classement des affaires sans suite et les problèmes engendrés par la dérive de cette procédure.

III. LA NÉCESSITÉ DE MIEUX ORIENTER L'AIDE JURIDIQUE

Le franc succès remporté par la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle montre qu'elle répond à un vrai besoin. Concernant l'aide juridictionnelle, les demandes d'admissions se sont élevées à 729.791 en 1996 et 665.719 d'entre elles ont reçu une réponse favorable. Les difficultés économiques des familles concernées par l'aide juridictionnelle constituent une réalité puisque plus de la moitié des demandeurs sont des chômeurs ou des inactifs. Les demandeurs de l'aide juridictionnelle sont en majorité des femmes (59 % en 1995 et 71 % lorsqu'il s'agit d'une demande de divorce).

Pourtant, et sans remettre en cause l'aide juridique dans son principe, l'augmentation des crédits mis à sa disposition est inquiétante, dans la mesure où elle absorbe une part croissante de la hausse générale des crédits du budget de la justice.

Les tableaux ci-après permettent de comparer l'évolution du budget de la justice et celle de l'aide juridique. A l'exception des années 1994 et 1995, les crédits mis à la disposition de l'aide juridique ont crû beaucoup plus rapidement que ceux du budget de la justice. Ainsi, en 1996, les premiers ont augmenté de 18,6 % contre 4,1 % pour les deuxièmes. De même, en 1997, les hausses ont atteint respectivement 11,9 % et 6,1 %.

En outre, votre rapporteur regrette la lenteur de la mise en place du deuxième volet de la loi du 10 juillet 1991, qui a vocation à intervenir en amont du procès afin de faciliter l'accès des citoyens à la connaissance de leurs droits et de leurs obligations. Ainsi, depuis l'entrée en vigueur de la loi, seuls vingt conseils départementaux de l'aide juridique ont fait l'objet d'un arrêté d'approbation publié au Journal Officiel de la République. Alors que depuis 1993, les dotations du chapitre 46-12 (aide juridique), sont supérieures à un milliard de francs, le montant cumulé des subventions versées par le ministère de la justice aux conseils départementaux de l'aide juridique au titre des exercices 1993 à 1996 s'élève à peine à 5 millions de francs.

Par ailleurs, si les conseils départementaux de l'aide juridique ont permis de mettre en place des dispositifs de consultations juridiques gratuites ou aidées, ils n'ont pas inclus dans leurs programmes d'activité l'assistance au cours de procédures non juridictionnelles. Or, seul le développement massif d'alternatives au recours contentieux permettra de désengorger les tribunaux et d'apporter aux justiciables des solutions acceptables dans des délais raisonnables.

C'est pourquoi votre rapporteur plaide pour une augmentation substantielle, à l'intérieur de l'aide juridique, des crédits à la disposition de l'aide à l'accès au droit . Parallèlement, il souhaite une adaptation du droit aux évolutions de la société : la multiplication du nombre de familles recomposées appelle sans doute une modification de la procédure de divorce par consentement mutuel et de la prestation compensatoire. A cet égard, il convient de ne pas oublier que les admissions à l'aide juridictionnelle pour les contentieux civils, et principalement familiaux, constituent les trois cinquièmes des admissions totales à l'aide juridictionnelle.

En réalité, le débat sur les modalités de l'aide juridique pose implicitement la question de la gratuité de la justice. Votre rapporteur a conscience qu'il s'agit d'un sujet sensible et que toute réflexion sur ce thème entraîne le risque, pour son auteur, d'être accusé de vouloir instaurer une justice à deux vitesses.

Pourtant, le statu quo actuel n'est pas tenable.

D'une part, le principe de la gratuité de la justice est d'ores et déjà un leurre. Certes, les magistrats et les greffiers sont payés par l'Etat, mais le justiciable doit assumer les honoraires de son avocat. Or, les plafonds de l'aide juridictionnelle (4.480 francs pour l'aide totale et 7.273 francs pour l'aide partielle en 1997) excluent de son bénéfice une grande partie de la population sans qu'elle puisse pour autant faire face à ces frais.

D'autre part, que penser d'une justice qui est peut-être gratuite, mais également dans l'incapacité d'apporter au justiciable une décision dans des délais raisonnables? La justice n'est pas un bien de consommation courante et, fort heureusement, les individus n'y ont recours qu'un nombre très limité de fois dans leur vie. En revanche, lorsqu'ils y font appel, ils attendent d'elle une réponse rapide à la question de droit posée. La priorité est donc moins donnée à la gratuité de la justice qu'à sa rapidité et à son efficacité.

En outre, il n'est pas question de contester la gratuité de la justice dans sa globalité. Ainsi, ce principe conserve toute sa légitimité en matière pénale et pour les affaires matrimoniales. En revanche, il pourrait être modulé pour les affaires qui ne mettent en jeu que des intérêts patrimoniaux afin de favoriser les procédures de médiation et de transaction. Une telle réforme permettrait de désengorger les tribunaux et de responsabiliser certains justiciables qui ne s'estiment satisfaits que si leur affaire a été tranchée par un juge, alors même qu'il existe des alternatives au recours contentieux.

Or, une telle dérive est inquiétante car elle engendre des frais de justice importants. A cet égard, votre rapporteur s'inquiète de la tendance, chez les parties, à porter les litiges devant la juridiction pénale lorsque la nature des faits le permet afin de ne pas avoir à supporter les frais qui resteraient à leur frais à l'issue du procès.

IV. LES INCOHÉRENCES DE LA CARTE JUDICIAIRE ACTUELLE

La carte judiciaire n'a que très peu évolué depuis la réforme judiciaire de 1958 qui a substitué aux 2.902 justices de paix et aux 359 tribunaux de première instance, respectivement, 455 tribunaux d'instance et 172 tribunaux de grande instance.

4 cours d'appel, 8 tribunaux d'instance, 6 tribunaux de commerce ont été créés. Par ailleurs, il a été procédé à quelques regroupements de conseils de prud'hommes et de tribunaux de commerce.

Ainsi, l'architecture générale de la carte judiciaire ne s'est pas adaptée à l'évolution démographique, économique et sociale de la société française.

A cet égard, le rapport sur l'état de la carte judiciaire, établi en application de l'article 5 de la loi programme n °95-9 du 6 janvier 1995 relative à la justice dresse un état de la carte judiciaire qui fait apparaître, par type de juridiction, les disparités qui suscitent les reproches les plus fréquents.

* En ce qui concerne les cours d'appel (33 en métropole et 2 en outre-mer), leurs caractéristiques sont très différentes d'une juridiction à l'autre :

- un rapport démographique de 1 à 28 ;

- un rapport en effectifs de 1 à 19 pour les magistrats et de 1 à15 pour les fonctionnaires ;

- un rapport de 1 à 27 pour l'activité civile ;

- un rapport de 1 à 14 pour la dotation budgétaire allouée annuellement à la juridiction.

* L'examen de la carte judiciaire des tribunaux de grande instance (175 en métropole et 6 en outre-mer) fait apparaître des disparités encore plus grandes.

83 départements ne comportent qu'un ou deux tribunaux de grande instance ( dont 42 n'en comptent qu'un seul), 15 départements en comportent trois, 1 en comporte quatre (Pas-de-Calais) et le Nord en comporte sept.

Si 78 tribunaux de grande instance n'ont qu'une chambre, 84 en comportent entre 2 et 4, 13 en ont entre 5 et 8, 5 sont composés de 10 (Lyon) à 13 (Nanterre) chambres, le tribunal de grande instance de Paris en ayant 31.

On peut ainsi constater qu'il existe :

- un rapport démographique de 1 à 20 ;

- un rapport en effectifs de magistrats et fonctionnaires de 1 à 35 ;

- un rapport de 1 à 35 pour l'activité civile ;

- un rapport de 1 à 28 pour la dotation budgétaire allouée annuellement à la juridiction ;

* S'agissant des tribunaux d'instance (462 en métropole, 11 en outre-mer et 3 ayant compétence exclusive en matière pénale), leur répartition géographique et leur composition sont encore plus inégales que pour les tribunaux de grande instance.

Certains départements comptent pour des raisons historique, économique et sociale de nombreux tribunaux d'instance : 20 à Paris, 11 dans le Pas-de-Calais, 10 dans le Nord et les Hauts-de-Seine, 9 en Moselle.

Leurs différentes caractéristiques font apparaître :

- un rapport démographique de 1 à 69 ;

- un rapport en effectifs de magistrats de 1 à 11 et de 1 à 58 pour les fonctionnaires ;

- un rapport de 1 à 350 pour l'activité civile (1 à 580 pour l'activité pénale) ;

- un rapport de 1 à 30 pour la dotation budgétaire allouée annuellement à la juridiction.

* De même, la physionomie de la carte judiciaire prud'homale (264 conseils de prud'hommes en métropole, 7 en outre-mer) présente une grande diversité toujours pour des raisons géographique, économique ou sociale, certains départements regroupant de nombreux conseils de prud'hommes (14 dans le Nord, 7 dans le Pas-de-Calais...) alors que d'autres n'en comportent qu'un seul (Gers, Mayenne, Indre-et-Loire...).

Cette diversité se retrouve également lorsque l'on compare l'activité respective de ces juridictions, certains conseils de prud'hommes ayant moins de 100 affaires nouvelles par an, alors que d'autres dépassent le millier.

L'examen de la carte consulaire (228 tribunaux de commerce) fait apparaître les mêmes disparités. Si de nombreux départements (25) n'ont qu'un seul tribunal de commerce, certains en comptent beaucoup plus (9 en Seine-Maritime, 7 dans le Calvados, 6 dans l'Hérault...). D'autres en sont totalement dépourvus (Lozère, Haute-Savoie, Creuse...), le tribunal de grande instance exerçant, dans ce cas, les compétences dévolues à la juridiction commerciale.

Par ailleurs, le législateur a attribué à certaines juridictions commerciales (216), en raison de la complexité du contentieux, la connaissance des procédures de redressement et de liquidation judiciaires applicables aux commerçants et artisans. Or, les deux-tiers du contentieux des procédures collectives sont actuellement traités par 30 à 40 % des juridictions consulaires, le dernier tiers étant très dispersé entre de nombreuses juridictions de taille parfois insuffisante.

Le constat de l'inadaptation de la carte judiciaire avait conduit le précédent Garde des sceaux à mettre en place un dispositif de consultation nationale. Dans ce cadre, il était demandé aux chefs de juridiction ainsi qu'aux préfets de présenter, à partir d'un diagnostic de chaque situation locale, des propositions d'adaptation de la carte judiciaire. Le nouveau Garde des sceaux a décidé de poursuivre ces consultations, en insistant sur le fait que ce diagnostic local ne constituait qu'une première phase, dont l'exploitation nationale servirait de base à une approche progressive et pragmatique de la modernisation des implantations de justice. Le Garde des sceaux souhaite que ce débat sur la carte judiciaire soit abordé dans une conception d'ensemble, privilégiant les réponses de proximité, renforçant la présence du droit et de la justice dans les zones à faible densité de population sous réserve de réorganisation et de modernisation des méthodes de travail.

A cet égard, votre rapporteur souhaite rappeler la position qu'il avait défendue dans le rapport publié par la commission de contrôle créée le 13 décembre 1990 pour réfléchir sur le fonctionnement et les moyens de l'autorité judiciaire.

D'une part, il insistait sur l'existence d'une autorité unique par département au niveau du ministère public, qui serait le correspondant du préfet, du commandant de groupement de gendarmerie ou encore, du directeur départemental des polices. Ainsi pourrait être envisagé le maintien d'un tribunal de grande instance avec des antennes et des chambres détachées. De même existeraient, outre le président du tribunal et le procureur de la République, des présidents et des procureurs délégués.

D'autre part, il insistait sur la nécessité de préserver une justice de proximité compétente pour régler les litiges de la vie quotidienne. En effet, le lien entre le juge et le justiciable ne doit pas être distendu. Le juge d'instance doit rester le juge de droit commun en matière civile, ce qui suppose un renforcement de ses moyens.

En outre, votre rapporteur se prononce pour une déconcentration des décisions relatives à l'organisation et au fonctionnement des juridictions qui, désormais, seraient prises au niveau des cours d'appel.

En tout état de cause, votre rapporteur refuse que le débat sur la carte judiciaire soit abordé uniquement sous un angle budgétaire. Il sera donc très attentif à la méthode utilisée par le gouvernement et veillera à ce que la modernisation de cette carte ne conduise pas à l'application du seul modèle de rationalisation des choix budgétaires.


EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 12 novembre , sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission des finances a procédé à l'examen des crédits du budget de la justice et article 67 rattaché, sur le rapport de M. Hubert Haenel, rapporteur spécial.

Après l'exposé du rapporteur spécial, un large débat s'est alors ouvert. MM. Christian Poncelet, président, et François Trucy se sont inquiétés des conséquences négatives que pourrait entraîner la remise en cause du principe de la gratuité de la justice.

Puis, M. François Trucy a demandé des renseignements supplémentaires sur les modalités de recrutement des 70 magistrats prévu dans le budget 1998 et sur les frais de justice.

M. Maurice Schumann s'est interrogé sur le devenir de la réforme des cours d'assises élaborée par l'ancien garde des Sceaux. Par ailleurs, il a indiqué que Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice, l'avait convaincu, lors de son audition par la commission, de la nécessité d'une réforme visant à limiter les interventions du garde des sceaux vis-à-vis du Parquet.

M. Christian Poncelet, président, a alors regretté que le Gouvernement ne soit pas capable de trouver 130 millions de francs pour financer la réforme des cours d'assises mais puisse débloquer 35 milliards pour créer des emplois-jeunes.

En réponse, M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, comparant les dysfonctionnements de cette dernière à ceux de la sécurité sociale, a estimé que la gratuité de la justice conduisait à des abus. A cet égard, il a fait remarquer que certains justiciables n'hésitaient pas à faire passer des affaires du civil au pénal afin que les frais de justice soient mis à la charge de l'Etat. Il a rappelé qu'il était favorable à un recrutement plus large des magistrats à tous les niveaux, afin "d'aérer" ce corps.

Puis, il a indiqué que les frais d'expertise comptable s'élevaient entre 200.000 et 300.000 francs en moyenne. Par ailleurs, il a jugé indispensable de recadrer la discussion sur l'indépendance des magistrats qui devrait conduire à une relation, clarifiée mais réaffirmée, entre le garde des sceaux et le Parquet. Il a déclaré que trois principes devaient guider l'action des magistrats, à savoir la légitimité, l'impartialité et la responsabilité. Il a reconnu que ce sujet était difficile à aborder avec les jeunes auditeurs mais que les chefs de juridiction étaient conscients de la nécessité, pour chaque magistrat, de ne pas trop se dévoiler pour éviter de susciter la méfiance du justiciable.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits relatifs à la justice pour 1998 , avant d' adopter l'article 67 rattaché.

Réunie le mercredi 12 novembre 1997, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission des finances a proposé au Sénat l'adoption des crédits relatifs à la justice pour 1998 , avant d' adopter l'article 67 rattaché.


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