AVIS n° 86 Tome X - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE - COMMUNICATION AUDIOVISUELLE


M. Jean-Paul HUGOT, Sénateur


Commission des Affaires culturellesAvis n° 86 - Tome X - 1997/1998

Table des matières






N° 86

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME X

COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Par M. Jean-Paul HUGOT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar, vice-présidents ; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Gérard Fayolle, Alain Gérard, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Philippe Nachbar, Michel Pelchat, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 230 , 305 à 310 et T.A. 24 .

Sénat : 84 et 85 (annexe n° 7 ) (1997-1998).

Lois de finances .

Mesdames, Messieurs,

En augmentation de 3,3 % par rapport à la loi de finances initiale de 1997, le projet de budget pour 1998 semble traduire une volonté de favoriser le développement de l'audiovisuel public.

Mais l'examen attentif des crédits des organismes conduit à nuancer sérieusement l'analyse en fonction de la conception exigeante que la commission des affaires culturelles se fait des missions et des besoins de l'audiovisuel public.

Que constate-t-on en effet ?

- la part relative des recettes publicitaires et des ressources publiques dans le financement des chaînes, critère incontournable des ambitions de la programmation, va évoluer légèrement en faveur des recettes publicitaires. Sur quoi se fonde, dans ces conditions, l'idée développée par le ministre de la communication que le projet de budget va inverser la " spirale infernale " des années passées ?

- la redevance va augmenter sensiblement, c'est une décision courageuse mais déjà marquée du sceau de l'anachronisme : la véritable " spirale infernale ", celle de la diversification radicale des services et des équipements de réception, va bientôt rendre ce mode de financement obsolète. Or aucune réflexion n'est menée sur le financement futur de l'audiovisuel public.

- les crédits budgétaires à l'audiovisuel public sont concentrés de façon accrue dans le budget de France 2 et dans celui de France 3, ce qui ouvre vraisemblablement la voie à des régulations déstabilisatrices pour la gestion de ces chaînes. En revanche, ce risque est épargné aux chaînes estimables et attrayantes mais périphériques, que sont la Sept-Arte et La Cinquième au sein du secteur public. Un clivage pernicieux en résultera entre une télévision de niche chargée des vertus du service public, et une télévision de masse implicitement vouée à l'alignement sur les chaînes commerciales privées. N'est-ce pas en s'autorisant ce genre de facilités que l'on minera peu à peu la légitimité de l'audiovisuel public ?

- le projet de budget, à un moment crucial de l'évolution du paysage audiovisuel, ne prévoit aucune mesure pour accélérer l'adaptation de France Télévision aux exigences nouvelles de l'économie de la communication. Bien au contraire, des déclarations gouvernementales ont paru, dans le courant de l'été, remettre en question les conditions juridiques de la présence de France Télévision sur le bouquet satellitaire TPS, présence qui assure au groupe, à moindre coût pour les finances publiques, la possibilité de faire l'expérience des nouveaux métiers de la communication, des nouveaux modes de diffusion, des nouvelles logiques de contact avec le public.

- quelques mesures de modernisation sont prévues en revanche en faveur de La Cinquième et de l'INA, sans que le degré de préparation des réalisations envisagées semble, s'agissant de La Cinquième, justifier l'attention particulière du gouvernement.

- enfin, la vacuité du projet de budget face aux défis de la société de l'information trouve sa contrepartie logique dans le temps considérable que le gouvernement prend pour élaborer un projet de loi modifiant la loi sur la liberté de la communication, alors que l'urgence de certaines adaptations et la nécessité de combler certains vides juridiques ne sont mis en doute par personne.

Dans ces conditions, votre rapporteur souhaite que son rapport pour avis sur le projet de budget de l'audiovisuel public apparaisse comme un rappel de l'urgence et un appel à l'action. L'audiovisuel public aborde une nouvelle période de son existence, il appartient à l'Etat de préciser ses horizons, ses moyens, ses stratégies. La communication audiovisuelle est en cours de bouleversement, il faut sans plus tarder lui donner le cadre juridique précis et sûr que les opérateurs français attendent pour opérer leur redéploiement.

I. LES CRÉDITS DES ORGANISMES DU SECTEUR PUBLIC EN 1998

Le projet de budget de l'audiovisuel public est en augmentation de 3,3 % en 1998 par rapport à la loi de finances initiale pour 1997 et s'établit à 18 milliards de francs. Ceci représente par rapport aux 17,429 milliards de francs du budget initial de 1997 1( * ) un supplément de quelque 571 millions de francs correspondant à l'accroissement des ressources publiques (+ 377,8 millions de francs) et à l'augmentation des ressources propres des organismes (+ 193,4 millions de francs).

En ce qui concerne les charges, le projet de budget prévoit 303,3 millions de francs de mesures nouvelles, mesure partiellement compensée par un effort d'économies de 153,1 millions de francs, soit 0,85 % du budget total.

Il convient d'examiner ces différents points avant d'évoquer leur traduction dans le budget prévisionnel de quelques organismes publics, et leurs conséquences pour l'action de ces organismes.

A. LES RESSOURCES ET LES CHARGES

1. La redevance

Son taux, en augmentation de 5 % par rapport à 1997, s'établira à 471 francs pour un récepteur noir et blanc, et à 735 francs pour un récepteur couleur.

L'objectif est de renforcer le rôle de cette recette dans le financement des organismes publics. On en sait les avantages : sécurité financière, régularité des encaissements, relation directe entre la prestation proposée par les chaînes publiques et son financement. On remarquera que cette augmentation s'inscrit dans une tendance à l'évolution rapide des taux de la redevance à laquelle l'année 1997 avait donné un coup d'arrêt momentané : + 4,5 % en 1993, + 4 % en 1994, + 6,2 % en 1995, + 4,5 % en 1996 et stabilité en 1997.

On remarquera aussi qu'une augmentation continue et excessive des taux de la redevance pourrait à terme conduire une partie du public à mettre en doute la légitimité d'un prélèvement qui finance une part de plus en plus étroite de l'offre audiovisuelle, une part plus étroite encore de l'offre effectivement consommée et s'analyse de plus en plus comme la rémunération arbitraire d'une consommation virtuelle forcée : la gabelle n'est pas loin !

Réserve faite de cette invite à la réflexion, on peut considérer l'augmentation prévue pour 1998 comme un rattrapage du gel de 1997. Celui-ci avait été rendu indispensable par la nécessaire stabilisation des prélèvements obligatoires, à laquelle il était naturel que le secteur public contribue.

La redevance rapportera l'année prochaine un montant supplémentaire de 760 millions de francs grâce à la revalorisation des taux, mais aussi grâce aux recettes supplémentaires (+ 2 % par rapport à l'objectif fixé pour 1997) provenant d'un fort élargissement de l'assiette de la taxe (+ 430.000 comptes payants " couleur ") en raison :

- de l'application à partir du 1er janvier 1998 de la condition de perception de l'allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse pour l'obtention du droit à l'exonération par les nouveaux postulants ;

- des nouvelles possibilités de contrôle qu'offre le rapprochement du fichier de la redevance avec celui de la taxe d'habitation, autorisé par l'article 46 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996.

En ce qui concerne les exonérations de redevance, il convient d'observer que les montants non perçus se sont élevés à 2,563 milliards de francs en 1995, 2,614 milliards de francs en 1996, et représenteraient 2,635 milliards de francs en 1997.

Outre les personnes désignées par le décret n° 93-1314 du 20 décembre 1993, l'exonération de redevance est accordée aux établissements habilités à recevoir les bénéficiaires de l'aide sociale et aux établissements hospitaliers ou de soins non assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée.

Les montants non perçus correspondant aux exonérations sont considérables par rapport à un budget global de 18 milliards de francs, et il ne fait aucun doute que ce régime est largement responsable de la précarité des ressources des organismes publics. Pour l'illustrer, il suffit de mettre le montant de 2,635 milliards de francs d'exonération estimé pour 1997 en rapport avec le montant global des dotations budgétaires, soumis à régulation, attribué la même année aux organismes publics : 1,159 milliard de francs, dont 697,6 millions de francs au titre des remboursements d'exonération (ajoutons que la régulation budgétaire a abaissé ce dernier montant à 526 millions de francs au 30 septembre 1997). Du point de vue de l'audiovisuel public, le régime des exonérations équivaut donc à échanger une ressource abondante et stable contre une ressource moindre et précaire.

Faut-il pour autant condamner cette " collusion " entre la politique sociale et la politique audiovisuelle de l'Etat, et mettre en question le régime des exonérations ? Votre rapporteur ne croit pas réaliste ni même juste d'alourdir brusquement les charges de personnes âgées ou invalides à faibles revenus, qui ne se portent d'ailleurs pas forcément sur les programmes d'Arte ou de La Cinquième, ni même majoritairement sur ceux de France Télévision. L'élargissement progressif de l'assiette de la redevance opéré par le décret du 30 septembre 1993 a sensiblement diminué en quatre ans le nombre des comptes exonérés. L'année 1998 va accentuer cette tendance avec l'entrée en vigueur de la disposition subordonnant le bénéfice de l'exonération, pour les personnes entrant dans le champ d'application du régime, à l'éligibilité à l'allocation supplémentaire du fonds de solidarité vieillesse.

Cette disposition paraît constituer le maximum de ce qu'il est possible de faire pour élargir l'assiette de la redevance. Votre rapporteur estime opportun de s'en tenir là : la politique de limitation des exonérations ne peut manifestement pas justifier des mesures que des catégories de personnes fragiles sur le plan économique ressentiraient comme agressives et injustifiées.

Votre rapporteur estime que cette politique ne devrait pas non plus passer par la création et le maintien de discriminations entre établissements d'enseignement. Il semble que les établissements d'enseignement public soient dispensés du paiement de la redevance sur simple demande adressée au centre régional compétent, les établissements privés la payant en revanche pour tout récepteur à finalité pédagogique installé dans leur enceinte. Cette discrimination institue une inégalité devant la loi d'autant plus choquante qu'elle affecte un instrument pédagogique qui jouera un rôle de plus en plus important pour l'accès au savoir.

L'administration des finances justifie cette situation avec d'étranges arguments comme le montre la lecture des réponses apportées en février 1995 puis en février 1996 à deux questions écrites identiques de M. Claude Huriet.

Première réponse : " La réflexion sur l'harmonisation des conditions d'assujettissement à la redevance de l'audiovisuel des établissements d'enseignement a été menée mais n'a pu aboutir à une modification de la réglementation en vigueur. Accorder un régime plus favorable aux établissements d'enseignement privés sous contrat d'association conduirait à diminuer le produit de la redevance. Or, en raison des besoins financiers de l'audiovisuel public, accrus avec l'arrivée de la télévision de la formation, du savoir et de l'emploi , il n'a pu être envisagé d'étendre les cas d'exonération ".

Seconde réponse : " Les frais de fonctionnement des établissements d'enseignement privés sous contrat d'association sont pris en charge par l'Etat pour le personnel et par les collectivités territoriales pour le matériel. La contribution de ces dernières est calculée sur la base d'un coût moyen d'un élève de l'enseignement public majoré de 5 % pour couvrir les charges diverses qui s'imposent spécifiquement aux établissements privés sous contrat. Les dépenses au titre de la redevance audiovisuelle sont prises en considération dans ce forfait. Par conséquent, si les conditions d'assujettissement à la redevance de l'audiovisuel sont différentes pour les établissements publics d'enseignement et les établissements privés, il ne semble pas pour autant qu'il en résulte une disparité financière au détriment des établissements privés . "

La première réponse assume avec un certain cynisme les vraies raisons de la discrimination maintenue. La seconde réponse entoure le même refus d'accorder un traitement égal aux deux catégories d'établissements de faux prétextes tirés des modalités de prise en charge par les collectivités territoriales des frais de fonctionnement en matériel des établissements privés sous contrat d'association. On ne saurait assimiler une taxe à un frais de fonctionnement en matériel ! Votre rapporteur considère donc indispensable la correction de cette discrimination illégitime et dont la légalité est à tout le moins douteuse au regard du principe d'égalité devant la loi.

ÉVOLUTION DU MONTANT DE LA REDEVANCE DEPUIS 1995
PERSPECTIVES POUR 1998


Années

Télévision
noir et blanc

Évolution
(%)

Télévision couleur

Évolution
(%)

1/01/1995

430,00 F + 6,18 670,00 F + 6,18

1/01/1996

449,00 F + 4,42 700,00 F + 4,48

1/01/1997

449,00 F - 700,00 F -

1/01/1998

471,00 F + 4,89 735,00 F + 5,00

EXONÉRATIONS DE LA REDEVANCE

Catégories de bénéficiaires

Nombre au 31-12-96

Montant *

Nombre au 31-12-97 (1)

Montant *

Nombre au 31-12-98 (1)

Montant *

Personnes âgées 3 297 004 2 242,0 3 188 087 2 182,5 3 013 707 2 070,5
Invalides 517 879 356,5 511 314 353,4 485 523 336,3
Etablissements hospitaliers 22 205 15,5 21 746 15,2 20 770 14,5
TOTAL 3 837 088 2 614,0 3 721 147 2 551,1 3 520 000 2 421,3

*en millions de francs

(1) Estimation

Le produit de la redevance sera réparti en 1998 comme l'indique le tableau suivant, qui fait apparaître les variations de cette répartition par rapport à 1996 et 1997, ainsi que la variation de la part de chaque organisme dans la répartition prévue en 1998.

1996

1997

1998

1998/97

en MF

en %

en MF

en %

en MF

en %

en MF

en %

INA 269,6 2,5 271,3 2,5 383,4 3,3 + 112,1 + 41,3
France 2 2 588,8 24,1 2 381,5 21,8 2 364,5 20,2 -17,0 -0,7
France 3 3 551,8 33,1 3 319,7 30,4 3 295,0 28,2 -24,7 -0,7
La Sept-Arte 611,7 5,7 784,6 7,2 956,5 8,2 + 171,9 + 21,9
La Cinquième 434,2 4,0 647,9 5,9 710,9 6,1 + 63,0 + 9,7
RFO 1 001,2 9,3 1 104,9 10,1 1 132,6 9,7 + 27,7 + 2,5
Radio France 2 117,4 19,7 2 144,9 19,6 2 544,0 21,8 + 399,1 + 18,6
RFI 168,9 1,6 267,2 2,4 294,6 2,5 + 27,4 + 10,2
TOTAL 10 743,6 100 10 922,0 100 11 681,5 100 + 759,5 + 7

2. Les dotations budgétaires

Elles diminueront de 31,1 % en 1998, s'établissant à 739,8 millions de francs. Ce montant se compose de 292,1 millions de francs de remboursements d'exonérations de redevance (- 57,5 % par rapport à 1997) et de 447,8 millions de francs d'autres subventions (+ 1,1 %) en provenance du budget du ministère des affaires étrangères et destinées au financement de RFI.

L'évolution des crédits budgétaires confirme une tendance, constatée les années précédentes, à la diminution de cette catégorie de ressources à laquelle une instabilité chronique consécutive à la régulation budgétaire donne mauvaise réputation. On peut toutefois se demander si, dans le principe, elle n'est pas plus légitime que la redevance dans la mesure où elle ne rétribue pas un service supposé mais où elle peut être analysée comme le mode normal de financement d'une action de l'Etat répondant à un intérêt public bien identifié, sinon bien exécuté : informer, éduquer et distraire par les moyens de communication audiovisuelle.

Votre rapporteur juge donc dangereux à terme de trop diminuer les crédits budgétaires de l'audiovisuel public et estime que les inconvénients " conjoncturels " de cette ressource devraient être palliés par des procédés de planification à moyen terme des actions de l'Etat, particulièrement nécessaires dans un secteur extrêmement concurrentiel où les opérateurs ont besoin d'asseoir leur stratégie sur un socle financier suffisamment pérenne. Les réflexions lancées en la matière par le ministère de l'économie et des finances pourraient permettre de progresser dans ce sens. Votre rapporteur rappelle qu'il avait de son côté proposé, dans le cadre de l'examen en début d'année d'un projet de loi sur la communication audiovisuelle, la conclusion obligatoire entre l'Etat et les organismes de l'audiovisuel public de contrats d'objectifs susceptibles d'amener l'Etat à prendre en faveur de ces organismes des engagements financiers à moyen terme.

Ceci reste une perspective. Pour 1998, il convient d'apprécier l'évolution et la répartition des crédits publics au regard des inconvénients actuels de ce mode de financement. Votre rapporteur exposera en examinant les budgets des organismes, les enseignements à tirer du tableau suivant, qui retrace l'évolution des dotations budgétaires depuis 1996.

(en millions de francs TTC)

1996
LFI

1996
Exécution

1997
LFI

1997
Exécution

1998
PLF

Chapitre 46-01-Services du Premier ministre
- France 2 65,6 23,5 21,9 105,2
- France 3 67,8 81,7 22,3 105,2
- Sept-Arte 169,2 126,9 0 40,85
- RFO 45,5 56,7 17,6 0
- RFI 107,9 106,3 15,8 0
- La Cinquième 348,7 261,5 51,1 40,85
TOTAL 804,7 656,6 126,7 292,1
Chapitre 43-70-Ministère de la Culture
- INA 69,3 52 69,3+1 - 6 0
- Sept-Arte 201,6 185 142,5+1,3 0 0
- Radio France 355,4 350,6 353,3+1,5 -29 0
TOTAL 626,4 587,6 565,1+3,8 -35 0
Total Remboursements exonération de redevance 1 431,1 1 244,2 697,6 292,1
Chapitre 42-10-Ministère des Affaires étrangères
- RFI 385,3 382,8 442,8 -14,4 447,7
- Sept-Arte 1 1 0
- France 2 17,3 18,3 18,8
TOTAL 1 818,7 1 646,3 1 159,2 739,8

3. Les ressources propres des organismes

Composées pour l'essentiel de recettes publicitaires complétées par des recettes de parrainage et quelques recettes commerciales, elles devront progresser en 1998 de 3,7 %. L'objectif est de + 4,8 % pour les seules recettes publicitaires et de parrainage par rapport aux montants inscrits dans la loi de finances pour 1997, ce qui fixe le montant prévu en 1998 à 4 milliards 690 millions de francs.

L'objectif n'apparaît pas globalement déraisonnable compte tenu de l'évolution récente du marché publicitaire (le volume publicitaire diffusé a augmenté de 6 % entre juin 1996 et juin 1997 et de 7 % sur le premier trimestre de 1997) et de la part du secteur public dans cette évolution (son volume publicitaire a augmenté de 15 %). Il pourrait être difficile à atteindre, cependant, comme on le verra par la suite, pour certaines chaînes qui peinent à atteindre l'objectif fixé pour 1997. Cela semblait être le cas de France 3 ces dernières semaines, encore que la situation tende à s'améliorer.

Votre rapporteur souhaite par ailleurs attirer l'attention du gouvernement sur le respect de la réglementation de la publicité et du parrainage.

L'article 8 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 interdit la publicité télévisée au secteur de la distribution. Le parrainage est autorisé en revanche, ce qui a suscité d'une part la prolifération d'" émissions " dont la durée peut ne pas dépasser 30 secondes, parrainées par de grands distributeurs, d'autre part une tendance de plus en plus nette à la confusion entre les messages de parrainage et les messages publicitaires, les premiers étant souvent accompagnés de slogans, ce que le III de l'article 18 du décret du 27 mars 1992 interdit expressément. Votre rapporteur souhaite que soit évité tout détournement de la réglementation, préjudiciable à la presse écrite en faveur de laquelle ces dispositions ont été prises. Il importe donc, d'une part que le décret du 27 mars 1992 soit complété afin de préciser la notion d'émission dans le contexte de la réglementation du parrainage, d'autre part que le CSA se prononce sur la compatibilité entre les placards diffusés par les chaînes en faveur d'annonceurs de la grande distribution et la définition réglementaire du message de parrainage.

*

* *

Que conclure de l'analyse des ressources de l'audiovisuel public ?

Les moyens des organismes vont globalement augmenter et le repli des crédits budgétaires (- 419,4 millions de francs), plus que compensé par l'augmentation du produit à répartir de la redevance (759,5 millions de francs), va donner une certaine sécurité financière aux organismes bénéficiaires.

Mais si l'augmentation du produit de la redevance compense plus que proportionnellement la diminution des subventions budgétaires, rien n'est fait pour améliorer un rapport entre les ressources publiques et les ressources de publicité et de parrainage qui demeure au niveau très insatisfaisant de 1997, comme le montre le tableau suivant :

en %

1996

1997

1998

Ressources publiques 72,9 69,1 69,0
Publicité parrainage 21,1 25,7 26,1
Autres ressources propres 6,0 5,2 4,9
TOTAL 100 100 100

Les taux indiqués pour 1996 et 1997 ont été retraités afin d'être comparables à 1998 (qui intègre la filière de production exécutive de France 3 en autres ressources propres et accroît les recettes publicitaires du montant correspondant au prélèvement COSIP).

Votre rapporteur ne partage donc pas l'optimisme du ministre de la culture sur son projet de budget et se prononce en faveur de deux améliorations nécessaires :

- l'introduction d'une perspective pluriannuelle en matière de financement des organismes publics, sous la forme de contrats d'objectifs servant de référence à la discussion budgétaire (cf. rapport pour avis sur les crédits de l'audiovisuel dans le projet de loi de finances pour 1997 - Sénat, session ordinaire de 1996-1997, n° 87) ;

- l'affichage dans les contrats d'objectifs d'engagement sur l'évolution relative des recettes publicitaires et des ressources publiques des organismes, compte tenu des objectifs fixés aux chaînes par l'Etat en matière d'exécution des missions de service public et spécialement d'évolution de la ligne éditoriale et de la qualité des programmes.

4. Les charges

Le montant des charges, identique à celui des recettes, est fixé à 18 milliards de francs. Il résulte de trois évolutions conjuguées.

· Les ajustements nécessaires à la couverture des besoins à activité inchangée sont évalués à + 421,3 millions de francs par rapport à la loi de finances initiale pour 1997. Ceci inclut une augmentation de 2,2 % des frais de personnel et une augmentation de 1,3 % du coût des programmes. Par ailleurs, le budget de reconduction intègre 34,7 millions de francs d'économies.

· Les mesures nouvelles

Elles s'élèvent à 303,3 millions de francs, contre 65,1 millions en 1997. Le ministre les a présentées, lors de son audition par votre commission, comme organisées autour de deux axes, la qualité et l'innovation : " La qualité des programmes d'abord : la Sept-Arte et La Cinquième avaient été lourdement pénalisées en 1997, et n'avaient plus les moyens de remplir leur mission spécifique, celle de produire ou d'acquérir des programmes culturels et éducatifs. Le budget de la Sept-Arte augmente donc de 7,3 % et celui de La Cinquième de 6,7 %. Avec respectivement 44,9 et 17 millions de francs supplémentaires à consacrer et l'amélioration de leur grille, la Sept-Arte et La Cinquième pourront offrir aux téléspectateurs des programmes plus attractifs et plus conformes à leur mission.

France 2 et France 3 voient également progresser leurs ressources, dans le but de développer une politique de programmes de qualité, au service de tous les publics. De même, Radio France bénéficie d'une mesure nouvelle en faveur de la création et de l'innovation de ses programmes.

Après la qualité des programmes, l'innovation est le second axe de ce budget.

L'évolution technologique nous a fait passer d'une télévision de programmes diffusés à une télévision de programmes choisis. La rapidité avec laquelle le magnétoscope a pénétré dans les foyers en était un premier signe. Je crois beaucoup à la poursuite de ce mouvement qui amènera chacun à utiliser à son rythme, selon ses besoins et ses envies, les programmes qui seront disponibles. Tel est le sens des deux grandes innovations qui seront financées dans le budget pour 1998 : la banque de programmes et des services de La Cinquième, et le centre de consultation du dépôt légal des programmes audiovisuels à la Bibliothèque François Mitterrand.

400 sites, 200 centres sociaux et 200 établissements d'éducation seront équipés en 1998 pour recevoir l'offre de la BPS : les enseignants, formateurs ou animateurs pourront ainsi sélectionner et télécharger les programmes qu'ils souhaiteront utiliser. Cette expérience grandeur nature permettra de préciser les besoins et le cas échéant d'améliorer cette offre, qui sera ensuite progressivement étendue.

C'est avec le même souci de valoriser le patrimoine audiovisuel et de répondre aux besoins de l'enseignement et de la recherche scientifique qu'est lancé un plan de numérisation des archives, et que sera ouvert en juillet 1998 le centre de consultation de l'Inathèque à la Bibliothèque François Mitterrand. 43 millions de francs y seront consacrés.
"

Les aspects les plus saillants de ce programme seront commentés par votre rapporteur avec le budget des organismes concernés.

· Les économies

Un montant forfaitaire de 153,1 millions de francs a été fixé. La répartition en sera décidée par les dirigeants des organismes publics à hauteur de 0,85 % des budgets. Cette méthode peut sembler arbitraire et trahir une certaine incapacité de l'actionnaire à assumer ses responsabilités.

B. LES BUDGETS PRÉVISIONNELS DES ORGANISMES

1. France Télévision

a) Panorama budgétaire de 1998

Le projet de budget de France 2 s'établit à 5 milliards 187 millions, montant en augmentation de 3,4 % par rapport à la loi de finances initiale de 1997. La part de redevance versée à la chaîne diminue de 17 millions de francs, les crédits budgétaires augmentent de 81,5 millions et les objectifs publicitaires de 96 millions. Les économies demandées s'établissent à 33 millions de francs et les mesures nouvelles à 96 millions dont 41 millions pour les programmes et 55 millions en dépenses d'investissements (liées à la construction du siège de France Télévision).

BUDGET D'EXPLOITATION PRÉVISIONNEL DE FRANCE 2 (RECETTES)

1998

%

LIF 1997

%

Ressources publiques 2 467,5 47,6 2 403 47,9
· redevance 2 364,5 2 381,5
· crédits budgétaires 103 21,5
Publicité 2 513,8 48,4 2 417,2 52,1
Autres ressources propres 206 4 195
(dont parrainage) (136) (125)
TOTAL 5 187 5 015

Le projet de budget de France 3 s'établit à 5 milliards 643 millions de francs, montant en augmentation de 2,5 % par rapport à la loi de finances initiale de 1997. La part de redevance versée à France 3 diminuera de 24 millions de francs, les crédits budgétaires augmentant de 81,2 millions et les objectifs publicitaires de 68 millions. Les économies demandées s'élèvent à 51,7 millions de francs et les mesures nouvelles à 59,6 millions destinés aux programmes (les dépenses d'investissement liées au nouveau siège sont imputées sur le budget de France 2).

BUDGET D'EXPLOITATION PRÉVISIONNEL DE FRANCE 3 (RECETTES)

PLF 1998

%

LFI 1997

%

Ressources publiques 3 398

60,2

3 341;5

60,7

· redevance 3 295 3 319,7
· crédits budgétaires 103 21,8
Publicité 1 744

30,9

1 676,9

39,3

Autres ressources propres

(dont parrainage)
501

101

8,9

487,4

87
TOTAL 5 643 5 505,8
b) Quelques remarques

La part relative des ressources publicitaires et des ressources publiques

Pour France 2, le rapport est de 48,4 % de publicité pour 47,6 % de ressources publiques, il est pour France 3 de 30,9 % de publicité pour 60,2 % de ressources publiques.

Ces rapports, qui évoluent très peu, mais en défaveur des ressources publiques, par rapport à 1997, sont très insatisfaisants, spécialement en ce qui concerne France 2 dont la programmation restera excessivement dépendante des objectifs publicitaires et dont la ligne éditoriale continuera d'infliger de navrants démentis à la notion de service public.

Il est étrange qu'un gouvernement qui s'est targué par la voix de son ministre de la communication de " sortir d'une spirale infernale qui menait progressivement mais inexorablement à la mort du service public ", qu'un gouvernement qui a expliqué qu' " en étranglant financièrement les chaînes publiques, le précédent gouvernement les contraignait à se lancer dans une course à l'audience, à chercher à rivaliser avec les chaînes commerciales pour conquérir les ressources publicitaires devenues indispensables à leur survie ", il est étrange que ce gouvernement, ce ministre, présentent pour les deux principales chaînes du service public un budget qui perpétue une telle situation, qui l'accentue même légèrement.

Ce budget qui voue France Télévision à la dérive commerciale, si l'on extrapole les dires du ministre de la communication, est-il au moins crédible ? Les objectifs publicitaires peuvent-ils être atteints ? Cela semble être le cas pour France 2 dont les prévisions de réalisation sont satisfaisantes en 1997. En revanche, les perspectives sont plus incertaines pour France 3 en raison de l'effritement d'audience enregistré au premier semestre de 1997 et du retard des rentrées publicitaires qui en est découlé. Les rentrées publicitaires de France 3 tendent actuellement à s'accélérer, il n'en reste pas moins que l'objectif de 1998 constitue pour France 3 un défi qui pourrait amener la chaîne à infléchir dans le sens " commercial " une programmation qui a fait l'objet de louanges ces dernières années. Votre rapporteur ne peut alors que renvoyer le ministre à l'analyse qu'elle faisait récemment de l'action de ses prédécesseurs : " il devenait facile de montrer que les chaînes publiques n'étaient plus différentes des chaînes privées, et on en justifiait ainsi aisément la disparition programmée ". Souhaitons pour la télévision publique que les successeurs de Mme Catherine Trautmann n'aient pas lieu de lui retourner le compliment ! Votre rapporteur s'en gardera cette année pour sa part.

La part relative des crédits budgétaires et de la redevance


Autre problème symptomatique du manque de cohérence de la politique de l'audiovisuel public, les crédits budgétaires de France 2 et de France 3 vont augmenter brutalement, comme on l'a noté ci-dessus, la part de la redevance versée à chacune d'elle diminuant significativement. Il convient pour interpréter ces mouvements contraires de rappeler les conséquences régulières de la régulation budgétaire sur les ressources des chaînes. En 1996, les crédits budgétaires de l'audiovisuel public ont été réduits de 183 millions de francs, France 2 contribuant pour 41 millions de francs et France 3 pour 195 millions de francs. Il faut noter qu'en 1995 le budget de France 2 avait été de la même manière amputé de 47,5 millions de francs et celui de France 3 de 240 millions de francs. En 1997, le couperet de la régulation s'émousse puisque l'arrêté d'annulation du 9 juillet 1997 n'a pas touché les crédits de France Télévision, mais la saison n'est pas terminée ! Il convient, en tout état de cause, de considérer avec la plus grande suspicion le déversement soudain sur France 2 et France 3 d'une manne budgétaire de 206 millions de francs en 1998 contre 23,3 millions de francs en 1997 . S'agit-il de constituer dans les budgets des deux sociétés un réservoir pour les futures régulations ? L'objectif est sans doute de mettre à l'abri de la régulation budgétaire les " références majeures du secteur audiovisuel public " que sont aux yeux du ministre de la communication la Sept-Arte et La Cinquième. Le rapport revient ci-dessous sur la faveur accordée à ces deux chaînes, faveur dont la précarisation potentielle des ressources de France 2 et de France 3 n'est que le contrecoup. Votre rapporteur conteste ce procédé.

Les économies


Un troisième problème est l'exécution des économies que les deux chaînes devront réaliser en 1998. Rappelons qu'un programme d'économies de 205 millions de francs sur les programmes de France 2 avait été prescrit en 1997. Il semble que le retard pris dans l'exécution de ce programme (le montant des économies non réalisées est évalué à 90 millions de francs) rend difficile la réalisation d'économies supplémentaires d'un montant global pour les deux chaînes de 84,7 millions de francs en 1998. Votre rapporteur s'inquiète de cette perspective.

Le développement régional de France 3


Le développement régional de France 3, suspendu en 1996, ne sera pas repris en 1998, ce qui portera atteinte à l'exécution d'une mission essentielle de la chaîne et ancrera un peu plus dans les faits une analyse présentée par M. Jean-Michel Bloch-Lainé dans le rapport final de la mission d'audit du secteur public : " Les programmes dits " de proximité ", si l'on y regarde d'un peu plus près, n'occupent qu'une assez faible part de la grille ; en fait France 3 est une chaîne généraliste qui offre à son public de l'information, des magazines, du cinéma, du sport, du divertissement et de la culture, et qui a su profiter de l'affrontement TF1 - France 2 pour " contre-programmer " notamment le " 19/20 ". Il est vital pour le devenir de France 3 de reprendre le développement du concept de télévision de proximité. Votre rapporteur attire l'attention du Sénat sur cette nécessité.

L'innovation


Enfin, il est paradoxal qu'un budget axé selon le ministre sur la qualité et sur l'innovation ne comporte aucune mesure en faveur de l'entrée de France Télévision dans le numérique. Celle-ci est pourtant une condition incontournable de l'adaptation de la télévision publique au bouleversement de l'audiovisuel, un gage d'avenir, votre rapporteur reviendra sur cette nécessité dans la seconde partie du présent rapport. Là encore, les mesures nouvelles seront réservées aux " références majeures du secteur audiovisuel public ", ce qui traduit de la part du Gouvernement un choix pour le moins étonnant en faveur d'une télévision de niche. La télévision de masse, celle qui devrait susciter les initiatives les plus dynamiques, pour qui croit au rôle social de la télévision publique, est plus ou moins invitée à s'accommoder des contraintes d'une conjoncture difficile. Votre rapporteur regrette ce parti-pris .

2. Arte et La Cinquième

a) Panorama budgétaire pour 1998

Qualifiées par le ministre de " références majeures du secteur public audiovisuel " lors de la conférence de presse de présentation du projet de budget, comme votre rapporteur le notait précédemment, la Sept-Arte et La Cinquième voient leur budget de 1998 porté respectivement à 1,8 milliard de francs (+ 7,3 %) et à 781 millions de francs (+ 6,7 %).

Les ressources de la Sept-Arte sont d'origine essentiellement publique : 956,5 millions de francs de redevance et 40,8 millions de francs de crédits budgétaires. Il en est de même pour La Cinquième qui perçoit 710,9 millions de francs de redevance et 40,85 millions de francs de crédits budgétaires.

Les deux chaînes bénéficieront d'un montant significatif de mesures nouvelles, 17 millions de francs pour les programmes de La Cinquième et 28,6 millions de francs pour ceux d'Arte qui bénéficiera, en outre, de 16,3 millions de francs non reconductibles pour la reconstitution de ses stocks.

De son côté, La Cinquième bénéficiera de 22,5 millions de francs pour la banque des programmes et des services.

b) Quelques remarques

L'évolution globale des crédits

L'objectif du projet de budget est, comme l'a indiqué le ministre et comme M. Jérôme Clément, président commun des chaînes l'a explicité au cours de son audition par votre commission, d'effectuer " un rattrapage partiel des importantes amputations de crédits opérées en 1997, en particulier sur les budgets de programme et sur les budgets de communication des deux chaînes. Les crédits prévus pour 1998 permettront la reconstitution des stocks de programmes et le développement de la banque de programmes et de services de La Cinquième ".

De fait, un programme d'économies tout à fait significatif avait été demandé aux deux chaînes dans le budget de 1997.

Il s'élevait globalement à 185,6 millions de francs dont 93,2 millions de francs pour la Sept-Arte et 93,4 millions de francs pour La Cinquième. La fusion, prévue dès l'élaboration du projet de budget, devait permettre une économie de 65,8 millions de francs pour la Sept-Arte et de 76,4 millions de francs pour La Cinquième.

Il semble que le processus de fusion effectivement engagé avec la nomination de M. Jérôme Clément à la tête de La Cinquième, même si sa concrétisation juridique a été retardée, ne donnera pas les résultats escomptés, en dépit d'un effort de recomposition des structures qui s'est traduit par la nomination de responsables de la Sept aux postes clés de La Cinquième.

Cette rationalisation dont les modalités suscitent parfois la surprise de l'observateur extérieur 2( * ) , semble avoir produit l'essentiel de ses effets : M. Jérôme Clément a indiqué lors de son audition par votre commission qu'il n'y aurait pas de diminution des emplois compte tenu de la faiblesse des effectifs de chaque chaîne.

En ce qui concerne les économies attendues d'une meilleure circulation des programmes entre les deux antennes, il faudra encore attendre... Un effort est cependant entrepris en faveur d'une articulation des grilles de programmes. M. Jérôme Clément a cité, lors de son audition, les émissions diffusées à l'occasion du centenaire d'Aragon, des émissions sur le rôle des hommes politiques, un programme sur la collaboration. En revanche, aucune allusion n'a été faite à la nécessaire synergie entre l'ensemble des chaînes publiques. On continue à se demander pourquoi des émissions de France Télévision telles que " un siècle d'écrivains " ne trouvent pas leur place dans les programmes d'Arte et de La Cinquième.

Le maximum n'a donc manifestement pas été fait pour exécuter les prescriptions du législateur en 1997.

Ce constat fait, votre rapporteur ne méconnaît pas l'utilité de reconstituer la capacité d'investissement des deux chaînes dans les programmes. Le rapport Bloch-Lainé, qui reste une référence pertinente pour l'analyse de la politique de l'audiovisuel public, avait constaté la diminution constante depuis 1983 du budget des programmes d'Arte : - 16 % de 1993 à 1996 alors que le coût unitaire des achats et des coproductions augmentait régulièrement. Le même rapport avait aussi noté la diminution des stocks de programmes inédits d'Arte, la valeur du stock inscrite à l'actif du bilan passant de 471 millions de francs à la fin de 1992 à 378 millions de francs à la fin de 1995.

Il n'en reste pas moins que l'effort de restauration des comptes de l'Etat entrepris l'année dernière reste l'intérêt public prééminent auquel il convient que se plient des organismes en faveur du refinancement desquels on ne saurait avancer l'argument du contexte concurrentiel de l'audiovisuel, puisqu'il s'agit d'une télévision " d'offre " essentiellement financée par des ressources publiques . La " logique d'entreprise " qui impose de comparer l'évolution relative des ressources de France Télévision et de ses concurrents privés, ne s'applique pas à la Sept-Arte et à La Cinquième qu'il convient d'orienter, à l'exemple d'Arte Deutschland, vers la mobilisation systématique des programmes du véritable pôle du service public, France Télévision.

A cet égard, votre rapporteur conteste l'analyse avancée lors de la conférence de presse de présentation du budget pour justifier la situation privilégiée faite à la Sept-Arte et à La Cinquième : " il s'agit pour les deux chaînes de rendre plus attractive encore une offre qui les place déjà au coeur de la mission du service public de la télévision ". Il ne faut pas se tromper de cible, c'est France Télévision qui est au coeur de cette mission. Il est bon de donner à la chaîne des happy few 3( * ) les moyens de ses ambitions si les conditions économiques générales le permettent, il serait en revanche indispensable de donner à France Télévision les moyens d'une stratégie de qualité plus dynamique. Votre rapporteur revient dans la suite de ce rapport sur l'impératif d'une meilleure définition de la personnalité propre de l'audiovisuel public.

L'innovation

Dans ce domaine se manifestent aussi les priorités contestables du projet de budget. Celui-ci budget prévoit une dotation de 22,5 millions de francs en faveur de la montée en puissance et du passage à la phase de commercialisation des services de la banque de programmes et de services de La Cinquième.

L'initiative de constituer cette banque avait été prise par M. Jean-Marie Cavada et traduit une orientation avancée dans le rapport présentée en 1993 par la mission du Sénat sur la télévision éducative dont M. Pierre Laffitte était le président et M. René Trégouët le rapporteur. La mission avait proposé la création d'une télévision éducative diffusant des produits éducatifs et de formation non seulement sur le réseau hertzien terrestre qui lui serait attribué, mais par de multiples autres canaux et grâce à de multiples partenariats. La constitution d'une banque de programmes accessibles par téléchargement était un élément essentiel de cette stratégie visant à fournir au secteur éducatif et à celui de la formation un accès très souple aux produits vidéo.

Mais un projet aussi crucial pour le développement de l'éducation et de la formation à distance ne doit pas être mené à bien sans préparation, sans ligne directrice, sans stratégie. Le flou, l'impréparation, et au bout du compte l'échec, seraient désastreux compte tenu du caractère nécessairement exemplaire d'un projet qui doit absolument convaincre de la pertinence pédagogique des nouvelles technologies un monde enseignant traditionnellement réservé.

Or, comment l'important développement de la banque de programmes et de services est-il envisagé en 1998 ? L'audition de M. Jérôme Clément par votre commission a suscité des doutes chez votre rapporteur. Le président de La Cinquième a en effet indiqué qu'il s'agissait d'un projet majeur, mais encore en phase expérimentale, n'ayant pas encore atteint un degré de sécurité industrielle et technologique suffisant. Il a estimé qu'il fallait bâtir l'économie de ce projet en déterminant son marché, son mode de financement, les modes d'utilisation des contenus. Il a enfin précisé que le budget de la banque, passant à 43 millions de francs, permettrait de faire face à la nécessité prioritaire de recruter une équipe (de fait, le responsable de ce programme vient d'être remplacé, ce qui ne garantit pas l'accélération de sa mise en place).

M. Jérôme Clément a enfin précisé qu'il faudrait dans un second temps constituer une filiale avec des partenaires publics.

On est assez loin de la montée en puissance et du passage à la phase de commercialisation évoqués par le ministre pour expliquer l'octroi d'une mesure nouvelle de 22,5 millions de francs. Où est l'erreur ?

Votre rapporteur rappelle que par ailleurs le développement de France Télévision dans le numérique, indispensable au maintien du rôle de la télévision publique dans le nouveau paysage audiovisuel, et porté par le succès du satellitaire TPS, ne bénéficie d'aucune mesure nouvelle.

Emballement contestable d'un côté, abstention regrettable de l'autre, la politique du ministère de la communication est difficile à comprendre !

3. RFO

Le budget de RFO augmente de 3 % par rapport à la loi de finances initiale de 1997. Il prévoit une augmentation de 61 % des recettes publicitaires qui suppose le rétablissement de la diffusion de messages publicitaires sur le deuxième canal de télévision.

Ce budget est très largement axé sur le financement des investissements immobiliers correspondant à l'acquisition d'un nouveau siège à Paris ainsi qu'en Guyane et Guadeloupe, sur le financement des charges salariales et sur celui de la transmission des programmes.

Nommé président de RFO en juin 1997, M. Jean-Marie Cavada souhaite donner une impulsion nouvelle à son entreprise en forgeant une conception plus actuelle de la notion de continuité territoriale. A l'origine de la création de RFO, celle-ci a longtemps été limitée au transport des programmes métropolitains vers l'outre-mer. La production de programmes propres répondant aux besoins spécifiques de la " France océane " selon l'expression utilisée par M. Cavada, n'a jamais connu comme un véritable développement, faute de moyens. Dans sa présentation du bilan de RFO, pour l'exercice 1996, M Hervé Bourges, président du CSA, notait dernièrement à cet égard que le développement du volume horaire global de RFO 1 s'accompagnait d'une baisse des programmes locaux particulièrement sensible en ce qui concerne les émissions de première diffusion. L'émergence d'une production propre de RFO traduisant les besoins locaux et permettant d'initier des échanges à l'intérieur de chaque zone couverte par les stations régionales, figure parmi les priorités définies par M. Jean-Marie Cavada pour permettre à RFO de constituer un lien efficace entre la France métropolitaine et l'outre-mer et de projeter la culture et la vision françaises du monde sur de vastes zones à partir des relais ultra-marins de notre pays.

Au terme de l'examen des éléments les plus significatifs du projet de budget de la communication audiovisuelle pour 1998, votre rapporteur souhaite qu'un effort soit entrepris, dans le respect des grands équilibres financiers de l'Etat, afin d'inscrire dans une stratégie claire de développement à moyen terme l'action des organismes, d'établir entre eux de véritables synergies tenant compte des priorités que suggère l'intérêt public. La suite de ce rapport tente de cerner quelques implications de ces exigences.

*

* *

II. LES ASPECTS DE LA POLITIQUE DE L'AUDIOVISUEL

Le secteur audiovisuel change très rapidement sous l'impulsion des nouvelles techniques de l'information et de la communication. Qu'est-ce qui est fait pour créer un contexte favorable à l'adaptation des entreprises françaises, à l'insertion de l'audiovisuel public dans la configuration qui émerge ? Le gouvernement semble se donner le temps de la réflexion avant de lancer les initiatives indispensables, mais les industries françaises de la communication ne peuvent attendre, car le changement est déjà derrière nous.

A. LE BASCULEMENT DANS L'ÈRE NUMÉRIQUE

1. Les bouleversements technologiques

La télévision reste un média incontournable à l'heure où la numérisation renouvelle son environnement technique et économique. Une étude récente menée sur l'année 1996 indique que sa durée d'écoute quotidienne, stabilisée dans les pays les plus consommateurs comme les Etats-Unis, continue de progresser dans beaucoup d'autres, comme la Hongrie, la Finlande, ou, perspective plus significative pour nos opérateurs, l'Allemagne. Les explications avancées sont l'augmentation des durées de diffusion des grandes chaînes, le développement du multi-équipement, l'augmentation de l'offre audiovisuelle. Autre observation intéressante, la France occupe en Europe la onzième place en durée d'écoute par habitant, avec une moyenne de 179 minutes par jour. La télévision paraît donc conserver chez nous une marge de développement significative. Dans quelles conditions techniques, économiques, culturelles ce potentiel peut-il être valorisé, telle est la question centrale que pose l'irruption des nouvelles technologies numériques.

Le facteur clé est bien entendu la diffusion progressive mais irrésistible des techniques numériques dans l'ensemble de la filière audiovisuelle. Les conséquences de cette novation sur le marché de la télévision peuvent être présumées en quatre grandes tendances :

· l'augmentation des capacités de diffusion, jusqu'à présent bornées par la rareté des fréquences hertziennes exploitées en analogique, et la diversification des moyens de diffusion ;

· la baisse des coûts de diffusion, qui devrait en principe favoriser l'émergence de nouveaux opérateurs ;

· le développement de nouveaux modes d'exploitation des programmes, tel que la diffusion échelonnée et le paiement à la séance ;

· la " libération " des modes de consommation, les téléspectateurs ayant de plus en plus le choix du programme, du moment, du prix.

Le mouvement est en cours, qu'observons-nous en effet à l'heure actuelle dans le monde de la télévision ?

Ce qui frappe d'abord est l'augmentation de l'offre de programmes, le rôle croissant des chaînes thématiques, un certain recul des chaînes généralistes, la tendance à la fragmentation de l'audience. Nous avons ainsi en France une augmentation continue du nombre des chaînes thématiques destinées à nourrir l'offre des trois bouquets satellitaires numériques français. Il serait vain d'en faire le recensement, tant l'évolution est rapide. La situation française reflète bien entendu l'évolution mondiale. Ainsi constate-t-on partout, et spécialement en Amérique du nord, un effritement de l'audience des chaînes dominantes. Aux Etats-Unis, les grands réseaux ne contrôlent plus que les deux tiers de l'audience ; au Canada, une seule chaîne seulement dépasse les 10 % de parts de marché.

Il est intéressant de retenir aussi comme aspect marquant de l'évolution en cours l'ouverture de nouvelles perspectives pour le câble, dont la numérisation est en cours et dont l'offre croissante, en particulier grâce à la reprise sur les réseaux des programmes des bouquets satellitaires, paraît susciter un regain d'intérêt de la part du public.

2. Les conséquences sur l'économie de l'audiovisuel

Après ce rappel très sommaire des évolutions globales de l'audiovisuel, il est intéressant d'insister sur quelques aspects particulièrement significatifs des perspectives du secteur.

Première constatation, le financement de l'audiovisuel va sans doute connaître une profonde évolution. La ressource publicitaire devrait en effet, sinon se raréfier, croître à un rythme plus modéré. En 1996, les chaînes hertziennes ont réalisé un chiffre d'affaires de 22 milliards de francs, en augmentation de 7,6 % par rapport à 1995, ce qui représente une hausse très éloignée des taux à deux chiffres connus dans les années 1980. La part de marché de la télévision dans l'ensemble des cinq grands médias s'est ainsi élevée à 33,5 % contre 33 % en 1995, 31,9 % en 1994, 31,2 % en 1993, mais le marché pourrait se stabiliser à terme si l'on se réfère à la situation des autres pays européens. En Angleterre, par exemple, il semble que la part du marché publicitaire détenue par la télévision soit en régression. Ajoutons que si le média télévision bénéficie de la réputation des instruments de mesure quotidienne de l'audience, certaines études commencent à donner à penser que l'efficacité des campagnes s'analyse parfois plus en termes de notoriété des marques qu'en termes de progression des ventes. Il s'agit naturellement de prospective à moyen terme plus que d'analyse des évolutions en cours, dans la mesure où les chiffres français les plus récents montrent la bonne santé du média télévision. Il n'en reste pas moins que les dirigeants de l'audiovisuel ne semblent pas tabler sur le marché publicitaire pour dégager les nouvelles ressources nécessaires à leur croissance.

C'est donc dans une large mesure à la télévision payante que l'avenir appartient, comme paraît le confirmer la progression constante de son chiffre d'affaires. Une étude récente indique que celui-ci dépassera 15 milliards de francs en 1997 et qu'en 1999, les recettes de la télévision payante dépasseront 20 milliards de francs, les recettes des bouquets satellitaires dépassant celles des réseaux câblés. Dernière prévision tirée de cette étude, en 2001, les chaînes payantes dépasseraient le chiffre d'affaires de 23 milliards de francs, montant équivalant au chiffre d'affaires actuel des chaînes hertziennes en clair. Voilà qui ouvre la perspective de profonds bouleversements même si les chaînes hertziennes existantes seront au coeur du mouvement en raison des capacités financières encore faibles des chaînes thématiques.

Ceci conduit à évoquer l'évolution prévisible des structures du secteur, un sujet qui devra particulièrement retenir l'attention du législateur. On discerne dans l'adaptation des opérateurs à la nouvelle donne du numérique un mouvement vers l'intégration verticale dont il conviendra en effet d'analyser les conséquences sur les conditions de la concurrence dans le secteur de la télévision. Qu'en est-il ? La diffusion numérique, en permettant le développement de formats différents et en augmentant la demande de programmes, transforme profondément l'équilibre de la filière éditeur-producteur-diffuseur. Des métiers nouveaux sont apparus ou ont pris une importance accrue, notamment dans le domaine de la distribution, avec la vente et la gestion d'abonnements, ainsi qu'avec la vente et la gestion de catalogues de droits. Une chaîne de télévision ne peut plus rester cantonnée dans le métier de diffuseur-éditeur éventuellement producteur pour son seul compte, sauf à entrer dans une logique de récession, sauf à perdre des ressources compte tenu des évolutions qui se profilent en matière de financement, sauf à perdre de l'audience compte tenu de la montée des chaînes thématiques, sauf à perdre l'accès aux marchés des programmes que les alliances entre les autres acteurs auront rendus captifs. D'où la constitution de groupes et d'alliances susceptibles de déboucher sur l'émergence de groupes médiatiques intégrés contrôlant les différentes étapes de la production et de la diffusion des oeuvres audiovisuelles à travers différents médias et différents pays.

C'est l'évolution que nous voyons s'esquisser en France et dont une des manifestations les plus évidentes est la courses aux catalogues de droits de diffusion à laquelle se livrent les opérateurs engagés dans le mouvement vers la numérisation.

Toutes ces évolutions ont naturellement des conséquences sur la manière dont les pouvoirs publics appréhendent et infléchissent le secteur audiovisuel, tentent d'y insuffler une dose d'intérêt public qui peut ne pas correspondre aux attentes immédiates des opérateurs.

Or, il ne semble pas que le gouvernement ait réellement pris conscience du hiatus de plus en plus manifeste entre la législation existante et le contexte nouveau de l'audiovisuel.

B. LA NÉCESSITÉ DE LÉGIFÉRER

1. Des urgences

L'entrée dans la société de l'information a d'ores et déjà modifié, comme on l'a vu, la structure et l'économie de l'audiovisuel. L'évolution n'est qu'amorcée, elle prend actuellement une ampleur encore inattendue il y a quelques mois, comme en témoigne le succès commercial des bouquets satellitaires français. Il est devenu indispensable d'adapter le cadre juridique des activités audiovisuelles à ce contexte profondément transformé. Ainsi, le développement de la diffusion satellitaire se produit dans un vide juridique que l'on serait tenté de qualifier de sidéral, ses conséquences sont multiples sur des aspects essentiels de la législation de l'audiovisuel, le régime des entreprises en particulier.

Ces problèmes sont parfaitement identifiés et la discussion, au début de 1997, d'un projet de loi sur la communication audiovisuelle a permis de faire l'inventaire des solutions juridiques disponibles.

Votre rapporteur considère particulièrement urgent de traiter trois dossiers en attente de solutions.

a) La réglementation des nouveaux moyens de diffusion

· La diffusion des services de radiodiffusion sonore et de télévision par satellite

Elle est actuellement soumise à un régime juridique différent selon que les fréquences utilisées sont gérées par le CSA ou par une autre autorité, le plus souvent le ministre chargé des télécommunications assisté par l'Autorité de régulation des télécommunications, en application des dispositions de la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996.

Les fréquences gérées par le CSA sont utilisées par les satellites de radiodiffusion directe du type TDF 1 et TDF 2 qui, initialement, devaient seuls diffuser des programmes de télévision directement reçus par les usagers. L'article 31 de la loi de 1986 et son décret d'application prévoient la délivrance des autorisations d'utiliser ces fréquences à l'issue d'une procédure d'appel à candidature diligentée par le CSA, lourde et peu adéquate compte tenu du préfinancement fréquent des projets par les candidats à l'autorisation. En outre, ce régime juridique a été frappé d'obsolescence par l'échec de la filière des satellites de radiodiffusion directe.

La seconde catégorie de fréquences, celles non gérées par le CSA, est soumise au régime juridique institué par l'article 24 de la loi de 1986, qui s'applique aux satellites de télécommunication diffusant des programmes de radio et de télévision. Cette procédure prévoit la délivrance d'un agrément et le conventionnement des services par le CSA. Le décret d'application qui devait préciser le contenu des conventions n'a cependant pas été pris, dans la crainte de pénaliser, en leur appliquant les obligations de programmation impliquées par la loi, les diffuseurs français par rapport à la concurrence étrangère, et de les inciter à délocaliser leurs activités. Or, l'essor remarquable que connaît actuellement en France la diffusion par satellite de services de télévision grâce à l'utilisation des techniques numériques, est lié à l'utilisation de satellites de télécommunications diffusant sur ces fréquences.

Cette évolution profonde du paysage audiovisuel a lieu en l'absence d'un régime juridique permettant à l'Etat d'encadrer ce phénomène en tenant compte de l'intérêt général, et permettant aux opérateurs de disposer d'informations claires sur leur marge de manoeuvre.

Il est donc indispensable d'élaborer dans de très brefs délais un cadre juridique précisant à quelles conditions et selon quelles procédures un opérateur français ou étranger peut utiliser des fréquences satellitaires françaises pour diffuser des services de radio ou de télévision, quelles obligations de contenu doivent respecter les programmes diffusés, les procédures permettant de fixer ces obligations et d'en assurer le contrôle et la sanction, le champ d'application du régime des contenus conformément aux critères de compétence des Etats membres fixés par la directive Télévision sans frontière en juin dernier, l'opportunité d'introduire dans le régime des contenus des services satellitaires une souplesse tenant compte de la commercialisation de ces services par bouquets et des distorsions de concurrence qui résulteront de la mondialisation de la diffusion dans ce secteur et de la facilité des délocalisations d'opérateurs.

· La réglementation des nouveaux services de communication

Ici encore, l'entrée dans la société de l'information suscite des innovations auxquelles la législation actuelle ne fournit pas un cadre juridique satisfaisant.

Les " nouveaux services ", qui seront pour l'essentiel des services " en ligne " accessibles sur appel de l'utilisateur, dérivés soit des services de radio ou de télévision traditionnels (comme la vidéo à la demande) soit de la télématique (accès à des banques de données associé à des prestations de téléachat...), entrent dans le champ d'application de la loi du 30 septembre 1986, mais avec un régime juridique très différent de celui des services traditionnels.

Ils répondent en effet pour la plupart à la définition de la communication audiovisuelle donnée au second alinéa de l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986 : " on entend par communication audiovisuelle toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de télécommunication, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée ".

Une circulaire du 17 février 1988 a tenté de préciser la notion de communication audiovisuelle en retenant trois critères : le message délivré par le service est destiné indifféremment au public en général ou à des catégories de publics, le contenu du message n'est pas fonction de considérations fondées sur la personne destinataire du message, le message est à l'origine mis à la disposition de tous les usagers du service gratuitement ou non.

Cette définition englobe la plupart des contenus diffusés sur Internet, à l'exception manifeste de ceux des services de messagerie électronique. En revanche, il semble que les " groupes de discussion " d'Internet soient assimilables à des services de communication audiovisuelle.

En conséquence du caractère extensif de la notion de communication audiovisuelle en droit français, la plupart des " nouveaux services " relèvent de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 qui énonce le principe de la liberté de la communication audiovisuelle, définit les limites de l'exercice de cette liberté, énonce un certain nombre de principes dont il confie au CSA la mise en oeuvre.

Au-delà de ce rattachement aux " grands principes " de la loi de 1986, le régime applicable à ces services est extrêmement libéral.

En ce qui concerne les conditions d'accès aux supports de diffusion et le contrôle des contenus, les " nouveaux services " sont soumis au régime juridique défini à l'article 43 de la loi de 1986, qui institue une procédure de déclaration préalable au procureur de la République quand les services utilisent les réseaux de télécommunications, au producteur de la République et au CSA dans les autres cas. Aucun mécanisme de contrôle des contenus n'est institué. Les services télématiques mis à la disposition du public sont cependant soumis à un code de déontologie dans le cadre des conventions qui les lient à France Télécom pour l'accès au " système kiosque ". Ce système constitue un palliatif de portée limitée à l'absence de procédures légales de contrôle des contenus et ne saurait en outre être considéré comme résolvant la question du contrôle pour l'ensemble des " nouveaux services " de la société de l'information. En effet, le développement fulgurant des usages d'Internet, qui fait de plus en plus figure d'épine dorsale du système mondial de communication, et le foisonnement concomitant des contenus illégaux, parfois très attentatoires à l'ordre public, rend absolument nécessaire l'adaptation de dispositions législatives formulées il y a quelques années en vue du télétexte et des services du minitel.

M. Hervé Bourges, président du CSA, auditionné par votre commission le 14 octobre 1997, a fortement insisté sur la nécessité de remédier à cette situation, et a préconisé l'extension et l'adaptation aux services diffusés par les nouveaux moyens de diffusion, les réglementations, les procédures, les principes et les sanctions applicables aux services traditionnels. Il a cité notamment, parmi ces principes, le droit de réponse, la protection des mineurs, le renforcement de nos industries culturelles. Il a aussi estimé que le CSA, seul compétent sur les contenus, devaient disposer du pouvoir d'autoriser, de conventionner, de contrôler et de sanctionner les services radiophoniques et audiovisuels qui seront proposés sur les réseaux téléphoniques, ce qui vise en particulier les services d'Internet.

Votre rapporteur rejoint M. Hervé Bourges sur la constatation de l'urgence d'une initiative législative. Il estime que le régime juridique des " nouveaux services " devra être élaboré en fonction de plusieurs critères :

- L'opportunité d'instaurer un contrôle administratif

Même si l'on ne considère pas comme un impératif catégorique la tradition " libertaire " des acteurs de l'Internet, cette opportunité mérite d'être examinée, compte tenu de la spécificité des " nouveaux services " au regard de l'ensemble des services de communication audiovisuelle.

En effet, la diffusion numérique des " nouveaux services " va largement atténuer, sinon faire à terme disparaître, la rareté des capacités de transport des messages tandis que leur multiplication, leur mode de commercialisation faisant appel à l'initiative du consommateur, une mise à disposition du public qui se fera de plus en plus de " point à point " et non plus de " point à multipoints ", feront progressivement perdre toute consistance à l'argument de l'impact social. Les deux caractéristiques qui ont justifié le dirigisme relatif du droit de la communication audiovisuelle par rapport à celui de la presse, ne se rencontrent pas dans les " nouveaux services ".

- La conformité au droit européen des solutions adoptées

Il convient de tenir compte, spécialement si une réglementation des contenus devait répondre à un objectif de protection des industries culturelles nationales, des difficultés que peut provoquer la non application de la directive Télévision sans frontière aux " nouveaux services ". Si ceux-ci sont régis par la réglementation des services de télécommunications, dominée par le principe de liberté de circulation et soumis à la plus large concurrence, la marge de manoeuvre réglementaire des pouvoirs publics français sera restreinte à la protection, vraisemblablement étroitement entendue, de l'ordre public.

- La possibilité technique et l'opportunité économique d'un contrôle administratif

Le fonctionnement d'Internet montre la difficulté pratique d'opérer un contrôle administratif des contenus des nouveaux réseaux de distribution de l'information. L'Etat peut ainsi couper certaines liaisons, mais non empêcher qu'elles soient reconstituées par d'autres voies, interdire des sites, mais pas empêcher qu'ils soient repris par des sites miroirs disséminés dans le monde entier, rechercher et poursuivre les éditeurs de contenus illicites, mais ceux-ci ont la possibilité d'utiliser des logiciels permettant de naviguer sur Internet sans laisser de traces : les réseaux sont hors du contrôle de l'Etat et les réglementations ne concernent en définitive que ceux qui veulent bien s'y soumettre.

Il convient de tenir compte de cet état de fait.

- Les modalités juridiques de la mise en oeuvre d'un contrôle

A priori, il est concevable d'appuyer un contrôle des contenus des nouveaux services par le CSA sur le régime juridique de la déclaration préalable institué par l'article 43 de la loi du 30 septembre 1986, à la condition que les services entrant dans le champ d'application de cet article se plient à cette formalité, ce qui semble n'être pas systématiquement le cas. On peut envisager par exemple de soumettre à une obligation de conventionnement les services déclarés et de les faire adhérer à cette occasion à un certain nombre d'obligations relatives à la déontologie des contenus.

b) Les réglementations de contenu

L'évolution du paysage audiovisuel va imposer des initiatives sur deux plans.

· L'harmonisation des règles de contenu applicables à la diffusion satellitaire et à la distribution par câble, va s'imposer puis s'étendre aux règles applicables à la diffusion terrestre dans la mesure d'une part où le câble et le satellite vont transporter indifféremment les mêmes services, ce qui implique la suppression des éléments de distorsion de concurrence existant dans la réglementation (régime des quotas, procédures de modification des plans de services du câble...), dans la mesure d'autre part où les progrès de la réception satellitaire vont placer les chaînes hertziennes terrestres en situation de véritable concurrence avec les chaînes thématiques empruntant d'autres modes de diffusion, ce qui impliquera aussi d'égaliser les conditions de concurrence. Ajoutons que la numérisation de la diffusion hertzienne terrestre effacera tôt ou tard la distinction actuelle entre les chaînes hertziennes terrestres et les autres : tous les programmes seront à terme diffusés sur l'ensemble des supports, ce qui retirera une part de sa pertinence à la distinction actuelle des régimes juridiques selon le support pour lequel les services sont initialement conventionnés.

· Une autre conséquence cruciale de l'évolution actuelle du paysage audiovisuel sera très prochainement la remise en cause des quotas de diffusion d'oeuvres françaises et européennes et plus généralement des diverses obligations de contenu dont la directive Télévision sans frontière précitée ne garantit pas véritablement le maintien, sous l'influence de deux facteurs.

D'une part, la diffusion satellitaire, internationale par nature, jouant un rôle de plus en plus important dans l'économie de l'audiovisuel, va rendre les frontières particulièrement perméables dans ce secteur. Il faudra bien aligner les règles françaises de contenu sur une moyenne internationale afin d'éviter d'infliger des distorsions de concurrence trop sévères aux entreprises françaises.

D'autre part, la négociation de révision de la directive Télévision sans frontière n'a pas permis d'améliorer un texte très laxiste. La condition d'application " chaque fois que cela est réalisable ", une assiette de calcul incluant les émissions de plateau, la possibilité de remplir les quotas aux heures de faible écoute, permettront aux chaînes nord-américaines désireuses d'exploiter le marché européen d'obtenir leur naturalisation dans tel ou tel Etat membre sans subir de graves contraintes d'adaptation. En outre, le recours au critère de lieu d'établissement du siège social (avec d'autres critères subsidiaires) pour déterminer la compétence des Etats membres sur les chaînes de télévision, va obliger un Etat comme la France à renoncer à conventionner en leur imposant ses règles de contenu des organismes établis dans l'Union et souhaitant être distribués par le câble et éventuellement diffusés par la voie hertzienne terrestre, sans même parler de la diffusion satellitaire peu facile à appréhender comme on l'a vu ci-dessus.

Il convient de tenir compte de ces remises en cause. Il semble que les incitations financières joueront à l'avenir un rôle plus important encore qu'à l'heure actuelle.

c) le pluralisme de l'offre des programmes

On a vu que l'entrée dans l'ère numérique s'accompagnait d'une tendance à l'intégration verticale des entreprises audiovisuelles désireuses de contrôler les différentes étapes de la filière de l'image, depuis la disponibilité de catalogues de droits permettant d'approvisionner en programmes attractifs les services mis en nombre croissant à disposition du public, jusqu'à la gestion de populations d'abonnés assurant une part de plus en plus significative des ressources financières du secteur. Cette logique de développement, conjuguée avec la donne nouvelle que représente le passage d'une situation de rareté des moyens de diffusion à une situation d'abondance, amène à poser sur des fondements nouveaux le pluralisme de l'offre audiovisuelle. Il convient de tenir compte de plusieurs aspects :

· la réglementation anti-concentration devra être adaptée afin de réaliser un bon compromis entre des objectifs divergents : la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression, objectif de valeur constitutionnelle dont la démultiplication de l'offre de programme devrait faciliter la réalisation si la tendance à la cartellisation des entreprises n'y fait pas obstacle ; le freinage de la cartellisation, non seulement en vue d'assurer le pluralisme, mais aussi pour assurer une saine concurrence entre les opérateurs ; la constitution de groupes puissants capables de développer et d'exporter une offre française de programmes numériques. Le rôle grandissant des industries de l'information et particulièrement de celle des contenus dans la croissance économique, la suprématie de la production américaine et le recul inéluctable de nos protections réglementaires imposent de ne pas perdre de vue cet objectif.

D'ores et déjà, l'explosion de la télévision numérique par satellite a rendu caduc le dispositif anti-concentration de la loi du 30 septembre 1986, qui comporte deux séries de mesures : des restrictions à la détention par une personne de parts de capital des services de télévision autorisés et la limitation du cumul par une même personne d'autorisations relatives à des services de télévision.

Ce dispositif a été conçu en fonction de la rareté des capacités de diffusion. Il fait désormais obstacle au développement de bouquets français de programmes satellitaires.

Il convient de le réorienter dans deux directions largement explorées, en particulier par le Sénat, lors de l'examen du projet de loi sur la communication audiovisuelle au début de 1997 :

- la limitation de la part de marché détenue par une même personne sur chaque segment de marché de la télévision ;

- l'obligation pour tout opérateur de bouquet de chaînes de réserver à des services indépendants une part de l'offre de programmes qu'il commercialise.

· La course aux catalogues de programmes impose de réfléchir aux moyens d'assurer la fluidité de ce marché en empêchant le gel des droits d'exploitation par un nombre limité de diffuseurs et en rééquilibrant les relations entre diffuseurs et producteurs dans cet esprit. Les entrants sur le marché de la diffusion numérique doivent avoir accès aux programmes. Par ailleurs, il est important, comme le prévoit la nouvelle directive " télévision sans frontière ", que les chaînes à abonnement ne s'assurent pas l'exclusivité de certains grands événements intéressant l'ensemble de la société, qu'ils soient sportifs ou autres.

La tendance à l'intégration verticale des diffuseurs signalée ci-dessus et la concurrence acharnée que se livrent les opérateurs de bouquets et de chaînes thématiques afin de s'assurer le contrôle des catalogues de droits les plus intéressants, l'opportunité de prévenir la croissance déraisonnable du coût des programmes (l'expérience des retransmissions sportives est éloquente à cet égard), imposent d'approfondir un dossier que la loi du 30 septembre 1986 ne permet actuellement d'aborder que de façon biaisée.

· L'exploitation des systèmes d'accès sous condition (les décodeurs permettant de recevoir les programmes cryptés) doit aussi être réglementée en fonction de la nécessité de prévenir la constitution ou la perpétuation de positions dominantes sur le marché de la télévision payante par le biais des systèmes d'accès sous condition. L'objectif est de permettre aux opérateurs entrant dans ce marché d'utiliser contre une juste rémunération les logiciels qui permettent de gérer la fonction de contrôle d'accès aux programmes cryptés. Les détenteurs des droits d'exploitation de ces logiciels sont parfois éditeurs de programmes audiovisuels, diffuseurs et opérateurs de bouquets de chaînes satellitaires. Cette situation liée à la tendance à l'intégration verticale relevée ci-dessus porte en germe des pratiques anti-concurrentielles qu'il appartient au législateur de prévenir.

Il lui appartient aussi d'encourager les convergences nécessaires afin de favoriser les synergies entre les matériels de décodage à la disposition des consommateurs et d'orienter le marché vers la généralisation d'un boîtier unique de décodage permettant une parfaite égalité de concurrence entre les opérateurs.

2. Des annonces

L'entrée en fonctions de Mme Catherine Trautmann a été marquée par une succession d'annonces qui, à défaut de démontrer une parfaite connaissance des dossiers, trahissent le désir de " faire quelque chose " et la prise de conscience progressive de l'ampleur des problèmes que pose la révision de la loi du 30 septembre 1996 sur la liberté de communication.

· Une première vague de déclarations à l'emporte pièce

- Mme Trautmann a estimé le 8 juin dernier, au Grand Jury RTL-Le Monde, nécessaire de revenir sur la deuxième coupure publicitaire des films diffusés à la télévision. Elle n'a plus, depuis, réabordé la question. Il est vrai que l'article 73 de la loi de 1986 interdit d'ores et déjà de pratiquer la seconde coupure.

- Le ministre a aussi préconisé la diminution du seuil de concentration du capital d'un opérateur de télévision, que la loi du 1er février 1994 a fixé à 49  %. Il s'agirait de revenir sur cette disposition en obligeant les détenteurs du capital de TF1 ou de M6 à ne pas dépasser le seuil de 25 % fixé précédemment. Or la décision du Conseil constitutionnel des 10 et 11 octobre 1984 ne permet au législateur de remettre en cause des situations existantes intéressant une liberté publique que si ces situations ont été illégalement acquises, ce qui n'est manifestement pas le cas, ou si cela est réellement nécessaire pour assurer la réalisation de l'objectif constitutionnel poursuivi. Il ne peut s'agir, dans le cas présent, que de l'objectif du pluralisme dans le secteur audiovisuel. Or le CSA a constaté, lors du récent renouvellement de l'autorisation de TF1, comme l'article 28-1 de la loi de 1986 l'y invitait, que cette reconduction ne portait pas atteinte à l'impératif de pluralisme sur le plan national, ou sur le plan régional et local. La remise en cause de l'actionnariat de TF1 ou de M6 poserait donc de sérieux problèmes de constitutionnalité. On ignore dans quel sens le ministre a, depuis, orienté ses réflexions.

- L'un des objectifs majeurs du ministre semble être la suppression de l'exclusivité de la transmission satellitaire numérique des programmes de France 1 et de France 2, accordée à TPS. Cette exclusivité apparaît comme un moyen efficace d'encourager la diversification de l'offre de programmes satellitaires francophones. Faut-il la supprimer et conforter le quasi monopole d'un opérateur sur la télévision payante en France, sachant que c'est dans le secteur de la télévision payante que se situe actuellement le potentiel de développement des entreprises ?

- D'autres propos du ministre ont paru ouvrir des voies plus intéressantes, en particulier du point de vue de la nécessaire diversité du paysage audiovisuel ainsi que du point de vue du pluralisme. C'est le cas de l'idée de créer un statut des rédactions dans l'audiovisuel. Il est aussi possible de souscrire à l'idée de rendre plus sévères les conditions du renouvellement automatique des autorisations délivrées par le CSA aux opérateurs de radio et de télévision, observation faite de ce que le Parlement s'est déjà très largement engagé dans ce sens à l'occasion de l'examen du projet de loi abandonné en juin dernier.

· Une démarche mieux maîtrisée

La discussion du projet de budget de l'audiovisuel public à l'Assemblée nationale le 22 octobre dernier a permis au ministre d'esquisser une présentation raisonnée, encore que particulièrement elliptique sur le fond, de la démarche adoptée pour la modification de la loi du 30 septembre 1986 :

" Le projet de loi qui avait été soumis à votre assemblée par M. Douste-Blazy, mon prédécesseur, a été abandonné car il ne permettait pas d'apporter des réponses, pourtant indispensables vous l'avez vous-même rappelé, s'agissant de l'intégration de la directive " Télévision sans frontière " dans le droit français et de l'instauration d'un régime pour le satellite. Ce projet aurait été une sorte de piège à amendements, sans que nous puissions examiner les questions au fond.

Mon ambition est de traiter les cinq grandes questions actuelles qui ont été évoquées : la concurrence, en particulier sous l'angle d'une forme de régulation économique : le pluralisme et l'indépendance à l'égard du pouvoir économique ; le périmètre et l'organisation du service public, intérieur et extérieur ; la convergence de l'audiovisuel et des nouveaux services ; enfin, les télévisions régionales ou locales, qui sont également l'un des défis que nous devons relever.

Nous souhaitons arriver le plus rapidement possible à un cadre législatif et réglementaire stable. Je n'ai pas la prétention de vouloir faire la loi qui permettra de régler la situation pour les cinquante prochaines années, car la technologie avance vite. Mais je pense que nous devons stabiliser le secteur, lui permettre de se développer et lui donner un cadre particulièrement propice.
"

Cela paraît annoncer un travail d'une certaine ampleur, ce dont votre rapporteur ne peut naturellement que se réjouir. Il regrette en revanche que l'urgence de fixer certaines situations et de combler les vides juridiques ne soit guère prise en compte en dépit des appels lancés au gouvernement par les voix les plus autorisées.

· Les calendes grecques

Votre rapporteur n'est pas seul à considérer la présentation d'un projet de loi comme une nécessité urgente. Auditionné par votre commission le 14 octobre dernier, M. Hervé Bourges, président du CSA, a présenté les observations suivantes : le CSA n'a pas encore été associé à l'élaboration du projet de loi sur l'audiovisuel qui, au demeurant, ne paraît pas encore très avancée. A la connaissance de M. Hervé Bourges, il avait été envisagé de déposer ce texte sur le bureau de l'Assemblée nationale en décembre. Il semble que ce dépôt ne soit plus considéré comme une priorité et que l'examen du projet ne soit désormais programmé qu'entre le printemps et la fin de 1998, ce qui pose de graves problèmes compte tenu des " zones de non-droit " qui se sont révélées. Le cabinet du Premier ministre a été informé de ces difficultés.

Il semble que le message ne soit pas passé, puisque la présentation d'un texte n'aurait lieu à l'Assemblée nationale qu'avant l'été 1998, si le ministère ne juge pas d'ici là nécessaire d'approfondir encore la réflexion ...

3. De l'audace !

Dans son intervention à l'Assemblée nationale du 22 octobre, Mme Catherine Trautmann exprimait sa crainte que l'examen prématuré d'un projet de loi modifiant la loi du 30 septembre 1986 ne déclenche " une sorte de piège à amendement sans que nous puissions examiner les questions au fond ". Il importe, pour prévenir ce piège, que le projet de loi traduise une vision audacieuse de l'avenir de la communication audiovisuelle. C'est souvent la pusillanimité des gouvernements devant les remises en question inéluctables, qui déclenche les batailles d'amendements dans le secteur audiovisuel.

Il serait donc opportun qu'au delà des ajustements urgents énumérés ci-dessus, le futur projet de loi aborde deux domaines au moins, dont le caractère crucial pour l'évolution du paysage audiovisuel français appelle de la part du gouvernement et du législateur de l'imagination, de la réactivité, de l'audace.

a) L'ouverture du marché de la diffusion

· La diffusion numérique hertzienne terrestre

La diffusion hertzienne terrestre reste à l'écart de la numérisation bien qu'elle soit le vecteur unique d'accès à la télévision et à la radio pour 90 % des foyers français qui, sauf à s'équiper d'une antenne parabolique, sont maintenus à l'écart de la révolution de la communication audiovisuelle.

La numérisation de la diffusion hertzienne terrestre présenterait pourtant de nombreux avantages.

Du point de vue du consommateur, il y a bien sûr la multiplication et la diversification des services, propre à la numérisation quelque soit le vecteur de diffusion.

En France, sur les six réseaux qu'il est possible d'établir dans les bandes de fréquences de radiodiffusion, celles que gère le CSA, il serait possible d'offrir une trentaine de services traditionnels ou novateurs à quelque 80 % de la population à partir des infrastructures existantes et à la seule condition pour les consommateurs de se procurer un décodeur (il n'est pas nécessaire de modifier l'antenne " râteau "), en attendant que la fabrication en série de postes de télévision numérique " intégrés " permette à chacun d'accéder au meilleur coût à l'ensemble des services nouveaux interactifs associés ou nom aux programmes traditionnels de télévision. Ajoutons que la diffusion numérique permettrait la portabilité des terminaux, et, dans certaines conditions, leur mobilité.

Du point de vue des pouvoirs publics, la numérisation de la diffusion hertzienne terrestre rendrait possible une gestion beaucoup plus rationnelle de la ressource en fréquences. Elle permettrait en particulier, à terme, de récupérer des fréquences de radiodiffusion afin de les affecter à d'autres usages, en particulier la téléphonie mobile dont le développement est freiné par la rareté des ressources de diffusion. Or, on sait que la téléphonie mobile est actuellement le premier vecteur du développement des télécommunications. Ajoutons que la cession des droits d'usage des fréquences pour des applications de télécommunications procurerait à l'Etat des ressources qu'il pourrait réaffecter au secteur audiovisuel dans le cadre du repli inéluctable, comme on a vu ci-dessus, de la politique réglementaire de soutien aux industries françaises de l'audiovisuel.

En outre, le développement de la diffusion hertzienne terrestre numérisée freinerait dans une certaine mesure ce repli qui devrait avoir lieu principalement sous la pression du développement de la diffusion satellitaire numérique et des facilités de pénétration du territoire français que celle-ci offre aux chaînes étrangères, en particulier non-européennes.

En fait, la diffusion hertzienne terrestre numérisée représenterait, avec la diffusion multiplexée par micro-ondes (MMDS), un moyen facile d'étendre à l'ensemble du territoire le bénéfice de la révolution numérique.

Or rien n'est fait ou presque pour susciter la transition de l'analogique vers le numérique dans ce secteur. Une réflexion a été lancée avec la remise, en mai 1996, d'un rapport de M. Philippe Lévrier sur la numérisation de l'hertzien terrestre. Ce rapport estimait que l'introduction de la télévision numérique terrestre sur le marché grand public pouvait intervenir autour des années 1998-1999, à la condition de lancer la fabrication en série des téléviseurs intégrés.

Des groupes de travail se réunissent sur les problèmes que posent les fréquences et sur le téléviseur numérique, en revanche, aucune réflexion n'est menée avec les acteurs intéressés sur l'élaboration du cadre juridique de la diffusion numérique.

Pourtant, la loi du 30 septembre 1986 est absolument impropre à offrir un cadre juridique au numérique hertzien terrestre. Axée sur le rôle des diffuseurs-éditeurs, elle permet seulement l'attribution d'une fréquence à un diffuseur pour un service, alors qu'avec la numérisation, chaque fréquence pourra diffuser quatre à cinq services, et que le titulaire de l'autorisation devrait, dans la plupart des cas, ne plus être un diffuseur-éditeur, mais un " ensemblier " constituant un bouquet de services. Il importera d'encadrer l'activité de ce nouvel opérateur et de définir ses relations avec les éditeurs des services du bouquet afin de préserver le pluralisme de l'offre des services audiovisuels.

Qu'est-ce qui explique l'atonie du gouvernement dans ce domaine crucial ? Il s'agit vraisemblablement du peu d'intérêt des diffuseurs hertziens français pour la numérisation de ce vecteur, compte tenu de leurs résultats commerciaux et financiers satisfaisants et de leur choix de porter leurs efforts vers la télévision satellitaire numérique qui présente actuellement pour eux les menaces les plus sérieuses en termes de concurrence.

Par ailleurs, les industriels de l'électronique grand public, encore marqués par les avatars de la télévision à haute définition, ne paraissent pas désireux de prendre des risques sur le numérique hertzien terrestre.

Or, pendant ce temps, la Grande-Bretagne se prépare depuis 1996 à opérer à l'horizon de 1999 le déploiement sur l'ensemble de son territoire de six bouquets numériques de quatre à cinq chaînes, le lancement débutant en 1998. La fermeture du réseau analogique aurait lieu dans dix ans.

Quant aux Etats-Unis, ils précèdent là aussi le mouvement, puisque tous les diffuseurs hertziennes terrestres devront émettre en numérique en 2003 et que l'arrêt de la diffusion analogique hertzienne terrestre est prévue en 2006.

· La concurrence entre prestataires techniques de diffusion

Votre rapporteur s'interroge sur la pertinence du maintien du monopole que l'article 51 de la loi du 30 septembre 1986 attribue à TDF pour la diffusion des programmes des sociétés nationales de programmes : Radio France, France 2 et France 3, RFO et RFI.

Les dirigeants de ces sociétés, parfois orfèvres en la matière, en tant qu'anciens dirigeants de TDF, s'insurgent contre les tarifs que le prestataire technique leur impose dans le cadre du monopole.

On peut se demander, d'ailleurs, quelle sera la portée de ce monopole avec la diversification croissante des modes de diffusion. La diffusion des programmes de France Télévision dans le bouquet TPS, par le système Eutelsat, ne contredit-elle pas, en démontrant son obsolescence, un monopole qui, selon les termes de la loi, s'applique à " la diffusion et la transmission, en France et vers l'étranger, par tous procédés de télécommunications, des programmes " ?

b) Les pouvoirs du CSA

Auditionné par votre commission le 14 octobre dernier, M. Hervé Bourges a estimé, à la lumière de l'affaiblissement progressif des réglementations françaises encadrant la diffusion audiovisuelle, nécessaire d'inventer une autre manière, moins détaillée, plus adaptable, plus régulatrice que réglementaire, d'encadrer l'évolution du marché audiovisuel. Il s'agirait de moduler les obligations des diffuseurs en fonction des réalités du marché à un moment donné.

Il a illustré cette proposition avec l'exemple d'un projet de chaîne thématique pour enfants qui se trouvent dans l'impossibilité de satisfaire aux obligations de quotas de diffusion faute de programmes français en quantité suffisante sur le marché. Le CSA ne pouvant par conséquent conventionner cette chaîne, celle-ci pourrait demander son conventionnement dans un pays étranger, ce qui lui donnerait la possibilité d'être reprise sur le câble français avec des obligations de contenu beaucoup moins rigoureuses. Dans ces conditions, il aurait été souhaitable que le CSA ait la possibilité de négocier avec cette chaîne des conditions particulières de diffusion d'oeuvres d'expression originale française. La possibilité prévue par la loi d'étaler sur cinq ans l'application de la réglementation des quotas est insuffisante pour permettre le conventionnement de la chaîne, a indiqué M. Bourges.

M. Hervé Bourges a précisé qu'il convenait pour répondre à de telles situations de reconnaître au CSA l'exercice d'une nouvelle fonction de " régulation économique ". Le conseil tente dès à présent d'orienter dans ce sens son action, assurant, en particulier dans le domaine de la radio, une " veille anticoncentration " qui a conduit à adopter une attitude très ferme vis-à-vis du groupe Lagardère qui dépasse actuellement le seuil anticoncentration fixé par la loi. Il serait nécessaire, selon M. Bourges, d'étendre ce type de régulation à l'ensemble du marché audiovisuel. Le CSA, qui dispose d'une expérience en la matière, est prêt à assurer cette responsabilité. Il a engagé une réflexion sur ce thème et présentera prochainement des propositions précises susceptibles de conduire la mutation de notre système audiovisuel.

Le CSA fait indéniablement face à une situation difficile pour lui dans la mesure où l'essentiel de son activité est dirigée vers un contrôle de l'accès aux ressources de diffusion dont l'importance va régresser avec la montée en puissance de la diffusion satellitaire ; vers un contrôle des contenus qui va perdre son impact pour les mêmes raisons et du fait de l'interprétation de plus en plus libérale de la portée de la directive télévision sans frontière, comme on a vu ci-dessus ; vers un contrôle des entreprises relevant de la compétence française, qu'il faudra desserrer pour permettre à celles-ci de faire face à une concurrence bientôt exacerbée par la facilité technique des délocalisations opérées sur le couvert juridique de principe de liberté de la diffusion des programmes dans l'Union européenne.

Votre rapporteur approuve l'idée d'une " remise à plat " du contrôle à la française, tout en notant l'imprécision des solutions de remplacement proposées par M. Hervé Bourges. La notion de régulation implique, semble-t-il, un moindre degré de précision des prescriptions législatives et réglementaires. En supposant contourner l'obstacle de l'article 21 de la constitution, qui interdit l'octroi à une autorité administrative indépendante de ce qui ressemblerait à un pouvoir réglementaire de fait, cette évolution n'en présenterait pas moins de graves inconvénients. Il faut rappeler que la loi et le règlement, en encadrant de façon parfois rigide l'activité des opérateurs économiques, leur offre une protection contre la politique de " coup par coup " et les risques d'arbitraire sous-jacents à la notion de régulation. En outre, la régulation économique suppose l'élaboration préalable d'une conception de l'évolution souhaitable du secteur régulé, ce qui est du ressort de l'autorité politique et non d'une administration indépendante.

Ajoutons que dans de nombreux domaines, la loi interne restera incontournable. Ainsi, la rareté persistante des ressources de diffusion sur le spectre hertzien terrestre assure la pérennité du régime d'autorisation d'usage des fréquences et garantira par conséquent aux pouvoirs publics la possession d'un instrument permettant d'infléchir l'évolution du paysage audiovisuel et radiophonique. Au demeurant et en ce qui concerne les domaines législatifs et réglementaires menacés par l'irruption technologique, la taille du marché français est suffisamment importante pour que les chaînes restent incitées à s'établir sur le territoire français et à se plier à une réglementation dont les aspérités les plus manifestes seraient rectifiées.

En ce qui concerne les pouvoirs du CSA, l'audace devrait donc moins conduire à démanteler une réglementation qui a montré son utilité, qu'à assumer la spécificité française et à ajuster certaines règles législatives en fonction des réalités présentes. En ce qui concerne par exemple le quotas de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, rien ne semble actuellement imposer le démantèlement des obligations d'investissements instituées par le décret du 17 janvier 1990 en application de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986. Il serait en revanche possible de faciliter l'exécution de ces obligations en élargissant la définition des dépenses susceptibles d'être prises en compte. Les producteurs continueraient de bénéficier d'une source de financement utile et les diffuseurs auraient une plus grande latitude pour alimenter leurs grilles de programmes en fictions dans un cadre répondant toujours à des objectifs d'intérêt public.

c) Le raffermissement du secteur public

Dans son rapport pour avis sur les crédits de l'audiovisuel public pour 1997, votre rapporteur avait longuement étudié les problèmes que pose l'exercice effectif par l'Etat de ses responsabilités d'actionnaire à l'égard des chaînes publiques. Il avait en particulier conclu à la nécessité de définir de façon précise les missions de chaque chaîne dans des cahiers des charges refondus.

Il avait aussi conclu à la nécessité de prévoir la conclusion entre l'Etat et chaque organisme de contrats pluriannuels d'objectifs.

Votre rapporteur notait à cet égard que le contrôle des organismes de l'audiovisuel public est exercé essentiellement à l'occasion de la procédure budgétaire. Initiée dans le cadre de la concertation interministérielle, suivie par les conseils d'administration, clôturée par le Parlement, celle-ci permet de poser l'ensemble des problèmes et des perspectives de l'audiovisuel public, mais dans une logique moins économique et fonctionnelle qu'étroitement financière, et dans des conditions invariablement perturbées par la régulation budgétaire. Ce sont en fait de véritables points de repères exprimés sous la forme de missions sériées et d'objectifs définis, qui manquent à l'exercice d'un contrôle efficace.

Tout en insistant sur la nécessité d'émonder les cahiers des charges des chaînes afin d'identifier quelques missions essentielles traduisant la notion de mission d'intérêt général du secteur public, votre rapporteur constatait l'opportunité de recourir aussi à l'instrument des contrats d'objectifs.

De fait, la conclusion de contrats d'objectifs entre les responsables des chaînes et les tutelles concernées, y compris le ministère des finances, paraît le préalable indispensable à toute restauration du contrôle des organismes de l'audiovisuel public. Il conviendrait d'envisager ces différentes adaptations à l'occasion de la discussion du prochain projet de loi.

Votre rapporteur croit enfin nécessaire de donner au président de France Télévision les moyens d'exercer dans de meilleures conditions son rôle de coordination, d'impulsion et de développement des chaînes. Ceci suppose qu'il soit mis fin à l'" union personnelle " de France 2 et de France 3 et que la présidence commune soit organisée dans le cadre d'une société holding dont les missions propres seraient clairement définies par les textes fondateurs. En 1996, l'affaire des contrats des animateurs-producteurs avait illustré les effets pervers d'une répartition ambiguë des pouvoirs de direction entre les deux chaînes et une présidence commune censée prendre en charge les intérêts spécifiques d'un groupe qui n'existe pas sur le plan juridique.

C. L'AUDIOVISUEL PUBLIC FACE À LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE

Le secteur public va subir de plein fouet les conséquences du basculement dans l'ère numérique évoquées ci-dessus, avec l'inconvénient, par rapport aux opérateurs privés, d'une moindre faculté d'adaptation au changement du contexte.

1. L'insertion dans l'économie du numérique

Trois aspects doivent être envisagés de façon particulièrement attentive.

a) La stratégie " industrielle "

On a vu que face à la diversification des métiers de l'audiovisuel, et en raison de la nécessité d'un accès facile aux catalogues de droits de diffusion, les groupes audiovisuels nouaient des alliances et s'engageaient dans un processus de concentration verticale leur permettant de s'assurer la maîtrise technique et commerciale des différentes étapes de la chaîne de production. Une chaîne de télévision ne peut désormais se rencogner sur son statut de diffuseur-éditeur sans s'exclure de la dynamique de développement de la communication audiovisuelle.

Or, il est clair que l'entrée dans une stratégie d'alliance avec d'autres opérateurs, y compris privés, ne correspond guère à la culture du secteur public. Il n'est qu'à considérer les polémiques provoquées par les accords passés avec le bouquet satellitaire TPS, pour se convaincre de cette difficulté.

b) L'explosion de l'offre

Ce n'est plus la détention d'une capacité de diffusion, pour laquelle les chaînes publiques disposent actuellement d'un privilège, qui fera la différence entre les opérateurs, mais la qualité et la diversité des contenus, la capacité de développer des programmes ciblant certains publics, celle d'exploiter de nouveaux formats, d'élaborer de nouveaux services associés ou non aux programmes de télévision.

La télévision publique devra donc manifester capacité d'innovation et " réactivité ", et disposer des moyens financiers nécessaires au développement des pôles d'excellence qui lui permettront de poursuivre l'exécution de sa mission dans un paysage audiovisuel de plus en plus encombré.

c) Le financement

On a vu dans la première partie du présent rapport que l'avenir de la redevance poserait bientôt problème. Quelles seront les ressources de remplacement ? Par ailleurs, le marché publicitaire n'assurera plus à l'avenir aux chaînes des recettes aussi abondantes et croissantes que par le passé. Les chaînes publiques subiront le contrecoup de la stagnation probable de cette ressource. Dès lors, est-il imaginable qu'à l'exemple des chaînes privées, les organismes publics cherchent dans les ressources procurées par l'abonnement et par le paiement à la séance ou au service consommé, les moyens de leur développement ? Ceci paraît très difficilement conciliable avec la mission spécifique de l'audiovisuel public. Par conséquent, le budget de l'Etat pourrait être à terme la source de financement principal la plus probable des organismes, ce qui ne serait pas sans incidences sur la nature des programmes. Le mode de financement mixte, dont nous connaissons aujourd'hui l'apogée, va devoir être réexaminé.

2. Un préalable : préciser la mission du secteur public dans le nouveau paysage audiovisuel

Les problèmes évoqués ci-dessus ne peuvent être résolus qu'au regard d'une vision claire de la mission de l'audiovisuel public.

a) La situation actuelle

Elle est très insatisfaisante. On s'installe, et le projet de budget de 1998, éclairé par les déclarations du ministre de la communication, le confirme, dans un clivage entre le secteur public de qualité, représenté par Arte et La Cinquième, et le secteur grand public, représenté par France 2 et France 3.

M. Hervé Bourges constatait, en auditionnant les responsables de France Télévision le 18 juillet dernier à l'occasion de l'examen des bilans de 1996, que France 2 " continue de connaître des problèmes d'identité, peut-être plus encore que d'image " et faisait état d'un " divorce entre le volume réel d'émissions d'information, de culture et de services que la statistique dénombre, et la perception qu'en a l'opinion. "

Il est de fait que l'image de la chaîne se manifeste plus dans l'émission phare qui précède les nouvelles de 20 heures que dans les émissions culturelles diffusées aux alentours de minuit. Et l'on ne saurait considérer une programmation de première partie de soirée qui hésite pathétiquement, au gré des variations de l'audimat, entre le jeu traditionnel et le succédané de débat de société, comme emblématique des missions du service public.

Il est vrai que sur France Télévision, la distraction et les jeux font appel plus à la culture qu'à l'appât du gain, disait un prédécesseur de l'actuel président, considérant que la mission de service public était ainsi assurée. A ce sujet, on se joint aux doutes exprimés de longue date par de bons esprits à l'égard de la valeur culturelle des jeux télévisuels :

" Les demi-cultivés (ou demi-barbares) de l'ère de l'audiovisuel. Quand on suit à la radio ou à la télévision un des innombrables jeux radiophoniques, on est frappé de la proportion somme toute élevée des réponses justes, considérablement plus grande en moyenne qu'elle ne l'eût été il y a cinquante ans. Mais on pressent en même temps que ces connaissances ponctuelles n'ont aucune tendance à s'organiser en réseaux cohérents. L'esprit de leur possesseur fait penser à un cartographe du relief qui, disposant d'un assez grand nombre de points cotés, n'aurait aucune notion de la manière de les joindre par des courbes de niveau ". 4( * )

Le clivage de plus en plus manifeste entre la télévision de niche et la télévision de masse au sein de l'audiovisuel public, dont le ministre de la communication paraît confirmer implicitement la perpétuation par ses déclarations et à travers son projet de budget, ne saurait perdurer sans déboucher sur une profonde mise en cause de la légitimité de programmes alignés sur ceux de la télévision privée. Il convient de dénouer l'enchaînement des démissions et des contradictions.

b) Quelles missions pour l'audiovisuel public ?

Votre rapporteur ne prétend pas esquisser en quelques phrases et au détour d'un avis budgétaire une " refondation " du service public ! Aussi se contentera-t-il de formuler quelques remarques.

Tout d'abord, il importe d'aborder le problème des missions de l'audiovisuel public non pas sous l'angle rhétorique, mais d'un point de vue pratique : quelles grilles de programme diffuser ?

La lecture de la brochure diffusée récemment sous le titre " Orientations stratégiques de France 2 " n'incite pas à l'optimisme à cet égard.

Quelques citations :

" La stratégie de l'antenne de France 2 se construit autour d'une double mission de renforcement de la cohésion sociale et d'enrichissement de l'identité culturelle commune.

France 2 exerce cette mission de service public dans le respect de ses valeurs fondamentales.

L'identité de ses programmes se construit autour de trois axes majeurs : être la chaîne exemplaire de l'information, être la chaîne du divertissement de qualité, être la chaîne de la création "
(page 7)

" Elle participe ainsi à l'enrichissement de l'imaginaire collectif. En effet, la télévision propose de manière plus ou moins explicite des systèmes de valeurs et des modèles culturels, qui contribuent à façonner nos comportements et nos modes de vie. France 2 doit être particulièrement consciente de cette responsabilité, notamment du fait de sa large audience ". (page 9)

" Le respect de ces principes doit nous permettre de développer un " esprit France 2 ", positif et convivial, reconnaissable par les téléspectateurs au travers de la diversité des programmes de la chaîne, diversité qui constitue une de ses premières richesses ". (page 13)

Tout ceci ne contribue guère à éclairer le citoyen contribuable sur les missions de la télévision publique et sur les stratégies définies afin de remplir celles-ci.

Votre rapporteur considère que les missions doivent être progressivement redéfinies en tenant compte des réponses que l'Etat donnera aux questions que pose l'insertion des organismes dans l'économie du numérique : quels types de structures et d'alliances sont acceptables, quelles diversifications, quels financements.

Si l'on veut sortir de la logique discursive des actuels cahiers des charges, dont les " orientations stratégiques " de France 2 sont un avatar un peu caricatural, il faut en effet associer intimement la définition des missions et celle des moyens. Une réflexion d'envergure ouverte à l'ensemble des acteurs intéressés, et au premier abord au Parlement, est donc nécessaire.

Aussi votre rapporteur relèvera-t-il à ce stade une seule certitude, en ce qui concerne la légitimité présente et à venir des chaînes publiques, il s'agit de leur contribution à l'information des Français, de l'apport que représente pour le débat démocratique le potentiel de rédactions nombreuses et actives, il s'agit enfin de la garantie qu'implique pour le pluralisme de l'information la diversité de chaînes généralistes attirant encore, et pour quelque temps sans doute, la majeure partie du public de la télévision.

Voilà pourquoi, au terme de son exposé, votre rapporteur tient à exprimer sa satisfaction à l'égard des initiatives que le président de France Télévision a déjà prises ou pourrait prendre afin de renforcer l'information dans les programmes des chaînes. C'est une part essentielle de la légitimité de celles-ci qui est ainsi prise en compte.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une séance tenue le mercredi 12 novembre 1997 sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Jean-Paul Hugot sur les crédits de la communication audiovisuelle inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Michel Pelchat a posé la question de l'évolution du système de la redevance. Les futurs modes de réception des programmes de télévision, tels que les moniteurs d'ordinateurs, n'y seront pas soumis. Or l'avenir de l'audiovisuel public serait compromis si la redevance était remplacée par des ressources budgétaires.

Il a porté un jugement critique sur le rapprochement des fichiers de la taxe d'habitation et du fichier de la redevance, estimant que les prévisions de recettes supplémentaires attendues de ce rapprochement ne seraient pas réalisées et qu'il en résulterait nécessairement une augmentation de la part de la publicité dans le financement des budgets des organismes publics en 1998.

Il a estimé que l'application anticipée de la fusion de la Sept Arte et de La Cinquième, avec la nomination d'un président commun, avait créé une situation juridique extravagante, spécialement concernant le statut du personnel.

Il a regretté que rien ne soit fait en faveur du développement de la diffusion hertzienne terrestre numérique, du développement de la radio numérique, de l'amélioration des conditions de fonctionnement du CSA, du câble, estimant que l'absence de prise en compte de ces problèmes à l'occasion de la procédure budgétaire traduisait une regrettable carence du Gouvernement.

Mme Danièle Pourtaud s'est félicitée de l'augmentation de la part des ressources publiques dans le financement des organismes audiovisuels et a espéré que le Sénat soutiendrait cette évolution. Elle a exprimé sa surprise à l'égard de la critique par le rapporteur pour avis du traitement favorable réservé à La Cinquième et la Sept Arte, estimant qu'il s'agissait d'un rattrapage des mesures qui avaient frappé les programmes de ces chaînes dans le budget de 1997, et que les sommes supplémentaires allouées l'année prochaine seraient directement répercutées vers le secteur de la production.

Elle a rappelé, pour le regretter, que le précédent Gouvernement avait anticipé dans le budget de 1997 une fusion qui n'avait été ni débattue ni votée par le Parlement.

Elle a justifié la poursuite de la réflexion du Gouvernement sur le contenu du projet de loi sur la communication audiovisuelle annoncé, en mettant en avant la nécessité d'étudier de façon approfondie, compte tenu de l'ampleur des enjeux, les mesures à prendre. Elle a estimé que dans ces conditions le report du dépôt du projet de loi était justifié.

Elle a enfin relevé quelques insuffisances dans le projet de budget, en particulier l'absence de mesures nouvelles permettant à France 2 et à France 3 de poursuivre le développement de chaînes thématiques telles que la chaîne des régions, et elle a exprimé son accord sur la nécessité de réaliser une programmation pluri annuelle des ressources afin de faciliter le développement industriel des organismes publics.

M. André Diligent a demandé au rapporteur pour avis si les encaissements de recettes publicitaires de France 3 étaient très en retard par rapport aux prévisions. Il a regretté que les mesures d'audience n'aient pas une dimension qualitative, et il a enfin estimé qu'il serait utile d'effectuer une véritable " mise à plat " de l'ensemble des problèmes posés par l'évolution de l'audiovisuel public.

Mme Danièle Pourtaud , reprenant la parole, a demandé s'il était légitime que les chaînes hertziennes privées en clair soient diffusées par satellite de façon cryptée et où en étaient les négociations en cours pour la conclusion d'accords de " simulcrypt ".

M. Michel Pelchat a estimé qu'à cet égard la solution idéale serait que les chaînes publiques diffusées par satellite puissent être reçues avec une seule parabole.

En réponse aux questions des intervenants, M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis, a présenté les observations suivantes :

- les interventions des membres de la commission ont montré que la présentation d'un projet de loi modifiant la loi sur la liberté de communication revêtait un caractère d'urgence ;

- l'évolution du régime juridique de la redevance va poser des problèmes difficiles avec la diversification des modes de réception des programmes télévisés. D'ores et déjà, le Gouvernement allemand a exonéré les écrans d'ordinateurs de la redevance ;

- le rapprochement des fichiers de la taxe d'habitation et de la redevance a été autorisé en 1996 ; il semble avoir eu un effet positif sur l'assiette de la redevance ;

- le rapport Bloch-Lainé sur l'audiovisuel public avait préconisé la réalisation d'économies dans les budget d'Arte et de La Cinquième grâce à la meilleure circulation des programmes à l'intérieur de l'ensemble du secteur public. Cette orientation n'a guère été suivie ;

- le développement du câble et la révision des pouvoirs du CSA mériteraient des initiatives rapides, c'est cependant une question qui déborde le cadre de l'examen du projet de budget, ce qui ne fait que confirmer l'urgente nécessité d'un projet de loi sur la communication audiovisuelle ;

- la part de financement public des organismes audiovisuels baissera en fait en 1998 de quelques dixièmes de points par rapport à 1997 ;

- les négociations sur le " simulcrypt " progressent entre les opérateurs intéressés sans que la commission dispose d'informations sur leur degré d'avancement ;

- le président de France Télévision a indiqué que les recettes publicitaires de France 3 avaient fortement fléchi par rapport aux objectifs budgétaires jusqu'à ces dernières semaines. Un rattrapage semble cependant se profiler ;

- l'élaboration d'un audimat " qualitatif " est une revendication ancienne des chaînes à faible taux d'audience. Cette question pourrait faire l'objet d'une réflexion plus approfondie que cela n'a été le cas jusqu'à présent ;

- une mesure nouvelle de 15 millions de francs est prévue dans le budget de Radio France en faveur de la radio numérique DAB (digital audio broadcasting) ;

- un audit est en cours sur le contenu et les perspectives de la radio pour les jeunes de Radio France.

Mme Danièle Pourtaud a précisé à cet égard, en qualité de membre du conseil d'administration de Radio France, que le développement de la radio pour les jeunes était actuellement limité par la difficulté de trouver de nouvelles fréquences et par celle d'augmenter un budget qui atteint déjà 25 millions de francs.

M. Jean-Paul Hugot, rapporteur pour avis , a noté que le rapport Bloch-Lainé avait mis en évidence la difficulté qu'éprouve Radio France à redéployer ses moyens vers des actions nouvelles.

Au terme de cette discussion, la commission a décidé de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'audiovisuel public pour 1998.



1 Il est nécessaire d'ajouter 429 millions de francs aux 17 milliards de francs du budget voté de 1997 pour effectuer les comparaisons sur des séries homogènes : le projet de budget pour 1998 intègre en effet l'activité de production exécutive de France 3 ainsi que les versements de France 2 et de France 3 au compte de soutien à l'industrie des programmes.

2 Le directeur financier de la Sept a été nommé parallèlement directeur financier de La Cinquième, décision que le lecteur attentif du rapport Bloch-Lainé ne manquera pas de mettre en parallèle avec les appréciations inégalement élogieuses que ce rapport porte sur la gestion financière de chaque chaîne.

3 Lors de son audition par votre commission, M. Jérôme Clément a relevé que les " citadins masculins et éduqués " étaient plus représentés dans le public d'Arte et de La Cinquième que dans la moyenne nationale.

4 Julien Gracq, Carnets du grand chemin, p. 282, José Corti.


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