III. LA FONDATION DU PATRIMOINE : UN NOUVEL INSTRUMENT DE PROTECTION DU PAYSAGE QUI NE DOIT PAS ÊTRE NÉGLIGÉ

Conformément aux conclusions des rapports remis par notre collègue Jean-Paul Hugot en 1994 à M. Jacques Toubon, alors ministre de la culture et de la francophonie, et à M. Michel Barnier, alors ministre de l'environnement, la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996 relative à la Fondation du patrimoine a créé un nouvel instrument de protection et de mise en valeur de notre patrimoine national.

Cette institution d'un genre inédit est novatrice à deux égards.

- La Fondation traduit une nouvelle approche du patrimoine. En effet, elle a pour vocation de s'attacher tant à la protection et à la mise en valeur du patrimoine bâti qu'à celle du patrimoine non bâti. L'article 2 de la loi du 2 juillet précise en effet que la Fondation du patrimoine " contribue à la sauvegarde des monuments, édifices, ensembles mobiliers ou éléments remarquables des espaces naturels ou paysagers menacés de dégradation, de disparition ou de dispersion . "

Cette approche unitaire du patrimoine qui apparaît comme une des conditions essentielles d'une politique des paysages bien comprise contraste, en effet, avec la tendance suivie jusque-là à créer des instruments de protection distincts pour le patrimoine naturel et le patrimoine monumental.

- Par ailleurs, elle offre à l'initiative privée un vecteur de mobilisation jusque-là inexistant.

Les études d'opinion révèlent l'attachement croissant des Français à leur patrimoine. Les pratiques touristiques comme l'implication des associations qui oeuvrent en ce domaine témoignent également de ce nouvel engouement. Néanmoins, pour une large majorité des Français (79 %), le financement nécessaire à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine doit être entièrement pris en charge par les pouvoirs publics. Cette attitude s'explique par des raisons historiques. Dans son article sur la notion de patrimoine dans l'ouvrage sur les " Lieux de mémoire ", dirigé par Pierre Nora, André Chastel constate que " l'intervention de l'Etat semble avoir habitué collectivités et particuliers à considérer que les autorités doivent assumer la responsabilité du patrimoine dans sa définition et dans sa mise en valeur ".

La Fondation du patrimoine doit donc donner aux Français les moyens de prendre une part active à la protection de leur patrimoine. A ce titre, elle est susceptible de compléter les instruments de protection des paysages mis en oeuvre par l'Etat et les collectivités territoriales, en permettant une association plus étroite des citoyens.

Plus d'un an après le vote de la loi créant la Fondation du patrimoine, votre rapporteur a souhaité se pencher sur les conditions de mise en oeuvre de cette institution originale. Il lui est, en effet, apparu opportun d'apprécier dans quelle mesure ce nouvel outil pouvait contribuer à la politique de protection de nos paysages.

Il apparaît que la constitution de la Fondation du patrimoine, qui s'est effectuée en l'absence de tout soutien financier ou logistique du Gouvernement, a été plus difficile que ne le laissaient supposer les travaux préparatoires de la loi.

Le mode de fonctionnement retenu par le conseil d'administration s'avère sensiblement différent du schéma initial prévu par le législateur. Il repose sur une organisation largement décentralisée recourant au niveau local à la fois aux entreprises et aux associations qui seront chargées de collecter les fonds nécessaires à la réalisation des projets cofinancés par la Fondation.

Le programme retenu par la Fondation est ambitieux. Sa réussite exige néanmoins une collaboration entre la Fondation et les structures administratives de l'Etat qui, jusqu'ici, ne semble pas s'être mise en place de manière satisfaisante. Ce partenariat apparaît nécessaire pour qu'elle puisse, d'une part, user des prérogatives dont la loi l'a dotée et, d'autre part, assumer l'ensemble des missions qui lui ont été confiées par le législateur et, en particulier, la sauvegarde du patrimoine naturel.

A. UN OUTIL AMBITIEUX DESTINÉ À COMBLER LES LACUNES DE LA POLITIQUE DE PROTECTION ET DE MISE EN VALEUR DU PATRIMOINE

1. La vocation de la Fondation du patrimoine

La Fondation du patrimoine devait avoir pour mission, d'une part, de combler les lacunes du dispositif de protection et de valorisation du patrimoine national et, d'autre part, de favoriser la mobilisation des initiatives et des volontés publiques et privées.

· Combler les lacunes du dispositif de protection et de valorisation du patrimoine national.

Définies à l'article 2 de la loi n° 96-590 du 2 juillet 1996 précitée, les missions de la Fondation du patrimoine lui permettaient de remédier aux lacunes de l'action conduite par l'Etat et les collectivités locales en faveur du patrimoine. L'article 2 précise, en effet, qu'elle " a pour but de promouvoir la connaissance, la conservation et la mise en valeur du patrimoine national ".

- En premier lieu, elle devait s'attacher à l'identification, à la préservation et à la mise en valeur du patrimoine non protégé -et plus particulièrement du patrimoine de proximité. En effet, de nombreux bâtiments ou sites trop modestes ou trop isolés -bien qu'ils constituent une composante décisive du cachet d'un paysage- ne font pas l'objet des mesures de protection du patrimoine que sont par exemple le classement ou l'inscription.

L'instrument de cette reconnaissance se manifeste par l'attribution d'un label de qualité dont les conditions d'attribution sont déterminées par le conseil d'administration de la Fondation. Ces dernières devaient différer de celles retenues au titre de la loi de 1913 sur les monuments historiques ou de la loi de 1930 sur les sites afin que la Fondation ne se substitue pas à l'Etat, l'intérêt et la mobilisation de la population locale, d'une association ou d'une collectivité locale pouvant selon les initiateurs du projet s'avérer déterminants.

Par ailleurs, il était prévu que la Fondation puisse apporter son concours à des personnes publiques ou privées propriétaires par le biais d'aides financières (avances remboursables, aides, garanties d'emprunts) ou en soutenant leur action par ses conseils.

- En second lieu, la Fondation devait participer au sauvetage des monuments historiques ou des sites menacés .

A la différence du National Trust, la Fondation, dans l'esprit du législateur, n'avait pas vocation à devenir un propriétaire foncier mais devait avoir pour rôle d'assurer le " portage " temporaire des monuments ou sites en péril, l'objectif poursuivi étant qu'elle puisse à terme revendre le bien à une personne publique ou privée capable d'en assumer la conservation et l'entretien. La loi dispose donc que les biens acquis dans un souci de protection par la Fondation ne sont pas inaliénables.

- Enfin, la Fondation devait contribuer à la valorisation et à la présentation au public du patrimoine national . Son rôle de promotion a été conçu largement puisqu'il peut porter tant sur le patrimoine protégé que sur le patrimoine non protégé.

· Mobiliser et fédérer les initiatives publiques et privées

A ce titre, la Fondation a pour objet de valoriser les expériences acquises par les associations et les collectivités locales. Elle n'a nullement vocation à se substituer aux différents intervenants dont certains témoignent, en faveur du patrimoine, un engagement qui doit être salué. Leur action devait, grâce à cette nouvelle structure, être mieux relayée auprès des pouvoirs publics, et notamment auprès du ministère de la culture et du ministère de l'environnement.

La représentation des associations au sein de la Fondation est assurée par un conseil d'orientation composé notamment de trois membres choisis par le conseil d'administration en dehors de son sein parmi les représentants des associations ayant pour objet la protection et la mise en valeur du patrimoine naturel et de trois membres choisis parmi les représentants des associations ayant pour objet la protection et la mise en valeur du patrimoine culturel.

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