Avis 87 tome 9 - Projet de loi de finances pour 1998 - Consommation et concurrence


Mme Odette TERRADE, Sénateur


Commission des Affaires économiques et du Plan - Avis N°87 - 1997/1998

Table des matières






N° 87

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IX

CONSOMMATION ET CONCURRENCE

Par Mme Odette TERRADE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Michel Barnier, Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut , Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Gérard Larcher, Edmond Lauret, Pierre Lefebvre, Jean-François Le Grand, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Jean-Baptiste Motroni, Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Bernard Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, M. Henri Weber.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 230 , 305 à 310 et T.A. 24 .

Sénat : 84 et 85 (annexe n° 10 ) (1997-1998).

Lois de finances.

Mesdames, Messieurs,

La compétence en matière de concurrence et de consommation a été transférée du Ministère délégué aux Finances de l'ancien Gouvernement au secrétariat d'Etat aux Petites et Moyennes Entreprises, au Commerce et à l'Artisanat de l'actuel Gouvernement.

Cette modification s'accompagne d'un changement de cap budgétaire, puisqu'il est mis fin à la tendance de désengagement de l'Etat vis-à-vis du mouvement consumériste. Pour autant, les crédits de la concurrence et de la consommation n'augmentent pas et respectent ainsi l'impératif de maîtrise de la dépense publique.

Au total, les dotations demandées s'élèvent à 981,7 millions de francs, en stagnation (- 0,14 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 1997, alors que la baisse avait été de 1,7 % l'année passée.

Au-delà de la simple analyse des variations budgétaires et du bilan de la politique menée en France et en Europe dans les secteurs de la concurrence et de la consommation, votre commission souhaite se concentrer plus particulièrement sur deux problèmes d'actualité : le surendettement croissant des plus fragiles de nos concitoyens et le développement récent d'une nouvelle forme de location avec option d'achat destinée aux plus démunis.

CHAPITRE IER -LES ORIENTATIONS BUDGÉTAIRES

Les dotations budgétaires de la concurrence et de la consommation sont à la fois modestes et peu " lisibles ", car noyées dans le fascicule budgétaire " Economie, finances et industrie " dont elles ne représentent qu'un faible montant.

I. DES CRÉDITS PEU " VISIBLES "

Conséquence budgétaire de l'inexistence -souvent dénoncée par les associations de consommateurs- d'un portefeuille ministériel qui leur soit exclusivement consacré, la concurrence et la consommation n'ont pas, pour leurs crédits, de fascicule budgétaire qui leur soit propre. Ces derniers sont regroupés avec les autres " services financiers " dont ils ne représentent que 2,1 % et qui sont : l'administration générale et les dotations communes du ministère de l'Economie ; la Cour des Comptes et les Chambres régionales des comptes ; le Trésor public ; la Direction générale des Impôts ; la Direction générale des Douanes et des droits indirects ; l'INSEE ; les services de l'Expansion économique à l'étranger.

Bien plus, cette année, en raison des changements de structures gouvernementales, les " services financiers " sont eux-mêmes présentés dans un fascicule budgétaire qui regroupe de très nombreux crédits du ministère de l'Economie, relatifs, outre les services financiers, à l'Industrie, aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.

Symboliquement, sur les 274 pages de ce fascicule budgétaire, seulement 4 sont exclusivement consacrées à la concurrence et à la consommation : il s'agit de l'agrégat n° 8, intitulé " Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes " (DGCCRF).

Cet agrégat regroupe :

- les crédits de la DGCCRF et des services déconcentrés ;

- les crédits d'intervention? au sein desquels se trouvent la subvention versée à l'Institut national de la Consommation et les aides au mouvement consumériste ;

- les crédits d'équipement, principalement dévolus à la modernisation et aux travaux des laboratoires de la DGCCRF.

II. UN BUDGET MODESTE, QUI SE MAINTIENT

Les crédits demandés s'élèvent au total à 981,7 millions de francs , contre 983,1 millions en loi de finances initiale pour 1997 et 1 milliard en 1996.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR TITRE

(en millions de francs)

CRÉDITS VOTÉS POUR 1997

CRÉDITS DEMANDÉS POUR 1998

ÉVOLUTION

Dépenses ordinaires (DO)

967,7

971,7

+ 0,4 %

- dont : moyens des services

927,7

931,7

+ 0,4 %

- dont : interventions publiques

40,0

40,0

0

Dépenses en capital

Crédits de paiement (CP)

15,4

10,0

- 34,9 %

TOTAL (DO + CP)

983,1

981,7

- 0,14 %

Autorisations de programme

21,5

10,0

- 53,5 %

Si les crédits stagnent globalement, le contraste est fort entre les dépenses ordinaires qui se maintiennent et les dépenses en capital qui diminuent significativement.

Les dépenses ordinaires représentent 971,7 millions de francs, soit la quasi totalité (98,9 %) du budget consacré à la concurrence et à la consommation. Cette part était de 98,4 % l'année passée.

Les moyens des services , pour 931,7 millions de francs, (soit 95 % du total), sont en augmentation de 0,4 %. Ces dotations couvrent les dépenses de personnel (731,7 millions) et de fonctionnement (207 millions au total) de la DGCCRF, des services déconcentrés et de la commission de la sécurité des consommateurs, ainsi que la subvention de fonctionnement de l'Institut national de la consommation (INC), pour 25 millions de francs et les frais de justice et de réparation civile.

Dans la loi de finances initiale pour 1997, 31 emplois avaient été supprimés à la DGCCRF dont l'effectif budgétaire était ainsi passé de 3.746 postes au 1er janvier 1996 à 3.715 au 1er janvier 1997, permettant l'emploi, compte tenu des temps partiels, de 3.835 agents.

Le projet de loi de finances pour 1998 propose la suppression de 10 nouveaux emplois puisque le nombre de postes budgétaires prévus pour la DGCCRF est de 3.705. dix-neuf emplois des catégories B et C sont supprimés et 9 emplois de catégorie A sont créés, pour renforcer le contrôle des marchés publics.

Les " interventions publiques " regroupent en fait le soutien aux organisations de consommateurs (chapitre budgétaire 44-81). Le montant demandé est de 40 millions de francs, en stagnation par rapport à la loi de finances initiale pour 1997 . Rappelons que les années précédentes avaient vu une baisse de cet effort de 28 % en 1997 par rapport à 1996, et de 6,7 % en 1996 par rapport à 1995.

Les dépenses en capital diminuent . Les crédits de paiement du chapitre 57-90 passent de 15,4  à 10 millions de francs, soit une baisse de plus d'un tiers. Les autorisations de programme passent de 21,5 à 10 millions de francs, soit une baisse de la moitié. Ce chapitre supporte l'intégralité des dépenses d'investissement de la DGCCRF : construction de nouveaux locaux, achat de matériel et réfection des laboratoires.

L'administration des finances justifie les baisses de crédits par l'achèvement des plans de regroupement des services locaux et de remise à niveau des laboratoires.

CHAPITRE II -

LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS

I. LES INSTANCES DU MOUVEMENT CONSUMÉRISTE

LE MOUVEMENT CONSOMMATEUR EN CHIFFRES

4.000 permanences locales à travers tout le pays.

500.000 heures de permanence par an.

150000 heures de représentation dans 27000 réunions des instances nationales et locales

Plus de 100 essais comparatifs par an.

Plus d'un million de litiges et mécontentements par an.

Emissions télévisées : deux fois par semaine sur France 2 et France 3 : " Consomag ", plus de 10 millions de téléspectateurs chaque semaine, et " Décodages ", émissions régionales (5 millions de téléspectateurs chaque semaine).

Magazine " 60 millions de consommateurs " et " Que Choisir ? "

A. LES ASSOCIATIONS AGRÉÉES DE CONSOMMATEURS

1. Leur statut et leurs missions

Les associations de consommateurs sont constituées d'après la loi de 1901.

Les articles L. 421-1 et suivants du code de la consommation et le décret du 6 mai 1988 définissent les règles d'agrément de ces associations : elles doivent justifier d'une année d'existence, d'une activité effective et publique dans le domaine de la consommation, ainsi que de 10.000 adhérents. Elles doivent être indépendantes de toute forme d'activité professionnelle. L'agrément permet, notamment, d'exercer en justice les droits reconnus à la partie civile dans les affaires où un préjudice est porté à l'intérêt des consommateurs.

19 organisations nationales de consommateurs sont actuellement agréées. Cette diversité est liée à leurs différences d'origine, d'histoire et de culture. Il convient par ailleurs de noter que certaines organisations, plus généralistes, mais ayant un rôle et une activité de défense de consommateurs, ont été contraintes de se constituer en association, afin d'obtenir une reconnaissance institutionnelle et une subvention leur permettant de répondre à leurs missions.

Votre commission a parfois souligné le caractère éclaté du mouvement consumériste français. Votre rapporteur pour avis, loin d'y voir un éparpillement des actions, note que cette diversité peut constituer une richesse et une diversité intéressante des approches. Ce sentiment est renforcé par l'étroite et la fructueuse collaboration dont font preuve les associations sur de nombreux sujets.

Votre rapporteur pour avis souhaite également noter que les associations consuméristes agréées ont une charge de travail considérable. Leurs représentants siègent dans des instances multiples, tant au niveau national qu'au niveau départemental. A ce titre, elles souhaiteraient que ce rôle soit reconnu par un " statut " d'élu social qui leur permettrait d'exercer ces différentes représentations dans de meilleures conditions.

LES ASSOCIATIONS AGRÉÉES DE CONSOMMATEURS


ADEIC-FEN

AFOC

ALLDC

ASSECO-CFDT

CGL

CNAFAL

CNAFC

CNAPFS

CNL

CSCV

CSF

FF

FR

FNAUT

INDECOSA-CGT

ORGECO

UFC-QUE CHOISIR

UFCS

UNAF

Association d'Education et d'Information du Consommateur de l'Education nationale

Association FO Consommateur

Association Léo Lagrange pour la Défense des Consommateurs

Association Etudes et Consommation CFDT

Confédération Générale du Logement

Conseil National des Associations Familiales Laïques

Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques

Comité National des Associations Populaires Familiales Syndicales

Confédération Nationale du Logement

Confédération syndicale du Cadre de vie

Confédération syndicale des Familles

Famille de France

Familles Rurales

Fédération nationale des Usagers des Transports

Association pour l'Information et la Défense des Consommateurs Salariés CGT

Organisation Générale des Consommateurs

Union Fédérale des Consommateurs - Que Choisir

Union Féminine Civique et Sociale

Union Nationale des Associations Familiales

Les associations de consommateurs ont principalement deux missions :

- l'aide au consommateur individuel , par l'accueil, l'information, le règlement des litiges. Toutes les associations tiennent des permanences, elles participent aux procès où l'intérêt des consommateurs est en jeu ;

- la représentation des consommateurs , auprès des pouvoirs publics ou des professionnels. Cette concertation est notamment institutionnalisée au sein du Conseil National de la Consommation.

Mais les associations agréées participent également à de multiples instances nationales (environ 100) telles que la Commission de la Sécurité des Consommateurs, la Commission des clauses abusives, le Conseil national du crédit. Elles interviennent dans la certification des produits industriels et des services, dans la lutte contre le surendettement et dans la promotion de la qualité (notamment par la normalisation et la labellisation). Elles sont représentées à la Commission nationale d'équipement commercial, au Comité national de l'euro et dans de nombreuses autres instances.

Au niveau local, les associations agréées sont représentées dans une vingtaine d'instances départementales telles que la Commission de surendettement, la Commission départementale d'équipement commercial, la Commission de conciliation des loyers, etc...

2. Un financement public qui se stabilise

Avec une dotation stabilisée à 40 millions dans le projet de budget pour 1998, le soutien de l'Etat aux associations de consommateurs stagne, après une réduction longue de cinq années . Après avoir doublé de 1988 à 1991, les aides aux organisations consuméristes n'ont en effet cessé de décroître, comme l'illustre le graphique suivant, qui retrace l'évolution des crédits adoptés en loi de finances initiale depuis 1982 :

Pour 1998 : crédits demandés dans le projet de loi de finances

Votre rapporteur pour avis note avec une relative satisfaction qu'il semble être mis fin à des baisses brutales telle que celle qui a été observée en 1997 (- 28 %). Il ne s'agit toutefois là que d'un bien maigre bilan...

...D'autant que les Gouvernements ont coutume de réduire, au cours de l'exécution budgétaire, le soutien qu'ils s'étaient pourtant engagés à fournir aux associations au moment du vote de la loi de finances initiale, reprenant ainsi d'une main ce qu'ils s'étaient engagés, auprès de la représentation nationale, à donner de l'autre.

En effet, les régulations budgétaires ont eu un effet largement amplificateur de l'effondrement des crédits de subvention aux associations, comme le montre le graphique suivant :

Ainsi en 1997, au lieu des 40 millions de soutien annoncés par le Gouvernement et votés par le Parlement, les associations n'ont-elles en réalité pu disposer que de 38 millions de francs . La régulation a donc amputé de 5 % les crédits de ce chapitre budgétaire.

Mais comme en 1996 la régulation avait été encore plus importante (portant sur 14 % des crédits), la baisse " réelle ", en exécution, entre 1996 et 1997 a été de 19,4 % -et non de 28 %, chiffre qui représente l'écart des crédits votés entre les lois de finances initiales-.

La régulation budgétaire n'a pas cessé, depuis quelques années, d'amputer les crédits destinés au mouvement consommateur, même dans les périodes (1994 à 1996 notamment) où la stagnation des crédits votés pouvait donner l'impression d'une stabilité du soutien de l'Etat.

Votre commission dénonce de telles pratiques qui enlèvent largement de sa portée au vote du budget par la représentation nationale.

3. La répartition inégale du financement public

Les subventions accordées aux différentes associations se répartissent de la façon suivante :

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

ADEIC-FEN

AFOC

ALLDC

ANC

ASSECO-CFDT

CGL

CNAFAL

CNAFC

CAAPFS

CNL

CSCV

CSF

Familles de France

Familles rurales

FNAUT

INDECOSA-CGT

ORGECO

UFC

UFCS

UNAF

909.370

1.569.786

120.374

398.843

967.414

665.835

513.895

229.678

453.880

899.670

1.592.642

1.461.975

1.109.459

1.441.492

245.320

858.444

809.900

2.119.250

1.047.418

230.000

500.652

1.849.270

162.927

551.733

967.414

665.835

513.895

279.383

461.227

899.670

1.784.046

1.496.569

1.109.459

1.498.315

245.320

867.440

826.423

2.432.087

1.183.835

241.500

374.013

1.755.914

151.678

426.020

668.560

467.481

470.560

247.701

357.997

787.109

1.573.786

1.323.560

1.218.246

1.495.768

161.826

844.931

865.947

3.032.911

1.048.009

227.982

331.700

1.551.545

96.020

488.662

665.351

255.564

483.680

215.497

358.076

701.858

1.528.120

1.276.496

1.284.051

1.584.689

123.355

754.275

831.345

3.051.755

900.401

217.560

300.029

1.345.870

260.775

413.990

522.190

205.012

373.623

138.816

228.688

732.182

1.266.462

1.113.468

1.097.204

1.430.695

91.168

620.077

781.811

2.771.046

1.022.604

194.299

256.608

1.323.770

259.043

394.359

558.657

169.268

309.088

121.875

273.593

602.098

1.258.350

979.496

1.75.123

1.193.379

83.085

616.847

822.261

2.657.915

806.818

181.670

324.547

968.337

70.740

78.472

377.027

161.040

347.944

178.787

328.998

606.186

1.197.481

970.730

1.031.431

1.215.012

0

586.996

743.794

2.579.412

702.721

0

Source : Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie

Les associations qui ont reçu en 1997 les subventions les plus importantes sont, dans l'ordre décroissant l' UFC (2,5 millions de francs), Familles rurales (1,2 million), la Confédération syndicale du cadre de vie (1,2 million), Familles de France (1 million).

En revanche, ni l'UNAF ni la FNAUT n'ont, contrairement aux années précédentes, reçu de soutien du Ministère délégué aux finances en 1997. En effet, une concentration accrue des subventions a été décidée. Notons que ce changement s'est opéré, concernant l'UNAF, avec l'accord de cette association.

B. L'INSTITUT NATIONAL DE LA CONSOMMATION

L'Institut national de la consommation (INC) est un établissement public à caractère industriel et commercial qui, en plus de sa mission générale d'information du consommateur, dispose d'une fonction d'expertise technique et de centre d'essai.

Votre commission avait souligné, lors des années précédentes, la gravité de la situation financière de l'INC , qui avait conduit à la mise en place d'un plan de redressement, adopté en octobre 1994 par le Conseil d'administration de l'Etablissement. Pourtant, le problème n'est toujours pas résolu et la survie de cette institution est plus que jamais menacée par les graves difficultés qu'il rencontre.

Le creusement inéluctable du déficit de cet organisme est lié à la conjonction de l'amoindrissement des recettes tirées de la vente des publications et de la baisse de la subvention de l'Etat.

1. Le tarissement progressif des sources de financement de l'organisme

L'INC a dû faire face à la baisse de la subvention accordée par l'Etat : de 50 millions en 1992, elle est passée à 33 millions en 1994, pour atteindre seulement 25 millions en 1997 et dans le projet de loi de finances pour 1998. Ces évolutions sont retracées ci-dessous :

Depuis 1992, le montant de la subvention a été divisé par deux . En conséquence, elle ne représente plus que 28 % des ressources de l'organisme en 1997, contre 50 % il y a 15 ans.

Les recettes tirées de la vente des publications n'ont pas permis de compenser la baisse du soutien de l'Etat. Bien au contraire, les ventes de la revue, confrontée à la concurrence et à l'absence de promotion publicitaire, ont considérablement diminué depuis cinq ans, comme le montre ce tableau :

VENTES DES PUBLICATIONS DE L'INC
(EN MILLIERS)

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

initial 97

modif 97

Mensuel

Hors série

Numéro pratique

Abonnés en fin d'année

91

128

98

79

102

97

104

80

87

127

158

116

104

180

138

118

169

113

183

112

142

107

133

113

88

56

81

91

54

27

47

87

52

34

54

79

55

40

55

79

39

34

41

79

TOTAL

390

383

488

540

577

495

316

221

219

229

193

En conséquence, le chiffre d'affaires réalisé a lui aussi beaucoup baissé depuis 1992, comme l'illustre le graphique ci-dessous :

L'INC ne tirera plus en 1997 que 49,7 millions de francs de la vente de ses publications, alors que ce chiffre était de 129 millions, soit 2,6 fois plus, en 1992.

2. La nécessité d'un redressement

Un plan de redressement a été adopté an 1994, qui s'est accompagné de la mise en uvre d'un plan social en 1995. En 1996, M. Jean-Pierre PEINOIT, nouveau président du conseil d'administration, a fait adopter de nouvelles orientations stratégiques. Mais ces mesures n'ont pas permis de redresser significativement la situation.

En 1995 , l'amélioration de la gestion avait permis une baisse des charges de 20 % par rapport à 1994, qui résultait pour la moitié d'économies " volontaires " : renégociation des contrats d'abonnement et de production télévisée, affranchissement, téléphone, compression de nombreux autres postes, réduction des charges de personnel. Les fonctionnaires en détachement à l'INC avaient été réintégrés dans leurs administrations.

L'Etat a accompagné l'organisme dans son effort de restructuration, puisque la subvention initiale pour 1995 de 33,5 millions de francs a été versée en une seule fois en début d'année et que 10 millions de francs ont été ajoutés à cette somme, à titre de subvention exceptionnelle . Ce concours financier a évité que l'établissement ne se trouve en cessation de paiement.

La perte pour 1995 s'est toutefois élevée à 7,5 millions de francs , à comparer à des fonds propres de 7,3 millions de francs.

En 1996 , le chiffre d'affaires net de l'organisme s'est redressé (+ 9,3 %) et la baisse des charges (- 15,2 %) a continué, ce qui a permis de dégager un faible excédent de 611.275 francs .

Mais le redressement des ventes de la revue constaté en 1996 était essentiellement dû aux numéros thématiques (hors série, + 11 % de ventes en 1996, numéros pratiques + 8 %), les ventes du mensuel étant quant à elles en régression (- 4 % par rapport à 1995), avec un vieillissement très net du parc d'abonnés, qui se renouvelle peu.

1997 a montré la fragilité du redressement de 1996 puisque les ventes ont recommencé à baisser et que les recettes tirées des produits de presse sont en régression par rapport aux prévisions budgétaires. Cette situation a d'ailleurs justifié une enquête de la Cour des comptes sur la santé financière de cet organisme.

L'exercice 1997 sera certainement déficitaire, d'environ 4 millions de francs, ce qui devrait amener la tutelle à consentir une contribution exceptionnelle pour passer ce cap difficile.

Les prévisions pour l'exercice 1998 sont encore plus pessimistes. Certains font état d'un déficit prévisible de l'ordre de 7 millions de francs.

Votre commission juge cette situation extrêmement préoccupante. Elle engage vivement le Gouvernement à mener à terme enfin l'indispensable réforme de l'établissement et à prendre les mesures qui s'imposent pour le tirer de l'impasse actuelle.

Elle estime que les missions et les financements de l'INC doivent être clairement redéfinis. La signature d'un contrat d'objectif avec l'Etat pourrait être envisagée.

Il apparaît nécessaire en outre d'apaiser le climat interne, parfois tendu, de l'établissement. Une plus grande visibilité pour l'avenir et une meilleure sécurité dans le financement contribueraient certainement à atteindre cet objectif .

II. LE SURENDETTEMENT CROISSANT DES MÉNAGES LES PLUS FRAGILES

Votre commission soulignait déjà, l'année passée 1( * ) , l'aggravation préoccupante du problème du surendettement des ménages et surtout son changement de nature, avec une précarisation très nette des publics concernés, qui " plongent " dans le surendettement à la suite d'une perte de revenu ou d'un divorce et non d'achats inconsidérés. Il s'agit bien souvent d'une incapacité durable à faire face aux dépenses de la vie courante.

Votre Haute Assemblée est restée attentive à la dramatique amplification d'un phénomène révélateur des difficultés croissantes de certains de nos concitoyens. Elle a contribué à enrichir le débat public par la constitution d'un groupe de travail sur ce thème, qui a récemment remis ses conclusions 2( * ) et formulé de nombreuses et intéressantes propositions, au moment où le Gouvernement propose de réformer le dispositif du traitement du surendettement.

Un groupe de travail sur ce sujet a, par ailleurs, été mis en place en septembre dernier au Conseil national de la consommation.

A. L'AUGMENTATION DU NOMBRE DE CAS DE SURENDETTEMENT " PASSIF "

Une forte croissance du nombre de dossiers déposés

On observe une croissance très forte ces dernières années du nombre de dossiers déposés devant les commissions de surendettement, comme le montre le tableau suivant :

NOMBRE DE DÉPÔTS ANNUELS DE DOSSIERS DE SURENDETTEMENT

1990*

1991

1992

1993

1994

1995

1996

90 174

68 075

68 830

68 863

68 608

70 112

93 942

* Entrée en application de la loi Neiertz

Des profils multiples

Le centre de recherche sur l'épargne (CREP) a effectué, d'octobre 1994 à janvier 1995, une enquête auprès de trois échantillons de " surendettés ", qui a permis de déterminer qu'il s'agissait d'une population plutôt jeune, faisant une grande place aux employés et ouvriers ainsi qu'aux chômeurs, et constituée aux 3/4 par des personnes ayant au moins une personne à charge (familles, personnes mariées ou en instance de divorce). On retrouve souvent des personnes propriétaires d'un logement ainsi que des titulaires de revenus sociaux. Cette étude affirme, en outre, que les situations de surendettement résultent pratiquement toutes du multi-endettement (crédit à la consommation, crédit immobilier...).

Le groupe de travail présidé par nos collègues MM. Jean-Jacques Hyest et Paul Loridant analyse, dans son rapport précité, le processus infernal qui conduit au surendettement : " les ménages confrontés à un problème de surendettement semblent être des personnes déjà fragilisées par leur situation économique. La survenance d'événements extérieurs (chômage, divorce, dégradation de la situation financière, nécessité de changer de véhicule), les pousse à s'endetter davantage et à aggraver ainsi leurs difficultés, alors même que ce recours au découvert bancaire et aux crédits de trésorerie constituait une tentative pour desserrer une contrainte de budget devenue insupportable " .

La montée en puissance du surendettement " passif "

Votre commission avait, l'année passée, décelé un changement de nature du surendettement. Cette analyse a été confirmée depuis par plusieurs rapports. 3( * )

Ainsi le rapport de l'ODAS 4( * ) précité souligne-t-il que, dans le département de la Savoie, un de ceux que cet organisme a particulièrement étudiés, on a pu assister à partir de 1993 à une très nette montée en puissance du surendettement passif. Le nombre de cas d'excès d'endettement à ressources inchangées (surendettement actif), a diminué proportionnellement pour n'atteindre plus qu' 1  cas sur 6 en 1995.

Toutefois, le rapport précité du groupe de travail du Sénat sur le surendettement indique que la réalité est plus contrastée et que les deux composantes sont bien souvent mêlées.

Votre commission juge quant à elle fort préoccupante la croissance du nombre de dossiers de surendettement " passif ", qui révèle la fragilité de certains de nos concitoyens face au chômage et aux accidents de la vie (divorce, maladie...). On rencontre en effet une proportion croissante de situations désespérées caractérisées par l'absence totale de capacité de remboursement.

B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE HAUTE ASSEMBLÉE POUR RÉFORMER LE DISPOSITIF ACTUEL DE TRAITEMENT DE SURENDETTEMENT

Prenant acte des limites du dispositif actuel de lutte contre le surendettement, jugé par ailleurs globalement satisfaisant, le groupe de travail précité de notre Haute Assemblée a formulé de nombreuses propositions pour mieux faire face à ce grave problème, comme cela est résumé dans l'encadré ci-dessous :

LES PROPOSITIONS DU RAPPORT HYEST-LORIDANT : " LE SURENDETTEMENT, PRÉVENIR ET GUÉRIR "

I. Les propositions ponctuelles :

1. Mettre en place des outils statistiques permettant une analyse quantitative et qualitative périodique de l'évolution du phénomène du surendettement :

2. Mettre à la disposition des commissions de surendettement, d'une part les instruments permettant d'optimiser la gestion des dossiers et d'harmoniser les méthodes de travail, d'autre part les outils d'évaluation de nature à faciliter l'élaboration des plans amiables et des mesures recommandées (systèmes experts, méthodes de " score " comparables à celles utilisées par les organismes de crédit) ;

3. Inscrire le débiteur surendetté au fichier des incidents de paiement (FICP) dès le dépôt du dossier au secrétariat de la succursale de la Banque de France ;

4. Interdire à un débiteur qui a déjà saisi la commission de surendettement mais qui a refusé le plan proposé de pouvoir redéposer un dossier, sauf changement significatif de sa situation ;

5. Prévoir la présence d'un travailleur social siégeant aux réunions de la commission de surendettement avec voix consultative ;

6. Harmoniser la procédure de traitement du surendettement et la procédure de saisie immobilière en clarifiant les compétences respectives du juge de l'exécution et du juge de la saisie immobilière en matière de suspension des procédures d'exécution : ouvrir à la commission de surendettement la faculté de demander la remise de l'adjudication pour causes graves et dûment justifiées ;

7. Préciser le libellé de l'article L.331-5 du code de la consommation afin qu'en cas d'échec de la procédure amiable, la suspsension des poursuites soit prolongée dès que le débiteur demande à la commission de surendettement de faire des recommandations, et non à partir du moment où ces recommandations sont effectivement prescrites ;

8. Modifier le libellé de l'article L.331-7 du code de la consommation afin, en cas de vente forcée ou amiable du logement principal du débiteur surendetté, de proroger la possibilité offerte à la commission de surendettement de recommander la réduction du montant de la fraction des prêts immobiliers restant due après la vente jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de l'exercice de leurs droits par les organismes de crédit ;

9. Introduire dans le code de la consommation une disposition prévoyant que les gérants dont la société a été mise en liquidation judiciaire (alors que celle-ci n'est pas clôturée) ne peuvent prétendre au bénéfice de la procédure sur le surendettement des ménages tant que la première instruction n'est pas terminée.

10. Afin d'éviter que la caution ne soit tenue plus sévèrement que le débiteur principal, introduire dans le code de la consommation un article disposant que la caution puisse se prévaloir des mesures consenties par le créancier dans le plan conventionnel de règlement .

11. Imposer que les mentions légales obligatoires devant figurer dans l'offre de crédit à la consommation soient également inscrites dans les documents publicitaires et, dans chaque cas, soient bien mises en évidence.

II - Les orientations préconisées par le groupe de travail

1. Enrichir la liste des mentions figurant au FICP pour généraliser le recensement des impayés au-delà des seuls incidents de paiement constatés par les organismes de crédit ;

2. Afin d'éviter un engorgement des commissions de surendettement risquant de compromettre leur efficacité reconnue par l'ensemble des acteurs, compléter le dispositif en vigueur en prévoyant une procédure spécifique applicable aux cas les plus désespérés ;

3. Développer une coopération plus étroite entre les secrétariats des commissions de surendettement et l'ensemble des acteurs sociaux dans la phase d'instruction des dossiers de surendettement ;

4. Instaurer un mécanisme contractuel de suivi de la mise en oeuvre des plans confié à un conseiller en économie sociale et familiale ;

5. Développer des campagnes de sensibilisation sur le coût des crédits à la consommation associant les services sociaux et les associations de consommateurs et lancer des campagnes nationales d'information sur les droits des consommateurs et les réglementations en vigueur concernant le crédit ;

6. Encourager une réflexion au sein de la profession bancaire sur l'adoption de règles déontologiques applicables à l'octroi du crédit ;

7. Étendre la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaire des entreprises aux professions libérales.

III - Les mesures tendant à sécuriser l'accession à la propriété

1. Encourager la souscription, par les emprunteurs accédants, de la garantie perte d'emploi en recourant à la technique de la pollicitation, qui consiste à diffuser simultanément plusieurs garanties se rapportant au même objet (ex : proposer systématiquement la garantie perte d'emploi en même temps que les garanties décès-invalidité qui ont déjà un taux de diffusion élevée) ;

2. Supprimer la distorsion entre le neuf et l'ancien en étendant le prêt zéro aux achats de logements anciens, en réduisant les taux des droits de mutation à titre onéreux et en tenant plus compte du caractère neuf ou non du logement dans l'octroi des aides personnelles ;

3. Mettre en place un système de sécurisation du prêt à taux zéro, financé par l'Etat, et qui pourrait s'appuyer sur les entreprises d'assurance et les organismes d'HLM ;

4. Engager une réflexion sur le remboursement anticipé des emprunts immobiliers, de façon à ne pas pénaliser les ménages contraints par les difficultés de la vie à effectuer un remboursement anticipé ;

5. Renforcer la couverture du territoire national par les ADIL en créant les 58 agences manquantes (une agence par département).

Rappelons en outre qu'une proposition de loi renforçant la protection des personnes surendettées en cas de saisie immobilière est en cours d'examen au Parlement (en instance en 2ème lecture au Sénat).

Ce texte, rapporté par notre collège M. Jean-Jacques Hyest, traduit le souci d'assurer la vente à un meilleur prix du logement principal du débiteur surendetté.

A titre strictement personnel, votre rapporteur souhaite que le débat sur la réforme annoncée du traitement du surendettement permette d'avancer dans le sens de l'effacement de la dette du débiteur face à ses créanciers, sous certaines conditions, comme cela peut être le cas pour les entreprises. Cette mesure contribuerait à redonner aux plus démunis de nos concitoyens de meilleures perspectives d'avenir ; sans cette " issue de secours ", leur situation ne pourrait être réglée dans des délais raisonnables.

A ce sujet, on peut noter que les associations de consommateurs et les différents acteurs ont des avis différents. Le débat existe sur le bien-fondé de l'extension du système de " faillite civile " existant en Alsace-Moselle, qui permet aux personnes placées en situation d'insolvabilité notoire de bénéficier des procédures collectives de redressement et de liquidation judiciaire des entreprises. Votre rapporteur, pour sa part, partage les réserves du groupe de travail sur le surendettement animé par nos collèges MM. Jean-Jacques Hyest et Paul Loridant sur l'application de ce système au reste de notre pays.

III. L'APPARITION DE CIRCUITS DE CONSOMMATION DESTINÉS AUX PLUS DÉMUNIS

L'ouverture le 9 novembre 1996 à Bobigny d'un magasin " Crazy George's " a mis en lumière une tendance de notre économie à mettre en place des magasins spécifiquement destinés aux plus démunis. Rapprochant ce phénomène du succès des enseignes de " maxi discompte ", certains commentateurs y ont vu l'émergence d'une " économie de la misère ".

Votre Commission ne souhaite pas vilipender telle ou telle enseigne, surtout lorsque le système mis en place répond à un besoin et permet d'éviter tout risque de surendettement, ce qui est le cas de la location avec option d'achat. Néanmoins, elle estime que le développement de ces pratiques résulte de l'échec de notre société face à la pauvreté, ce qui est inacceptable.

En outre, les conditions d'exercice de ces activités -et notamment les prix pratiqués- ne sont pas toujours à l'abri de la critique.

Rappelons que le magasin " Crazy George's ", par exemple, permet l'accès à la propriété de biens de consommation durables à des personnes aux faibles revenus qui ne peuvent souvent bénéficier des réseaux traditionnels d'achat, au moyen d'un système de location avec option d'achat, mais pour un coût total égal au double du prix de l'achat comptant.

En effet, le régime juridique de la location avec option d'achat n'impose pas -contrairement à celui du crédit à la consommation- de plafonnement du coût total pour le consommateur.

Les principales caractéristiques de ce nouveau système sont détaillées ci-dessous :

Une formule anglo-saxonne

Les magasins de location avec option d'achat récemment ouverts en France par le groupe américain Thorn sont la réplique de formules mises en oeuvre au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. On y trouve des biens électroménagers, " hifi ", et d'ameublement. Le consommateur peut y acheter ces biens soit au comptant, (ce qui représente une part infime des ventes), soit en location avec option d'achat, c'est-à-dire par le versement réguliers de loyers pour un bien dont le client dispose immédiatement, mais dont la propriété ne lui sera transférée qu'à l'issue d'une période de trois années.

La location avec option d'achat n'est en effet pas un crédit à la consommation, mais bien un contrat de location, au terme duquel la propriété du bien est transférée au locataire. Elle est utilisée à 80 % pour le financement de véhicules automobiles.

S'il s'inscrit dans un cadre juridique relativement ancien celui de la location avec option d'achat apparue dès les années 60, ce nouveau type de magasins présente à bien des égards des spécificités.

Une clientèle défavorisée

Les personnes visées sont celles qui ne peuvent avoir accès à de tels biens par les voies plus classiques que sont l'achat au comptant (car elles n'ont pas les liquidités suffisantes) et l'achat à crédit (nombre d'entre elles n'ont pas accès au crédit). Il s'agit donc d'une clientèle à bas revenus . En effet, il n'est exigé ni versement initial, ni dépôt de garantie et le contrat se caractérise par la modicité des loyers mensuels (même si le coût total reste très élevé).

Les défavorisés constituent le " coeur de cible " de telles enseignes, qu'il s'agisse des personnes titulaires de salaires peu élevés ou de bénéficiaires de prestations sociales. D'ailleurs, d'après un récent sondage 5( * ) , un tiers environ de la clientèle de Crazy George 's ne dispose même pas d'un salaire par foyer.

Pour la conclusion d'un contrat, il est requis :

- une pièce d'identité ;

- une facture d'EDF ou de France Télécom ;

- un justificatif de domicile (quittance de loyer) ;

- un justificatif de revenu. Les revenus " sociaux ", comme les indemnisations de l'ASSEDIC, par exemple, sont acceptés comme justificatifs de revenus ;

- les noms, adresses et numéro de téléphone de cinq personnes adultes dont deux membres de sa famille, qui sont systématiquement contactées afin de vérifier l'exactitude des informations fournies.

L'entreprise vérifie en outre auprès de la Banque de France que les candidats ne sont pas en situation de surendettement.

En outre, ce type de magasins instaure une relation si proche avec sa clientèle -qui par ailleurs est particulièrement fragile- qu'on serait tenté de qualifier cette dernière de " captive ". En effet, pour pouvoir conclure un contrat de location avec option d'achat, il faut habiter dans un rayon de cinq kilomètres autour du lieu d'implantation du magasin , ce qui est une caractéristique propre à ce type d'établissement.

De plus, les services offerts à la clientèle sont réalisés par les vendeurs du magasin, de l'installation et de la mise en service de l'appareil au domicile de l'acheteur, au service après-vente pendant les trois ans de durée du contrat. Le versement des loyers a lieu au magasin , chaque semaine ou chaque mois. Les vendeurs connaissent donc la situation personnelle de leurs clients.

Ces méthodes commerciales -tout à fait légales- ne rendent-elles pas illusoire la " liberté " conférée par la location avec option d'achat, qui permet de résilier à tout moment le contrat, sans frais ni pénalités ?

A. UN PROBLÈME MORAL

Le développement de ce que certains ont appelé " L'économie de la misère " pose plusieurs problèmes d'ordre moral.

1. La nécessaire information du consommateur

En vertu de la loi, le consommateur doit être pleinement informé des conditions, notamment tarifaires, pratiquées par de telles enseignes. Ce principe doit être d'autant plus fermement appliqué qu'il s'adresse aux plus pauvres de nos concitoyens.

Pour ce qui est du magasin Crazy George's de Bobigny, la DGCCRF a pu constater qu'il ne satisfaisait pas, à son ouverture, aux exigences du code de la consommation relatives à l'information du consommateur. Il était notamment reproché au magasin de ne pas assez faire apparaître le coût total de l'opération. Ce dernier avait dû fermer quelques jours pour modifier la signalisation de ses produits, désormais conforme aux exigences légales et réglementaires, comme l'ont affirmé aussi bien la DGCCRF que le Conseil national de la consommation, dont l'avis a été sollicité sur ce point précis.

2. Un coût total deux fois plus élevé qu'un achat au comptant

Contrairement au crédit à la consommation, dont le taux ne peut dépasser, sous peine de sanctions, les taux usuraires définis par la puissance publique, la location avec option d'achat ne voit pas son coût total plafonné.

Dans le cas du magasin précité, le coût final pour l'acheteur atteint plus du double du prix de ce bien acheté au comptant. Par exemple, un téléviseur d'un prix de 2.747 francs, acheté sur trois ans par le versement de loyers hebdomadaires de 39 francs, reviendra au total à 6.084 francs, soit 2,21 fois plus cher !

Cette différence importante de prix suivant le régime d'acquisition utilisé est choquante car on arrive de fait au paradoxe suivant, que votre rapporteur pour avis dénonce avec force : ce sont les plus démunis qui paient le plus cher !

B. LA NÉCESSAIRE POURSUITE D'UN DÉBAT PUBLIC ÉQUILIBRÉ

La Haute Assemblée n'est pas restée insensible au développement de ces nouvelles formes d'achat, qui résultent largement de l'exclusion croissante des démunis. Si le problème de fond reste bien celui de la pauvreté, qui doit être traité en tant que tel, une moralisation de ces nouvelles pratiques commerciales peut toutefois être envisagée.

Deux propositions de loi ont été déposées dans ce but par des membres du Sénat qui, si elles sont différentes dans le dispositif qu'elles proposent, sont semblables dans leur volonté de protéger le consommateur.

Il s'agit de la proposition de loi n° 145 relative à la protection des consommateurs en matière de location avec option d'achat de nos collègues Philippe Marini, Robert Calmejane et Jean-Jacques Robert, ainsi que de la proposition de loi n° 330 tendant à réprimer l'utilisation abusive de la location avec option d'achat et à relancer la consommation populaire, présentée par M. Louis Minetti et nos collègues du groupe communiste, républicain et citoyen.

Notre collègue M. Jean-Jacques Robert a d'ailleurs été nommé rapporteur de ces deux propositions de loi.

Votre commission reste extrêmement attentive à ce problème, tout en étant consciente -en ce qui concerne la location avec option d'achat- de la nécessité de ne pas déstabiliser, par une législation trop brutale, ce secteur, qui permet le financement annuel de 120.000 véhicules automobiles et représente plusieurs milliers d'emplois.

IV. L'ÉVOLUTION DU DROIT DE LA CONSOMMATION

A. LES DIRECTIVES EUROPÉENNES

Le droit européen de la consommation a depuis fort longtemps exercé une emprise forte sur le cadre juridique national de protection du consommateur. Aussi plusieurs directives ont-elles déjà été intégrées au droit français, relatives aux secteurs des cosmétiques et du textile, portant sur la protection des intérêts des consommateurs (crédit à la consommation, clauses abusives) ou sur leur sécurité.

Ce mouvement s'est poursuivi au cours de l'année écoulée, par l'adoption définitive de trois textes qui devront être intégrés en droit français . D'autres projets de textes sont par ailleurs toujours en discussion au niveau communautaire.

1. Trois directives à intégrer dans le droit national avant la fin du siècle

a) La directive sur la publicité comparative appelle une adaptation de la loi du 18 janvier 1992

Au terme de cinq années de discussion, et dans le cadre d'une procédure de codécision du Conseil et du Parlement européen, la directive sur la publicité comparative a été adoptée le 16 septembre dernier 6( * ) .

Cette directive définit, pour tous les pays européens, les conditions d'autorisation de la publicité comparative.

PRINCIPALES DISPOSITIONS DE LA DIRECTIVE SUR LA PUBLICITÉ COMPARATIVE

La directive vise à autoriser la publicité comparative dans les 15 Etats membres.

Ce type de publicité est défini comme une publicité se reportant implicitement ou explicitement à un concurrent ou à des biens et services offerts par un concurrent.

Elle est autorisée à condition :

- de ne pas être trompeuse,

- de prendre en compte des biens et services " objectivement comparables ",

- de n'engendrer aucune confusion sur le marché,

- de ne pas entraîner le discrédit ou le dénigrement d'un concurrent,

- de ne pas porter sur des reproductions ou des invitations de marques ou noms commerciaux protégés.

En outre, elle ne doit porter que sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif, ainsi que sur les caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives.

Lors de la négociation de ce texte, la représentation française a obtenu satisfaction sur plusieurs points. D'abord, afin de préserver l'image de certaines productions françaises, il est acquis que pour les produits bénéficiant d'une appellation d'origine contrôlée, la comparaison n'est autorisée qu'entre produits bénéficiant chacun de la même appellation, comme c'est déjà le cas en droit national (article L. 211-9 du code de la consommation). Ensuite, à la demande des professionnels, la France a obtenu que les règles relatives à la contrefaçon des marques soient reprises dans un considérant (à défaut de pouvoir l'inclure dans le corps même de la directive) qui spécifie qu'aucune comparaison ne peut présenter des produits ou services comme l'imitation ou la reproduction des produits ou services portant sur une marque ou un nom déposé.

La France a enfin obtenu que soit supprimé le considérant prévoyant que les essais comparatifs pouvaient servir de base utilisable pour une publicité comparative, au motif de l'insécurité juridique découlant de l'inexistence d'une définition européenne harmonisée de l'essai comparatif.

L'adoption de ce texte communautaire devrait entraîner dans les années qui viennent (la transposition de la directive doit intervenir dans les 30 mois qui suivent son entrée en vigueur) une modification du cadre législatif français. En effet, la loi du 18 janvier 1992 qui autorise la publicité comparative et définit ses conditions d'exercice est plus restrictive que la directive adoptée.

LA PUBLICITÉ COMPARATIVE EN FRANCE
(LOI DU 18 JANVIER 1992)

Art. L. 121-8 du code de la consommation : La publicité qui met en comparaison des biens ou services en utilisant soit la citation ou la représentation de la marque de fabrique, de commerce ou de service d'autrui, soit la citation ou la représentation de la raison sociale ou de la dénomination sociale, du nom commercial ou de l'enseigne d'autrui n'est autorisée que si elle est loyale, véridique et qu'elle n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur. Elle doit être limitée à une comparaison objective qui ne peut porter que sur des caractéristiques essentielles, significatives, pertinentes et vérifiables de biens ou services de même nature et disponibles sur le marché. Lorsque la comparaison porte sur les prix, elle doit concerner des produits identiques vendus dans les mêmes conditions et indiquer la durée pendant laquelle sont maintenus les prix mentionnés comme siens par l'annonceur. La publicité comparative ne peut pas s'appuyer sur des opinions ou des appréciations individuelles ou collectives.

Les dispositifs français et européens diffèrent surtout sur trois points :

- la comparaison de prix : les dispositions françaises fixent des conditions d'autorisation très strictes de la comparaison des prix (la publicité doit concerner des produits identiques vendus dans les mêmes conditions et indiquer la durée pendant laquelle sont maintenus les prix mentionnés). Dans la directive, le prix est considéré comme une caractéristique comme une autre du bien ou du service ; la comparaison des prix n'est donc pas assortie de conditions particulières ;

- le droit français pose l'obligation pour un annonceur d'informer son concurrent préalablement à un projet de publicité comparative, dans un délai au moins égal à celui exigé pour l'annulation d'un ordre de publicité (article L121-12 du code de la consommation). Cette disposition française a été considérée par la grande majorité des Etats membres comme une contrainte contraire à la liberté commerciale et n'a donc pas été intégrée à la directive européenne. Au demeurant, elle est dépourvue de sanction dans le dispositif français ;

- le champ d'application de la directive est plus large que le droit français : en droit communautaire, peuvent être comparés des biens et services ayant le même objectif et répondant au même besoin ce qui permet des comparaisons très larges, et non seulement des biens de même nature comme c'est le cas en droit français.

Sur ces trois sujets, l'adoption de la directive européenne entraînera sans doute une modification du code de la consommation.

b) La directive sur les contrats à distance

La directive sur les contrats à distance, que la France a largement inspirée, a été adoptée définitivement le 20 mai 1997. Elle devra être transposée par les Etats membres avant le 20 mai 2000.

Ce texte s'applique à toutes les ventes à distance , sauf celles qui concernent les services financiers et les services touristiques avec réservation. Elle sera donc un cadre déterminant, notamment, pour le développement futur du commerce électronique.

Elle comporte plusieurs dispositions protectrices pour l'acheteur :

- une obligation d'information préalable du consommateur et de confirmation écrite de cette information. Ainsi, le consommateur bénéficiera d'une information détaillée concernant : la qualité, le prix des produits et des services, l'identité du fournisseur, la garantie et le service après vente, ainsi que les délais et coûts de livraison ;

- un droit de rétractation . Un délai minimum de 7 jours est accordé au consommateur pour exercer ce droit et être remboursé, le cas échéant, des sommes avancées en paiement, sans aucune pénalité ;

- des droits particuliers et une interdiction :

. un droit d'opposition à toute sollicitation effectuée dans le cadre d'un démarchage par automate d'appel téléphonique ou par fax ;

. un droit de contestation d'un paiement effectué après communication d'un numéro de carte bancaire. Limité à l'utilisation frauduleuse du numéro de carte bancaire, ce droit permet au consommateur d'obtenir la recréditation des sommes prélevées ;

. l'interdiction de fournir, contre demande de paiement, un bien ou un service à un consommateur sans commande préalable de celui-ci ;

. un droit d'accès aux tribunaux nationaux pour les associations de consommateurs , qui se double d'un droit de saisine des juridictions administratives.

Le Gouvernement envisagerait 7( * ) de transposer cette directive dans le code de la consommation dès 1998.

c) La directive sur les virements transfrontaliers

Cette directive a été définitivement adoptée le 27 janvier 1997 et devra être transposée avant le 14 août 1999. Elle a pour objet de permettre aux particuliers et aux PME d'effectuer des virements rapides, fiables et peu coûteux dans la Communauté européenne.

Elle prévoit :

- le délai de virement qui, en l'absence d'un engagement contractuel de la banque du donneur d'ordre est fixé à 5 jours pour l'établissement du donneur d'ordre et un jour pour l'établissement du bénéficiaire ;

- l'interdiction du double prélèvement ;

- le remboursement des virements non aboutis au donneur d'ordre, majorés d'intérêts et des frais prélevés ;

- les conditions de transparence de l'opération (recours, délais, coûts).

En cas de non respect de ces obligations, de délai notamment, des intérêts seront dus par la banque.

La directive s'applique aux virements inférieurs à 50.000 écus (environ 335.000 francs), sauf pour le remboursement direct des virements non aboutis, limité à 12.500 écus (environ 83.750 francs).

2. D'autres textes sont en préparation

La directive sur l'indication du prix et du prix à l'unité de mesure

Cette proposition de directive a fait l'objet d'une position commune du Conseil le 27 septembre 1996. Elle est actuellement dans le champ de la codécision entre le Conseil et le Parlement.

Elle prévoit l'indication du prix et du prix à l'unité de mesure (choisie comme étant le kilogramme, le litre, le mètre carré ou le mètre cube ou un multiple, ou une autre unité de mesure dès lors qu'elle relève d'un usage commercial national) pour tous les produits offerts au consommateur. Cette obligation qui existe déjà en France devrait donc être étendue à l'ensemble des pays européens afin d'accroître la qualité de l'information fournie au consommateur.

La possibilité d'exonérer certains petits commerces de cette obligation est prévue par la directive, à condition que l'exemption résulte de critères tels que le nombre de produits offerts, la surface et la disposition des lieux de vente, la forme de la vente (kiosque, commerce ambulant).

La directive sur l'action en cessation

Cette proposition de directive a fait l'objet d'un accord politique du Conseil européen le 10 avril 1997 et devra être inscrite en position commune d'un prochain Conseil. Elle a fait l'objet d'une résolution de l'Assemblée nationale du 5 avril dernier.

Elle vise à permettre l'action en cessation des pratiques commerciales portant atteinte aux intérêts collectifs des consommateurs et illicites au regard du droit communautaire et des dispositions nationales allant au delà de ce droit.

Elle prévoit que cette action en cessation peut être exercée dans le cas d'infractions produisant leurs effets dans d'autres Etats membres. Cette action aura pour effet de faire cesser l'infraction, d'obtenir le cas échéant des mesures telles que la publication de la décision et le paiement d'astreintes.

Ce texte pose le principe de reconnaissance mutuelle des entités qualifiées pour exercer cette action, qui devront figurer sur une liste établie au plan national par chaque Etat membre, communiquée à la Commission et publiée au Journal Officiel de la Communauté européenne.

La directive sur le crédit à la consommation (Taux annuel effectif global)

Cette proposition de directive a fait l'objet d'une position commune du Conseil le 10 avril 1997. La procédure de co-décision débutera donc prochainement.

Elle vise à harmoniser les réglementations européennes en imposant une formule de calcul uniforme du taux annuel effectif global (TAEG), pour tous les Etats membres.

La France a demandé une harmonisation européenne de l'assiette du taux annuel effectif global. Elle a obtenu satisfaction, puisque, lors du Conseil " Consommation " du 10 avril 1997, à l'appui d'un considérant, qui engage la Commission à étudier sans délai la nécessité d'harmoniser davantage les composantes du coût du crédit à la consommation pour permettre au consommateur européen de mieux comparer les TAEG proposés par les établissements des différents Etats membres, une déclaration de la Commission et du Conseil prévoit de réunir un groupe d'experts le plus rapidement possible.

Une autre directive est en préparation sur la vente et les garanties des biens de consommation 8( * ) .

En outre, la commission a fixé, pour fin 1997 et 1998, un programme de travail incluant :

- une directive instaurant un mécanisme de transparence pour les services de la société de l'information ;

- une directive sur la vente à distance des services financiers.

Par ailleurs , la France a proposé une directive sur les articles de puériculture, déjà réglementés sévèrement dans notre pays afin que la circulation de ces produits dans l'Union européenne permette d'atteindre partout un tel niveau de sécurité.

B. LES DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS DU DROIT FRANÇAIS DE LA CONSOMMATION

La préoccupation que le rapport pour avis de votre commission exprimait l'année dernière de voir mieux garantir la qualité et la sécurité des produits alimentaires est en partie apaisée par l'adoption en cours des dispositions, enrichies par les propositions de notre collègue M. Gérard César, de la proposition de loi relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme , présentée par nos collègues MM. Charles Descours et Claude Huriet, adoptée au Sénat en première lecture le 25 septembre dernier.

Enfin, votre commission se félicite de la parution -tardive, il est vrai, quatre ans après la codification de la partie législative- de la partie réglementaire du code de la consommation , au Journal Officiel du 3 avril 1997, qui entraînera une plus grande facilité d'accès à ce droit, non seulement pour les spécialistes, mais aussi pour l'ensemble de nos concitoyens, qui seront ainsi mieux à même de faire valoir leurs droits.

S'il est en effet un droit qui se doit d'être accessible, c'est bien celui de la consommation, conçu pour protéger, guider et éclairer les consommateurs dans leurs actes économiques les plus courants.

CHAPITRE III -

LA POLITIQUE DE LA CONCURRENCE

En vertu notamment des articles 85 et suivants du Traité de Rome, la commission européenne dispose de pouvoirs importants en matière de contrôle des pratiques concurrentielles, des concentrations et des aides d'Etat.

I. LA POLITIQUE EUROPÉENNE DE LA CONCURRENCE

A. LA RÉVISION DU RÈGLEMENT EUROPÉEN SUR LE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS

Comme le rapport pour avis de votre commission sur le projet de budget pour 1997 le laissait prévoir, le premier règlement européen relatif au contrôle des concentrations, publié en 1989, a été révisé par un nouveau règlement publié au Journal officiel de la Communauté européenne le 9 juillet dernier.

En effet, en six ans de pratique du contrôle communautaire des concentrations, le règlement de 1989 a montré que nombre d'opérations, ayant pourtant des effets transfrontaliers importants entre différents Etats membres de l'Union européenne, n'atteignaient pas les seuils fixés par ledit règlement 9( * ) , et n'étaient donc pas notifiées à la Commission européenne mais, le cas échéant, aux instances nationales en charge du droit de la concurrence. Aussi des saisines nationales multiples pouvaient-elles coexister pour une même opération de concentration.

Le premier considérant du nouveau règlement indique d'ailleurs que " des concentrations ayant un impact significatif dans plusieurs Etats membres qui n'atteignent pas les seuils visés au règlement (...) du 21 décembre 1989 (...) peuvent remplir les conditions d'examen (...) des systèmes nationaux de contrôle des concentrations (...). La notification multiple d'une même transaction augmente l'insécurité juridique, les efforts et les coûts pour les entreprises et peut conduire à des appréciations contradictoires " d'une même opération de concentration.

Face à cette situation, la commission européenne a lancé une consultation publique : la publication d'un " Livre vert " sur ce sujet a permis de recueillir les réactions des professionnels et des Etats membres.

Une proposition de nouveau règlement a été transmise par la commission au Conseil, au Parlement européen et au Conseil économique et social en septembre 1996. Le texte a été définitivement adopté en juillet 1997. Le principal changement est un élargissement des critères retenus pour la mise en oeuvre d'un contrôle européen des concentrations .

NOUVEAU RÈGLEMENT SUR LES CONCENTRATIONS :
PRINCIPALES DISPOSITIONS

Les principaux changements quant au fait générateur de la mise en oeuvre d'un contrôle communautaire des concentrations sont les suivants :

Pour les établissements de crédits et les établissements financiers, le produit bancaire a été retenu pour calculer le chiffre d'affaires, contre une proportion des actifs dans le calcul antérieur.

De nouvelles conditions de mise en oeuvre d'un contrôle européen sont ajoutées : la commission est compétente quand les niveaux de seuils précédemment définis sont atteints ou quand les conditions suivantes sont cumulativement réunies :

- chiffre d'affaire total mondial de l'ensemble des entreprises concernées supérieur à 2,5 milliards d'écus ;

- chiffre d'affaire des entreprises concernées dans chacun d'au moins trois Etats membres supérieur à 100 millions d'écus ;

- au moins deux des entreprises concernées réalisant un chiffre d'affaire communautaire supérieur à 100 millions d'écus ;

- sauf si chaque entreprise concernée réalise plus des deux tiers de son chiffre d'affaire communautaire dans un seul Etat membre.

Le texte vise donc à accroître le champ du contrôle communautaire par rapport à celui d'un contrôle national, afin de faire bénéficier un plus grand nombre d'opérations de concentrations du système du " guichet unique " communautaire.

La commission européenne souhaitait initialement atteindre cet objectif par un abaissement pur et simple des seuils au-delà desquels le contrôle communautaire est automatique. La représentation française ne partageait pas cette volonté. C'est finalement l'ajout aux seuils initiaux d'un faisceau de critères nouveaux qui a été retenu pour accroître le champ d'examen communautaire.

B. LA POURSUITE DE L'OUVERTURE DES MONOPOLES PUBLICS

Dans son dernier rapport public 10( * ) sur la politique de concurrence, la Commission européenne estime que " la libéralisation des secteurs traditionnellement monopolisés constitue une étape fondamentale pour l'établissement d'un véritable marché intérieur au bénéfice des consommateurs ". Cette citation résume bien l'esprit des mesures qu'elle a prises ces dernières années pour ouvrir à la concurrence les services publics européens.

A titre strictement personnel, votre rapporteur pour avis ne partage pas cette philosophie, qui conduit à une politique de réduction des monopoles portant atteinte, à son sens, aux principes français du service public.

Votre commission s'est, quant à elle, toujours montrée soucieuse d'adopter une démarche équilibrée, qui permette de préparer les opérateurs nationaux à la concurrence.


Comme elle a eu l'occasion de le rappeler, tant dans sa communication du 11 septembre 1996 sur les services d'intérêt général en Europe, que par la voix du commissaire M. Karel Van Miert, lors de son audition par votre commission 11( * ) , la Commission européenne n'estime pas incompatibles le respect du service public et la libéralisation des monopoles nationaux.

C'est ainsi qu'elle a été à l'origine de la libéralisation déjà intervenue des transports aériens, de celle, programmée pour le 1 er janvier 1998, des télécommunications et de celle, en cours, de trois nouveaux secteurs :

L'électricité

La directive du 19 décembre 1996 concernant les règles communes pour le marché de l'électricité prévoit une ouverture progressive, sur 6 ans, de ce marché à la concurrence.

La première étape, qui devra être réalisée d'ici le début de 1999 au plus tard, prévoit que dans chaque Etat membre le marché sera ouvert dans une proportion correspondant à la part de la consommation communautaire représentée par les clients qui consomment plus de 40 gigawatts par heure (par site) en 1997, seuil qui devrait être progressivement abaissé en 6 ans, jusqu'à celui de 9 gigawatts par heure. Des producteurs indépendants pourront donc contracter librement avec les plus gros consommateurs.

Le Sénat a marqué son retrait par rapport à certains aspects de cette libéralisation, notamment par l'adoption de la résolution n° 188 sur la proposition de directive, le 30 juin 1994, qui engageait le Gouvernement à, notamment, " refuser toute forme d'accès des tiers au réseau, tant dans le secteur de l'électricité que dans celui du gaz ".

Le gaz

Votre commission suit avec une attention qui ne s'est pas démentie l'élaboration de la directive concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz. Le Sénat a en effet adopté à ce jour trois résolutions sur la proposition de directive, la dernière 12( * ) , examinée en Commission des Affaires économiques le mardi 14 octobre dernier, ayant formulé notamment, pour la poursuite des négociations, les souhaits suivants :

3ème RÉSOLUTION DU SÉNAT SUR LA DIRECTIVE " GAZ "

Le Sénat,

(...)

- se félicite de la prise en compte des missions de service public et, en particulier, de la sécurité d'approvisionnement dans la proposition de directive ;

(...)

- demande, en outre, au Gouvernement, compte tenu de l'évolution des négociations :

de veiller à ce que l'adoption de la directive conduise à une ouverture maîtrisée et progressive du marché français du gaz à la concurrence et de s'opposer en conséquence aux propositions formulées par la présidence de l'Union européenne à l'article 18 de son projet de compromis ; (...)

d'informer les organes compétents du Sénat de l'évolution des négociations sur ce sujet et, en particulier, des résultats des deux Conseils des ministres de l'énergie qui se dérouleront d'ici à la fin de l'année.

En outre, votre rapporteur pour avis se félicite d'un récent arrêt 13( * ) de la Cour de Justice des Communautés européennes relatif au monopole d'importation et d'exportation du gaz et de l'électricité détenu par GDF et EDF, qui n'a pas jugé que ce dernier entraînait, contrairement à ce que soutenait la Commission, de répercussions négatives sur les échanges communautaires.

Votre commission soutient le Gouvernement dans la politique de fermeté, manifestée le 27 octobre dernier au Conseil européen de Luxembourg, face à certains pays plus libéraux qui souhaitent ouvrir davantage à la concurrence le marché du gaz.

Votre Commission, consciente des nombreux enjeux qui s'attachent à la politique énergétique de la France, a d'ailleurs adopté, lors de sa réunion du 5 novembre dernier, la proposition de résolution de MM . Blin, de Raincourt, de Rohan, Valade et Revol, tendant à créer une commission d'enquête afin de recueillir des éléments relatifs aux conditions d'élaboration de la politique énergétique de la France et aux conséquences économiques, sociales et financières des choix effectués.

Les services postaux

La Commission européenne a publié un livre vert postal en 1992. Le 13 juin 1995, elle présentait une proposition de directive visant à libéraliser partiellement les services postaux et à réduire le champ du monopole à certains services dits " réservés ".

Ce texte est actuellement en cours d'adoption : l'accord du Conseil extraordinaire de l'Union européenne du 18 décembre 1996, dit " compromis de Dublin " a fait l'objet d'une position commune du Conseil le 29 avril dernier. Le Parlement européen a adopté ce texte en seconde lecture le 16 septembre. La directive pourrait donc être adoptée définitivement d'ici la fin de l'année, après l'accord du Conseil des ministres. Si l'adoption de la directive intervient fin 1997, la transposition en droit national devra être achevée à la fin de l'année 1998.

La proposition de directive avait, à l'origine, une orientation très libérale et c'est grâce à l'accord franco-allemand de Dublin de décembre 1996 que la position commune adoptée par le Conseil est revenue à des principes plus conformes à l'intérêt de notre opérateur national ; ainsi la libéralisation immédiate et automatique du publipostage et du courrier transfrontalier a-t-elle été pu être évitée de justesse.

Le récent rapport d'information de notre collègue Gérard Larcher sur l'avenir de La Poste 14( * ) a remarquablement détaillé les enjeux qui s'attachent à l'adoption de cette directive ainsi que les différentes étapes de la négociation.

Rappelons que la directive organise une ouverture progressive du marché postal européen autour des principes suivants :

- la directive garantit l'existence d'un service universel commun à tous les pays de l'Union européenne , fondé sur la qualité et l'accessibilité du service (points de contacts, nombre de jours de distribution, tarifs abordables) ainsi que sur une garantie d'offre de produits minimale (lettres jusqu'à 2 kilos, colis jusqu'à 10 kilogrammes, envois recommandés) ;

- la directive retient l'existence des services réservés à l'opérateur en charge du service universel pour compenser les charges qui en résultent et garantir son équilibre financier et sa pérennité. Ces services réservés délimitent le périmètre maximal du monopole de l'opérateur postal en charge du service universel. La concurrence s'exercera sur les autres services postaux .

Les principales modifications par rapport à la situation actuelle sont résumées dans le tableau suivant :

DROIT FRANÇAIS ACTUEL

DIRECTIVE

Monopole, services " réservables "

Lettres quel que soit leurs poids, non express

Envois de correspondance d'un poids inférieur à 350 grammes et d'un prix inférieur à 5 fois le tarif de base, y compris le publipostage et le courrier transfrontalier

Concurrence

Autres prestations

Autres prestations

Mais le cadre réglementaire européen fixé par la directive en cours d'adoption est susceptible d'évoluer à l'avenir et il est à craindre que la perspective d'une plus large libéralisation, qui a pu être écartée jusqu'à présent, ne devienne dans les cinq ans à venir une réalité.

La France a obtenu que le Parlement européen participe aux éventuelles phases futures de libéralisation accrue du marché postal. Toute décision sur une éventuelle poursuite de la libéralisation devra entrer donc dans le cadre de ce processus de révision et faire l'objet d'une nouvelle décision du Conseil et du Parlement avant le 31 décembre 2000, une nouvelle étape de libéralisation ne pouvant entrer en vigueur avant le 1er janvier 2003.

D'ici 5 ans, la libéralisation pourrait donc se poursuivre. Aussi votre commission engage-t-elle vivement le Gouvernement à préparer au mieux La Poste à ce choc concurrentiel à venir. La négociation actuelle du futur contrat de plan doit, en particulier, permettre de mieux résoudre les problèmes du financement des retraites des postiers et de la juste compensation de son rôle social et d'aménagement du territoire.

II. BREF BILAN DE LA POLITIQUE FRANÇAISE DE LA CONCURRENCE

Le dernier rapport annuel 15( * ) de la DGCCRF dresse le bilan suivant de l'action de cette direction :

L'ACTION DE LA DGCRF

La lutte contre les ententes et les abus de position dominante

Les services de la DGCCRF ont établi 309 indices de pratiques anticoncurrentielles, entrepris 242 enquêtes et rédigé 185 rapports, y compris ceux répondant à une demande du Conseil de la concurrence. Le ministre de l'économie a saisi le Conseil à 36 reprises. Comme en 1995, une part importante de ces saisines a concerné des concertations illicites dans le domaine des marchés publics et des cas d'abus de position dominante, y compris ceux dont sont susceptibles de s'être rendues responsables des entreprises détentrices de monopoles légaux.

Le contrôle des concentrations

Comme en 1995, l'activité en matière de fusions et acquisitions a été atypique en France par rapport au contexte international : moins d'opérations que l'année précédente y ont été recensées. Certains secteurs confirment et accélèrent leur réorganisation, comme celui de la communication, de la distribution et des services ; d'autres, comme l'industrie manufacturière, à l'exception du secteur de l'agro-alimentaire, connaissent en revanche un ralentissement.

Une tendance se confirme : la volonté de ne pas imposer des formalités et des délais inutiles aux entreprises, en donnant immédiatement un accord à une opération lorsqu'une instruction administrative approfondie permet de conclure que celle-ci ne porte pas atteinte au fonctionnement concurrentiel des marchés. En conséquence, le nombre des saisines du Conseil de la concurrence est demeuré stable : six en 1996, comme en 1995.

Les pratiques restrictives de concurrence

La moralisation des pratiques commerciales s'est poursuivie en 1996 devant les juridictions civiles et commerciales et a donné lieu à des condamnations exemplaires, notamment l'affaire Inter Marchandises France (Tribunal de commerce de Paris - Jugement du 25 novembre 1996) ; l'affaire Cora (Tribunal de grande instance de Colma - Jugement du 5 février 1997) ; l'affaire Auchan-Soviba (Tribunal de commerce de Versailles - Jugement du 7 mars 1997)...

Le suivi des marchés publics

Les directions départementales de la DGCCRF jouent, en la matière, un rôle essentiel : participation aux commissions d'ouverture des plis et aux commissions d'appel d'offres, rôle de conseil aux préfets pour l'exercice du contrôle de la légalité des marchés et des délégations, contribution à la détection des indices de favoritisme (une centaine de marchés ont été examinés sous cet angle en 1996), détection des ententes (10 saisines du Conseil de la concurrence par le ministre pour des pratiques anticoncurrentielles dans les marchés publics).

La lutte contre les contrefaçons

En 1996, l'activité de la DGCCRF en matière de contrefaçon a augmenté de 18 % (1.430 enquêtes). Comme en 1995, on peut évaluer à 300.000 environ le nombre de produits de contrefaçon retirés du marché français.

264 procès-verbaux ont été dressés. L'essentiel des affaires de contrefaçon concerne toujours les secteurs de l'habillement et des chaussures (près de 35 % des dossiers), ainsi que la parfumerie (25 % des dossiers), la maroquinerie représente 7 % des affaires, contre 3 % en 1995.

Source : rapport annuel de la DGCCRF

Votre rapporteur pour avis sur le budget de 1997, M. Louis Minetti, évoquait l'année dernière la perspective d'une réforme du code des marchés publics , programmée par l'ancien ministre M. Yves Galland.

L'actuel Premier ministre a d'ailleurs souligné, dans son discours de politique générale toute l'importance qui s'attache à la transparence et à l'efficacité de l'action publique. Lors de son audition devant votre commission le 5 novembre dernier sur les crédits de son ministère, Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux PME, au commerce et à l'artisanat, s'est elle-même déclarée favorable à l'instauration d'un système d' " alottissement " des marchés publics afin de permettre à davantage de PME d'y avoir accès.

*

* *

Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis, qui a toutefois indiqué qu'il voterait, à titre personnel, pour l'adoption de ces crédits, votre commission s'en est remis à la sagesse du Sénat pour ce qui concerne l'adoption des crédits consacrés à la concurrence et la consommation dans le projet de loi de finances pour 1998.

EXAMEN PAR LA COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue sous la présidence de M. Jean Huchon, vice-président, la commission a examiné le rapport pour avis de Mme Odette Terrade sur les crédits consacrés à la consommation et à la concurrence dans le projet de loi de finances pour 1998.

Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis, a indiqué que les crédits consacrés à la concurrence et à la consommation s'élevaient à 981,7 millions de francs, en stagnation (- 0,14 %) par rapport à 1997, après une baisse de 1,7 % entre 1996 et 1997.

Elle a précisé que les dépenses ordinaires, qui représentaient la quasi-totalité, soit 99 %, de l'ensemble, augmentaient faiblement, de 0,4 %. Ces dépenses recouvraient, a-t-elle indiqué, les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ceux des services déconcentrés de cette administration, ainsi que les subventions accordées à 19 associations de consommateurs et à l'institut national de la consommation (INC).

Elle a indiqué que 10 emplois étaient supprimés à la DGCCRF, contre 31 dans la loi de finances pour 1997, mais que cette baisse était en partie compensée par une requalification, puisque 9 emplois de catégorie A remplaçaient 19 emplois de catégorie B et C.

Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis, a précisé que les dépenses en capital diminuaient, quant à elles, de 35 % environ en crédits de paiement, du fait de l'achèvement des programmes de réfection des laboratoires et du regroupement des services de la DGCCRF.

Elle a jugé que ce budget 1998 était marqué du souci de préserver les moyens de la consommation, qui avait fortement pâti ces dernières années d'une politique budgétaire restrictive.

Elle a fait valoir qu'il était mis fin au désengagement de l'Etat, après cinq années de réduction des moyens des associations de consommateurs, qui avaient vu, entre 1996 et 1997, leurs subventions baisser de 28 %. Depuis 1992, a-t-elle précisé, cette baisse avait atteint 43 %.

Soulignant que le projet de loi de finances pour 1998 proposait une stabilisation des moyens accordés aux associations, à 40 millions de francs, Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis, a rappelé le rôle fondamental de ces associations, qui disposaient de 4.000 permanences locales à travers tout le pays, tenaient 500.000 heures de permanence par an, effectuaient plus de 150.000 heures de représentation dans plus de 100 organismes et étaient saisies de plus d'un million de litiges par an. Elle a considéré que L'Etat ne pouvait pas, tout en donnant moins de moyens, continuer à demander toujours plus aux associations, surtout en ce qui concernait leur présence dans des instances aussi importantes que la commission de la sécurité des consommateurs, la commission des clauses abusives, les organismes de certification, les commissions de surendettement, les commissions d'équipement commercial et de nombreux autres organismes où leur présence était requise.

Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis, a souligné que la dotation de l'État à l'institut national de la consommation était également stabilisée, à 25 millions de francs, ce qui témoignait de la volonté de mettre fin à l'hémorragie des crédits consacrés à cet établissement public, en diminution de moitié depuis 1992, contribuant ainsi à aggraver la crise financière aiguë de cet organisme, confronté à la baisse des ressources attribuées par l'État en même temps qu'à une chute des recettes tirées de la vente de ses publications, parmi lesquelles la revue " 60 millions de consommateurs ".

Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis, a indiqué qu'elle avait rencontré la ministre en charge de la consommation, Mme Marylise Lebranchu, ainsi que le directeur et le président du conseil d'administration de l'INC et que ces contacts avaient fait apparaître l'urgente nécessité de redéfinir au plus vite les missions de l'établissement, qui était aujourd'hui à la fois un centre d'essais comparatifs, un organe de presse, un soutien technique aux associations de consommateurs et qui se trouvait confronté à une forte montée de la concurrence pour ses activités de presse et de centre d'essai. Une réflexion d'ensemble s'imposait, à son sens, car les différents plans de redressement des années passées n'avaient pas empêché la situation financière de cet organisme de s'aggraver. Le rapporteur pour avis a estimé qu'il était impératif de redéfinir les missions de l'INC, par exemple au moyen de la signature d'un contrat d'objectif avec l'Etat et de donner ensuite à cet organisme les moyens de les mener à bien, afin de le tirer de l'impasse actuelle, caractérisée par une une perte de 4 millions de francs en 1997 et de 7 millions prévus pour 1998.

Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis, a ensuite insisté sur deux aspects de la politique de la consommation, révélateurs à son sens d'une montée de la précarité : le surendettement des ménages et l'apparition de circuits de consommation spécifiquement réservés aux plus démunis.

Sur le premier point, elle a indiqué que les études montraient -comme M.  Louis Minetti l'avait déjà souligné dans son rapport pour avis de l'année précédente- un changement de nature et d'échelle du surendettement depuis la mise en place de la loi Neiertz en 1989. Elle a précisé que la vive croissance du nombre de dossiers déposés - 94.000 en 1996, contre 70.000 en 1995 et 68.000 en 1994-  s'accompagnait d'une augmentation plus que proportionnelle du surendettement dit " passif ", c'est-à-dire lié à une incapacité durable à faire face aux dépenses de la vie courante, à la suite d'un licenciement, d'un divorce ou d'une maladie, par opposition au surendettement dit " actif ", lié à des achats inconsidérés.

Le rapporteur pour avis a indiqué que cette fragilité accrue des personnes surendettées entraînait une augmentation du nombre des " cas désespérés ", caractérisés par l'absence totale de capacité de remboursement. Une enquête de la Banque de France portant sur le département du Maine-et-Loire avait montré, a-t-elle souligné, que la proportion de dossiers révélant une capacité nulle de remboursement était passée de 9 % en 1992 à 24 % en 1996. Elle a relevé que certains dossiers faisaient apparaître un endettement principalement non bancaire, lié aux factures d'eau, d'électricité, de téléphone ainsi qu'au loyer.

Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis, a jugé que la réglementation n'apportait pas de réponse à ces situations et qu'une pratique de moratoires successifs se généralisait. Rappelant l'annonce récente par le Gouvernement d'un projet de loi adaptant la loi Neiertz à cette nouvelle donne, le rapporteur pour avis a évoqué la suggestion d'étendre le système de la faillite civile, qui existe en Alsace-Moselle, au reste du pays, mais elle s'est rangée aux propositions du groupe de travail du Sénat sur le surendettement, présidé par M. Jean-Jacques Hyest et Paul Loridant, dont le rapport, remis le 28 octobre dernier, écartait cette solution et formulait de très nombreuses propositions, parmi lesquelles l'instauration d'une procédure de secours pour les cas les plus désespérés.

Evoquant le développement récent de circuits de distribution exclusivement consacrés aux plus démunis, Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis, a rappelé l'implantation en novembre 1996 en région parisienne d'une enseigne proposant l'accès à la propriété de biens de consommation durables à des personnes aux faibles revenus, sous forme d'une location avec option d'achat, c'est-à-dire par le versement régulier de loyers pour un bien (téléviseur, réfrigérateur), dont le consommateur disposait immédiatement mais dont la propriété ne lui était transférée qu'à l'issue d'une période de trois ans.

Convenant que ce système était tout à fait légal, le rapporteur pour avis s'est déclaré néanmoins choqué par le fait que, conçu pour des populations défavorisées, il ait pourtant un coût final égal en moyenne à deux fois le prix de l'achat au comptant. Elle s'est insurgée contre le fait que, de la sorte, ce soient les plus pauvres qui paient le plus cher. Elle a rappelé que M. Jean-Jacques Robert avait été nommé rapporteur de deux propositions de loi, l'une dont il était le coauteur et l'autre déposée par M. Louis Minetti et plusieurs de ses collègues, visant toutes deux à moraliser ces pratiques.

Dressant un bref bilan de la politique française de la concurrence, Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis, a indiqué que :

- l'année passée, la DGCCRF a mené 1.430 enquêtes de lutte contre la contrefaçon -qui porte un préjudice très grave aux entreprises françaises- débouchant sur 264 procès-verbaux et permettant de retirer 300.000 produits du marché français, concernant surtout l'habillement et la parfumerie ;

- 245 enquêtes ont été menées dans le cadre de la lutte contre les ententes et les abus de position dominante. Le Conseil de la Concurrence a été saisi à 36 reprises ;

- les pratiques restrictives de concurrence ont donné lieu à plusieurs condamnations par le juge ;

- le suivi des marchés publics par la DGCCRF a conduit à la détection d'ententes : le ministre des finances a saisi le Conseil de la Concurrence à dix reprises pour pratiques anticoncurrentielles dans les marchés publics ;

- plus de 240.000 enquêtes concernant la qualité des produits ont été menées, conduisant à 17.000 avertissements et 6.900 procès verbaux ;

- 158.000 contrôles de la sécurité des produits ont été effectués, conduisant parfois à des mises en garde ou à des retraits du marché. Une opération spécifique anti-arnaques à la consommation a en outre été menée au cours de l'été.

Prenant acte du souci de préservation des moyens de la concurrence et de la consommation, dont faisait preuve, à son sens, ce projet de budget, Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis, a précisé qu'elle voterait, à titre personnel, pour son adoption mais qu'elle s'en remettait toutefois à la sagesse de ses collègues quant à l'avis de la commission.

Félicitant le rapporteur pour la qualité de son exposé, M. Georges Gruillot lui a demandé d'insister en séance publique sur la situation parfois dramatique des consommateurs les plus défavorisés, souvent séduits par des opérations publicitaires qui les amènent à engager de trop lourdes dépenses. Il a considéré en outre que l'incitation aux jeux d'argent posait un problème moral en ce qui concerne les populations disposant des plus faibles revenus.

Au cours d'un échange de vues, Mme Jeanine Bardou a fait observer que la nécessaire liberté laissée à chacun de disposer de son revenu devait néanmoins être prise en compte

M. Louis Minetti a jugé que le rapport pour avis sur les crédits de la concurrence et de la consommation était, avec Mme Odette Terrade comme rapporteur, " en de bonnes mains ". Corroborant le point de vue de M. Georges Gruillot, M. Louis Minetti a comparé le rôle de la télévision et des médias dans notre société à celui des lampes auxquelles viennent se brûler les insectes. Il a jugé qu'un problème moral se posait pour les comportements de consommation précédemment décrits des personnes les plus défavorisées, mais que le droit ne pouvait toutefois tout réglementer.

M. Jean Huchon, président, a estimé qu'en matière de fruits et légumes, le contrôle étroit exercé par l'administration sur la production devait être appliqué de la même façon à la présentation de ces produits par la grande distribution.

M. Hilaire Flandre a considéré que les associations de consommateurs devaient s'abstenir de diffuser de fausses informations, comme cela avait été le cas dernièrement au sujet de la teneur en nitrate de certaines pluies.

Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis, la commission s'en est ensuite remis à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits consacrés à la concurrence et à la consommation dans le projet de loi de finances pour 1998 .



1 Voir le rapport pour accès de M. Louis Minetti, au nom de la commission des affaires économiques, sur le projet de loi de finances pour 1997, n° 88, Tome IX.

2 Groupe de travial commun à la commisison des lois et à la commission des finances. Rapport de M. Jean-Jacques Hyest et Paul Loridant : " surendettement, prévenir et guérir ".

3 Notamment celui de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS), " Travail social et surendettement " publié en 1996, et le rapport précité du Sénat " Surendettement prévenir et guérir ", novembre 1997.

4 Ibid.

5 Sondage de l'institut CSA portant sur un échantillon représentatif de 157 clients, réalisé pour Crazy George's en octobre 1997.

6 Directive 97155/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 octobre 1997 modifiant la directive 84/450/CEE sur la publicité trompeuse afin d'y inclure la publicité comparative.

7 Voir question écrite n° 1966 du 31 juillet 1997 de M. le Sénateur Bernard Plasait, réponse au JO du 9 octobre 1997.

8 Voir la proposition de résolution n° 3460, Assemblée nationale, 19 mars 1997.

9 5 milliards d'écus de chiffre d'affaire mondial et 250 millions d'écus de chiffre d'affaire communautaire.

10 26ème rapport sur la politique de concurrence pour 1996, Commission européenne 434 pages, 1997.

11 Le mercredi 28 mai dernier.

12 Résolution n° 47, adoptée par la commission des affaires économiques, annexe au procès verbal du 22 octobre 1997.

13 Arrêt rendu le 23 octobre 1997.

14 " Sauver La Poste : devoir politique, impératif économique " présenté par M. Gérard Larcher.

15 relatif à l'année 1996.


Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page